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L'origine et l'avenir de l'Homme

Représentation d'un Homo sapiens. Document FR3 / Transparences Productions / 17 Juin.

Les origines du langage parlé (IV)

Si de petits cris ou des gestes permettaient aux Homo erectus de se reconnaître et de transmettre certaines informations, il en faut plus pour expliquer une situation ou une action précise et transmettre un réel savoir à un proche.

Quand apparut le langage parlé ? Ainsi que nous l'avons expliqué à propos de l'évolution de l'homme et de son besoin continu d'adaptation, le langage parlé et donc articulé de manière à donner un sens aux sons et aux mots est probablement apparu voici près de 200000 ans, à l'époque de l'Homo sapiens.

Des études récentes de la cavité orale et notamment de l'os hyoïde de l'homme de Néandertal qui vivait à la même époque ont démontré qu'il partageait également cette faculté. Quant à prouver que les Néandertaliens parlaient, c'est probable mais personne ne pourrait l'affirmer.

Dans une société qui comptait déjà plusieurs dizaines de millions d'habitants à travers le monde, où les activités humaines devenaient plus nombreuses, de simples cris, des onomatopés ou même des chants devenaient insignifiants et certainement insuffisants pour exprimer les situations toujours plus complexes de la vie.

Encore plus qu'auparavant, chaque tribu avait à présent ses propres règles de vie, sa hiérarchie et calquait sans doute ses activités sur celles des autres clans, tirant parfois avantage à chasser, cultiver et travailler ensemble. Dans ce contexte, il est naturel que le langage se soit développé progressivement afin de permettre à ces sociétés de progresser et de franchir plus facilement les obstacles de la vie.

C'est alors que l'homme subit des changements anatomiques notamment au niveau de son crâne, de sa colonne vertébrale et du conduit vocal lui permettant dorénavant de moduler les sons émis par son larynx et ses cordes vocales : l'homme de Néandertal et l'Homo sapiens parlaient !

Socialement aussi, l'homme de Néandertal et l'Homo sapiens avaient évolué. Alors que l'Homo erectus pouvait occasionnellement sacrifier un membre moins habile de sa tribu pour sauver son clan, cette attitude du laisser-faire et de la fuite était inacceptable pour les hommes de Néandertal et de Cro-Magnon pour lesquels la famille ou le clan devait être protégé coûte que coûte.

A présent les armes, les outils et la plupart des objets étaient fabriqués sur mesure par des spécialistes, on chassait les grands fauves après une préparation et avoir pris moultes précautions, les enfants suivaient une longue éducation, ils recevaient une initiation pour entrer dans l'âge adulte, les fêtes païennes et le culte des morts faisaient partie des us et coutumes, l'identité personnelle et la propriété privée commençant à marquer la société.

Dans ce cadre culturel à présent très élaboré et ritualisé, le langage parlé permit de préciser le discours, d'expliquer et d'organiser toutes les actions avec précision, de planifier les tâches à la fois entre les membres et dans le temps, de répéter les enseignements acquis, de raconter les aventures ou les récits épiques afin de transmettre le savoir aux autres.

Par ses avantages, le langage parlé représente donc l'une des avancées intellectuelles les plus importantes d'une société et nous sommes tous d'avis pour considérer que toute créature capable de parler occupe une place enviable dans l'évolution.

Malheureusement, parmi les millions de sociétés animales vivant sur Terre, l'homme est sa seule dépositrice, les grandes singes anthropoïdes et certains mammifères marins ayant des facultés intellectuelles assez limitées dans ce contexte. Ainsi que nous l'avons souligné, nos capacités à communiquer avec les autres sociétés animales resteront toujours à l'état de balbutiements quoiqu'en pensent certains médiums ou zoologues idéalistes.

Plus pratique que les gestes, les cris ou les onomatopés et plus complexe que le chant souvent réduit à sa plus simple expression, le langage parlé est la première forme de culture qui permit aux hommes de construire leur civilisation en consolidant leurs acquis. Mais cette méthode d'apprentissage est lente et ne facilite pas le progrès.

En effet, il faut répéter tout le savoir à chaque génération avec le risque de dénaturer le savoir original (on finit par transformer le récit en histoire fabuleuse puis en légende), les individus doivent exercer leur mémoire et cette véritable "bibliothèque vivante" peut totalement disparaître avec la mort de l'individu. C'est notamment le cas avec les sages africains, les indiens d'Amazonie, les aborigènes d'Australie, les Bushmans, etc.

