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La théorie de la Relativité

Le cadre historique

De la statique à la dynamique (II)

Jusqu’au tournant du XVIIe siècle, bien que l'homme ait déjà éprouvé la vitesse en voyageant en galère, à cheval ou en calèche à près de 50 km/h, les savants étaient incapables d’expliquer le mouvement en termes de dynamique. Ils ne maîtrisaient que l’état statique et ne considéraient que les corps en équilibre. Nous ne pouvons pas leur jeter la pierre car la notion de vitesse requiert l'utilisation d'instruments capables de mesurer l’écoulement du temps avec précision.

En 1583, Galilée découvre le pendule et comprend que cette horloge rudimentaire lui permet de relever les changements de positions au cours du temps, de calculer des vitesses et des accélérations.

Galilée découvrit que les mouvements uniformément accélérés peuvent se poursuivre indéfiniment. Il découvrit le principe d’inertie. Il démontre l'existence d'une masse lié à la gravité et d'une masse inertielle liée à un effet de résistance à l'accélération. Peinture réalisée par Justus Sustermans en 1636.

Passionné par la cinématique et adepte de la philosophie naturelle, ses premiers travaux datent de 1604. Galilée était avant tout un théoricien et il fut professeur de mathématiques à l'Université de Padoue, probablement l'université la plus réputée d'Italie à cette époque. Il a hérité sa philosophie d'Aristote, dont il se revendique, dans laquelle la "science" était synonyme de principes évidents, démontrables avec simplicité et régie par une doctrine expérimentale. Mais les progrès techniques et les découvertes mathématiques l'aideront à dépasser cette philosophie antique “désaccordée”[9] à ses yeux. 

Bien qu'il ne fut pas un expérimentateur, il avait semble-t-il déjà prouvé[10] que tous les corps “graves” tombaient d'un même mouvement. Ainsi vers 1610 il posait sa première loi : "En un même lieu et pour tous les corps, l'accroissement de la vitesse en fonction du temps est constant ". Quelque temps plus tard, en laissant rouler des boules en bronze sur un plan incliné il découvre que "les espaces parcourus sont proportionnels aux carrés des temps et les espaces parcourus en chute libre pendant des temps égaux sont comme les nombres impairs à partir de l'unité"[11]. Mais son explication n’est pas complète et ce n’est que vers 1615 probablement qu’il formula correctement cette loi du “mouvement continûment et uniformément accéléré”, en comprenant que c’est à un instant donné d’une chute que l’accélération est proportionnelle au temps écoulé depuis le début de celle-ci.

Galilée et le principe d'inertie

Expérience sur des plans inclinés

Représentation du mouvement uniformément accéléré à l’aide de plans plus ou moins inclinés. Quelle que soit l’inclinaison du plan, le mobile remontera à la même hauteur H1, H2, H3, ....

Expériences avec des pendules simples

La période d'un pendule ne dépend que de sa longueur OAn. Mais quelle que soit cette longueur, la période du pendule est indépendante de l’amplitude des oscillations. Documents T.Lombry.

Dans sa constatation, Galilée découvrait l'accélération. Il sera 10 ans en avance sur les théories de Francis Bacon[12]. Il est important de souligner cette découverte car jusqu'alors - et pour bon nombre d'entre nous également - le bon sens indiquait que le mouvement accéléré était proportionnel à l'espace parcouru plutôt qu'au temps. Dans son principe, cette loi n'était pourtant pas une découverte. Vers -50 avant Jésus-Christ, le poète latin Lucrèce tenait déjà pour sienne la théorie atomiste exposée par les Grecs. Dans De Natura Rerum, il écrivit notamment à propos de la chute des corps : "L'espace vide, lui, ne peut offrir aucune résistance. Il s'ensuit que dans le vide parfait, les corps se déplacent à des vitesses égales, même si le poids qui les entraîne varie de l'un à l'autre".

