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En hommage à Orion

La Grande Nébuleuse d'Orion, M42, photographiée par le HST en 2006. C'est l'une des images les plus détaillées réalisées à ce jour. Document NASA, ESA, M.Robberto (STScI).

La Grande Nébuleuse d'Orion, M42 (VI)

La Grande Nébuleuse d'Orion, M42, alias NGC 1976 est visible à l'oeil nu comme une petite tache de 4e magnitude au milieu du Baudrier par 5h35m24s et -5°27'. Quand on la découvre dans un télescope, M42 s'impose par son étendue tandis que le voile de sa pudeur cache une beauté que bien peu d'autres objets du ciel peuvent prétendre égaler.

En fait, aucune autre nébuleuse diffuse ne peut prétendre constituer le sujet de prédilection des amateurs débutants comme des astrophotographes avertis.

En examinant la région de θ Orionis avec une paire de jumelle 10x50 ou de plus grand diamètre on se rend compte que cette région n'abrite pas une étoile de 4e magnitude mais plutôt une sorte de nuage brillant allongé. Visuellement M42 est une nébuleuse très vaste par rapport à ses consoeurs. Elle est déjà visible dans les plus petits instruments comme une grande aile aux contours vaporeux délimitée dans sa partie nord par une échancrure sombre. Mais c'est par voie photographique que l'on découvre sa véritable ampleur et sa beauté.

La nébuleuse couvre une surface d'environ 1° carré, quatre fois la surface de la Lune, traversée de filaments brillants, arcés et noueux par endroit et par des zones chaotiques, signes de turbulences sévères là où le rayonnement interagit avec la matière.

Ici nous sommes aux avant-postes d'un phénomène exceptionnel : Dame Nature fait oeuvre de création, forgeant à partie de la matière inerte et de l'énergie omniprésente de nouvelles générations d'étoiles, les proplydes qui bientôt, fiers de leur jeunesse et de leur ardeur deviendront peut-être de nouveaux systèmes planétaires qui porteront un jour la vie.

Un télescope d'au moins 300 mm d'ouverture révèle toute l'étendue du phénomène et même quelques irisations colorées parmi la nurserie d'étoiles qui s'y développe. Quand enfin le Télescope Spatial Hubble tourne son regard vers cette beauté subtile c'est un spectacle unique qui se dévoile à nos sens, une nébuleuse diffuse d'émission et de réflexion brillante et chatoyante de couleurs à dominantes rouges et bleues.

Rappel historique

La découverte de M42 remonte aux observations effectuées par Nicolas Claude Fabri de Peiresc à partir du 26 novembre 1610 où il nota ce jour là "Dans le milieu d'Orion .... Composé de deux étoiles, une nébuleuse...". En revanche Galilée n'a jamais rapporté l'observation de M42 dans ses notes. Cysatus l'observa également en 1618 ainsi que Giovanni Batista Hodierna qui dessina le Trapèze dès avant 1654. Mais c'est à Christian Huygens en 1656 que nous devons les premiers dessins détaillés de la nébuleuse et une représentation de la région du Trapèze.

A gauche, un dessin du Trapèze d'Orion réalisée avant 1654 par Giovanni Batista Hodierna. Au centre, un dessin réalisé par Charles Messier en 1769 qui utilisa plusieurs télescopes et lunettes entre 90 et 200 mm d'ouverture. A droite, un dessin réalisé vers 1850 par Lord Rosse avec son télescope de 1.83 m d'ouverture installé au Château de Birr Castle.

C'est bien sûr Charles Messier qui catalogua les 42e et 43e nébuleuses dans son fameux catalogue le 4 mars 1769 pour éviter de les confondre avec des comètes. Quelques années plus tard, respectivement en 1774 et en 1825, William Herschel puis son fils John l'observèrent à leur tour avant que l'américain Henry Draper, spécialiste des spectres stellaires, ne parvienne à la photographier pour la première fois en 1880 au foyer d'une lunette de 275 mm d'ouverture.

Aujourd'hui on estime que Messier 42 est distance de 1600 années-lumière, 4 fois plus éloignée du système solaire que Bételgeuse et deux fois plus éloignée que Rigel. Avec un diamètre apparent d'au moins 1°, sa dimension réelle atteint 30 années-lumière; elle est 20000 fois plus vaste que le système solaire !