A ce sujet, la plus vieille langue vivante est celle des Bushmans (Boshimans) vivant dans le Kalahari. Ils ne connaissent pas les voyelles qui sont remplacées par des cliquetis de la bouche, la langue frappant le palais ou les joues ou ils claquent des dents pour s'exprimer. Cette particularité verbale et leurs origines ont fait de cette population les héros du célèbre film "Les dieux sont tombés sur la tête", confrontant les Boshmans aux Blancs et à leurs déchets dont les fameuses cannettes de Coca...

 Ce langage fait de consonnes et de cliquetis est certe primitif mais il est complet et suffisant pour tenir une conversation. Il est probablement apparu voici plusieurs dizaines de milliers d'années, à une époque où les onomatopés et les cris étaient intégrés aux premières formes de langages. Selon les Bushmans, certains de leurs cliquetis ou grognements mimaient autrefois les bruits environnementaux comme les cris de certains animaux (oiseau, lion, etc). Sachant toute l'histoire que véhicule ces populations primitives, aujourd'hui il est émouvant d'entendre parler ces vieilles personnes dans une langue proche de celles de nos ancêtres...

Si le langage parlé peut suffire au développement social d'une société durant des milliers d'années, il est insuffisant pour assurer son développement intellectuel en termes scientifique, technologique et économique.

Rappelons toutefois que les mégalithes de la fin du néolithique (4500 ans avant notre ère, Carnac, Stonehenge, etc) confirment avant même l'invention de l'écriture le développement de la connaissance "scientifique" et les grandes qualités techniques de nos ancêtres. Mais ces pierres levées n'ont jamais permis aux gens du peuple de perfectionner leur connaissance, ou à peine et uniquement dans le domaine de la cosmogonie ou du sacré. Le langage parlé limite donc l'évolution de cette société à une culture primitive où le progrès, l'amélioration du niveau de vie, est un concept vide de sens.

Le langage parlé reste cependant facile à transmettre puisque par définition il ne requiert aucun autre support que la parole et un peu d'attention de la part de l'interlocuteur. Il se pratique donc encore aujourd'hui sans support de l'écriture dans les dernières tribus primitives et reste une faculté indispensable aux personnes illettrées ou éprouvant des difficultés pour écrire. L'influence de la modernité a toutefois conduit pratiquement tous les enfants en âge de scolarité à apprendre à lire et à écrire ne fut-ce que quelques années pour des raisons liées à des contingences administratives ou économiques.

Les origines du langage écrit et de l'écriture

Le langage écrit est beaucoup plus tardif, car il fait suite à un besoin : l'apprentissage, l'exercice de la chose apprise, le besoin de laisser une trace pour l'avenir, etc. Il nécessite également une représentation symbolique du langage parlé et des outils appropriés. Toutes ces conditions ne vont de paire qu'avec un développement du cerveau et un sens aigü de l'abstraction et de la technologie. Cette révolution intellectuelle prend du temps car elle nécessite de nombreuses remises en question et de tâtonnements.

Des signes gravés sur des oeufs d'autruche remontant à environ 60000 ans ont été découverts en Afrique du sud en 2010. Document Pierre-Jean Texier et al.

Le langage écrit, la gravure ou la peinture notamment, à ne pas confondre avec l'écriture, est tout au plus âgé de 40000 ans environ, contemporain des derniers Homo sapiens, c'est l'art pariétal cher à l'homme de Cro-Magnon. Il est donc très récent dans l'histoire de l'humanité.

Notons qu'en mars 2010 des chercheurs français et sud-africains dirigés par Pierre-Jean Texier de l'université de Bordeaux ont découvert plus de 270 morceaux de coquilles d'autruche sur lesquelles étaient gravés des formes géométriques datant d'environ 60000 ans, remontant de 20000 ans la naissance de l'écriture.

Mais l'homme ne pensa pas de suite à conserver par écrit ce qu'il imaginait ou observait. L'art paléolithique reste muet jusqu'il y a 5500 ans avant Jésus-Christ environ, 10 secondes avant minuit.

