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En hommage à Orion La constellation d'Orion (II) Étant à cheval sur l'équateur céleste, que ce soit aux latitudes moyennes dans l'hémisphère nord ou sud, il est pratiquement impossible d'ignorer la constellation d'Orion tant elle s'impose par son éclat et ses formes régulières parmi les constellations d'hiver (hémisphère nord) ou d'été (hémisphère sud). Dans l'hémisphère nord, entre la mi-décembre vers 23h et la mi-janvier vers 22h Orion culmine au-dessus de l'horizon sud à mi-chemin entre le zénith et l'horizon, soulignant sa présence par une forme caractéristique : un grand rectangle d'environ 20° à cheval sur l'équateur céleste, encadré par l'étoile géante rouge Bételgeuse au NE et l'étoile géante bleue Rigel au SO, souligné en son milieu par les trois étoiles bleues de la Ceinture d'Orion d'où descend le Baudrier abritant la célèbre nébuleuse d'Orion, M42.
La Voie Lactée n'est pas bien loin. Elle s'étend à l'est de Sirius et d'Orion, remonte aux pieds des Gémeaux et poursuit son chemin constellé d'étoiles à travers les constellations du Cocher et de Cassiopée pour finalement bifurquer en deux grands bras à hauteur du Cygne. Si la constellation d'Orion n'est pas la plus riche du ciel en raison de sa localisation quelque peu à l'écart de la Voie lactée, elle contient toutefois quelques-unes parmi les plus belles étoiles du ciel : Bételgeuse, Rigel, Zeta et le Trapèze d'Orion. Les unes brillent par leurs dimensions hors du commun, les autres par la vigueur de leur éclat ou leur association en systèmes multiples. Orion est également entourée de plusieurs étoiles brillantes situées à moins de 65 années-lumière du système solaire : A lire : Stars within 50 light-years - Gliese Catalog of Nearby Stars (25 pc)
Orion est également à l'origine de deux pluies d'étoiles filantes. L'essaim des Orionides culmine aux alentour du 22 octobre. Il est associé à la comète de Halley. Le radiant d'où semble surgir les météores est proche de la constellation des Gémeaux, par 6h24m d'A.D. et +15° de déclinaison. Le ZHR ou taux horaire au zénith est d'environ 25 météores par heure. Début décembre apparaît le nouvel essaim de Chi Orionides par 5h40 d'A.D. et -2° de déclinaison. Avant de poursuivre rappelons brièvement quelques caractéristiques des étoiles qui nous seront utiles au cours de la lecture :
Pour vous permettre de localiser facilement les objets de la constellation d'Orion, voici toutes les étoiles et tous les objets du ciel profond que nous allons découvrir dans les pages suivantes. La liste est triée en allant du nord au sud de la constellation. Je vous propose de suivre le fil des pages pour les découvrir ou de cliquer sur les hyperliens pour accéder directement aux descriptions.
A voir : La traversée d'Orion, Tony Dunn
Les principales étoiles α Orionis, alias 58 Orionis est située au-dessus du bras droit d'Orion (au-dessus à gauche) et se situe à environ 548 a.l. (cf. M.Joyce et al., 2020). Notons que le calcul de sa parallaxe indique une distance de 131.06 parsecs soit 427 années-lumière. Bételgeuse brille d'un terne éclat rougeâtre entre les magnitudes apparentes +0.45 et +1.50 pour une magnitude absolue de -5.14. Une différence d'une magnitude correspondant à une différence d'éclat de 2.5 fois, elle brille donc pratiquement deux fois plus à son maximum qu'à son minimum d'éclat. A son éclat maximal, Bételgeuse est la 10e plus brillante étoile du ciel.
Bételgeuse est une étoile variable
semi-régulière dont la luminosité varie selon trois périodes (un cycle dominant
d'environ 420 jours, puis 100 à 180 jours et de ~2170 jours ou 5.9 ans). Elle est de classe
spectrale M2 Iab et présente un indice de couleur IC=1.86. C'est une étoile supergéante rouge
dans la phase AGB dont la luminosité vaut environ 126000 fois celle du Soleil
(cf. N.Smith
et al., 2009) pour une masse comprise entre 16.5 et 19 M A lire : Calcul de la parallaxe spectroscopique Calcul de l'indice de couleur, magnitude et distance de Bételgeuse
Bételgeuse est tellement volumineuse que dans un grand télescope (au
moins 4.5 m de diamètre) équipé d'une optique adaptative, elle présente un disque
appréciable de 0.04" (40 mas). Sur base de ce diamètre angulaire et de sa distance,
Bételgeuse présente un diamètre réel d'environ 764 R En raison de sa taille gigantesque, sa température effective est très faible, environ 3600 K (contre 5770 K pour le Soleil) et présente une densité moyenne inférieure à 10-4 fois la densité de l'atmosphère à la surface de la Terre ! Sa distance relativement proche et son diamètre apparent ont fait de Bételgeuse l'une des premières étoiles que les astronomes ont tenté de photographier en haute résolution comme on le voit ci-dessus. Le Télescope Spatial Hubble a également réalisé des spectres UV en haute résolution révélant la présence de magnésium ionisé dans la haute atmosphère de Bételgeuse. Ejectant beaucoup de poussière, son éclat diminua de 36% entre 2019 et 2020 comme on le voit ci-dessous, suite vraisemblablement à la présence d'un immense nuage de poussière dans notre ligne de visée. Le précédent assombrissement s'était produit à la fin des années 1970 où son éclat chuta de 1.5 magnitude. Fin février 2020, la luminosité de Bételgeuse remonta vers la normale.