L'expérience de Galilée fut refaite maintes fois et plus étonnement encore en 1971, lorsque l'astronaute américain David Scott séjourna sur la Lune (Apollo 15). Devant les caméras il prit en main une plume et un marteau, se demandant si la loi de Galilée sur la chute des corps serait vérifiée. Prêt à faire l'expérience, il écarta les bras et dit : "Je vais les laisser tomber tous les deux et, je l'espère, ils toucheront le sol en même temps..." Il lâcha les deux objets... qui touchèrent effectivement le sol au même instant, et conclut : "Que dites-vous de ça ! Ce qui prouve que Mr. Galilée avait trouvé les bons résultats !"

A voir : L'expérience de Galilée reproduite sur la Lune

Suivant toujours la praxis d’Aristote, Galilée étudie ensuite ce qu'il appelle les “mouvements violents” des corps élastiques puis il étudie les oscillations des pendules. Ingénieux et très astucieux, Galilée trouve un moyen pour retarder la chute des corps en faisant glisser les objets sur des plans plus ou moins inclinés. Grâce à ce passage à la limite, il découvre que ces mouvements sont uniformes, non accélérés et peuvent se poursuivre indéfiniment. Galilée découvre le principe d’inertie.

La lunette et les plans inclinés utilisés par Galilée. Documents Museo Galileo.

Malgré ses moyens rudimentaires, Galilée que l'on surnomme à juste titre le "père de la physique moderne" démontre l'existence d'une masse pesante et d'une masse inerte. Aujourd'hui nous dirions que la masse pesante (le poids ou masse gravitationnelle) varie en fonction de la force de gravité, alors que la masse inerte (la masse ou quantité de matière) est une constante (nous verrons plus loin qu'Einstein modifiera ce point de vue en posant la loi de conservation de l'énergie, E=mc2).

Concrètement, si le poids d'un corps est six fois plus léger sur la Lune que sur la Terre, la force d'accélération nécessaire pour vaincre l'inertie de ce corps sera la même ici bas que là haut car elle ne représente qu'un effet de la résistance à l'accélération. Du coup, le mouvement n'est plus la conséquence d'un changement d'état de la matière comme le pensaient Platon et ses émules; le mouvement existe au même titre que le repos.

Dans ses célèbres Discours de 1638, qui constitue la forme achevée de ses études sur la mécanique et est considéré aujourd’hui comme étant le premier ouvrage consacré à ce sujet, Galilée définit le mouvement comme une relation qui n'existe qu'en présence de deux corps : "Le mouvement n'agit que sur la relation que ces mobiles entretiennent avec d'autres qui en sont privés. Le repos est un mouvement rendu nul parce qu'il est partagé". Pour Galilée, le mouvement et le repos ne sont qu'une question de point de vue, de relativité.

Mais il croit encore à la doctrine d'Aristote : si la cause cesse, l'effet disparaît. De prime abord, nous sommes de son avis. Mais réfléchissons un instant à cette causalité. Galilée - comme bon nombre d'entre nous - ne peut expliquer le mouvement partagé, le vol relatif des papillons par exemple.

Dans son Dialogue Galilée relate une "expérience de pensée" qui révèle cette contradiction. "Dans la cabine d'un navire (à quai) dit-il, se trouve des papillons et d'autres animaux volants. Faites se déplacer le navire à une vitesse aussi grande que vous voudrez; pourvu que le mouvement soit uniforme et ne fluctue pas [...] les papillons continueront à voler indifféremment dans toutes les directions. [...] on ne les verra jamais s'épuiser à suivre le navire dans sa course rapide".

En 1585, Giordano Bruno[13] avait déjà suggéré "[qu'un objet] placé à bord d'un navire en course [...] est doté de la vertu du moteur qui se meut avec le navire". Mais il ne veut pas s'étendre sur ses réflexions. Galilée à son tour constate que dans ce cas il n'y a pas de "premier moteur", or il y a bien un effet : les papillons sont entraînés à la vitesse du navire. Quel "moteur" a donc bien pu mettre les papillons en mouvement ?

