La Bible face à la critique historique
Jésus a-t-il existé ? (II) 4. Les indices A côté de Tacite et Flavius Josèphe qui ont rapporté les propos de témoins de première main ou des faits auxquels ils ont assisté, il existe évidemment d'autres auteurs antiques évoquant Jésus et les rites religieux pratiqués par les premiers chrétiens. Mais il s'agit de sources indirectes qui n'apportent en général que des indices et aucune information sur l'existence de Jésus. Leurs propos sont toutefois éclairant sur la manière dont la société de l'époque considérait ces personnes. Pline le Jeune Pline le Jeune (61-113), de son vrai nom Gaius Plinius Caecilius Secundus, fut l'ami de Tacite. C'était un haut fonctionnaire romain sous le règne de l'empereur Trajan. Il fut administrateur, juriste et juge avant d'être nommé sénateur puis gouverneur d'une province romaine en 110 de notre ère. Nous connaissons surtout Pline grâce à sa correspondance publique, en particulier ses lettres à Trajan dont son Livre X (Épître X 96) et ses recherches sur la façon de traiter les personnes accusées d'être chrétiennes. Pline écrit notamment : "Ceux qui niaient être chrétiens ou l'avoir été, s'ils invoquaient des dieux selon la formule que je leur dictais et sacrifiaient par l'encens et le vin devant ton image que j'avais fait apporter à cette intention avec les statues des divinités, si en outre ils blasphémaient Christ - toutes choses qu'il est, dit-on, impossible d'obtenir de ceux qui sont vraiment chrétiens -, j'ai pensé qu'il fallait les relâcher....[Ceux qui se disaient chrétiens] m'ont assuré que toute leur faute, ou leur erreur, consistait à ce qu'ils avaient l'habitude de se réunir à jour fixe, avant le lever du jour. Ils chantaient entre eux alternant la récitation d'un hymne antiphonique à Christ considéré comme un dieu et se sont engagés à prêter serment de ne pas commettre de crime, de s'abstenir de voler, de ne pas commettre l'adultère, de ne pas violer la foi ni de détourner les biens qui leur étaient confiés. Après cela, c'était leur coutume de se séparer, puis de se réunir à nouveau pour prendre un repas, mais un ordinaire innocent" (Pline, "Lettres et Panégyrique de Trajan", X 96, 5-7). Notons que Pline mentionne le nom "Christ" qu'utilisaient les chrétiens qu'il interrogeait, en fait sa forme latine "Christvs", ce que confirment Evans et Chilton[10]. En revanche, il ne cite jamais "Christos" comme le fit Josèphe avant lui, ce qui pourrait indiquer qu'il n'a jamais discuté avec des Grecs convertis ou n'a jamais eu en main le livre de Josèphe ni aucun des premiers livres du Nouveau Testament écrits en grec. En fait, les commentaires de Pline le Jeune à propos des chrétiens peuvent être retrouvés ou déduits du Nouveau Testament. Ils ne révèlent rien de nouveau à propos du personnage de Jésus. Les lettre de Pline ne peuvent donc pas être considérées comme des preuves de l'existence de Jésus, mais uniquement comme des indices relatifs à la croyance chrétienne en son existence. On peut juste noter qu'il semble exister au début du IIe siècle une croyance chrétienne en Jésus en tant que dieu et le fait qu'une importante population de chrétiens lui vouent un culte dans la province ou officie Pline, en Bithynie, située en Asie Mineure, et ce, malgré les interdictions promulguées par Rome et les condamnations à mort. Suétone De son vrai nom Gaius Suetonius Tranquillus (c.69-c.125/140), il était archiviste à la cour de l'empereur Hadrien, écrivain, avocat et historien romain mais fut disgracié en 122. Suétone nous a laissé plusieurs livres d'histoire dont "Vies des Douze Césars" (dont voici la couverture de l'édition de 1775) dans lequel il décrit les actions et la personnalité des emperereurs romains de Jules César à Domitien mais en insistant surtout sur leurs travers, ce qui lui valut d'être classé parmi les historiens douteux et peu objectifs, colporteurs d'histoires d'antichambres et de rumeurs. Suétone est le seul auteur antique