Un système binaire ? Et
si Bételgeuse avait un compagnon ? Telle est la question que se sont posés l'astronome Jared A. Goldberg de l'Institut Flatiron de New York et ses collègues
dans un article publié sur le
serveur arXiv (non validé) en 2024. Les chercheurs ont étudié le long cycle
de 2170 jours de variation de la luminosité de Bételgeuse et sont arrivés
à la conclusion que cette longue période secondaire (LPS) s'explique plus
facilement si on considère que Bételgeuse forme un système binaire; Bételgeuse
pourrait être constituée de deux étoiles, la plus petite ayant environ 1.7
M L'idée que Bételgeuse est une étoile binaire remonte à la fin du siècle dernier (cf. P.R. Wood et al., 1999; C.Waelkens et al., 1999) mais jusqu'ici aucune donnée observationnelle n'appuyait cette théorie. Mais les choses ont changé depuis "Le Grand Assombrissement" (Great Dimming) de 2019-2020 qui vient renforcer cette idée. Goldberg et ses collègues affirment que la poussière est importante pour comprendre ce qui se passe : "Alors que les premières versions de l'hypothèse de la binarité se préoccupaient surtout de savoir si un compagnon proche pouvait induire des modes basse fréquence sur l'étoile primaire, la théorie dominante actuelle est que l'échelle de temps de la période LPS est définie par la période orbitale d'un compagnon de faible masse, et le mécanisme de diminution et de croissance de la luminosité implique la formation et l'élimination de poussière le long de la ligne de visée en phase avec l'orbite du compagnon." Selon les chercheurs, la variation de vitesse radiale de Bételgeuse ne correspond pas à la courbe de lumière de l'étoile, comme si quelque chose la déviait de son centre de masse : "La différence de phase entre la courbe de lumière et la vitesse radiale nécessite qu'un compagnon soit derrière Bételgeuse au minimum de luminosité de la longue période secondaire." Concrètement, Bételgeuse est plus brillante lorsque l'étoile supergéante rouge et son hypothétique petit compagnon brillent ensemble vus depuis la Terre.
Quid de la supernova ? En présumant que Bételgeuse est une supergéante rouge isolée, selon les simulations dans moins de 100000 ans elle explosera en supernova de Type IIP (cf. B.Davies et al., 2022). Vu sa proximité avec la Terre, le spectacle sera grandiose. Il sera probablement similaire à ce qu'observèrent nos aïeux en 1054 lorsqu'une supernova explosa dans le Taureau, donnant naissance à la célèbre nébuleuse du Crabe, M1 ! Mais s'il s'agit d'un système binaire, il n'est plus question de supernova. Aussi, savoir si une autre étoile plus petite se cache derrière l'épaule d'Orion pourrait nous dire combien de temps Bételgeuse pourrait vivre car le moment où elle explosera dépend de la présence ou non d'une étoile compagne. Les nouvelles études ont conduit les astronomes à réviser notre compréhension du comportement et des paramètres fondamentaux de Bételgeuse et ont ouvert de nouvelles pistes de recherche sur certaines des propriétés moins bien comprises de Bételgeuse. Le cycle d'environ 420 jours est considéré comme le mode fondamental de Bételgeuse. Si ce n'est pas le cas, Bételgeuse deviendra une supernova plus tôt que prévu. Selon les chercheurs, "Si la périodicité de 2100 jours est le mode fondamental, cela implique un rayon d'observation important et controversé pour Bételgeuse. De plus, cela placerait le stade évolutif actuel de Bételgeuse au-delà du début de la combustion du carbone du noyau, suggérant que son explosion en supernova est imminente dans les prochaines dizaines à plusieurs centaines d’années. Si, en revanche, la périodicité de 2100 jours est celle d'une LPS, Bételgeuse est confortablement installée dans sa phase de combustion d'hélium du noyau et n'est pas susceptible d'exploser avant des centaines de milliers d’années." Après avoir passé en revue toutes les hypothèses pouvant expliquer la longue période secondaire (un mode de pression, des cellules convectives géantes, des battements modulés, l'effet de la rotation différentielle, du magnétisme, des pulsations en mode g et autre mode étrange), les chercheurs affirment qu'aucune de ces théories n'est satisfaisante sauf une : "Nous passons en revue tous les scénarii proposés pour expliquer la longue période secondaire de Bételgeuse, démontrant des défauts critiques dans tous les cas sauf un : Bételgeuse a un compagnon qui interagit avec l'environnement circumstellaire poussiéreux de l'étoile." Cela signifie que les choses ne s'annoncent pas bien pour ceux qui espèrent observer une supernova (ou une deuxième s'ils ont vu SN 1987A) au cours de leur vie.
