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La théorie de la Relativité

Reconstruction informatique des anneaux de Cerenkov générés par des muons détectés par les tubes photomultiplicateurs recouvrant les parois du détecteur de neutrinos de  Super-Kamiokande. Document Tomasz Barszczak.

La relativité restreinte : des exemples concrets

4°. Les effets optiques (III)

Plusieurs "aberrations" relativistes apparaissent également dans le spectre électromagnétique. Les émetteurs dont la vitesse approche celle de la lumière subissent une modification de leur longueur d'onde, leur position est modifiée, l'effet Doppler doit être corrigé et le rayonnement synchrotron décale leur fréquence plus que ne le fait la mécanique classique.

La longueur d'onde

Pour les astronautes à bord de vaisseaux spatiaux luminiques, le vol relativiste offrira de curieuses surprises par suite de l'effet Doppler[3]. La vitesse de la lumière étant constante dans le vide, les vibrations seront resserrées vers l'avant et déplacées vers le bleu, tandis qu'à l'arrière elles seront détendues, décalées vers le rouge, nous fuyant.

Les astronautes verront ce phénomène de façon prononcée et les étoiles vers lesquelles ils se dirigeront afficheront une variation de coloration d'abord bleue, glissant ensuite vers le rouge dès qu'ils les auront dépassées, pour sombrer dans le rayonnement invisible. Un disque sans lumière apparaîtra alors à l'arrière du vaisseau, bordé par un arc-en-ciel à leur hauteur tandis qu'à l'avant, les rayonnements ultraviolets et de plus courtes longueurs d'ondes formeront un autre cône sombre. 

La formule qui donne la longueur d'onde λ' après effet Doppler relativiste tient compte de la longueur d'onde au repos λ et de la vitesse v du vaisseau relativiste :

λ' = γ (1 + v/c) λ

Mais une autre conséquence surprendra plus encore les voyageurs.

L'effet Doppler transverse

Einstein découvrit également que la fréquence ν' d’un rayon lumineux diffère de ν même si l'objet se déplace perpendiculairement à l'axe de visée.

ν' = γν ( 1 - cos φ/c)

avec φ, l'angle du rayon lumineux avec l'axe de visée.

Cette formule est à peu de choses près identique à la loi de transformation de l'énergie publiée dans l'article de juin 1905. L'énergie E' d'un rayon lumineux faisant un angle φ avec la direction de visée vaut :

E' = γE ( 1 - ν cos φ/c)

Einstein précisa : " L'énergie et la fréquence d'un faisceau lumineux varient suivant la même loi, en fonction du mouvement de l'observateur."

Les vitesses superluminiques

En 1977, Pearson et son équipe découvrirent que le quasar 3C273 éjectait un nodule brillant à une vitesse proche de celle de la lumière, créant des effets optiques relativistes : le centre émissif semblait avoir parcouru 25 années-lumière en 3 ans ! Une éruption identique fut découverte en 1989, probablement née lors de la période d'intense activité que le quasar connut l'année précédente. Les quasars 3C47, 3C279, 1928+73 et une dizaine d'autres ont présenté les mêmes phénomènes ainsi qu'un système très proche situé dans la Voie Lactée[4].

Vitesse transverse apparente

Avec Θ, l'angle formé par la source en mouvement et la ligne de visée.

Cet effet relativiste fut déjà expliqué en 1966 par Martin Rees[5] qui stipulait que plus le jet relativiste était proche de la ligne de visée de l'observateur plus son déplacement serait important. Selon Donald Lyndon-Bell de l'Université de Cambridge, déjà connu pour ses modèles galactiques, l'effet superluminique est égal à 2c lorsque l’objet en mouvement se déplace dans le plan du ciel mais il peut atteindre 45c lorsqu'elle fait un angle Θ très faible avec la ligne de visée. Cet effet relativiste pourrait expliquer l'intensité démesurée de leur rayonnement, faisant "loupe" devant des objets somme toute ordinaires. Mais tous les radiosources ne présentent pas cette particularité. Ainsi 3C84 n'accuse aucun déplacement relativiste.

Dans le cas du jet du quasar 3C273, celui-ci semble se déplacer 8 fois plus rapidement que la lumière. Sa vitesse réelle est voisine de 292000 km/s.

Notons qu'on a déjà observé un jet superluminique de cette ampleur dans la galaxie M87 dont le jet de rayons X émis par le trou noir supermassif se déplace à 6.3 fois la vitesse de la lumière.

