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La colonisation de l'espace

Voyage interplanétaire. Doc T.Lombry

Les contraintes de la vie dans l'espace (II)

Il fut une époque où les ingénieurs de la NASA, épaulés par les présidents Kennedy puis Nixon, pensaient que le temps était venu pour coloniser l'espace proche. Beaucoup de travaux ont été réalisés dans ce sens mais aucun d'eux n'aboutit faute d'une stratégie à long terme et de financements.

Il est toutefois intéressant d'étudier ce passionnant sujet pour comprendre combien cette démarche est complexe tout en étant prometteuse, mais également affublée de clichés et notamment de solutions techniques parfois chimériques sous prétexte que le futur est synonyme de "miracle technologique", bref que tout est possible puisque nous vivons dans le meilleur des mondes. En réalité, il s'agit souvent d'expériences de pensée et autant de prémisses que rien ne vient démontrer. Ceci en revanche, nous allons le démontrer.

D'Island Three à Rama

Selon les projets les plus avancés proposés par Wernher von Braun, Robert W. Bussard ou Gerard  K. O’Neill, la première étape de cette colonisation sera la mise en orbite à proximité du Soleil d’immenses plates-formes habitables capables d’accueillir de quelques centaines à plusieurs dizaines de millions d'âmes. Ces stations orbitales auront probablement une forme cylindrique, plus facile à protéger des rayonnements nocifs qu'une station en forme de roue. Leur dimension sera comprise entre cent mètres et plusieurs dizaines de kilomètres de longueur.

Comme on le voit à droite et ci-dessous, dans les années 1970, O'Neill imaginait qu'à terme un environnement spacieux et un décor naturel seraient reproduits dans les colonies spatiales, qu'elles soient orbitales ou capables de parcourir l'espace interstellaire. Les travailleurs et les visiteurs trouveraient là haut des villes de banlieue qui feraient presque oublier qu'ils n'ont plus les pieds sur Terre !

L'un de ses projets les plus aboutis fut la colonie "Island Three" dont les détails furent publiés dans la revue "Physics Today" en septembre 1974 (cf. la copie sur le site NSS) dont les illustrations des modèles les plus vastes figurent ci-joint.

Dans la colonie de O'Neill imaginée par Don Davis en 1975 (voir en bas de page), vous ne rêvez pas : il y a bien une rivière à l'avant-plan, des arbres, un pont suspendu de la taille du Golden Gate de San Francisco (portée principale de 1280 m) surplombant un bras de mer et même des nuages... Si en théorie, un tel environnement peut-être simulé dans un système clos correctement contrôlé, en pratique un tel concept est tout à fait utopique.

A condition de trouver le financement, rien que sa construction s'étalerait sur plusieurs siècles (à titre d'exemple, le Golden Gate fut construit en plus de 4 ans et la station ISS à peine plus grande qu'un stade de football et pesant 400 tonnes nécessita 19 ans d'assemblage alors que tous les modules étaient préfabriqués).

A l'époque, le concept fut tellement novateur qu'il inspira de nombreux auteurs dont le génial Arthur C. Clarke qui en fit la véritable "star" de son célèbre roman d'anticipation "Rendez-vous avec Rama" dont l'édition originale parut chez B.J. Harcourt en 1973. L'une des premières versions francophones présentant la colonie spatiale en couverture est celle des éditions de poche J'ai lu de 2002 dessinée par Tomislav Tikulin.

A voir : Rama (animation 3D d'Eric Bruneton)

The Roundtable TV Interview (I.Asimov et G.K. O'Neill, 1975)

"Rama", colonie spatiale de O'Neill

Ci-dessus à gauche, l'édition reliée avec jaquette de "Rendez-vous avec Rama" d'Arthur C. Clarke publiée chez Victor Gollancz en 1973 dessinée par Bruce Pennington dont voici un agrandissement. A droite, deux illustrations de "Rama" par Tomislav Tikulin, une version nuit illustrant la couverture de l'édition publiée en format poche chez J'ai Lu (2002/2014) et une version claire, de jour. Ci-dessous à gauche, illustration d'une colonie spatiale de O'Neill créée en 2014 par Lightfarm Studios où vous trouverez son make-of. Elle rend en hommage au roman d'Arthur C. Clarke dans lequel figure un dessin similaire. A droite, la couverture du roman d'Arthur C. Clarke publié aux éditions Ballantine Books en 1975.

