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Aux origines d'Internet et de la micro-informatique

Le premier PC d'IBM, le model 5150 commercialisé le 12 août 1981. Toujours dans l'ombre mais non moins essentiels, se trouvaient Intel et Microsoft. Document IBM.

1981, naissance de l'ordinateur personnel (IV)

En 1964, dix ans avant la révolution de la micro-informatique et une génération avant Internet, le célèbre David Sarnoff qui capta en 1912 les signaux du navire "Olympic" à propos du naufrage du Titanic (et qui fonda les compagnies NBC et RCA et développa la télévision), écrivit ce commentaire prémonitoire : "l'ordinateur deviendra le moyen d'un vaste réseau de stations de données distants et de banques d'information alimentant une machine en informations à un taux de transmission d'un milliard de bits par seconde ou plus. Les canaux laser vont grandement augmenter la capacité mémoire et la vitesse auxquelles elle sera transmise. Par la suite, un réseau de transmissions global supportant la voix, les données et le fac-similé reliera immédiatement l'homme à la machine -- ou de machine à machine - par voie terrestre, aérienne ou sousmarine ainsi que de circuits spatiaux. [L'ordinateur] affectera les manières dont l'homme pense, ses moyens d'éducation, son rapport à son environnement physique et social, et il changera ses manières de voir la vie... [Avant la fin de ce siècle, ces forces] fusionneront dans ce qui incontestablement deviendra la plus grande aventure de l'esprit humain." Génial, n'est-ce pas ! Sans connaissance, sa prémonition sera confirmée quelques décennies plus tard.

Avec les années 1980, les entreprises comme le public vont commencer à regarder la micro-informatique sous le regard de la technologie.

L'expansion lente mais durable de la micro-informatique, l'intérêt du public pour les groupes de discussions (CompuServe, etc) et autres Bulletin Board Systems (BBS) ainsi que la mise au point de nouveaux composants, plus petits, plus puissants, plus rapides et meilleur marché, sont autant d'indices d'une évolution qui va graduellement mettre en contact d'abord des industriels et des scientifiques, puis des amateurs avertis et finalement le grand public avec un nouveau genre d'appareils et de nouvelles activités dans lesquelles l'électronique, l'informatique, le multimédia et les réseaux câblés comme sans fil seront étroitement liés.

Après l'invention du premier transistor à semiconducteur (1948), du circuit intégré (1957) et 6 ans après que la commercialisation de l'Altair 8800 par MITS, le 12 août 1981, IBM sortit le premier ordinateur personnel (PC), le célèbre modèle IBM 5150. Voici la publicité de ce premier PC XT. Il fut construit en collaboration avec deux contractants externes, les entrepreneurs... Gordon Moore et Bill Gates que nous resaluons !

L'IBM PC en couverture du magazine "Byte" en janvier 1982.

Cet ordinateur ainsi que le modèle PC XT et PCJr qui suivront étaient équipés d'un processeur Intel 8088. Tirant profit de la technologie HMOS, il contenait 29000 transistors, des canaux de 3 microns, une architecture 8 bits et 40 pins alimentées en 5 V pour une cadence de 4.77 MHz. Grâce à cette architecture et un logiciel d'exploitation intelligent PC-DOS 1.0, cet ordinateur de 12 kg pouvait lire et sauvegarder des données sur disquette et les imprimer.

Avec seulement 16 KB de mémoire vive (RAM) puis 64 KB extensible à 640 KB, équipé d'une carte graphique basse résolution (CGA), il était moins puissant qu'une calculette moderne.

Le prix du PC était très élevé : 1565$ aux Etats-Unis (3500$ soit 2500 € actualisés) ! En Europe, il fallait compter plus du double, soit l'équivalent de plus de 6000$ (4400 €) actualisés ! La micro-informatique n'était pas encore à la porté du grand public...

IBM pensait vendre 240000 exemplaires de son PC. Il en vendit 2 millions en trois ans ! Le succès était inattendu, du moins dans l'esprit d'IBM.

C'est à cette époque que la plupart des écoles d'informatique ont commencé à remplacer leur mainframe IBM 370 et leurs encombrants lecteurs de cartes perforées par des PC et à développer les premiers réseaux locaux (LAN et WAN). Cette évolution permit à beaucoup d'amateurs d'acheter leur premier micro-ordinateur et aux compagnies d'investir dans leurs premiers serveurs et postes de travail.

