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Le Soleil en lumière blanche
La couronne solaire (V) Au-dessus
de la chromosphère s'installe le voile diffus de la couronne solaire. Elle
constitue l'atmosphère externe du Soleil. Son rayonnement n'est en fait que
la lumière diffuse de la photosphère combinée à grande distance à la
lumière diffusée par les poussières du milieu interplanétaire.
On y reviendra. Avec un éclat un million de fois plus faible que celui de
la photosphère à 1 R Moyennant un filtre dense pour ne pas s'abimer les yeux, la couronne solaire peut-être observée depuis la station spatiale ISS ou depuis la Lune, où il n'existe aucune particule susceptible de diffuser la lumière, aucune atmosphère. Sur Terre, à part durant les rares éclipses totales de Soleil, on peut également l'observer au moyen d'un coronographe qui permet d’occulter artificiellement le disque du Soleil. Mais au sol l'observation de la partie externe de la couronne est rendue difficile en raison de la brillance du ciel. Les composantes de la couronne La
partie la plus brillante de la couronne, qui réside à moins de 2 rayons solaires
(1 rayon solaire correspondant à la taille du Soleil et donc au niveau de
la photosphère) s'appelle la couronne interne dans laquelle on
peut observer les protubérances (qui apparaissent en rose pendant les
éclipses, voir les photos ci-dessous) tandis que la partie la plus éloignée,
montrant les jets caractéristiques constitue la couronne externe.
Cette structure rayonnante caractéristique est très riche en formations coronales : on y
voit des arches, des condensations, des hétérogénéités et des jets d'une longueur pouvant
dépasser 10 R A lire : Les éclipses solaires
Qu'est-ce qui fait briller la couronne ? En fait il n'existe pas qu'une seule couronne émettant de la lumière mais 5 couronnes solaires distinctes, chacune étant le siège d'un processus spécifique d'émission. Pour les distinguer, à mesure qu'on s'éloigne du Soleil, les astrophysiciens les ont nommées par une lettre : les couronnes E (Émission), K ("Kontinuierlich" ou Continuum), F (Fraunhofer), T (Thermique) et S (Sublimation). Les
composantes les plus brillantes sont la couronne K et loin derrière (au
moins 100 fois moins brillantes à 1 R A
l'intention des photographes, précisons qu'en général sur les photos à
longues poses, on peut enregistrer la couronne solaire jusqu'à 5 ou 6 R Pour comprendre comment rayonnent ces différentes composantes, il faut étudier les interactions entre la matière et le rayonnement dans la couronne solaire.
Peu de temps après que le spectroscope ait été appliqué à l'astronomie, durant l'éclipse totale de Soleil du 7 août 1869, Charles Young et William Harkness découvrirent dans le spectre de la couronne solaire une raie verte très brillante à 530.3 nm (cf. le spectre-éclair du Soleil). Comme elle ne correspondait à aucun élément connu, à l'instar de ce qui s'était produit pour l'hélium, Young attribua tout d'abord cette raie à un nouvel élément, le "coronarium". Il fallut attendre les résultats du travail méticuleux de Walter Grotrain et Bengt Edlin dans les années 1930 pour que cet élément soit correctement identifié avec l'ion ferrique Fe XIV, c'est-à-dire qu'il s'agissait d'un fer neutre (Fe I) ayant perdu 13 électrons sur ses 26. On peut comprendre le scepticisme d'Edlin et de ses collègues astrophysiciens. L'élément qu'ils observaient était le fer qui avait été 13 fois ionisé. Mais cela impliquait que cette région se trouvait dans des conditions physiques très particulières, portées à plus d'un million d'un degré, seule explication pour ioniser si fortement cet atome ! La deuxième raie la plus intense est celle du Fe X à 637.6 nm qui émet vers 2 millions de degrés. Etudions ce phénomène d'un peu plus près. La couronne E Comme nous l'avons évoqué, au-dessus de la chromosphère dont la température varie entre 6000 et environ 20000°C s'étend la couronne interne. Elle comprend la couronne ou composante E qui représente l'atmosphère supérieure et diluée du Soleil dans laquelle les atomes passent progressivement dans un état ionisé en raison des températures supérieures à 1 million de degrés Celsius qui y règnent. La