décrivant les émeutes juives survenues en 49 de notre ère à Rome qu'il prétend, mais sans en être certain, avoir été organisées par un certain "Chrestus", dont l'identification avec Jésus n'est pas établie. Suétone écrit : "Comme les Juifs ne cessaient de créer des troubles à l'instigation de Chrestus, [Claude] les chassa de Rome" (Suétone, "Vie de Claude", XXV.11). Ici aussi, certains traducteurs ont remplacé arbitrairement le nom "Chrestus" par "Christus" qui est forcément un autre homme que le Christ, Jésus de Nazareth, puisque cet émeutier était vivant en 49. Or le texte latin dit clairement "impulsore Chresto" (l'incitant Chrestus) qu'on ne peut pas confondre avec le nom latin "Christvs". Ceci dit, en connaissant la culture romaine et les approximations de Suétone, on peut malgré tout interpréter ce passage de deux manières, mais dans aucun cas Suétone évoque le Jésus biblique. Bref, Suétone ne parle pas directement du Christ et ne nous apprend rien sur lui.[11] Lucien de Samosate Lucien de Samosate (c.115-c.180 de notre ère) était un rhéteur (adepte de la rhétorique) et un poète satiriste grec qui écrivit quelques 80 oeuvres dont plusieurs livres qu'on peut qualifier de science-fiction comme "L'Histoire véritable", des romans, des poésies, des dialogues, des pamphlets et des biographies satiriques. Parmi celles-ci, "La Fin de Pérégrinus" (ou "La Mort de Pérégrinos" selon les traductions) qui raconte l'histoire d'un ancien chrétien qui est devenu plus tard un célèbre cynique et révolutionnaire et qui mourut en 165. Dans la section 11 du "Pérégrinus", l'auteur discute de la carrière de Pérégrinus et, sans nommer Jésus, au milieu de la satire, il se réfère clairement à lui, bien qu'avec mépris. Voici la traduction de l'historien et bibliste Craig A. Evans, professeur émérite de Université Baptiste de Houston, plus fidèle à l'original que la version française : "C'est alors qu'il apprit la merveilleuse sagesse des chrétiens en s'associant avec leurs prêtres et scribes en Palestine. Et quoi d'autre ? En peu de temps, il les fit ressembler à des enfants, car il était prophète, chef de culte, chef de la congrégation et tout, tout seul. Il a interprété et expliqué certains de leurs livres, et a écrit beaucoup de lui-même. Ils l'ont vénéré comme un dieu, l'ont utilisé comme législateur et l'ont placé comme protecteur - pour être sûr, après cet autre qu'ils adorent encore, l'homme qui fut crucifié en Palestine parce qu'il avait introduit ce nouveau culte dans le monde"[12]. "Pour se convaincre qu'ils seront immortels et vivront à jamais, les pauvres misérables méprisent la mort et sont même volontiers prêts à s'offrir eux-mêmes. De plus, leur premier législateur les persuada qu'ils sont tous frères les uns des autres après avoir dénié une fois pour toutes les dieux grecs et en adorant ce sophiste crucifié et en vivant selon ses lois"[13]. Bien que Lucien connaissaient les "livres" des chrétiens (dont certains ont constitué le Nouveau Testament), le fait qu'il mentionne de nombreuses informations erronées suggère qu'il ne les a pas lus. Le terme composé "prêtres et scribes" par exemple, semble avoir été emprunté au judaïsme. Et en effet, le christianisme et le judaïsme étaient quelquefois confondus chez les auteurs classiques. Lucien semble avoir recueilli toutes ses informations à partir de sources indépendantes du Nouveau Testament et d'autres textes chrétiens. C'est pour cette raison que ses écrits sont habituellement considérés comme une preuve indépendante de l'existence de Jésus. Ceci reste vrai malgré qu'il ridiculise et affiche son mépris pour les chrétiens et leur "sophiste crucifié". Le terme "sophiste" était un terme péjoratif utilisé pour désigner les tricheurs ou les enseignants qui ne pensaient qu'à l'argent. Lucien méprisait les chrétiens pour avoir adoré quelqu'un qu'il pensait être un criminel digne de mourir et surtout méprisant "l'homme qui fut crucifié". Nous verrons qu'à l'époque où l'apôtre Paul