Clarke imagine une colonie spatiale cylindrique mesurant 50 km de longueur sur 20 km de largeur comprenant au moins six agglomérations pouvant abriter 50000 personnes (J'ai Lu, p14 et p39). Pour simuler la gravité terrestre ou du moins s'en approcher (0.3 g pour 20 km de diamètre), le cylindre effectue une rotation en 4 minutes autour de son axe longitudinal.

Bien sûr Clarke imagine que cette gigantesque structure qu'il détaille avec minutie fut construite par une civilisation extraterrestre un peu plus avancée que la nôtre, les Raméens. Mais ne dévoilons pas les détails de cette aventure.

Le génie de Clarke est d'avoir décrit "Rama" comme le ferait un explorateur scientifique décrivant pas à pas les différentes étapes de sa mission, partageant avec le lecteur son expérience, ses découvertes et ses émotions. Vous trouverez un résumé sur Wikipédia.

L'ouvrage est un chef d'oeuvre combinant aventure, science et mystère. Le magazine de science-fiction américain "Galaxy" publia des extraits dans son édition de 176 pages de septembre 1973 (Vol.34, No.8).

Ce roman est devenu un best-seller et un incourtournable de la science-fiction qui reçut le prix British Science Fiction en 1973 et le prix Hugo en 1974 parmi de nombreuses autres récompenses. Les aventures des terriens dans cette colonie immense se poursuivront dans ses trois suites ("Rama II", "Les Jardins de Rama" et "Rama révélée") où l'atmosphère est moins mystérieuse et plus sombre.

Par la suite de nombreux réalisateurs de films se sont inspirés de cette colonie spatiale cylindrique ou en forme de roue dont évidemment Stanley Kubrik dans "2001: l'Odyssée de l'espace" sorti en 1968 et plus récemment Neill Blomkamp dans son film "Elysium" sorti en 2013.

A voir : Les colonies spatiales en images (les dessins orignaux)

La station spatiale ISS en images

Différentes architectures de station orbitale en forme de roue "à la Kubrik" mesurant entre 100 et 400 mètres de diamètre, composée d'un ou deux anneaux concentriques ou parallèles en orbite basse (~500 km d'altitrude) ou géostationnaire (~36000 km). Documents T.Lombry.

Vivre en milieu hostile

Jusqu'aux programmes Apollo et Skylab, il était très difficile de se faire une idée objective de la vie à bord d'une capsule spatiale, d'un module lunaire ou d'une station orbitale. Les artistes étaient plus préoccupés par l'aspect artistique et pratique de leur invention que par son aspect financier et le réalisme de sa conception même.

Si les bases lunaires, les stations orbitales et les colonies spatiales dessinées par les scénaristes de films ou les artistes sous contrat avec la NASA présentent un quelconque intérêt, c'est principalement pour les solutions originales qu'ils ont apporté à la survie en milieu clos et aux problèmes d'écologie, la distribution des compétences techniques, les loisirs, la structure porteuse, les modes de fonctionnement et bien sûr sur l'esthétique de ces cités du futur.

Concernant les colonies spatiales, la plupart des concepts sont basés sur l'ouvrage "High Frontier" de Gerard O'Neill[6] disponible auprès du Space Studies Institute, l'institut sans but lucratif qu'il fonda dans les années 1960.

Même si certains auteurs envisagent des stations orbitales gigantesques pouvant atteindre une superficie de plusieurs milliers de kilomètres carrés comme dans le cas de "Rama", Clarke avoua que malgré les apparences cet environnement était très différent de la Terre.