C'est l'écriture qui marque le début de l'Histoire. Son invention a besoin des conceptions élaborées par l'intelligence de ceux qui réalisèrent les peintures rupestres. L'écriture débuta par la représentation écrite du langage parlé sur les supports les plus divers, bois, argile, pierre, os, papyrus, etc.

Servant tout d'abord à marquer le souvenir de certains évènements, on retrouve des entailles sur des os d'animaux en Afrique il y a 6500 ans. La véritable écriture symbolique se développa en Mésopotamie vers 3500 ans avant notre ère.

Les premières traces d'écritures dérivent directement d'idéogrammes représentant les scènes de la vie et représentent également des chiffres primitifs (cercle et demi-lune en relief).

Vers 2800 ans avant notre ère, ils évoluèrent pour constituer des signes cunéiformes abstraits. Les premières tablettes cunéiformes furent rédigées en langue akkadienne, la langue de Sumer dont il existe aujourd'hui un dictionnaire en 21 volumes, l'aboutissement de 90 années de recherches.

Cette écriture sera diffusée dans le Moyen-Orient vers 2500 ans avant notre ère. C'est à cette époque qu'apparaissent les premiers dessins abstraits, figures mathématiques, maquettes et textes chez les Assyriens, Babyloniens, Sumériens et Egyptiens.

On estime qu'entre 0.5 et 2 millions de tablettes cunéiformes ont été découvertes dont quelque 130000 sont précieusement conservées dans les collections du British Museum.

En parallèle, vers 3300 avant notre ère, une autre écriture apparaît dans le royaume d'Elam (l'actuelle Iran), la proto-élamite. Elle évolua pour devenir l'élamite linéaire vers 2150 ans avant notre ère. On retrouve sa trace sur des objets élamites en terre cuite, en pierre et métal dont un vase Gunagi et un galet découvert à Suse comme on le voit ci-dessous au centre.

Des chercheurs ont tenté de déchiffrer cette écriture dès 1905 mais ce n'est qu'en 2020 qu'elle fut déchiffrée par l'archéologue français François Desset de l'Université de Téhéran et chercheur associé au CNRS/Laboratoire Archéorient de Lyon (cf.. F.Desset, 2020 et F.Desset et al. à publier dans le journal "ZfA" en 2021).

L'écriture moderne remonte aux environs de 1100 ans avant notre ère, époque à laquelle les Phéniciens diffusèrent l'ancêtre de notre alphabet dans la partie orientale de la Méditerranée. Les Grecs le compléteront en ajoutant les voyelles vers 800 avant notre ère. Les invasions successives transformèrent ensuite le langage, les coutumes et la culture.

A lire : Quel mot voyez-vous en premier ? (sur le blog, 2013)

Les premières écritures. A gauche, une tablette cunéiforme sumérienne en langue akkadienne gravée vers 2800 avant notre ère comprenant du texte et des chiffres. Au centre, deux inscriptions en élamite linéaire gravées sur des objets découverts dans l'ancien royaume d'Elam, l'actuelle Iran. A gauche, l'inscription "K" gravée sur un vase Gunagi en argent daté de 1900-1880 avant notre ère. A droite, l'inscription "B" gravée sur un galet provenant de Suse attribuée au souverain Puzur-Shushinak (2150-2100 avant notre ère). Cette écriture fut déchiffrée en 2020 par l'archéologue français François Desset de l'Université de Téhéran et chercheur associé au CNRS/Laboratoire Archéorient de Lyon. A droite, des hiéroglyphes de l'Egypte ancienne dont les plus anciennes traces remontent vers 3250 avant notre ère. Grâce à l'écriture l'homme n'a plus besoin de se plier à une longue et parfois rude expérience pour évoluer et se spécialiser. Documents anonymes et F.Desset/Musée du Louvre.

L'invention de l'écriture constitue la deuxième révolution intellectuelle après la découverte du feu (le langage parlé apparaissant inconsciemment). Support des idées, l'écriture apporte une nouvelle dimension temporelle et intellectuelle à la vie des hommes; le savoir des communautés peut désormais se transmettre. Avec l'écriture le maître peut se dispenser de mémoriser un savoir encyclopédique et peut s'abstenir de répéter dix fois la même chose. Il peut enfin se concentrer sur l'avenir et la nouveauté sans risquer de perdre le savoir accumulé par les Anciens. Grâce à cette nouvelle dynamique, l'évolution culturelle s'accélère et facilite le développement des sciences et des arts.