couronne E s'étend sur seulement 1 R Dans ce milieu excessivement chaud et raréfié seuls les éléments les plus lourds présents à l'état de trace comme le fer ou le calcium sont capables de retenir quelques-uns de leurs électrons malgré l'agitation électronique intense. Mais ces éléments sont fortement ionisés. De nombreux atomes présentent ce qu'on appelle des raies "interdites" (car ces transitions sont impossibles sur Terre, cf. l'article sur le rayonnement des nébuleuses) qui témoignent d'une raréfaction très poussée de la matière. C'est cet état intense d'ionisation qui engendre une émission massive de rayonnements, tant radios que rayons X. Comme la fluorescence produite par un tube néon ou la lumière des aurores, la lumière de la couronne E provient des ions contenus dans ce plasma qui absorbent la lumière de la photosphère et la réémettent à travers des transitions électroniques entre les niveaux d'énergies spécifiques à ces ions. Du fait qu'en vertu des lois de la mécanique quantique aucune paire d'atomes et d'ions n'a exactement le même ensemble de transitions électroniques, chaque ion émet un spectre unique de raies spectrales qui peut être analysé au moyen d'un spectroscope. Sur la base de ces raies, on peut identifier quels sont les éléments présents dans le gaz coronal, la température de cet état ionique particulier et accessoirement la vitesse de la matière et la densité du gaz. Avec des instruments appropriés on peut également mesurer la force des champs magnétiques à travers lesquels ils se déplacent, champs qui jouent un rôle clé dans l'activité solaire. On y reviendra dans d'autres articles. Les deux éléments les plus abondants dans la couronne solaire sont l'hydrogène et l'hélium mais ils sont complètement dépouillés de leurs électrons, transformés en protons et électrons libres. Mais d'autres éléments comme l'oxygène, l'azote et le fer ne sont pas totalement dépouillés de leurs électrons. Cela signifie que le gaz coronal forme un plasma très étendu composé d'un mélange d'électrons libres et d'ions de nombreux atomes, ce qui explique sa relative faible magnitude.
Pour les astrophysiciens solaires, la couronne E est aussi la région à partir de laquelle ils peuvent obtenir le plus de détails sur les propriétés de la couronne interne grâce à la spectroscopie et l'utilisation de télescopes orbitaux dont les capteurs sont sensibles à l'extrême UV. Ainsi, en analysant la partie EUV du spectre de la couronne grâce aux observatoires orbitaux tels que Hinode (instrument EIS), SOHO (EIT) et TRACE (EIT), les astronomes peuvent étudier de nombreuses raies spectrales du fer comme celles du Fe XIII, des ions du calcium ou du He II. Près de 30 raies d'émission ont été identifiées dans la partie visible du spectre de la couronne et des centaines d'autres dans les parties ultraviolette et rayons X du spectre solaire. La couronne K En raison de la profusion d'électrons libres dans la couronne, on assiste à une deuxième forme d'émission lumineuse. Les photons de faible énergie émis par la photosphère peuvent interagir avec ces électrons non liés à des atomes provoquant la dispersion des photons dans différentes directions; ce qu'on appelle la diffusion Thomson, un régime particulier de la célèbre diffusion Compton.