Projets de colonies spatiales de O'Neill

Longueur

(km)

Rayon

(km)

Poids

(tonnes)

Vitesse angulaire

(rpm)

Population

0.190

0.180

5.4 x 104

2.22

1700

1

0.100

5 x 105

2.99

10000

3.2

0.320

106

1.67

100-200000

10

1

5 x 106

0.94

0.2-2 millions

32

3.2

107

0.53

0.2-20 millions

50

20

1019

0.21

50000

200

12

108

0.27

10 millions

Les projets de colonies spatiales imaginés par Gerard O’Neill et Arthur C.Clarke permettent de se rendre compte que la Terre n’est pas le seul habitat possible pour l’homme. Comme en témoigne ces quelques chiffres, ces deux scientifiques n'ont pas hésité à imaginer des colonies spatiales pouvant accueillir jusqu'à dix millions de personnes. Lorsque la population mentionne deux valeurs, la première est celle des limites écologiques, la seconde celle basée sur l'agriculture conventionnelle. La vitesse angulaire est calculée (cf. SpinCalc) pour simuler une force de gravité de 1 g. On obtient la période de rotation en calculant l'inverse (2.22 rpm = 0.45 rotation/minute). Le matériel de base serait extrait du sous-sol lunaire ou des astéroïdes (titane, aluminium, fer, oxydes) tandis que l’hydrogène serait importé de la Terre. La source d’énergie sera disponible sur place : dans l’espace le Soleil produit ~1.4 kW/m2 avec un rendement de 100%.

Etant donné la dimension et la masse d'une colonie de O'Neill, tout changement de température met du temps à se propager en raison de l'inertie de la coque (500 m d'épaisseur). Mais dès que le blindage commence à chauffer, sans un système efficace de thermorégulation, les conséquences risquent d'être ressenties rapidement à l'intérieur du cylindre en provoquant des effets spectaculaires (bourrasques de vent, tempêtes, débacles des eaux degelées) avant que le système climatique ne trouve un nouvel équilibre.

Inversement, si la température tombe en dessous de 0°C, l'eau risque de geler et en augmentant son volume, elle risque de détruire tout obstacle sur son passage et d'éventrer les canalisations non protégées. Si le phénomène n'est pas pris en compte, il risque d'y avoir des accidents majeurs qu'on ne peut pas tolérer dans l'espace. Les protections thermiques, l'emplacement de la colonie par rapport au Soleil (distance et orientation) et la rotation périodique des zones d'ombres baignant par -150°C sont autant de paramètres cruciaux.

Enfin, si la colonie spatiale et la Terre sont deux habitats autonomes, par nature l'un comme l'autre sont voués à se dégrader au fil du temps. Même une planète finit par mourir au terme de plusieurs milliards d'années à force de vivre près d'une étoile qui un jour ou l'autre finit dans le meilleur des cas par se transformer en géante rouge en brûlant tout sur son passage : les océans s'assècheront et la Terre perdra son atmosphère, devant un désert stérile.

Comme l'a montré l'expérience écologique Biosphère II, un environnement clos, artificiel et mal contrôlé jusqu'à ses moindres détails finit tôt ou tard par se déséquilibrer et notamment par se polluer suite par exemple à l'apport de produits non stérilisés, l'augmentation de la vie microbienne, des insectes, du taux de gaz carbonique voire même suite à un accident.

Assurer la maintenance d'une telle infrastructure est donc vitale mais le budget à y consacrer peut représenter plus de 10% du budget global et tend à augmenter avec le temps.

En conclusion, Clarke était très optimiste quand il envisageait que "Rama" puisse survivre idéalement un millier d'années et tout au plus dix mille ans (J'ai Lu, p44), en fait juste le temps nécessaire pour rejoindre un autre système stellaire habitable.

Le vaisseau interstellaire "Ascension" de classe Orion. Extrait de la minisérie TV "Ascension" de Philip Levens et Adrian A. Cruz sortie en 2014 et diffusée sur RTL-TVI en 2019. Notez le changeant d'aspect du vaisseau entre la version originale (gauche) et finale (droite). L'histoire est inspirée du Projet Orion de la NASA. Dans cette série, 600 personnes ont embarqué en secret en 1963 dans une mission spatiale vers Proxima du Centaure. Ils vivent dans un environnement confiné, effectuent des taches routinières et ont perdu tout lien avec la Terre. Mais l'aventure ne va pas se dérouler comme prévu. Documents NBCUniversal.

 Il ne sera pas question non plus d'être claustrophobe où d'avoir le mal de l'espace dans ces habitats d’un nouveau type. Nous verrons en dernière page que les problèmes psychologiques et les risques d'accidents seront amplifiés à bord d'un vaisseau spatial voyageant durant des générations à la recherche d'un nouveau système stellaire habitable.