prêcha dans les communautés grecques et romaines, il dut affronter leurs moqueries et leur mépris, leur culture et leur bon sens les convaincants qu'il était farfelu de croire à la résurrection. Ce fut notamment le cas du philosophe romain platonicien Celse (Celsus) qui vécut à Alexandrie au IIe siècle qui considérait Jésus comme un magicien ayant fait des déclarations extravagantes et ridicules. S'il attaqua vertement les chrétiens et les juifs, il fut aussi sévèrement critiqué par Origène, Père de l'Église et par le théologien, écrivain et moraliste Tertullien sur lequel nous reviendrons[14]. La lettre de Mara bar Serapion
Mara bar Serapion était un philosope stoïcien syrien fait prisonnier de guerre par les Romains suite à la conquête de Samosata (cf. Lucien) et emprisonné injustement à Seleucia, dans l'actuel Irak. Il écrivit une lettre en syriaque adressée depuis sa prison à son fils également appelé Serapion : "[...] Que devons-nous dire quand les sages sont conduits de force par des tyrans ? [...] Quel bénéfice les Athéniens ont-ils tiré de la mise à mort de Socrate, [...] Ou les Juifs du meurtre de leur roi sage, vu que de ce moment même ils ont été privés de leur royaume ? [...]". Cette lettre fut découverte dans le monastère des Syriens situé dans le Wadi Natrun en Égypte. Compte tenu des conditions de captivité, elle serait datée soit après l'an 73 soit de 162/163 ou de 256. Nous ne savons rien de plus de cet auteur. Mara ne semble pas avoir été chrétien car il ne se réfère pas à la résurrection de Jésus et sa terminologie, telle que "roi sage", n'est pas la manière habituelle dont les chrétiens évoquent Jésus qui utilisent le mot "Seigneur". Il est possible que Mara ait entendu parlé de Jésus par les chrétiens mais ne l'a pas nommé par peur de déplaire à ses propres geôliers romains. Mara cite "le roi juif sage" d'une manière qui semble décrire Jésus mais il ne précise pas son identité et évoque un meurtre plutôt qu'une condamnation (même si sans l'esprit de tous les chrétiens dans ce cas-ci les deux verbes sont synonymes). Bref, cette source reste incertaine et la plus fragile parmi celles que nous avons décrites[15]. Les textes rabbiniques En se référant aux textes des premiers siècles de notre ère, même un expert aussi prudent et spécialisé que Robert Van Voorst constate qu' "aucun des païens et Juifs qui se sont opposés au christianisme ont nié l'historicité de Jésus ou même l'ont remise en question"[16]. Selon Van Voorst, le déni de la réalité de l'existence de Jésus est particulièrement remarquable dans les textes rabbiniques des premiers siècles de notre ère : "si quelqu'un dans le monde antique avait une raison de ne pas aimer la foi chrétienne, ce sont les rabbins. Réussir à prétendre que Jésus n'a jamais existé mais fut une création des premiers chrétiens aurait constitué la polémique la plus efficace contre le christianisme ... [Pourtant], toutes les sources juives ont traité Jésus comme une personne totalement historique [...] Les rabbins [...] ont utilisé les évènements réels de la vie de Jésus contre lui" (R.Van Voorst, "Jesus Outside the New Testament", 2000, pp.133-134). Ainsi, la naissance, le ministère et la mort de Jésus furent l'occasion pour ses opposants de prétendre que sa naissance était illégitime et qu'il faisait des miracles par magie et qu'il était possédé par le Démon, qu'il encourageait l'apostasie (le renoncement à la religion), qu'il trompait le peuple avec son enseignement et qu'il fut justement exécuté pour ses propres péchés. Mais ils n'ont jamais nié son existence[17]. Parmi ces textes rabbiniques, il y a le "Sepher Toledot Yeshu" (Sepher Toldos) ou "Livre des Générations de Jésus" dont voici une traduction en anglais, c'est-à-dire la généalogie ou l'histoire de Jésus (à comparer avec Matthieu 1:1-25 qui l'a décrit depuis Abraham). Les spécialistes le datent généralement du VIIIe siècle de notre ère mais selon Evans, il "pourrait contenir quelques traditions