A voir : Hubble Reveals Ultra-Relativistic Jet, NASA/GSFC, 2022

Localiser 3C273 : champ de 4x4° et 90'x90'

A gauche et au centre, le quasar 3C273 éjecte un jet constitué de nodules brillantes à plusieurs années-lumière de distance à une vitesse relativiste. Cet objet brille comme une étoile de magnitude 12.8 alors qu'il se situe à environ 2 milliards d'années-lumière ! Il se déplace à 48000 km/s et présente un redshift z=0.16. Document HST. Au centre, 3C273 photographié par David Hanon. Il s'agit d'un empilement RGB réalisé avec un télescope de 600 mm équipé d'une caméra CCD SBIG ST-8E. A droite, illustration de la collision suivie de la fusion de deux étoiles à neutrons à l'origine de l'évènement GW170817 qui généra des ondes gravitationnelles et un jet bipolaire de plasma se déplaçant à la source d'émission à 99.97% de la vitesse de la lumière et affichant une vitesse apparente superluminique de 7c ! Document NASA.

Suite à l'évènement LIGO GW170817 et la fusion de deux étoiles à neutrons, entre 2017 et 2022 des radioastronomes ont également découvert un effet superluminique dans le jet de plasma émit par le mergeur. Dans ce cas ci un point chaud se déplaça à la vitesse apparente de 4c, parcourant 2 années-lumière en 155 jours. Les dernières mesures enregistrées en 2022 par le Télescope Spatial Hubble combinées aux données du VLBI de 2018 indiquent que la vitesse apparente du jet bipolaire superluminique atteignit 7 fois la vitesse de la lumière pour une vitesse réelle à la source d'émission de 99.97% de celle de la lumière ! (cf. NASA).

L'effet Cherenkov

La théorie d’Einstein stipule que la vitesse de la lumière est une vitesse limite dans le vide. Mais en 1904 Sommerfeld avait prédit que dans un milieu réfringent où v=c/n, n étant l’indice de réfraction de ce milieu, la vitesse des particules pouvait dépasser c/n à condition qu’elles soient accélérées. Pavel Cerenkov redécouvrit cet effet en 1934.

Dans l’air nous savons que la vitesse de la lumière c' = c/1.00029 soit 0.099971c. Si l’on soumet des électrons à une différence de potentiel de 700 MeV ils peuvent atteindre une vitesse de 0.999999c, le facteur γ valant 707. Ce phénomène provoque l’effet Cherenkov (ou Cerenkov). Ainsi, dans le vide c = 299792 km/s, dans le cristal de plomb c = 149896 km/s.

Lorsqu’un photon (rayonnement électromagnétique ou corpusculaire) se propage à une vitesse supérieure à celle de la lumière dans le même milieu, par exemple de l'eau, l’onde de polarisation du milieu se propage à une vitesse inférieure à celle de la source. Comme illustré ci-dessous, cet effet produit un cône dont la source est le sommet. En fait, il se produit une onde à l’instar du sillage laissé par l’étrave d’un navire dans l’eau ou l’onde de choc qui se forme lorsqu’un projectile se déplace à une vitesse supérieure à celle du son.

Concrètement, si une particule traverse du cristal plus rapidement que la lumière dans ce cristal, un électron de l’atome de plomb sera éjecté à une vitesse relativiste et émettra un rayonnement dont l’effet sera similaire à celui des ondes de choc supersoniques. Dans le cas de l’effet Cherenkov, on observe un cône de lumière bleue dans une direction bien précise, tributaire de la vitesse de la particule.

A voir : IceCube Explained

Effet Cherenkov et mur du son

avec

V, la vitesse de l’objet

v’, la vitesse du rayonnement

a, la vitesse du son

c, la vitesse de la lumière

n, l’indice de réfraction du milieu de propagation

L’effet Cherenkov est à la vitesse de la lumière dans un milieu réfringent ce que le cône de Mach est au mur du son. En effet, par analogie avec les ondes sonores, lorsqu’un mobile atteint la vitesse du son, il se déplace à la même vitesse que les ondes de pression qu’il engendre par son déplacement. Il crée une onde de choc caractéristique. Lorsque sa vitesse est supersonique, les ondes de pression s’inscrivent à l’intérieur d’un cône dénommé le “cône de Mach”. Le même phénomène s’applique aux rayonnements se propageant à une vitesse relativiste (consulter le texte pour les détails). Ci-dessous, l'expérience de décroissance des neutrinos permet d'observer des anneaux de Cherenkov, seule signature de leur passage et d'en déduire les propriétés des neutrinos à l'origine de ce phénomène. Documents T.Lombry et Shinji Ohsuka adapté par l'auteur.