Ces dessins permettent d'apprécier l'aspect visuel de M42 dans des instruments modernes modérément puissants. Le grossissement utilisé correspond grosso-modo à 20% du diamètre de l'optique exprimé en millimètres afin d'obtenir une pupille de sortie voisine de 4.5 mm. Ci-dessus à gauche, un dessin réalisé par un membre du club RASC de Victoria avec un télescope Schmidt-Cassegrain de 250 mm à 62x. A droite, un dessin réalisé par S.Larry avec un télescope de 333 mm à 79x. Ci-dessous, à gauche un dessin réalisé par Tom Polakis avec un télescope de 330 mm à 75x. A droite, un dessin réalisé par Tony O'Sullivan avec télescope Dobsonien de 368 mm f/5.6 à 78x.

M42 est cataloguée comme région HII car elle se caractérise par un milieu interstellaire ionisé par le rayonnement d’intense énergie émis par de jeunes étoiles. La masse des particules forme un nuage de gaz et de plasma qui est excité électroniquement par les étoiles chaudes du Trapèze situées au coeur de la nébuleuse qui émettent un rayonnement UV intense. On estime que la masse de cette nébuleuse représente l'équivalent de 2000 M. Autrement dit, cette nébuleuse contient assez de matière pour former 2000 étoiles similaires au Soleil.

M42 rayonne également en infrarouge, une "lumière" invisible que les observatoires spatiaux IRAS et WISE notamment ont analysé en détail comme on le voit ci-dessous. Dans ce rayonnement qui pénètre au plus profond des nuages obscurs, les étoiles ressortent de l'arrière-plan ainsi que les masses de poussières comprimées par la pression du rayonnement des étoiles. Dans un rayon de plusieurs centaines d'années-lumère autour du complexe de M42, l'espace baigne par une température oscillant entre 15-80 K (-257°C et -184°C). En rayonnement X à l'inverse se sont surtout les quatre jeunes étoiles du Trapèze d'Orion qui se manifestent.

A gauche, la constellation d'Orion observée à 21.1 cm (1420.4 MHz) dans la raie de l'hydrogène neutre HI. Notez M42, Zeta Orionis, la Boucle de Barnard et la nébuleuse de la Rosette. Au centre, la même zone observée par IRAS à 100 microns (2.99 GHz). A droite, le complexe M42-M43 photographié par le télescope WISE en infrarouge entre 3.4-22 microns et traité par Francisco Antonucci. Documents NRAO-Boon et NASA/WISE/APOD.

Grâce à la radioastronomie nous avons pu localiser Messier 42 sur le bras intérieur d'Orion, un des nombreux bras spiralés de la Voie Lactée constitué d'étoiles et de nuage dense d'hydrogène froid composé de molécules d'hydrogène (H2). Grâce aux émissions radioélectriques de l'hydrogène neutre (HI) à 21 cm de longueur d'onde ainsi que celles des molécules de CO et du carbone et de l'oxygène ionisés, nous connaissons le profil radioélectrique de toute la nébuleuse d'Orion et des alentours du Baudrier.

Cette technique de pointe a permis de découvrir que l'étoile de type O6 du Trapèze s'était formée il y a quelque 300000 ans à partir des nuages d'hydrogène tandis que les dizaines de nodules sombres, les proplydes, seraient en fait des systèmes protostellaires en gestation ou des protoétoiles qui ne sont pas encore parvenues sur la Séquence principale.

Quelques proplydes parmi les quelque 150 découverts par le Télescope Spatial Hubble dans la région du Trapèze d'Orion. Ces nodules sombres seraient des systèmes protostellaires en gestation. Voici une autre photographie. Documents NASA/ESA/STScI/Univ.Toronto et NASA/ESA/STScI.

Messier 42 doit ses couleurs vives à la présence de plusieurs gaz interstellaires aux alentours des étoiles du Trapèze. L'atome neutre HI étant irradié par le rayonnement ultraviolet des étoiles jeunes, des ions hydrogène (HII) et des électrons libres se forment et se recombinent en émettant un spectre typique de rayonnement fonction de l'état d'excitation du gaz.