Tiraillé entre deux conceptions philosophiques de la nature, Galilée essaye malgré tout de comprendre ce qu'il observe à partir d'expériences. Il pousse son raisonnement plus loin, expérimente sur des plans en rotation pour finalement proposer le théorème de la composition des vitesses. Il stipule : "la vitesse apparente d'un mobile est égale à la somme des vitesses du mobile et de son référentiel s'ils sont tous deux animés d'un mouvement rectiligne uniforme". Selon le point de vue où l'on se place, le mouvement est "comme nul ". Pour un observateur sur la côte, le navire et les papillons avancent sur les flots, tandis qu'aux yeux des papillons embarqués, le navire n'est pas en mouvement. Cette définition constitue le "principe de relativité" proprement dit, appelé aujourd'hui le "principe d'invariance". Galilée en conclut que la cause qui transporte les papillons n'a rien à voir avec la vitesse du bateau en mouvement. Il considère que le mouvement du bateau est "imprégné de manière indélébile" dans les papillons.

En 1602, il imagine ce qui deviendra la loi de l'inertie de Newton : "Quel que soit le degré de vitesse d'un corps mobile, celui-ci est naturellement imprimé de manière indélébile si toutes les causes externes d'accélération sont absentes, ce qui se produit seulement sur un plan horizontal ". Mais pourquoi le mouvement est-il ainsi "imprégné" dans les corps ? Galilée ne peut formaliser son observation et doit concevoir une surface plane pour conserver la vitesse des corps. Il faudra attendre l'explication de Newton concernant l'inertie.

La loi du mouvement uniforme

e = v t

La loi de la chute des corps

avec g, l'accélération de la pesanteur (m/s2)

Depuis Aristote, il restait un autre hiatus de taille : l'archer. Quelle force[14] continuait donc à transmettre l'impulsion initiale de la flèche ? Sa vitesse ne pouvait-elle pas "s'épuiser" ? En fait Galilée reste aristotélicien.

Kepler publia en 1609 son Astronomia Nova, dans laquelle il mentionne que les planètes évoluent sur des orbites elliptiques. Galilée qui connaissait la réputation du mathématicien allemand voulut une copie de son ouvrage mais n'accepta jamais certaines de ces hypothèses; il considérait encore en 1632 que le mouvement naturel ne pouvait être que circulaire, fidèle à la doctrine d’Aristote. Pour Galilée le caractère elliptique des orbes des planètes était incompatible avec son inertie circulaire : “Le mouvement par la ligne horizontale, qui n’est ni descendante ni ascendante, est mouvement circulaire autour du centre : le mouvement circulaire ne s’acquerra donc jamais naturellement sans un mouvement rectiligne précédent, mais une fois qu’il sera acquis, il continuera perpétuellement avec une vitesse uniforme[15].

Galilée ne peut concevoir un mouvement uniforme en ligne droite, car il ne s'agit pas d'une construction “naturelle”. Son explication de l'accélération devenait caduque lorsqu'il observait un objet sur une surface en rotation. Une force écartait inexorablement l'objet de sa trajectoire. Les mesures qu'il obtenait n'étaient donc pas compatibles avec une explication fondée sur un mouvement uniforme rectiligne.

Le procès de Galilée. Extrait de William Bixby, The Universe of Galileo and Newton, 1966.

Le procès de Galilée en 1633.

Galilée parvint malgré tout à expliquer la trajectoire parabolique des boulets de canon comme résultant de la composition de deux mouvements, l'un horizontal et l'autre vertical. Il démontra également qu'un canon tire un boulet vers l'est ou vers l'ouest à la même vitesse que celle de la Terre, le boulet tombera à la même distance du canon, car sa vitesse par rapport à la Terre est invariante; que celle-ci soit en mouvement ou non, cela ne modifiait pas la vitesse du boulet. En observant le phénomène des marées et les phases de Vénus, il en vint même à affirmer dans une missive[16] datée de 1615 que la Terre était en mouvement autour du Soleil : "...mes études m'ont conduit à affirmer [...] que le Soleil, sans changer de place, demeure situé au centre de la révolution des orbes célestes et que la Terre tourne sur elle-même et se déplace autour du Soleil ".