Les missions spatiales soviétiques et américaines de longues durées ont déjà permis de bien comprendre les mécanismes qui provoquent le mal de l'espace au sens large. L'apesanteur qui règne dans un vaisseau spatial est un obstacle à notre développement et nous n'y sommes pas préparé tant biologiquement que physiologiquement parlant.

Si l’état d’apesanteur fait rêver, il faut savoir qu’il provoque une décalcification osseuse, une perte de poids, une atrophie musculaire et un excès de sang dans le cerveau. On sait aussi que le fonctionnement de l'hypophyse qui assure la production des hormones de croissance doit être régulier. En apesanteur les astronautes souffrent également de déshydratation et leur système immunitaire s'affaiblit.

Pour éviter toute détérioration de leur santé, à l'heure actuelle les atronautes effectuant des vols de plusieurs mois passent la moitié de leur journée à faire des exercices musculaires afin de compenser tous ces effets négatifs. Si cela est envisageable pour une petite équipe d'hommes, pour plusieurs centaines d'astronautes il faudra prévoir un système de gravité similaire à celui de la Terre.

Même dans une colonie spatiale "ultramoderne", sous-entendant où tout est sous contrôle, du fait qu'elle évolue dans l'espace, les zones proches de l'axe de rotation sont en état d'apesanteur, c'est notamment le cas à hauteur du moyeu central de la roue de von Braun ou celui de la colonie de O'Neill situé à 8 km au dessus du sol (ce dernier tapissant les parois du cylindre). De même que la pression de l'air qui diminue avec l'altitude dans l'enceinte, exigeant une assistance respiratoire voire le port d'un scaphandre au-delà de 4 ou 5 km d'altitude.

Radiations atteignant la Lune et la Terre

Radiation

Lune

Terre

Dose moyenne totale

0.22 - 1.27 mGy/ jour

1 - 2 mGy/ an

RAYONS COSMIQUES

± 95% du total

30% du total

RAYONNEMENT GALACTIQUE

-

100% des émissions secondaires des rayons cosmiques

Energie :

108 - 1020 eV/ nucléon

0.1 - 20 GeV (muons) et 10-8 - 102 MeV (neutrons)

Composition :

98% des nucléons sont à

87% des protons

12% d’hélions

1% d'éléments Z>2 

reste 2% d'électrons

~ 80% de muons

20% d’électrons

<1% rayons cosmiques primaires

(protons, pions chargés, neutrons)

 

RAYONNEMENT SOLAIRE

 

Energie  :

<1010 eV/nucléon

faible contribution au rayonnement cosmique global

Composition :

0.01 - 0.1% éléments Z >2

réfléchis par la magnétosphère terrestre

VENT SOLAIRE

 

Energie :

<4x103 eV/nucléon

-

Composition :

électrons, protons, hélions

-

ERUPTIONS SOLAIRES

 

Energie :

106 - 1010 eV/nucléon

-

Composition :

protons, hélions, ions lourds

-

La Lune ne possède pas d’atmosphère ni de champ magnétique. Sa surface est donc exposée en permanence à la totalité des rayonnements galactique et solaire. La compréhension de ses composantes est essentielle, non seulement pour préserver la santé des astronautes, mais également pour assurer le bon fonctionnement des stations automatiques (satellites, bases orbitale et lunaire).

Source: "Mission to the Moon", ESA SP-1150, 1992.

Se greffe sur ces problèmes celui plus préoccupant des radiations. Toute activité en dehors de l'enceinte protectrice de la colonie signifie une exposition directe aux rayonnements corpusculaires solaires et aux rayons cosmiques. Nou savons que les protons très énergétiques, les radionucléides et les ions des éléments lourds peuvent endommager les chaînes d'ADN et sont à l'origine de mutations génétiques pouvant évoluer en cancer. Les ingénieurs et les médecins doivent donc considérer très sérieusement ce problème si nous envisageons travailler dans le vide de l'espace ou même sur une colonie implantée sur la Lune ou sur Mars.