β Orionis, alias 19 Orionis ou encore Σ668, brille à une magnitude
comprise entre 0.12 et 0.18. Elle présente un spectre de classe spectrale B8 Ia et une
température effective d'environ 12000 K. C'est donc une étoile géante bleue très lumineuse.
Elle est légèrement variable, d'une masse estimée à 17 M
Rigel ressemble assez fort à Sirius (α CMa) ou Véga (α Lyr) mais elle est nettement plus éloignée que ses consoeurs, entre 773-900 a.l. contre 8.6 années-lumière pour Sirius et 25.4 a.l. pour Véga. Comparée à Bételgeuse la luminosité de Rigel est étonnante; paradoxalement β Orionis est plus brillante que α Orionis ! Rigel compte parmi les 7 plus brillantes étoiles du ciel. C'est une étoile intrinsèquement très lumineuse brillant entre 35 et 60000 fois plus que le Soleil, soit entre 500 et 1000 fois plus que Sirius ou Véga ! Reportée dans un diagramme Hertzsprung-Russel, Rigel est l'une des rares étoiles à se placer tout en haut à gauche du diagramme, non loin de δ Orionis et des étoiles de type P Cygni. Dans sa phase actuelle Rigel irradie près de 100 fois plus d'énergie que Bételgeuse ! Sa magnitude absolue est de -7.1, autrement dit, dans l'absolu Rigel brille aussi fort qu'une supernova ! A 10 parsecs (32.6 a.l.) son éclat est équivalent à celui du croissant de la Lune. Rigel B est une petite étoile délicate de classe spectrale B5 et de 2.5
M γ Orionis, 24 Orionis occupe le coin supérieur droit de la constellation d'Orion. Son nom signifie "femme guerrière" d'où son surnom d'étoile Amazone. La légende rapporte que toutes les femmes nées sous le signe de Bellatrix seront fortunées et auront le don du verbe. Bellatrix brille à la magnitude 1.64 et est légèrement variable. Elle se situe à 243 a.l. Elle présente une parallaxe annuelle de 0.0134", deux à trois fois plus forte que les autres étoiles environnantes, exception faite de χ1 Ori qui présente une parallaxe de 0.1154". κ Orionis, 53 Orionis ferme le rectangle d'Orion à gauche de Rigel. C'est une étoile de magnitude 2.07 située à 720 a.l. C'est l'une des rares étoiles Wolf-Rayet. Elle appartient à la classe O où prédomine l'hélium ionisé en émission. λ Orionis, 39 Orionis est l'étoile brillante marquant le sommet en pointe d'Orion et formant un triangle avec les étoiles φ1 et φ2 de magnitude 4 situées un peu plus au sud. λ Orionis est un système multiple constitué de 4 étoiles. Le couple AB de couleur blanche et de classe spectrale O8 III, B0V est de magnitude 3.5 et 5.6. Il forme un couple serré séparé de 4.4" dans une P.A. de 43°. Un troisième compagnon bleuâtre est situé à 28" et un quatrième également bleuté est situé à 78". λ Orionis et les étoiles qui l'entourent forment l'amas ouvert Cr69. Des photographies à longue pose révèlent l'existence dans un rayon de plus de 4° autour de λ Orionis d'une immense bulle de gaz de couleur rouge, probablement le résidu d'une supernova qui explosa voici plusieurs dizaines de milliers d'années. Nous en reparlerons à propos de la Boucle de Barnard où nous présenterons des photos couleurs encore plus spectaculaires.
Cr69, amas ouvert, 5h35m06s, +9°56' L'ensemble des étoiles circonscrites dans le cercle formé par λ, φ1, φ2 forme l'amas ouvert Collinder 69, alias Cr69. Il attire l'attention par la présence de 3 étoiles de 6e et 7e magnitude alignées dans le sens N-S entre λ et φ1 Orionis. C'est un excellent sujet pour des jumelles 10x50. Cet amas qui n'est pas pointé dans tous les catalogues est entouré par la nébuleuse d'émission Sharpless 2-264. Il faut un filtre O-III et un télescope d'au moins 200 mm d'ouverture à faible grossissement pour distinguer son enveloppe autour des étoiles. Prochain chapitre Les étoiles variables et les étoiles multiples
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