Dans la foulée, en 1981 IBM contacta Microsoft et leur demanda de leur développer un système d'exploitation (DOS) pour leur PC. Pris de court, Paul Allen contacta un autre développeur, Tim Paterson et lui racheta son DOS. Allen le rebaptisera "MS-DOS". Ce système d'exploitation tournait déjà sur plus de 150 millions de micro-ordinateurs "compatibles IBM". Microsoft représentait un chiffre d'affaire de 7.5 millions de dollars, soit 3 fois plus que l'année antérieure, et employait 40 salariés, soit 30% de plus qu'un an auparavant. Le salaire des développeurs allait bientôt dépasser les 100000$ par an.

Le prix du PC d'IBM restant élevé, pendant plusieurs années il fut uniquement utilisé par des professionnels, mais en 1983, baisse des prix aidant et grâce à la passion communicative des utilisateurs, le grand public commença à s'intéresser à cette nouvelle invention.

Le départ de Paul Allen

Paul Allen quitta Microsoft en 1983 pour des raisons de santé. On venait de lui diagnostiquer un premier lymphome non hodgkinien. Ensuite ses relations avec Bill Gates se détériorèrent au point que les deux anciens fondateurs se détestèrent furieusement à propos d'une affaire de rachat des actions de Microsoft, Paul affirmant qu'il avait plus travaillé au succès de l'entreprise que Bill, ce qui était tout à fait exact. Mais si Paul avait les idées, il faut aussi reconnaître que c'est Bill qui les concrétisa.

Finalement Paul investit ses milliards de dollars dans des oeuvres philanthropiques et différentes sociétés grâce à son fonds propre nommé Vulcan. Paul investit également dans l'aérospatial, la culture, la production de films, l'immobilier et le sport. On lui doit notamment le réseau radioastronomique ATA alias Allen Telescope Array installé en Californie en 2007 dont le projet est estimé à 30 millions de dollars et partiellement consacré à SETI. Au cours de sa vie on estime que Paul offrit 2 milliards de dollars à diverses causes. Paul Allen nous quitta le 15 octobre 2018 des suites d'un second lymphome. Il avait 65 ans.

1983, le PC Junior d'IBM

Le processeur Intel 8088 équipant le PC 5150, le PCJr et le PC XT d'IBM ainsi que de nombreux compatibles. Document Stanford University. VLSI group.

Fin 1983, IBM annonça le PCjr, une version domestique de son PC à 669$ et équipé de 64 KB de mémoire, du PC DOS 2.10 et d'options audios et vidéos. Le constructeur proposait en option une extension de 128 KB de mémoire et un lecteur de disquette de 360 KB de 5.25", portant son prix à 1269$ soit environ 3000$ actualisés.

En parallèle, des sociétés d'électronique développèrent des périphériques compatibles, notamment des lecteurs de disquettes, des extensions mémoire et les premières interfaces applicatives (cartes d'interfaces à des fins scientifiques mais également ludiques).

L'ordinateur était équipé d'usine d'une carte son à trois voies de qualité supérieure à celle du haut-parleur intégré et d'une carte graphique basée sur le processeur graphique VGA (Video Gate Array) offrant la possibilité d'afficher des graphiques couleurs en haute résolution. La carte VGA offrait une définition de 640x480 pixels en 16 couleurs ou de 320x200 pixels en 256 couleurs. Elle supportait les anciens standards EGA, CGA et MDA.

Pour celui qui pouvait s'offrir un écran couleur supportant le standard VGA (un luxe à l'époque), l'affichage n'avait plus rien à voir avec les anciens écrans en deux tons et leurs pixels soit allumées soit éteintes. Comme les écrans actuels, vu de près l'écran couleur ressemblait à une fine grille matricielle couverte de taches floues multicolores plus ou moins lumineuses et contrastées, offrant pour la première fois une image toute en nuances et douce à regarder, perceptuellement très proche de la réalité.

Le système disposait également d'un port (slot) pour installer des cartouches sur ROM permettant aux utilisateurs d'accéder à des jeux et de programmer en BASIC. Il permettait aussi d'utiliser d'autres BIOS et firmwares.

Restait la question du clavier. Il s'agissait d'un clavier compact et sans fil, alimenté par deux piles AA et utilisant une liaison infrarouge avec l'unité centrale.

Alors que le PC 5150 de 1981 disposait d'un clavier étendu de 83 touches, le clavier du PCJr ne disposait que de 62 touches, ce qui fit dire au New York Times que ce clavier "n'était pas adapté à de la dactylographie sérieuse à long terme". Le magazine BYTE écrira même que ce clavier était "une nouvelle norme de produit pour handicaper intentionnellement" les clients. Peu après IBM accepta d'échanger gratuitement ce clavier par le modèle étendu.