orales remontant au IIIe siècle [Ce n'est] rien de plus qu'une collection de traditions tardives, des sources tant chrétiennes que juives [...] pleines de fictions assemblées pour le but principal de la polémique et de la propagande antichrétienne", et n'a aucune valeur historique sur la question de l'existence de Jésus (Craig A. Evans et Bruce Chilton, Studying the Historical Jesus", Brill, 1998, p450). Le Talmud de Babylone Autre tradition rabbinique apparemment troublante dans ses références potentielles à Jésus, il y a cet extrait du Talmud de Babylone où le déni est évident (traduction contemporaine où nous avons conservé le nom Yeshu ha-Noṣri au lieu de Jésus de Nazareth) : "La tradition rapporte : la veille de la Pâque, on a pendu Yeshu ha-Noṣri. Un héraut marcha devant lui durant quarante jours disant : il sera lapidé parce qu’il a pratiqué la magie et trompé et égaré Israël. Que ceux qui connaissent le moyen de le défendre viennent et témoignent en sa faveur. Mais on ne trouva personne qui témoignât en sa faveur et donc on le pendit la veille de la Pâque. Ulla dit :"Croyez-vous que Yeshu ha-Noṣri était de ceux dont on recherche ce qui peut leur être à décharge ? C'était un séducteur ! et la Torah dit : tu ne l'épargneras pas et tu ne l'excuseras pas (Deutéronome 13,9)..." Dans une autre version, à la fin de ce passage il est ajouté : "Mais c'était différent avec Yeshu ha-Noṣri, car il était proche du royaume" (Talmud de Babylone, Sanhedrin 43a; à comparer avec Sanhedrin 67a). Voici les commentaires de Craig A. Evans à propos de cette citation du Talmud de Babylone, Sanhedrin 43a : "Selon Jean 18:28 et 19:14, l'exécution de Jésus s'est produite pendant la Pâque. La phrase "proche du royaume" pourrait se référer à la tradition chrétienne selon laquelle Jésus était un descendant du roi David (Matthieu 1:1; Marc 10:47-48), ou il pourrait se référer à la proclamation de Jésus selon laquelle "le royaume de Dieu [était] proche" (Marc 1:15). Le Deutéronome 13:1-11 prescrit la mort par lapidation pour empêcher d'autres Israélites de servir d'autres dieux, de donner un signe ou de faire des merveilles (des miracles), tandis que le Deutéronome 21:21-22 exige que "si l'on fait mourir un homme qui a commis un crime digne de mort, [il sera] pendu à un [arbre]" (à comparer avec la Mishna, Sanhedrin 6:4 : "Tous ceux qui ont été lapidés doivent être pendus"). Lorsque la Judée fut sous la domination romaine et la crucifixion fut instituée comme un châtiment légal, en dehors de la question de savoir si c'était juste ou injuste, les juifs l'assimilaient à la pendaison à un arbre" (Evans et Chilton, "Studying the Historical Jesus", 1998, p448). Le passage ci-dessus concerne à la fois l'opinion des rabbins selon laquelle Jésus existait réellement et contient leur vision obstinément négative à propos des miracles de Jésus considérés comme de la magie et ses enseignements comme une tromperie (Van Voorst, "Jesus Outside the New Testament", 2000, p120). Sources documentaires douteuses D'autres sources documentaires sont douteuses ou sans pertinence. Nous allons en citer quelques-unes, que nous compléterons par celles proposées par Craig A. Evans et Bruce D. Chilton dans leur livre "Studying the Historical Jesus" (1998). Parmi les sources douteuses, citons les suivantes : Tertullien Le théologien, moraliste et juriste chrétien Tertullien (115-225) qui vivait à Carthage, écrivit en 197 une apologie sur les chrétiens destinée aux autorités romaines d'Afrique dans laquelle il écrit : "En ces jours où le nom de chrétien fit son entrée dans le monde, Tibère, qui avait reçu l’intelligence au sujet de la divinité du Christ amena le sujet devant le sénat, en comptant bien appuyer sa position en faveur du Christ. Mais le Sénat rejeta cette proposition parce qu’il n’approuvait pas lui-même cette opinion. César la soutenait, cependant, et menaça de sa colère contre tous les accusateurs des Chrétiens" (Tertullien, "Apologétique", ch.V, 