En fait toute la région d'Orion est plongée dans un immense nuage d'hydrogène neutre dont seule M42 et M43 émergent. Excitées électroniquement, ces régions au départ obscures se sont illuminées par fluorescence (Bremsstrahlung) peu après la naissance des étoiles environnantes, sont devenues des régions HII qui depuis lors déversent dans un volume de quelques dizaines d'années-lumière un rayonnement rougeâtre, vert et bleuté, soulignant les interactions massives entre les électrons présents dans les nappes de gaz et la lumière irradiée par les jeunes étoiles du Trapèze. Au cours de la transition vers un état plus stable du 3e vers le 2e état d'énergie, l'électron de l'hydrogène émet la raie caractéristique de l'hydrogène-alpha (Hα) à 6562 Å, dans la partie rouge rubis du spectre visible.

A gauche, une image de M42 réalisée par Akira Fujii au foyer d'un télescope de 300 mm f/5 équipé d'une cold camera. Pose de 50 min sur film Fujichrome R-100. Masque flou pour faire ressortir la région centrale brillante élaboré sous Photoshop par l'auteur. Voici l'image générale avant et après traitement. Au centre, une image RGB prise par Richard David Hanon avec un télescope de 600 mm équipé d'une caméra SBIG ST-8e et d'une optique adaptive AO-7. A droite, un compositage RGB réalisé par Roland Christen à partir d'images CCD réalisées par des amateurs équipés de matériel Astro-Physics, à savoir le télescope Maksutov-Cassegrain de 250 mm f/14.6 de l'auteur pour le Trapèze, une lunette apochromatique de 180 mm f/7 EDF appartenant à Trent Kjell pour la vue générale et un télescope Maksutov-Newton de 235 mm f/4.3 muni d'un filtre H-alpha appartenant à Mark Jenkins.

Les nuages d'hydrogène étant omniprésents dans l'univers, ce rayonnenent monochromatique est largement présent près des jeunes étoiles, illuminant d'un éclat rouge écarlate des centaines de nébuleuses d'émission large chacune de plusieurs années-lumière pour citer M16 la "nébuleuse de l'Aigle" ou NGC 2237 la "Rosette".

Hormis les astres, le quart de l'Univers restant est constitué d'éléments expulsés par les supernovae. Parmi ces éléments nous trouvons des traces d'hélium, de carbone, d'azote, d'oxygène, de souffre, de néon, de chlore, ... Ainsi, la couleur verte que l'on observe au centre du Trapèze d'Orion provient de l'oxygène doublement ionisé à 4959 Å et 5007 Å.

A gauche, une image LRGB réalisée par Okano Kunihiko avec un télescope de 300 mm f/5 équipé d'une caméra SBIG ST-6. L'image de luminance a été prise sous un filtre infrarouge. Au centre, une photo prise par Alessandro Bianconi au foyer d'un C14HD Edge de 355 mm équipé d'un Hyperstar Starizona f/1.9, d'une caméra CCD ZWO ASI294MC Pro et d'un filtre Baader High Speed (H-alpha 7 nm, O-III, S-II f/2). Empilement de 140 images exposées 60 s plus 400 images exposées 20 s sous filtre CLS (total de 4h 33m). A droite, une image RGB réalisée par Jason Ware avec un RCX400 Meade de 305 mm f/8 équipé d'une caméra CCD Yankee Robotics Trifid-2 6303E. L'exposition a été réalisée sous 3 filtres Astrodon à bande étroite de 6 nm : SII (4h), H-alpha (2h) et OIII (2h). Cette troisième image de M42 compte parmi les photographies amateurs les plus détaillées.

Dans un télescope de 100 mm d'ouverture et à faible grossissement (50x), M42 est tellement vaste qu'elle déborde du champ oculaire. Elle apparaît comme un profil d'oiseau aux ailes déployées dont le corps central plus brillant est délimité dans sa partie nord par une échancrure sombre. Les ailes dont les pourtours s'évanouissent sur le fond du ciel s'incurvent vers le sud. Le corps central est la zone brillante et apparaît légèrement verdâtre dans un télescope de 150 mm d'ouverture du fait de la faible sensibilité rétinienne aux faibles lumières. Avec un peu d'attention on distingue que la tête de l'oiseau, M43, est légèrement séparée du corps par une bande de matière sombre. Dans la tête on découvre une étoile de 10e magnitude. Dans la partie centrale la plus brillante se trouve les étoiles du Trapèze tandis que le complexe stellaire de θ2 Orionis se trouve près du bord SE de l'aile, un peu à l'écart de la zone brillante..

Deuxième partie

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