L'écriture permet en effet à chacun de bénéficier des inventions de ses aïeuls. S'épargnant de longues études théoriques et expérimentales, les découvertes devinrent exponentielles et touchent aujourd'hui tous les domaines de la société. Les brevets se comptent par dizaines de milliers chaque année et il n'y a pas un jour où on ne relate une découverte scientifique.

De la plume à la souris

L'écriture est étroitement liée à la communication puisque la première sert de support à la seconde, permettant d'échanger des informations. Grâce à l'écriture et la collecte des ouvrages au sein des bibliothèques et autre médiathèque, l'étudiant ou toute personne capable de lire peut à présent fonder son savoir sur les acquis du passé et explorer l'ensemble des connaissances si elle en a le temps et les compétences.

Les élèves peuvent également étudier et réviser seuls leurs cours, accompagnés par le seul support de l'écriture et aujourd'hui des différents supports multimédias. Professeurs et assistants peuvent donner libre cours à leur imagination, améliorer les inventions du passé ou tenter d'expliquer les phénomènes à partir des questions laissées en suspens par leurs aïeuls, bref ils peuvent progresser dans leurs connaissances et les élèves peuvent se spécialiser en quelques années.

Document T.Lombry.

A partir de ces connaissances, théoriciens et praticiens peuvent échauffauder de nouvelles théories et expériences, prédire de nouveaux évènements et réaliser des découvertes. En partageant leur savoir avec la communauté ils font du même coup progresser toute leur société, évitant à leurs collègues un long et fastidieux apprentissage. Avantage pour l'homme de la rue, chacun peut bénéficier directement des innovations sans nécessairement devoir étudier leur principe de fonctionnement ni les travaux des précurseurs pour les utiliser.

Revers de la médaille, devant l'accumulation des connaissances chacun doit se spécialiser car le généraliste ne peut plus appréhender tout le savoir du monde comme au siècle des Lumières. Le rôle du généraliste reste important pour orienter son élève, son client ou son patient vers un spécialiste car il peut déjà filtrer l'information brute mais une fois le problème cerné, il sera vite dépassé par les compétences de son confrère.

Ensuite, en raison de la diffusion d'informations toujours plus nombreuses, les anciennes théories sont archivées et font parfois trop rapidement partie de l'histoire avec le risque d'ignorer une découverte. Aujourd'hui la distribution de ces informations n'est plus du strict ressort des professeurs ou même des universités. Elle est confiée à des serveurs de données accessibles par Internet. Cet ensemble monumental de données fait partie de ce qu'on appelle le "Big Data".

Plus de 5500 ans après la naissance de l'écriture et un plus de 50 ans après la naissance de l'ordinateur, aujourd'hui l'étudiant doit mémoriser dix fois plus de connaissances que son arrière-grand-père et les études sont deux fois plus longues qu'il y a un siècle ! Est-ce bien utile ? 

Le principe réductionniste tel qu'il est appliqué en science ne peut pas conduire à une simplication des connaissances. Avec le temps, les niveaux d'éducation et de spécialisation seront de plus en plus élevés afin de suivre les progrès scientifiques et technologiques. L'évolution sera toutefois progressive et les étudiants de demain n'auront pas plus ni moins de difficultés que leurs arrières-arrières-grands-aïeuls pour présenter leurs examens. Ces nouvelles connaissances faisant partie de leur culture, tout le monde aura le temps d'adapter sa façon de penser à ces nouveaux paradigmes.

A posteriori cela nous a réussi car nous comprenons mieux qu'auparavant le monde qui nous entoure. Socialement, la société se démocratise, une plus grande partie de la population peut également accéder aux études, son niveau de vie est globalement meilleur avec une longévité supérieure aujourd'hui qu'il y a quelques décennies (en France et dans le Bénélux, la longévité était de 50 ans pour les femmes en 1950, elle était supérieure à... 85 ans en 2020). Il y a donc progrès. Bien sûr ce grand âge n'est pas sans inconvénients. Il reste également d'épineux et persistants problèmes structurels d'ordre économiques et sociaux notamment mais ces sujets sortent malheureusement du cadre de cet article et touchent à l'organisation de la société et au développement durable.

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