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Les nébuleuses
Les nébuleuses planétaires (II) Lorsqu'en 1764 Charles Messier découvrit sa 27e nébuleuse, M27 (voir photo plus bas), il la décrivit comme "une nébuleuse sans étoiles". Il répertoriait tous les objets du ciel sans pouvoir distinguer les nébuleuses composées de gaz, appartenant à notre Galaxie, des galaxies extérieures, constituées d'étoiles et contenant également des nébuleuses. Plus tard, en Angleterre, Lord Rosse construisit son “Léviathan de Parsonstown”, un télescope de 1.83 m d’ouverture (6 pieds), grâce auquel il nota que la forme de M27 était divisée en deux segments plus denses reliés par un pont de matière (voir plus bas). Il la compara à des haltères qui fut à l'origine de son surnom, "Dumbbell". Chaque année en moyenne deux nébuleuses planétaires apparaissent dans notre Galaxie. Elles sont produites par l'expulsion lente de gaz à partir des couches superficielles de l'atmosphère d'une étoile géante. Les
nébuleuses planétaires sont associées à la mort d'étoiles de faible masse comme le
Soleil qui finissent leur vie paisiblement. Toutes les étoiles semblables au Soleil
(ou ayant une masse inférieure à ~8 M Les étoiles
dépassant ~8 M
De nombreuses nébuleuses planétaires remarquables sont accessibles aux astronomes amateurs pour citer la nébuleuse de la Lyre M57, "Dumbbell" M27, la nébuleuse "Esquimau" NGC 2392, la "Rosette" NGC 2237-9, celle du "Hibou" M97, la nébuleuse "Hélix" NGC 7293, la nébuleuse "Saturne" NGC 7009, "l'oeil de chat" NGC 6543, NGC 6751, NGC 3132, le "spirographe" IC 418. Même une toute petite nébuleuse planétaire comme NGC 6751 située à 6500 années-lumière dans la constellation l'Aigle mesurant seulement 0.8 année-lumière soit ~600 fois la taille du système solaire est visible à la magnitude 11.9. Plusieurs astronomes amateurs ont découvert des nébuleuses planétaires, certains s'en faisant une spécialité comme Pascal le Dû en France, qui coordonne le programme de recherche "Planetary Nebulae" en collaboration avec l'astrophysicienne Agnès Acker, professeur émérite de l'Université de Strasbourg. A ce jour, les amateurs ont découvert 139 candidates nébuleuses planétaires dont une vingtaine ont été confirmées. Particularité, la plupart de ces nébuleuses furent d'abord identifiées sur catalogue (dans le DSS par exemple) avant d'être photographiées et leur origine ensuite confirmée grâce à des moyens spectroscopiques.
Le surnom de ces nébuleuses évoque assez clairement leur aspect général. Sur un peu plus de 1700 nébuleuses planétaires recensées - un dixième de la population totale estimée - 70% n'ont pas cette forme typique circulaire mais sont bipolaires et présentent une symétrie plus ou moins centrale. A chaque fois, nous trouvons au centre de la nébuleuse la vieille étoile qui éjecta ce gaz, qui a généralement atteint le stade d'étoile naine ou d'étoiles à neutrons. Ces nébuleuses nous renseignent sur la constitution de l'étoile mais aussi sur la date de l'expulsion des éjecta par le calcul de la vitesse d'expansion des gaz. Les nébuleuses planétaires sont très dynamiques. Dans certaines nébuleuses planétaires, le gaz peut être animé d'une vitesse variant entre 1000 et 5000 km/s (et jusqu'à 10000 km/s dans les SNR) et engendrer des ondes de choc ainsi que des zones de turbulence locales extrêmement importantes. Malgré les apparences, ces nébuleuses peuvent être très violentes. Les astrophysiciens ont calculé que M27 présentée ci-dessus s'étend à une vitesse de 0.005" par an bien que certains filaments parcourent près de 0.068"/an. Elle dut exploser voici 4000 à 45000 ans et se situe à une distance d'environ 1300 a.l. C'est l'une des nébuleuses les plus proches de la Terre. A
voir : Exploring the Structure of the Ring Nebula,
NASA
Après avoir éjecté
jusqu'à 35% de son enveloppe (~ 0.4 M
Cette bulle de gaz contient très peu de poussière. Mais si l'étoile est peu massive, après la phase géante rouge, lorsqu'elle parvient dans la branche asymptotique des géantes (AGB), son enveloppe extérieure peut se refroidir au point qu'elle se condense pour former de la poussière. Au cours d'un cycle de pulsations, l'étoile peut alors libérer dans l'espace des nuages de poussière qui formeront temporairement une petite nébuleuse planétaire ou bipolaire. Ce sera probablement le cas du Soleil. Nous y reviendrons quand nous étudierons l'évolution des étoiles. La plupart des nébuleuses planétaires contiennent une seule étoile, un seul "noyau", mais quelques-unes contiennent un système binaire. Il s'agit en général de l'association d'une étoile bleue très chaude de classe O (~100000 K) et d'un compagnon plus froid de classe A. L'observation visuelle du système binaire est difficile car d'une part les couples sont serrés et d'autre part l'étoile bleue émet principalement en UV et son compagnon dans le spectre visible, empêchant de ce fait d'observer l'étoile à la source de l'excitation. Parmi les nébuleuses planétaires présentant un double noyau, citons NGC 3132 dans Antlia présentée plus haut contenant l'étoile binaire HD 87892 (Mv. 10.1, cf. ApJ, 1975) ainsi que NGC 1514 dans le Taureau.