Les premiers ordinateurs furent livrés en janvier 1984, ouvrant définitivement l'accès à la micro-informatique au grand public.

IBM vendit 500000 exemplaire de ce modèle. Le PCJr était toutefois deux fois plus cher que l'Amiga-8 ou le Commodore 64 mais offrait l'avantage d'être compatible avec le PC, ce qui finalement incita beaucoup de distributeurs à vendre des modèles "compatibles" avec le succès que l'on sait.

Par défaut le PC IBM puis les compatibles étaient livrés avec un lecteur interne de disquettes de 5.25". Mais étant donné que les premières mini-disquettes de 3.25" furent commercialisés en 1983 (cf. page 2), rapidement tous les ordinateurs ont adopté ce nouveau format.

A gauche, une feuille de calcul de VISICALC, l'ancêtre de Lotus et d'Excel. A droite, le PCJr d'IBM dont le clavier compact fut tant décrié et finalement remplacé par un modèle étendu.

C'est à cette époque qu'avec mes amis nous parlions de VISICALC (l'ancêtre de Lotus et d'Excel) comme d'un logiciel miracle capable d'effectuer moyennant un peu de programmation toutes les opérations financières et statistiques.

Le fait qu'un amateur utilise un PC IBM le plaçait d'office sur un piédestal, comme s'il était un gourou de la micro-informatique, ce qu'il devait sans doute un peu être en ce temps là... Au milieu des années 1980, il n'y avait pas un retour de travail où on ne discutait pas de cette technologie tellement elle nous fascinait.

En revanche, les directeurs d'IBM, alors accaparés par leurs minis et mainframes ainsi que par leurs machines à écrire à boule révolutionnaires, n'ont pas cru en leur invention et n'ont pas pris de droits d'exclusivité sur le travail réalisé par leurs contractants. Ainsi Gordon Moore a continué à créer et à vendre de nouveaux processeurs Intel tandis que Bill Gates développa ses propres affaires en créant de nouveaux logiciels d'exploitation (DOS) et bureautiques.

1984, sortie du Macintosh

Après le ridicule Apple //c qui ne sera utilisé que par quelques amateurs novices en informatique, Apple connaîtra son premier véritable échec commercial avec l'Apple ///. Puis vint le Lisa en 1983 livré avec la toute première souris informatique. Mais Lisa fut un autre échec commercial pour une raison évidente, son prix fixé à environ 10000$ (20000$ actualisés) sans disque dur. Cela suffisait !

Le Macintosh 128 K sorti en 1984 fut un succès commercial mitigé. C'est le Macintosh SE, présenté ci-dessus, sorti en 1987 qui connaîtra le plus de succès avec ses 512 KB de mémoire et son disque dur de 20 puis 40 MB.

Wozniak et Jobs se rendirent compte que leurs modèles n'étaient pas assez innovants, peu performants et supportaient mal la concurrence d'IBM et des premiers "PC compatibles". Il fallait innover ou la marque allait s'éroder et disparaître.

Steve Wozniak et son équipe technique ont alors pressé la pomme et en ont extrait pour ainsi dire la quintescence en développant un ordinateur relativement meilleur marché mais surtout révolutionnaire.

En janvier 1984, Apple sortit le Macintosh, le fameux "Mac", qui sera décliné en 7 versions. Bien décidé à marquer son époque, cet ordinateur était intégré, très compact et plus complet que tout ce qui existait jusqu'alors.

Bien que disposant d'un écran monochrome de petite taille (512 x 342 pixels) à une époque où les premiers écrans couleurs VGA de 14" étaient déjà commercialisés, le premier Mac disposait d'un processeur Motorola MC68000 cadencé à 7.8 MHz sur lequel tournait un système d'exploitation MacOS 1.0. Il était équipé d'une interface graphique en haute résolution offrant un dégradé N/B de 9 tonalités, de 64 KB ROM et 128 KB RAM, d'un lecteur de mini-disquette de 3.5", d'une interface série et d'un nouvel accessoire, la souris AppleMouse II (modèle M0100 munie d'un port DE-9).

Ce petit ordinateur cubique était livré par défaut avec toute une bibliothèque de logiciels (Mac Write, Mac Paint, Mac Draw, etc). Compact et pesant entre 8 et 10 kg, le Mac était une solution complète innovante à faire pâlir la concurrence. Ce modèle fut proposé à 2495$ (4500$ actualisés).