Conséquence de ce processus et du nombre important de photons émis par la photosphère à chaque
seconde, on peut observer ce nuage de plasma et d'électrons jusqu'à
environ 3 R Au
cours d'une éclipse solaire totale, seule la couronne sur environ 1 R Notons
que près de la photosphère la densité électronique est d'environ 400
millions d'électrons/cm3
tandis quà la distance de 3 R La couronne F La
couronne F également surnommée "fausse couronne" fut
longtemps considérée comme la composante la plus mystérieuse de la
couronne solaire, même plus mystérieuse que la couronne E et ses
millions de degrés. En effet, au delà d'une distance d'environ 2 R L'analyse spectroscopique révèle des raies d'absorption en raison de la présence de gaz froids produit par des ions d'hydrogène (H I à 121.6 nm), du carbone (C III à 97.7 nm) et du silicium (Si III à 120.3 nm) dans la partie UV du spectre ainsi que du calcium et d'autres éléments dans la partie visible du spectre dit de Fraunhofer. La couronne F ressemble comme au reflet dans un miroir à la photosphère mais à une distance d'environ 1 million de km au-dessus de la surface solaire. En utilisant un filtre polarisant ou un filtre infrarouge transparent vers
2.2 microns, on constate que la lumière de la couronne dispersée par les électrons est polarisée, cet
effet augmentant de 50% à 0.5 R En étudiant la couronne F aux longueurs d'ondes infrarouges, dans les années 1960 les astronomes ont découvert que cette région est peuplée de poussière provenant du milieu interplanétaire attirées par le Soleil (cette poussière provient notamment du sillage des comètes et des collisions entre astéroïdes) . Les photons se réfléchissent sur ces poussières sans altérer les propriétés de la lumière et du rayonnement ultraviolet. En revanche, dans l'infrarouge les petits grains de poussière n'agissent pas comme des miroirs parfaits et leur polarisation permet de distinguer la couronne F de la couronne K.
La
couronne F est visible jusqu'à 7 R Comme
on le voit sur le schéma présenté ci-dessus à gauche, la répartition spatiale des grains de poussière semble suivre une loi
en 1/r. Si la couronne K est la plus lumineuse entre 1 et 4 R Notons qu'en 2018, la NASA lança la sonde spatiale Parker Solar Probe qui passera à 6.2 millions de kilomètres de la photosphère du Soleil. Elle devra supporter une température supérieure à 1400°C (plus de 800000 K mais dans un milieu raréfié contenant 1 million d'atomes/cm3) et résister à un niveau d'énergie de 649 kW/m2, un vent solaire constitué de protons animés d'une vitesse pouvant atteindre 600 km/s et des éjections de masse coronales (CME) atteignant régulièrement 1000 km/s et exceptionnellement 2900 km/s ! Parmi ses nombreux objectifs, la sonde solaire Parker étudiera le plasma poussiéreux de la couronne F lors de son passage prévu en décembre 2024. L'instrument SWEAP du SAO mesurera les électrons, les protons et d'autres particules chargées, tandis que l'expérience Fields comptabilisera le nombre de grains de poussière qu'elle rencontrera. Enfin, en 2020 l'ESA lança la sonde spatiale Solar Orbiter pour une mission autour du Soleil qui devrait durer entre 7 et 10 ans. Elle complète la mission de la sonde solaire Parker. Gravitant sur une orbite très elliptique, au périhélie la sonde Solar Orbiter sera à 42 millions de km de la surface du Soleil et devra endurer des températures jusqu'à 520°C. La couronne T Du fait que les grains de poussière interplanétaire sont chauffés par le rayonnement du Soleil, ils émettent un peu de chaleur ce qui permet de les détecter en infrarouge. Bien que la couronne F soit détectable grâce à la manière particulière dont les grains de poussière réfléchissent la lumière, la couronne T dite thermique émet sa propre lumière, ce qui permet de mesurer directement la température des grains et même de déterminer leurs tailles et leurs formes. On sait aujourd'hui que ces grains de poussière ont une taille variant entre 1 et 100 microns. La couronne S Les grains de poussière
de la couronne sont divisés en plusieurs familles :
les grains riches en silicates qui atteignent leur température d'évaporation vers 2 R Entre
3 et 10 R La couronne IRF En
2003, Shadia
R. Habbal et son équipe ont observé que des nanoparticules de silicium
présentes dans les trous coronaux à des distances > 1
R La couronne Fl Au cours des interactions du vent solaire et du rayonnement UV avec les particules contenues dans les couronnes K et F, les molécules carbonées et les radicaux libres (ions) émettent une fluorescence par résonance (notons que ce mécanisme est le même que celui à l'origine du rayonnement vert émis par certaines comètes contenant des ions CO+, C3 et C2). En 2008, Shopov et ses collègues ont proposé d'appeler cette composante, la couronne flourescente ou couronne Fl. Dernier chapitre Origine des hautes températures de la couronne
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