Malgré son erreur sur l'interprétation des marées qu’il imputait aux seuls mouvements de la Terre, il expliquait ainsi de nombreux effets naturels qui contredisaient la mécanique d'Aristote et celle de Ptolémée. Mais les idées et l'attitude sarcastique de Galilée s'opposeront à la doctrine de l'Eglise qui en sonnera presque le glas.

A consulter : Le procès de Galilée

Entre-temps Galilée poursuivit ses recherches, mais il ignora la notion de force et resta cloisonné dans la cinématique sans se préoccuper des causes réelles des mouvements. En 1638, il publie ses Discours et Démonstrations mathématiques concernant deux sciences nouvelles, qui ne feront que conforter la célébrité de Galilée. Mais il suppose encore que tous les corps en mouvement doivent être "soutenus" par un support physique pour les empêcher d'être soumis à la "loi inhérente" de la chute. En fait, ses lois de la mécanique n'étaient pas complètes et devaient inclure les paramètres d'un monde d'influence beaucoup plus vaste, où toutes les lois de la physique étaient respectées.

Pour expliquer le mouvement de la Lune et des corps en général, en 1609 Kepler pose de façon empirique les trois lois du mouvement orbital. L'une concerne les orbites des planètes (elliptiques), la seconde leurs vitesses (loi des aires) et la troisième lie la période orbitale à la distance qui sépare le couple. Cette troisième loi[17] sera très utile à Newton :

En 1637, à la même époque que Galilée, Descartes invente la géométrie analytique qui marquera un progrès décisif dans la théorisation de l'astronomie. Il invente le système de coordonnées cartésien (x, y) qui, par extension, permettra de déterminer la position d’un objet dans l'espace par rapport à un système de références tridimensionnel.

Descartes traduisit les courbes sous forme d'équations, permettant aux mathématiciens de modéliser leurs observations. Ainsi grâce à la méthode dite par coefficients indéterminés, il permit de résoudre des équations jusqu’au quatrième degré.

Sans l’invention de la géométrie analytique par Descartes, les mathématiciens qui lui succéderont n’auraient jamais pu étudier les géométries non euclidiennes dans l’espace et inventer des concepts aussi étranges que les trous noirs.

Prochain chapitre

Newton, le premier scientifique

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[9] Galileo, "Opere”, Ed. Nazionale, Tome V, 1623, 113.

[10] La légende raconte que pour démontrer sa théorie, Galilée laissa tomber des masses différentes du haut de la Tour de Pise. Mais selon certaines sources,Galilée était gêné par un corset de métal et n'aurait jamais gravit l'escalier intérieur qui mène au sommet de la célèbre tour penchée. D’autres critiques estiment qu’il a pu conduire des expériences sur la Tour de Pise mais rien qu’il ne connaissait déjà.

[11] Commentaire de Galilée déjà cité le 16 novembre 1604 dans une lettre à Paolo Sarpi, théologien de la République de Venise. Lire S.Drake, “Galilean Studies”, Ann Arbor University of Michigan, 1970, ch. 11, p214-240.

[12] F.Bacon, "Novum scientarum organum", 1620.

[13] G.Bruno, "Le Banquet des Cendres", 3e dialogue, Ed. de l’Eclat, 1988; “L'infini, l'Univers et les Mondes”, Berg International, 1987.

[13] Dans ce contexte nous parlerions aujourd'hui d'énergie.

[15] Galileo, "Opere”, Ed. Nazionale, Tome VII, 1623, p37.

[16] Missive adressée à Christine de Lorraine, épouse de son protecteur le duc de Toscane.

[17] Kepler publia la troisième loi en 1618 dans "Harmonie du Monde" et "Epitome".


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