Mais disposant de peu de mémoire, au terme de la première année les clients boudèrent ce modèle, si bien que Steve Jobs fut contraint de proposer un nouveau modèle, le Mac SE équipé de 512 KB RAM et d'un disque dur de 20 puis 40 MB. Seul inconvénient, il coûtait 3195$ (environ 6300$ actualisés), plus du double d'un Apple II, un prix dissuasif pour l'amateur mais accessible aux entreprises, notamment pour leur secrétariat.

A voir : Première publicité pour le Macintosh

réalisée par Ridley Scott et diffusée lors du Super Bowl en 1984

Colby WalkMac

Le prototype de portable d'Apple fabriqué en 1987 (7300$)

En mai 1984, Apple proposa également la souris avec les ordinateurs Apple IIe et //c.

A partir de 1986, les Mac disposèrent d'une interface SCSI puis réseau. Le dernier modèle, le Macintosh Classic sorti en 1990, disposait de 4 MB RAM et d'un disque dur de 40 MB.

L'offre d'Apple était potentiellement séduisante car le client recevait un ordinateur clé en main et n'avait plus à se préoccuper des logiciels ou des connexion; tout était compris. Cerise sur le gâteau, l'installation des logiciels était totalement gérée par le système, il n'y avait aucune mauvaise surprise au point qu'elle pouvait être réalisée par un novice en informatique. L'interface SCSI garantissait également une compatibilité hardware universelle. 

Le Macintosh II sorti en 1987. Disposant de slots d'extension, il donna ses lettres de noblesses à Apple.

A la même époque, l'amateur d'IBM ou de PC devait tout acheter séparément (l'unité centrale, l'écran, le clavier, la souris, la carte réseau, le système d'exploitation et les logiciels) ou accepter une offre standard mais généralement incomplète.

Quant aux installations hardware ou software, n'en parlons pas, elles ont toujours été plus ou moins problématiques sous DOS comme sous Windows en raison d'une mauvaise gestion de la mémoire et de la multiplicité des drivers et des couches logicielles.

Le Macintosh II, alias "Mac 2", sortit en 1987. Proposé au prix  de 4000$ (7200$ actualisés), ce haut de gamme exploitait un processeur Motorola 68020 cadencé à 16 MHz, il offrait 6 slots d'extension NuBus, 8 slots d'extension mémoire et deux baies pour des disques durs internes.

Apple sortit le modèle Macintosh IIfx en 1990. Ici à nouveau, le prix dissuada la plupart des amateurs : 9800$ (16200$ actualisés) ! II ou IIfx, le Mac 2 fut réservé aux professionnels capables de l'amortir et à une poignée d'inconditionnels d'Apple.

La qualité et les performances du Macintosh II et IIfx incitèrent de nombreuses sociétés à développer des logiciels très évolués autour de cette plate-forme d'avant-garde : des logiciel de publication, de traitement d'image, de création musicale, de rendering (création d'images de synthèse), des simulateurs de processus, des logiciels éducatifs, etc. C'est ainsi qu'on retrouva les Mac 2 chez les imprimeurs, les infographistes ou chez les musiciens, bref avant tout chez des artistes et des utilisateurs très exigeants.

Bien sûr certains versions de ces logiciels tournaient également sur les PC et compatibles, mais leur interface graphique fonctionnait toujours sous DOS, en mode texte ou graphique CGA, très rarement en mode VGA, et n'avait pas encore la qualité des versions Mac, ce qui déclencha bien des frustrations chez les clients d'IBM et compatibles.

Steve Jobs dans son bureau de Californie en 1985. Il a 30 ans et porte dorénavant barbe et moustache, histoire de le confondre un peu plus avec Steve Wozniak.

Mais l'environnement fermé du MacOS rendait la tâche des fabricants d'interfaces, des bricoleurs et des amateurs plus complexe que sur PC. Par ailleurs, le marché restreint d'Apple (<10%) n'incitait pas les fabricants à investir de l'argent dans un marché peu rentable.

En fait il y avait dix sinon cent fois plus d'accessoires, d'interfaces et de logiciels tournant sur PC qu'il n'y en avait pour Apple. Mais en revanche, pendant des années, les applications Mac ont bénéficié d'une qualité nettement supérieure à leur concurrent.

C'est bien simple, à cette époque les PC affichaient des codes d'erreur, des dump mémoire en mode texte et se plantaient régulièrement en raison d'une mauvaise gestion mémoire ou de bugs. Non seulement, cela agaçait les utilisateurs qui devaient relancer leur ordinateur, mais le plantage entraînait la perte des dernières données qui n'avaient pas été sauvegardées, avec parfois à la clé, une corruption des fichiers restés ouverts !