Parmi les nébuleuses planétaires particulières, la nébuleuse du Boomerang ou nébuleuse bipolaire du Centaure alias LEDA 3074547 présentée ci-dessus à droite se situe à 5000 années-lumière et a été éjectée par une étoile bleue au stade Post-AGB (proto-PN) qui est dix fois plus chaude que le Soleil. Mais la nébuleuse est la plus froide de l'univers avec une température de seulement 1 K, -272.15°C, soit inférieure à celle du rayonnement cosmologique (2.73 K). Une si basse température reste un mystère pour les astronomes dont Wouter Vlemmings de l'Université Chalmers de Technologie en Suède qui a étudié cette nébuleuse en détails. Sa température glaciale pourrait s'expliquer par le fait que la nébuleuse est très jeune et expulse du gaz à un rythme effréné dont la poussée bloque non seulement les micro-ondes cosmiques qui pourraient autrement le réchauffer, mais elle évacue également la chaleur. Les astronomes ont calculé que depuis l'an 500, l'étoile centrale a perdu l'équivalent d'une masse solaire sous forme de vent stellaire, un taux qu'elle ne supportera pas longtemps. Actuellement, l'étoile centrale éjecte au moins 10 fois plus de matière par an qu'une étoile normale au même stade évolutif, c'est-à-dire de nébuleuse planétaire naissante. Son vent stellaire souffle à plus de 135 km/s, emportant le gaz loin de l'étoile mourante. Avec le temps, cette étoile devrait devenir encore plus chaude avant d'atteindre son apogée puis rapidement s'effondrer et terminer sa vie comme naine blanche. A
voir : Hubble Snaps Twin Jet Nebula’s 'Spectacular Light Show Revue de quelques nébuleuses planétaires dont M2-9, la nébuleuse du "Double Jet"
La température des étoiles progénitrices des nébuleuses planétaires est très élevée. Ce sont des étoiles dans la phase AGB qui évoluent vers la naine blanche (cf. A.Frankowski et N.Soker, 2009). Vers la fin de la phase AGB leur température effective peut atteindre 16000 K mais lorsqu'elles se transforment en naine blanche, leur température peut dépasser 100000 K. Le record est détenu par l'étoile centrale de la nébuleuse du Papillon NGC 6302 présentée ci-dessus à gauche dont la température de la naine blanche atteint 250000 K. Cette nébuleuse très brillante en lumière ultraviolette cache son étoile centrale derrière un anneau dense de poussière. Comme on le constate ci-dessous, comparées aux autres nébuleuses en émission (voire même à la taille apparente des galaxies), les nébuleuses planétaires sont de très petits objets. La plus grande M27, mesure seulement 480" ou 8', soit le diamètre apparent du quart de la pleine Lune (par comparaison la galaxie M81 mesure 25'x11' et la nébuleuse M42 couvre ~1°). Observer les plus petites nébuleuses planétaires reste donc un défi dans un petit télescope et seule la photographie permet de les révéler. A consulter : Planetary Nebulae.net (PNST) Actualités et catalogues des nébuleuses planétaires (en français)
Localisation et détection des nébuleuses A l'exception du SNR de la supernova SN 1987A qui se situe à 166000 années-lumière du Soleil dans le Grand Nuage de Magellan, toutes les nébuleuses que nous observons dans la Voie Lactée se situent tout près du Soleil, généralement dans un rayon de 5000 années-lumière (~1200 parsecs) entre le bras d'Orion et le bras du Carène-Sagittaire, c'est-à-dire le grand bras spiralé situé devant le bras d'Orion quand on regarde le bulbe, et qui s'étend sur la droite de la Galaxie entre les longitudes galactiques ~150 et 350°. M42 par exemple, se situe à environ 1344 années-lumière mais M20 se situe à 5200 a.l. et M16 à environ 7000 années-lumière Quelques-unes se trouvent dans le bras extérieur de Persée comme la "nébuleuse Eskimo" NGC 2392, la "Rosette" NGC 2237-9 ou la "nébuleuse du Crabe" M1 qui se situe à environ 6500 années-lumière. Au-delà, et en particulier en direction du bulbe galactique, il est très difficile de détecter les nébuleuses en raison de la densité des étoiles et des nuages de poussière. Nous verrons que la nébuleuse de la Carène, NGC 3372, est l'une des nébuleuses galactiques les plus lointaines que nous pouvons observer (en excluant celles visibles dans les Nuages de Magellan). Combien de nébuleuses contient la Voie Lactée ? A travers toute la Galaxie il existe des régions beaucoup plus denses en gaz que d'autres, notamment le long des bras. En 2010, dans le cadre du projet GLIMPSE, une équipe d'astronomes dirigée par Thomas Bania de l'Université de Boston utilisant le radiotélescope du VLA et le télescope spatial infrarouge Spitzer, a identifié environ 400 régions contenant de l'hydrogène ionisé (région HII) dans le milieu interstellaire s'étendant à travers le disque galactique et le halo de la Voie Lactée. Il s'agit de concentrations de gaz denses, des "blobs" pouvant contenir l'équivalent de centaines de masses solaires. Selon les mesures faites grâce au radiotélescope de Parkes en Australie, certaines régions représentent 600 masses solaires et s'étendent sur 200 années-lumière au-dessus de l'extrémité de la barre nucléaire, les zones situées entre les bras de la Voie Lactée en contenant très peu.