A l'heure actuelle nous connaissons les effets de ces rayonnements sur l'organisme, nous savons comment les arrêter mais les chercheurs constatent que si certaines cellules mutantes deviennent malignes, d'autres ne développent pas de cancer. La réaction des cellules est souvent inattendue. On ignore en fait comment et pourquoi un cancer se déclenche. Une voie de recherche consiste actuellement à traiter directement les gènes. Si nous savions sous quelles conditions se développe un cancer, nous pourrions mieux protéger les travailleurs et les touristes de l'espace.

Doses limites d'exposition aux radiations

(en rem, "roentgen equivalent man")

Recommandations publiées par le National Council on Radiation Protection and Measurement à partir des mesures effectuées sur les astronautes lors des missions spatiales se déroulant entre 240 (Mir) et 432 km (Skylab) d'altitude.

 

Age en début d'exposition

Sexe

25

35

45

55

Homme

150

250

325

400

Femme

100

175

250

300

NB. 1 roentgen équivaut à quelque 50 radiographies aux rayons X. Durant la vie d'un être humain, les tissus profonds supportent une exposition de 100 à 400 rem (1-4 Sv), les yeux de 400 rem et l'épiderme peut supporter jusqu'à 600 rem (6 Sv). Cliquer ici pour en savoir plus sur la mesure de la radioactivité.

Un lieu de vie

Le jour ou l'espace proche, la Lune ou Mars deviendra un lieu de vie pour quelques centaines ou milliers de personnes, dans ces colonies la vie devra autant que possible être proche des conditions terrestres. Dans un premier temps, l’environnement sera similaire à celui que l’on connaît déjà dans les stations de recherche en milieux extrêmes, offshores ou polaires. Ensuite un environnement plus spacieux et un décor plus naturel y seront reproduits avec des matériaux sinon économiques du moins hautement eficaces.

Beaucoup plus tard, si les colonies spatiales et les hôtels orbitaux voient le jour, les visiteurs et les touristes trouveront là haut des villes de banlieue, une végétation terrestre, éventuellement des cours d'eau et même une petite faune. Des usines préfabriquées auront pour mission de gérer les cultures intensives et l'élevage. La température sera régulée et l'atmosphère sera tout à fait respirable. Le cycle du jour et de la nuit pourra être imité au moyen d'écrans protecteurs qui cacheront la lumière du jour une partie du temps ou simplement grâce à l'éclairage artificiel. La source d'énergie ne manquera pas. Le Soleil est une source inépuisable et les centrales solaires fourniront toute l'énergie de la population[7].

A voir : A Realistic Look At The Gateway Foundation & Von Braun Station, Scott Manley

The Future of Space Tech, Mark Garlick, 2022

A gauche, une colonie de O'Neill imaginée par Don Davis en 1975 intitulée "Island Three vue de l'une des extrémités". Voici la version moins contrastée et plus verte de cette image. Au centre et à droite, séduisante dans les années "Kubrik", une station orbitale en forme de roue s'avère en fait plus difficile à protéger des rayons nocifs qu'une station cylindrique. Illustrations de Joe Bergeron.

Plusieurs ingénieurs considèrent que les colonies spatiales pourront être construites à partir de la Lune. Des mines pourraient y extraire la matière première, le fer, l'aluminium et les oxydes. L'extraction sera d'autant plus facile que le sous-sol lunaire n'a pas été remué et brassé comme le sont les plaques tectoniques terrestres. Certains composés viendront de la Terre, comme l'hydrogène pour produire de l'eau. D'autres viendront des astéroïdes, en particulier le carbone, l'iridium ou le titane.

Ainsi que le dit O’Neill[8], "vers 2074 plus de 90% de la population humaine pourrait vivre dans des colonies spatiales, disposant virtuellement de ressources illimitées d’énergie propre pour l’usage quotidien, une abondance et une variété de nourriture et de biens, libre de voyager et indépendant des gouvernements supranationaux."

Infrastructures à distance

Site

Date

Charge utile

(kg/an)

Puissance

(MW)

Population

Antarctique

1990

5 x 105

0.35

100 (été)

ISS

2001

1 x 105

0.1

7

Exploitation lunaire

>2025

3 x 103

1

12

Adapté de "The decade of discovery in astronomy and astrophysics", NSF, 1991, p102 et NASA.