A côté de cela, les Mac présentaient une stabilité étonnante. Ils affichaient bien quelques "bombes" (le logo d'une mine signifiant une erreur système) accompagnées d'un "Tong" bien sonore, mais l'utilisateur perdait rarement la main, l'environnement MacOS étant à même de gérer ces situations critiques. Et ne parlons pas des virus, face auxquels l'environnement Unix du Mac était presque immunisé, à l'inverse du DOS et plus tard de Windows. Cette différence s'est maintenue jusqu'à aujourd'hui.

Evidemment le public et les amateurs en particulier ne voyaient pas l'offre d'Apple sous cet angle. La plupart des amateurs étant peu fortunés, ils n'ont jamais acheté leurs logiciels mais utilisèrent des copies pirates faites au bureau ou chez des amis, si bien qu'Apple n'avait aucune chance de les convertir au prix où il vendait ses produits. C'est pourtant ces millions d'utilisateurs qui pouvaient potentiellement dynamiser Apple et inciter Wozniak et Jobs à innover. Mais nos deux amis ne l'entendirent pas ainsi, et  pendant près de 20 ans ils réservèrent les Apple à un public de privilégiés, acceptant de payer un prix que beaucoup ont jugé surfait. Pendant ce-temps, Bill Gates et les milliers de fabricants qui supportaient ses projets tendirent leur toile à travers le monde, absorbant des sociétés et s'accaparant l'essentiel du marché micro-informatique.

NeXTSTEP

En 1985, Steve Jobs est évincé du conseil d'administation d'Apple, officieusement en raison de son caractère (très) autoritaire qui déplut à la majorité des managers de l'entreprise.

Bien que secoué par cette décision inattendue, sur ses fonds propres Steve Jobs et plusieurs anciens directeurs et ingénieurs d'études d'Apple créent une nouvelle société, NeXT, Inc. dans l'intention de développer une nouvel ordinateur tournant sur un OS de leur invention, NeXTSTEP.

Ce système d'exploitation tournant sous BSD 4.3, un dérivé de Unix modifié par le DARPA, était basé sur un noyau Mach écrit en C à la même époque respectant la norme de sécurité TCSEC définie par le Département de la Défense américain.

Malheureusement cet ordinateur ne se vendit qu'à 50000 exemplaires la première année et fut une erreur stratégique cuisante pour Steve Jobs qui en tira la leçon.

On reviendre sur le NeXT au temps du web.

1984, première tablette tactile

C'est en 1984 que les frères Sherif et Adel Danish de Polytel présentèrent la première tablette tactile Keyport 300. La même année Casio proposa la première montre à écran tactile, le modèle AT-550 présenté ci-dessous (cf. cette vidéo à partir de la séquence 1:48).

Ensuite, il faudra attendre septembre 1989 pour que Samsung propose la première tablette grand public, la GRiDPad fabriquée en collaboration avec Grid Systems Corporation. Proposée à 3000$, elle fonctionnait avec un logiciel tournant sous MS-DOS et disposait d'un écran monochrome de 640x400 pixels et d'un stylet. Elle fut surtout achetée par les institutions et les professionnels.

Casio AT-550 (1984) Keyport 300 de Polytel (1984) GridPad de Samsung/Grid Systems corp. (1989)

Newton d'Apple (1993)

iGesture pad de Fingerworks (1998)

Magic Trackpad d'Apple (2010)

En août 1993, Apple sortit le Newton, un assistant personnel à écran tactile sans clavier muni d'un logiciel de reconnaissance de l'écriture manuscrite. Équipé d'un écran monochrome, il utilisait un stylet et fonctionnait sous NewtonOS.

Ensuite, il faudra attendre 1998 pour que FingerWorks commercialise le iGesture Pad, un clavier tactile similaire au Magic Trackpad d'Apple. Finalement, c'est en 2007 qu'Apple commercialisa son iPhone.

1985, naissance de Windows

Bill Gates n'était pas insensible à l'ergonomie et la qualité des Macintosh. En 1985, ainsi que le révèle l'image ci-dessous à gauche prise dans son bureau de Bellevue, dans l'État de Washington, il testa la version alpha de Windows sur... un prototype du Macintosh offert gracieusement par Steve Jobs ! En le voyant, Bill Gates aurait dit "De toutes les machines que j'ai vues, le Macintosh est le seul qui dégage une certaine originalité."