2). Ce texte qui est également repris dans "Apologie" de Justin Martyr ne confirme qu'indirectement l'existence du Christ et ne fait pas allusion à Jésus. Dans les deux cas l'information est sans grande valeur. Justin Martyr L'auteur et philosophe Justin Martyr (saint Justin), de son vrai nom Justin de Naplouse (ou de Néapolis) est né au début du IIe siècle et mourut décapité à Rome vers 165. Il composa une dizaines d'oeuvres dont plusieurs apologies du christianisme dans lesquelles il cite de très nombreuses fois le nom du Christ et le fait qu'il fut crucifié. Vers 150, Justin adressa sa "Première Apologie en faveur des Chrétiens" à l’empereur Antonin le Pieux (Antonius Pius) dans laquelle il écrit : "Mais ces mots ‘ils ont percé mes mains et mes pieds’ dit-il, étaient l'annonce des clous qui furent plantés dans ses mains et dans ses pieds sur la croix. Et après qu’on l'eut crucifié, ceux qui le crucifièrent jetèrent les dés pour se partager ses vêtements. Et ces choses arrivèrent ainsi, tu peux en avoir connaissance dans les Actes qui furent enregistrés sous Ponce Pilate" ("Première Apologie", 35:7-9). Justin est une source indirecte qui relate ce qu'il a lu ou entendu sans avoir pu vérifier les faits. Thallus L'historien païen Thallus (Thallos) écrivit en 52 de notre ère une histoire du monde méditerranéen en trois volumes dans laquelle il couvre la période entre la Guerre de Troie et la 167e Olympiade soit entre c.1260 et c.112/109. La plupart de ses textes sont perdus mais il reste quelques citations dans l'"Histoire du Monde" de l'auteur chrétien Jules l'Africain (Sextus Julius Africanus) qui vécut au début du IIIe siècle. L'une de ses citations mentionne l'obscurcissement du ciel cité dans la Bible : "Thallus, au troisième livre de son Histoire explique naïvement les ténèbres par une éclipse de Soleil, ce qui me semble déraisonnable (déraisonnable, bien sûr, parce qu’une éclipse de soleil ne pouvait pas arriver à l’époque de la pleine lune, parce que Christ mourut à l’époque pascale de la pleine Lune)". Si l'argument est recevable, rappelons qu'il n'y a jamais eu d'éclipse de Soleil (ni de Lune) à l'époque supposée de la mort de Jésus. Précisons que les païens ont tenté d'expliquer cette "obscurité" par un phénomène naturel. L'auteur fait référence au Nouveau Testament mais étant donné que le texte biblique n'est pas fiable, ce compte rendu ne l'est pas non plus. Ce texte ne constitue qu'une preuve indirecte de l'existence du Christ et par conséquent de Jésus. La Guerre des Juifs version slave La version slave (russe ancienne) de la "Guerre des Juifs" de Flavius Josèphe "contient de nombreux passages ... [qui] racontent les actes étonnants de Jésus, de la jalousie des dirigeants juifs, de la corruption de Pilate, etc" (Craig A. Evans, op.cit., p451). Ces ajouts n'ont pas de valeur historique démontrée. Le Yosippon (ou Josippon) est une source médiévale qui apparaît dans de nombreuses versions, souvent avec de nombreux ajouts. Son noyau est une version hébraïque contenant des extraits des textes de Josèphe qui n'apportent rien avant le quatrième siècle de notre ère. Les manuscrits de Qumrân Enfin, il y a les fameux manuscrits de la mer Morte qui se comptent pourtant par centaines ne contiennent aucune référence à Jésus ou à ses partisans. Précisons que les traditions islamiques dépendent soit du Nouveau Testament soit ne sont pas clairement traçables jusqu'aux premiers siècles de notre ère. Craig A. Evans qui a probablement étudié ces sources documentaires mieux que personne, conclut que ces sources contiennent des "traditions de seconde et troisième catégories qui reflètent pour la plupart une connaissance vague de l'histoire des Évangiles et des controverses avec les Chrétiens. Ces sources n'offrent rien d'indépendant" (Craig A. Evans, op.cit. p443). Les sources archéologiques Les sources archéologiques représentent les artefacts. Le nom de "Jésus" de Nazareth ou "Christ" que ce soit en grec, en araméen, en syriaque, en latin ou d'autres langues, n'a jamais été découvert dans aucune ruine antique, sur aucune stèle, arche, linteau ou ostracum, lampe à huile ni aucun objet du culte. En fait les seules évocations de Jésus datant du Ier siècle de notre ère sont des graffiti, des icônes et des peintures retrouvées dans les catacombes ou les premiers lieux de culte chrétiens (les synagogues-églises). Cette iconographie souvent rudimentaire reprend au mieux quelques symboles chrétiens (croix, poisson stylisé, un vague portrait de Jésus ou un christogramme avec le nom sacré "IΣ" pour Iesous).