L'expérience H.E.S.S. installée en Namibie ainsi que l'observatoire IceCube installé au pôle Sud et une poignée d'autres observatoires (GALLEX, IMB, SAGE, SNO, Super-Kamiokande, etc) exploitent justement l'effet Cherenkov pour étudier les rayons cosmiques et autres neutrinos de haute énergie émis par les sources astrophysiques grâce à des détecteurs placés dans d'immense cuves de liquide (eau pure ou gallium dans les expériences actuelles).

Dans le cas d'IceCube par exemple, quand un neutrino interagit avec un quark d'un proton ou d'un neutron, le neutrino produit un électron ou un muon qui est éjecté à une vitesse supérieure à celle de la lumière dans l’eau. L’évènement apparaît sous la forme étonnante d’un cône de lumière bleue - l'effet Cherenkov - sur environ 250 m de distance. Cette lumière est immédiatement enregistrée par des photomultiplicateurs (PMT) placés dans 5160 sphères (DOM) suspendues dans la masse de glace. Selon la source astrophysique, l'instrument peut détecter plusieurs dizaines de neutrinos en quelques secondes. A partir de leur temps d'arrivée, de leur direction et de l'intensité lumineuse, on peut reconstruire la trajectoire des neutrinos et déterminer leur point d'origine avec une précision d'une fraction de degré. Il faut ensuite utiliser d'autres instruments et notamment des détecteurs gamma (antennes et satellites), rayons X et des radiotélescopes pour affiner la position de l'émetteur. On y reviendra en détails à propos des neutrinos émis par les quasars, les supernovae (cf. SN 1987A) et bien sûr par le Soleil.

L'aberration de la lumière et la position des étoiles

Nous avons coutume dans la vie ordinaire d'observer les étoiles à leur position réelle au cours du temps, les unes évoluant dans les régions circumpolaires les autres évoluant près de l'équateur céleste. Chaque étoile se trouve à un point de coordonnée et dans une direction précise vis-à-vis de toutes les autres. Deux observateurs quelque peu éloignés verront la même étoile sous deux angles différents. Une simple projection géométrique permet d'expliquer ces angles.

En 1728, Bradley découvrit qu’en l’espace d’une année l’étoile γ Draconis décrivait une petite ellipse de 41” devant la voûte céleste. Ce mouvement apparent annuel fut appelé l’aberration. On démontra bientôt qu’il ne s’agissait pas d’un déplacement réel de l’étoile. Il s’agissait d’un effet d’optique provoqué par la vitesse de la Terre sur son orbite autour du Soleil et du caractère fini de la vitesse de la lumière. Cette explication est confirmée par une seconde expérience, de pensée celle-ci.

Imaginons deux fusées animées d'une vitesse relativiste uniforme l'une par rapport à l'autre. Lorsque les astronautes de chaque équipage essayeront de faire le point sur les étoiles des constellations qu'ils connaissent, la direction des étoiles sera sensiblement modifiée. A mesure que leur vitesse approchera celle de la lumière, toutes les étoiles situées à l'avant du vaisseau sembleront se regrouper dans un petit halo, dans la direction de leur mouvement. Lorsqu'ils atteindront la vitesse de la lumière, toutes les étoiles seront rassemblées devant eux, dans une même direction. Il restera peu d'étoiles autour d'eux, en fait celles qui résultent de la projection des étoiles situées juste au zénith et au nadir de leur vaisseau. Idem à l'opposé : toutes les étoiles situées à l'arrière du vaisseau seront regroupées dans la direction du mouvement, c'est-à-dire dans le prolongement de la poupe. Cet effet est provoqué par un ralentissement de la vitesse de la lumière, dont la grandeur, fonction de la vitesse du vaisseau est égale au facteur γ. Cela signifie que la formule découverte par Fresnel doit également subir un traitement relativiste :

Nos astronautes pourront donc corriger les mesures qu'ils enregistreront. Il n'est donc pas étonnant de constater que lorsque le rapport v/c est voisin de 1, les effets soient très apparents. Pour v = 0.99c, γ = 7; pour v = 0.9999999c, γ = 2236, etc.

Prochain chapitre

Le rayonnement synchrotron et le voyageur de Langevin

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[3] A.Einstein, Annalen der Physik, 23, 1907, p197.

[4] L.Rodriguez et F.Mirabel, Nature, 371, 1994, pp18, 46 et suivantes.

[5] M.Rees, Nature, 211, 1966, p468.


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