On suppose que ces régions actives se sont formées suite à l'explosion de supernovae qui ont soufflé le gaz présent dans le milieu interstellaire jusqu'au-dessus du plan du disque. Ce gaz contient des débris et des éléments lourds. On estime que dans ces régions, entre une et dix masses solaires de gaz sont converties en étoiles chaque année. Si on extrapole ces découvertes à toute la Voie Lactée, Bania estime qu'il existerait entre 2000 et 25000 régions ionisées dans la Galaxie potentiellement détectables par le radiotélescope de Green Bank et, selon Loren Anderson du Laboratoire d'Astrophysique de Marseille (LAM), il en existerait trois fois plus qui ne sont pas détectables avec ce radiotélescope. Cela montre que la Voie Lactée est toujours en pleine activité et n'est pas prête d'arrêter de produire de nouvelles étoiles. Nous décrirons dans un autre article les caractéristiques physico-chimiques du milieu interstellaire. Populations d'étoiles et classes de luminosité Ainsi que nous venons de l'expliquer, l'existence des nébuleuses est intimement liée à celle des étoiles dont elles sont soit les précurseurs soit les éjecta expulsés ou non employés. Afin de rendre l'étude de la diversité des étoiles un peu plus compréhensible, en 1944 Walter Baade classifia les étoiles en "Population" pour différencier au sein même de la Voie Lactée et des galaxies les étoiles selon leur métallicité et leur distribution et indirectement leur stade évolutif, leur donnant un âge et une composition à peu près semblables. De leur côté les astronomes William W. Morgan, Philip C. Keenan et Edith Kellman de l'Observatoire de Yerkes ont publié en 1941 le catalogue de classification spectrale "An Atlas Of Stellar Spectra" connu sous le nom de "système MK" qui permet de classer les étoiles en fonction de leur luminosité à partir de la brillance et de la largeur de leurs raies d'absorption. A lire : La diversité des étoiles - Une façon de vivre propre aux étoiles
Grâce à ces deux classifications nous pouvons déterminer le stade évolutif des étoiles (grâce au diagramme H-R et des calculs simples) et nous représenter un peu mieux de quelles manières elles sont distribuées dans les galaxies. La Population I rassemble les étoiles brillantes, jeunes, riches en éléments lourds (métallicité [Fe/H] = 1 à 3%) à l'instar du Soleil (2%). Elles sont localisées dans les bras spiraux et dans le noyau des galaxies. Elles sont associées aux nuages de gaz et de poussière où se forment les étoiles. La Population I forme les amas compacts d'étoiles qui sont visibles dans le plan de la Voie Lactée. Les éléments lourds ou "métaux" présents dans ces étoiles ont probalement été constitués lors de l'explosion des étoiles de Population II et III. La Population II désigne les étoiles lumineuses plus froides, vieilles, rouges et oranges, pauvres en éléments lourds (dans les étoiles très âgées le rapport [Fe/H] > -5 soit 100000 fois plus faible). Ces étoiles résident pour la plupart dans le halo qui entoure la Voie Lactée et les autres galaxies. La plupart sont regroupées dans les amas globulaires. Leur manque de métallicité s'explique par le fait qu'elles se sont formées à une époque très reculée, où ces éléments n'étaient pas très abondants ou n'existaient pas encore. La
Population III regroupe les étoiles géantes bleues hyperchaudes primordiales dont la masse dépasse
largement 100 M Enfin, parmi tous les autres nébuleux qu'on trouve dans la Voie Lactée et les autres galaxies, il y a les vestiges ou rémanents de supernovae qui font l'objet du prochain chapitre. Dernier chapitre
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