En fait, bien des années plus tard, Steve Jobs lui dit à peu près la même chose. Mais lors d'une interview publique diffusée à la télévison, Jobs dit à propos des employés de Microsoft qu"ils n'avaient aucun goût", une remarque qui déplut fortement à Bill Gates. En voyant le reportage, Steve Jobs reconnut avoir été trop loin et qu'il aurait dû garder cette remarque pour lui. Il s'excusa en téléphonant à son ami Bill mais le mal était fait.

A voir : 1983 Apple Event Bill Gates and Steve Jobs

Historique de Windows

A gauche, une photographie très rare. Bill Gates en 1985, il a 29 ans, affalé sur son bureau de Bellevue, dans l'état de Washington. Dans un an il sera milliardaire. Mais il y a plus étonnant. Examinez bien l'image... Quel modèle d'ordinateur voit-on sur l'appui de fenêtre ? Un Macintosh 512K sur lequel il testa la version alpha de Windows en accord avec Steve Jobs. A droite, Windows 1.0 commercialisé en 1985. Les fenêtres étaient juxtaposables.

Microsoft commercialisa la première version de Windows 1.0 en 1985. Le nom "Windows" fut inventé par Rowland Hanson, le directeur du Marketing de Microsoft. Constatant que les journalistes ne parlaient plus d'interface graphique mais de "fenêtres" qui s'ouvraient à l'écran, Rowland eut l'idée de génie de baptiser le nouvel OS Microsoft Windows.

Voici comment Microsoft décrivit son invention lorsque Windows fut rendu public : "En novembre 1985, Microsoft commença à livrer Microsoft Windows, un environnement d'exploitation graphique qui tourne sous le système d'exploitation Microsoft MS-DOS. En tant qu'extension du MS-DOS, Microsoft Windows gère le hardware tel que le clavier, l'écran et l'imprimante. Ce produit permet aux nouvelles applications de s'afficher elles-mêmes de manière graphique et standard indépendamment des périphériques vidéo et autres sorties. Microsoft encourage les développeurs de logiciels indépendants à créer des programmes applicatifs qui tireront profit des particularités de l'interface utilisateur graphique. Lotus Development a récemment annoncé son intention de poursuivre le développement de produits applicatifs qui tourneront sous Windows. Les nouvelles applications propres de Microsoft seront basées sur Microsoft Windows. Il est trop tôt dans la vie de Microsoft Windows pour déterminer quel niveau d'acceptation sera atteint dans le marché."

On comprend qu'à l'époque Microsoft, bien que regardant vers le futur, était timide et modérément confiant, n'ayant pas encore le recul nécessaire pour prendre conscience de toute la puissance d'attraction que représentait son invention. Mais personne n'est clairvoyant ou devin.

A l'époque chacun devait choisir entre Apple et les compatibles tournant sous Windows et bien malin celui qui pouvait prédire qui allait remporter le marché même si on constatait que les produits propriétaires d'Apple représentaient en soi un marché plus étroit que celui des produits ouverts de Microsoft. Même Microsoft Windows avait un concurrent, GEM, qui disposait également d'une interface graphique à fenêtres. Bien que plus évolué, présentant des fenêtres superposables et une meilleure résolution, GEM ne sera pas très apprécié des utilisateurs et perdit un autre marché du siècle.

Le prospectus financier S-1 édité par Microsoft en mars 1986 concernant les nouvelles actions de l'entreprise. Cliquez sur l'image pour ouvrir le prospectus (PDF de 247 KB).

Très largement inspirée de l'interface du Macintosh, Windows en reprenait la philosophie jusqu'aux détails : fenêtres, ascenseurs, menus déroulants, icônes, souris, etc. A se demander comment Apple n'a jamais attaqué Microsoft pour plagiat ou espionnage industriel. Sans doute que Bill Gates et surtout Charles Simonyi et ses développeurs furent-ils assez intelligents et malins pour reprogrammer l'interface à leur manière sans violer aucun brevet ni copyright. On peut aussi imaginer qu'ils ont conclu des accords financiers avec Apple pour gagner du temps. On connaîtra peut être la vérité un jour.

En 1986, Microsoft gagna tellement d'argent qu'elle put entrer en Bourse à Wall Street comme le décrit le prospectus S-1 présenté à droite. Comme tous les prospectus financiers, il informe les clients sur la nature de l'émetteur, les risques et les caractéristiques de l'instrument financier.

L'action fut proposée à 21$ chez Goldman Sachs et Alex Brown & Sons. Immédiatement Bill Gates et Paul Allen devinrent milliardaires.