Ensuite, vers le IVe siècle les premières églises affichent des fresques en mosaïques dont certaines mentionnent le nom du Christ ou présentent un épisode de sa vie (l'Ascension) ou un passage de la Bible (les douze apôtres, la remise des clés du royaume des Cieux, etc.) qui permet d'associer son nom à l'oeuvre. Mais comme le dit bien le Saint-Siège, ces objets sont des icônes; ils ne prouvent pas l'existence de Jésus. De plus, ayant été réalisés par des chrétiens, ils ne représentent pas la source la plus objective qui soit. L'inscription "Christ né de Marie" Parmi les pièces archéologiques évoquant Jésus de Nazareth, en 2022, lors d'une fouille archéologique dirigée par Tzachi Lang et Kojan Haku de l'IAA (Autorité des Antiquités d'Israël), les archéologues ont découvert dans le village d'et-Taiyiba située dans la vallée de Jezreel, à ~25 km au sud-est de Nazareth et au sud du lac de Tibériade, une inscription en grec gravée sur une pierre présentée ci-dessous sur laquelle on peut lire : "Ο ΧΡΙΣΤΌΣ ΓΕΝΝΉΘΗΚΕ ΑΠΌ ΤΗ ΜΑΡΊΑ", ce qui signifie "[Le] Christ [est] né de Marie". L'inscription provient de l'encadrement d'une porte d'entrée datant de la période byzantine ou paléochrétienne (fin du Ve siècle). Elle fut découverte dans l'un des murs d'un magnifique édifice où les fouilles ont mis au jour deux salles contenant des dallages en mosaïque au dessin géométrique.
Selon le Dr Leah Di-Segni, chercheur à l'Institut d'archéologie de l'Université Hébraïque de Jérusalem, qui déchiffra le texte, il s'agit d'une inscription dédicatoire qui fut gravée lors de l'édification des fondations de l'église. Le texte complet se lit comme suit : "Christ né de Marie. Cette œuvre de l'évêque le plus craignant Dieu et le plus pieux [Theodo]sius et du misérable Th[omas] a été construite à partir de la fondation... Quiconque entre doit prier pour eux." Nous savons que le nom "Christ" (Christos en grec) signifie "Messie". Puisque le nom de Marie lui est attaché et que la formule figure sur un édifice chrétien, il n'y a donc aucune ambiguïté sur le personnage, c'est Jésus de Nazareth. Selon Di-Segni, la formule "Christ né de Marie" était destinée à protéger ses lecteurs du mauvais œil et elle était couramment utilisée au début des inscriptions et des documents de l'époque. Di-Segni ajoute que "L'inscription salue ceux qui entrent et les bénit. Il est donc clair que le bâtiment est une église, et non un monastère : les églises saluaient les croyants à leur entrée, alors que les monastères avaient tendance à ne pas le faire". Théodose, que le texte désigne comme le fondateur de l'édifice, fut l'un des premiers évêques chrétiens. Il fut archevêque régional - l'autorité religieuse suprême de la métropole de Bet She'an à laquelle appartenait et-Taiyiba. Mais bien que ce texte cite Jésus et Marie, c'est un texte tardif et il n'est pas neutre puisqu'il fut rédigé par des chrétiens. C'est un exemple typique de source archéologique secondaire et indirecte. Il prouve simplement qu'à cette époque le culte du Christ était implanté dans la région de Bet She'an. Les ossuaires Les seules sources exploitables sont les ossuaires (des boîtes funéraires destinées à contenir les ossements des défunts) car ce sont les seuls objets archéologiques (à part les documents) dont certains présentent des inscriptions nominatives en relation avec Jésus. Il s'agit des ossuaires