Mais son rêve restera malheureusement une fiction pour longtemps. La date butoir de 2074 qu'il s'était fixé sera vraisemblablement repoussée de quelques siècles, faute de moyens et surtout en raison des problèmes socio-économiques qui frappent les grandes puissances de l'astronautique. N'oublions pas par ailleurs notre écosystème qui subit actuellement la plus importante modification climatique depuis un million d'années; face à la montée des eaux et aux besoins des populations en eau potable comme en terres constructibles et agricoles, l'exploration de l'espace n'est vraiment pas une priorité. Ces problèmes entraveront certainement les rêves constellés d'étoiles de nos promoteurs. La réalité est malheureusement plus... terre-à-terre.

Vers un service de secours d'urgence dans l'espace

Vivre dans l'espace exige de tenir compte des risques inhérents à ce milieu hostile. Sur la Terre, la vie est généralement bien organisée, même en cas d'accident. Des sauveteurs peuvent atteindre de nombreux endroits difficiles : des marins bloqués au milieu de l'océan, des plaisanciers accidentés en mer, des personnes blessées en haute montagne ou des victimes d'accidents d'avion dans des zones reculées.

Mais il n'existe actuellement aucun système de secours d'urgence dans l'espace. Mais il existe peut-être un moyen d'y remédier. L'organisation sans but non lucratif Rand suggère qu'un service de sauvetage spatial, s'il est financé et doté d'un mandat suffisamment fort, pourrait être déployé pour aider les astronautes ou les touristes bloqués en orbite terrestre basse ou même sur la Lune.

De nos jours, un astronaute en détresse dans l'espace ne peut être secouru que par ses coéquipiers. Mais si le vaisseau spatial est endommagé et ne peut pas revenir sur Terre, l'équipage ne peut compter que sur le lancement d'une mission de sauvetage, par exemple un vaisseau autonome en pilotage automatique. Un jour, il pourra compter sur un véritable service de secours spatial d'urgence. Documents T.Lombry.

L'idée fut suggérée dans un rapport publié en novembre 2023 intitulé "Select Space Concepts for the New Space Era" (Sélectionner des concepts spatiaux pour la nouvelle ère spatiale). Certes, de nombreuses questions doivent être résolues avant qu'un service de sauvetage spatial puisse être opérationnel : comment cela s'intègre-t-il aux traités existants des Nations Unies concernant l'exploration spatiale, qui en serait responsable, qui le financerait, quelles technologies pourrait être nécessaire, etc.

Selon Jan Osburg, auteur de ce rapport, si ces défis étaient relevés, le service comblerait un "écart" ou une lacune indispensable dans l'exploration spatiale (Osburg emprunta le mot "écart" à un rapport publié en 2021 sur la question du sauvetage spatial rédigé par Aerospace Corp., qui influença le travail de Rand).

Comme aujourd'hui les compagnies d'assurances offrent un service de rapatriement à leurs membres et prennent en charge tous les frais lors d'un accident, y compris à l'étranger, on peut imaginer qu'un jour nos enfants ou nos petits-enfants astronautes et touristes spatiaux pourront bénéficier d'une assistance tous risques dans l'espace. Ce jour là on pourra vraiment parler de service de secours d'urgence dans l'espace.

Avant de poursuivre et d'aborder les questions des moyens de propulsion et de leurs performances, penchons-nous sur la nature des matériaux qui seront utiliser pour fabriquer la coque de ces vaisseaux spatiaux et interstellaires car on ne peut plus utiliser les matériaux classiques qui s'avèrent trop fragiles ou trop peu résistants. Cela nous conduit à rechercher de nouveaux matériaux. C'est l'objet du prochain chapitre.

Prochain chapitre

À la recherche de nouveaux matériaux

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[6] G.K.O’Neill, Physics Today, 27, sept 1974, p32 - G.K.O’Neill, “The High Frontier, Human Colonies in Space”, Morrow, 1977. T.A.Heppenheimer, “Colonies in Space”, Stackpole Books, 1977 - L.Geis et al., “Move into space”, Perennial Library, 1980.

[7] Dans l'espace un capteur d'un mètre carré fournit 1400 watts, soit deux fois plus que sur Terre et ce 24 heures sur 24. Dans de telles conditions on ne parle plus de rendement !

[8] J.Stoneley et A.Lawton, “CETI”, Warner Book, 1976, p149.


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