La "success story" de Microsoft doit beaucoup à son équipe de management dont Charles Simonyi qui inventa le WYSIWYG et aux équipes commerciales qui maîtrisent parfaitement les techniques de marketing. Avec Windows, Bill Gates et son équipe nous ont démontré qu'une simple idée centrée sur une interface unique et indispensable et pas mal de détermination, paye.

Comparé aux environnements informatique d'aujourd'hui, la première version de Windows nous paraît "primitive". Mais elle l'était déjà en son temps comparée à l'interface graphique en haute résolution du Mac SE ! Mais dans les deux cas, pensez que 10 ans auparavant, nous étions encore au papier et au stylo !

En 1986, Steve Jobs fonda (c'est ce qu'il prétendit) ou plutôt finança la société Pixar en rachetant la Computer Division de Georges Lucas qui eut l'idée géniale d'inventer l'animation de synthèse, numérique, pour élaborer les séquences les plus complexes de "Star Wars".

"Toy story" (1995) fut le premier film totalement réalisé en animation de synthèse produit par Pixar. Ce fut un succès retentissant au box office. Steve Jobs en fit la promotion pour attirer les investisseurs tout en sachant qu'il n'y avait rien derrière, juste des projets virtuels. Mais du fait de son charisme, les investisseurs y ont cru et du jour au lendemain la société Pixar entra en bourse et Steve Jobs devint multi millionnaire !

Windows 2 sortit en 1987 et Windows 3 en 1990. La version 3.1 connaîtra la plus longue carrière et fut à peu près stable pour qui savait bien gérer la mémoire ainsi que les paramètres système et applicatifs.

C'est alors que les utilisateurs furent confrontés à un choix : continuer avec Apple et ses ordinateurs Mac très ergonomiques et très bien programmés mais très chers et fermés ou s'orienter vers les PC compatibles vendus à prix cassés ou presque, à l'architecture ouverte et sur lesquels tournaient des programmes parfois bugués mais très nombreux et disposant d'une liste impressionnante d'accessoires et de cartes d'extensions, l'ordinateur polyvalent par excellence, à usage à la fois professionnel et ludique.

Windows se plantait si souvent que même Bill Gates fut victime des fameux "blue screen" lors de plusieurs de ses présentations. Récemment, le physicien Michio Kaku n'a pas pu se retenir de lancer cette boutade y faisant référence lors d'une conférence sur les technologies du futur : "Microsoft fonctionne ...ça c'est aussi une contradictoire dans les termes" !

Le choix des utilisateurs sera facilité par la commercialisation d'un très grand nombre de PC compatibles venus d'Extrême-Orient (Taiwan, Singapour) avant que des électroniciens et des informaticiens européens se mettent à leur tour à créer leur petite entreprise d'assemblage, faisant chuter les prix des ordinateurs.

Les compatibles et Windows ont finalement conquis le marché sans pour autant évincer Apple et son MacOS qui continue plus que jamais d'intéresser les infographistes, les maisons d'édition, les musiciens et tous ceux qui apprécient autant l'informatique bien intégrée que le design.

En 1997, toutes versions confondues, Windows représentait 86.4% de parts de marché (en chiffre d'affaire comparé aux autres entreprises du secteur), ne laissant que 4.6% au MacOS, 6.0% aux OS Unix et assimilés, le restant concernant les OS mini et mainframe.

Mais la situation se retourne aujourd'hui contre Microsoft qui continue de voir ses parts de marché passer à la concurrence. Ainsi, dans le monde de la micro-informatique, les seuls concurrents de Microsoft sont Apple et les systèmes d'exploitation issus du monde Unix et notamment Linux qui intéresse de plus en plus d'utilisateurs, non seulement les autodidactes mais également les entreprises.

Fin 2008, selon la société d'audit Net Applications, Microsoft représentait plus de 89% de parts de marché d'un gâteau estimé à 60.8 milliards de dollars. MacOS vient loin derrière avec 9.6% de parts de marché tandis que Linux ferme la marche avec 0.88% de parts de marché.

Aujourd'hui Microsoft est l'une des plus grandes compagnies au monde en terme de chiffre d'affaire - c'est une des GAFAM - et représente 40000 employés dont on dit que 10000 d'entre eux sont millionnaires (à confirmer) tandis que Bill Gates compte parmi les trois plus grandes fortunes au monde... Dans cette entreprise, IBM a vraiment perdu un des marchés du siècle.