découverts dans les tombes juives antiques de Jérusalem, dont ceux de la tombe de Talpiot qui contient l'ossuaire portant l'inscription "Jésus fils de Joseph" et celui la tombe de Silwan contenant l'ossuaire portant l'inscription "Jacques fils de Joseph frère de Jésus". Sauf découverte majeure, malgré les prénoms et patronymes figurant sur ces ossuaires, leur véritable propriétaire fait toujours l'objet de discussions et, pour le dire franchement, le sujet est controversé. En effet, si l'archéologue James Tabor qui participa à leur découverte est persuadé qu'il s'agit bien de ceux de la famille de Jésus, plusieurs archéologues biblistes et pratiquement toute la communauté des biblistes dont certains sont également archéologues, s'opposent à cette conclusion qui ne repose que sur des données statistiques basées sur la fréquence des noms trouvés dans ces tombes. C'est ainsi que l'archéologue Rachel Hachlili de l'Institut d'Archéologie Zinman d'Israël conclut : "À la lumière de tout ce qui précède, la tombe de Talpiot est une tombe familiale juive sans lien avec la famille historique de Jésus; ce n'est pas la tombe familiale de Jésus et la plupart des faits présentés pour l'identification sont des spéculations et des conjectures"[18], au grand dam de son collègue James Tabor qui essaye depuis des années de démontrer que cette tombe est réellement celle de la famille de Jésus. Quant au célèbre ossuaire de Jacques découvert dans la tombe de Silwan en 2000 par l'équipe de James Tabor, nous verrons dans l'article concerné qu'aucun scientifique n'a jamais pu prouver que l'ossuaire de Jacques était une contrefaçon et malheureusement personne non plus n'est parvenu à établir qu'il était authentique. Mais même si l'inscription est authentique, la question de savoir si elle se réfère à Jésus de Nazareth n'a pas été clairement établie et reste controversée. En effet, la dernière phrase, "le frère de Jésus", dont l'authenticité n'est ni confirmée ni infirmée, ne correspond pas à la manière habituelle dont les chrétiens se réfèrent à Jésus, qui serait "le frère du Seigneur", mais cette observation ne règle toujours pas la question. C'est donc le statu quo et par conséquent un échec pour les scientifiques qui n'ont pas réussi à se mettre d'accord. Pour ces raisons, la plupart des spécialistes refusent aujourd'hui de porter un jugement sur ces ossuaires[19]. En conclusion Après avoir analysé les sources documentaires, à la question de savoir si Jésus tel que décrit dans le Nouveau Testament a réellement existé, la grande majorité des spécialistes répondent "Oui". Toutefois, il faut être honnête et constater que quelques voix s'élèvent encore pour nier l'existence de Jésus. Mais qui sont ces voix discordantes ? Comme par hasard, il s'agit soit de personnes athées soit négationnistes qui se qualifient elles-mêmes de "mystiques" comme l'a rappelé le théologien et ancien évangéliste Bart D. Ehrman auteur notamment du livre "Did Jesus Exist?" (2013) dans le journal "Huffington Post" en 2012. Ces négationnistes la plupart du temps racistes dénigrent ou cherchent systématiquement la polémique à propos de tous les sujets sensibles, qu'ils soient politiques, sociaux, historiques, religieux, ... Quant aux athées, ils ne croient pas en l'existence d'un Dieu créateur tout-puissant et par conséquent refusent également d'admettre que Jésus ait pu être une personne inspirée par Dieu. Bien que ce dernier point soit également partagé par certains chrétiens, les athées s'en différencient au point de nier a priori l'existence de Jésus. Dans leur intransigeance et leur refus d'analyser les indices probants, ils sont aussi dogmatiques que les croyants les plus conservateurs ! Bref, si on exclut ces "mystiques" pas du tout crédibles, plus aucune voix s'élève pour nier l'existence de Jésus, pas même dans les communautés non-chrétiennes[20]. Pour plus d'information Who was Jesus?, BAS, 2015 (PDF).
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