En terme de réputation, en 2020 Microsoft était remonté de la 10e à la 5e place, devançant Sony et Canon et loin devant Apple.

De son côté, Paul Allen s'est distancé de Microsoft et fonda en 2004 la société Mojave Aerospace Ventures (Vulcan Ventures) qui participe à des projets innovants, notamment à la construction du premier vaisseau destiné au tourisme spatial en collaboration avec Virgin Galactic fondée par Sir Richard Branson et Burt Rutan. Paul Allen nous quitta en 2018 à 65 ans.

1990, commercialisation de Photoshop 1.0

L'histoire du logiciel d'édition graphique Photoshop débute en 1987. Thomas Knoll, un étudiant en programmation passionné d'imagerie de l'Université du Michigan développe un logiciel qu'il baptise "Display" permettant d'afficher des images en niveaux de gris sur les écrans monochromes, qui jusqu'alors affichaient les images en deux tons, tout au mieux de façon tramée et donc sans beaucoup de détails.

Le frère de Thomas, John Knoll, qui travaillait alors chez Industrial Light & Magic, lui suggéra d'améliorer son programme et d'en faire un véritable éditeur d'images, c'est-à-dire un outil capable de corriger les images. De leur collaboration naîtra au bout de six mois un programme qu'ils baptisèrent "ImagePro1". Il sera amélioré pour inclure notamment des calques (différentes couches de dessins) et des outils pour donner quelques mois plus tard naissance à "Photoshop".

John Knoll se mit ensuite en relation avec un fabricant de scanners à films, Barneyscan, pour le distribuer. Ils vendront 200 licences de Photoshop en moins d'un an.

Peu après John Knoll prit la direction de la Silicon Valley et présenta son programme à deux entreprises connues pour leur sens artistique, Apple et Adobe. Toutes deux furent enthousiasmées par le produit et décidèrent chacune d'acheter la licence.

A voir : Use Photoshop 1.7

A consulter : Adobe Photoshop 1.0 Source Code

La version Photoshop 1.0.7 d'Abobe dans l'environnement du Macintosh III en 1990. Comme l'explique Chris Reilly sur son blog, de nos jours on peut faire tourner la version 1 en mode émulation sous Mac OSX.

En septembre 1988, Adobe accepta de distribuer ce qui deviendra Photoshop. Pendant ce temps, John Knoll développa des plug-ins (des fonctions ou programmes complémentaires basés sur le moteur de Photoshop) tandis que Thomas Knoll développa le code source en langage Pascal.

A cette époque, les Macintosh étaient surtout utilisés par les éditeurs, les graphistes, les compositeurs et plus généralement par les artistes, Steve Jobs et Steve Wozniak s'efforçant de toujours proposer à leurs clients des produits ergonomiques d'une qualité professionnelle. Photoshop fut le premier programme à l'image du perfectionnisme d'Apple.

C'est finalement en février 1990 qu'Apple commercialisa Photoshop 1.0 pour Macintosh III. Destiné aux professionnels et aux amateurs avertis, il supportait déjà les catalogues de couleurs Colormatch et Pantone et bien entendu la souris. Il faudra attendre 1992 et Photoshop 2.5 pour disposer d'une version Windows.

Comme beaucoup d'amateurs, j'ai tenté d'utiliser Photoshop à l'époque mais ne pouvant pas investir dans une formation et l'apprenant en autodidacte, il y avait tellement d'options que ce programme me parut très compliqué et même trop complexe au point que je l'ai abandonné au profit d'outils plus simples. Ce n'est que quelques années plus tard que j'y suis revenu et l'ai enfin maîtrisé au bout d'un an d'utilisation à corriger des photographies scannées et pour créer des illustrations. Aujourd'hui, j'utilise Photoshop au quotidien et il me le rend bien.

Ensuite, pratiquement tous les deux ans, Adobe proposa une nouvelle version de Photoshop. Elle comprend chaque fois des outils supplémentaires et occupe toujours un peu plus de place sur disque. Nous sommes aujourd'hui à la version Photoshop CC adaptée au cloud, la version standalone Photoshop CS6 update 13 (Creative Suite) n'étant plus commercialisée depuis 2014.

Photoshop CS était proposé au prix catalogue d'environ 1100 € ttc (2013). La version CC est proposée à partir de 11.99 €/mois. Heureusement, les étudiants et le corps enseignant, qui furent toujours considérés comme des clients privilégiés pour Apple peuvent acheter Photoshop avec une ristourne de 27%. Il existe également une version simplifiée appelée Photoshop Elements proposée à 99 € ttc.

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