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La structure de l'univers
Résultats des sondages à grande échelle (II) A partir de 1985, les astronomes eurent l'idée de créer des cartes tridimensionnelles de la distribution des galaxies et des quasars afin de mieux comprendre l'organisation de l'univers visible à grande échelle. A cette époque, John Huchra, Margaret Geller et l'étudiante Valerie de Lapparent du Centre d'Astrophysique Harvard-Smithsonian avaient à leur disposition les coordonnées spatiales et les spectres de 18000 galaxies proches comptant parmi les plus brillantes de l'hémisphère nord. En calculant les redshifts au moyen d'une "z-machine", Huchra et son équipe ont pu déterminer la vitesse radiale de chaque galaxie et transposèrent leur position dans un système de coordonnées sphériques centré sur la Voie Lactée. Cette vue leur permit de présenter les premières "tranches d'univers". La première carte qu'ils réalisèrent est présentée à droite. Réalisée en 1989 dans le cadre du sondage "CfA Redshift Survey 1985-1995", elle est basée sur les observations spectroscopiques de 1100 galaxies (1989) qui furent étendues à 18000 galaxies (1995) réparties dans une bande large de 6° et longue de 130° à travers le ciel boréal, représentant un volume de 600x250x30 millions d'années-lumière. Les axes sont respectivement la coordonnée radiale (z) exprimée en km/s et la coordonnée angulaire (l'équateur céleste) représentant la longitude. La mesure du redshift est basée sur une valeur de la constante de Hubble de 75 km/s/Mpc (autrement dit à 1 Mpc ou 3.26 millions d'années-lumière, les galaxies présentent une vitesse comobile de 75 km/s, ce qui est 10% au-dessus de la valeur calculée à partir des données du satellite Planck). Que découvre-t-on sur cette carte ? On observant cette carte tridimensionnelle du superamas Local, pour la première fois les astronomes découvraient la distribution des galaxies à grande échelle. L'oeil intégra de suite la succession des points pour imaginer une sorte de structure tentaculaire de tendance "impressionniste". On constate que dans un rayon de 90 Mpc ou 300 millions d'années-lumière, les superamas occupent des régions limitées de l'espace, laissant autour d'eux d'énormes champs vides exempts de toute matière. Les galaxies occupent en général 5% du volume échantillonné. A l'échelle du milliard d'années-lumière, la distribution des galaxies devient gaussienne, aléatoire, mais reste perturbée par des structures aplaties ou filiformes. Si on analyse certains détails de cette carte, on découvre que les amas s'alignent sur plus de 300 millions d’années-lumière, tels de fines chaînes que l'on aurait lancées dans l'espace; autour de noeuds épaissit par d'innombrables galaxies, des amas s'enchaînent et ondulent vers d'autres régions denses. Les astronomes furent surpris par la répartition inégale des galaxies. Mais la bonne nouvelle est que cette distribution en forme de "toile cosmique" ou "bulles de savon" est conforme au modèle cosmologique inflationnaire ΛCDM, ce qui encourage les astronomes à poursuivre leurs recherches dans cette voie. Le superamas ou Concentration de Shapley En 1932, Harlow Shapley découvrit dans la constellation du Centaure une concentration de galaxies qu'il estima à l'époque à plus de 8000 membres. Il faudra cependant attendre 1989 pour que l'astronome indien Somak Raychaudhury, aujourd'hui directeur de l'IUCAA (qu'on retrouvera plus tard à propos du superamas de Saraswati), parvint à dénombrer précisément cette "Concentration de Shapley" (acronyme SC) durant son doctorat d'astrophysique à l'Université de Cambridge. C'est suite à son travail qu'on découvrit le premier superamas de galaxies.
La Concentration de Shapley présentée ci-dessus à gauche dans les rayonnements visible et X chaud est en effet un superamas comprenant environ 76000 galaxies plus brillantes que la magnitude 18. Il comprend notamment le superamas du Centaure (et l'amas du Centaure) ainsi que 2000 amas massifs de galaxies émettant fortement en rayons X. Il se situe à 650 millions d'années-lumière (z ~ 0.046), à cheval sur les constellations du Centaure et de l'Hydre, juste à côté du "trou du Bouvier". Il s'étend sur environ 120 millions d'années-lumière. C'est l'une des structures les plus vastes de l'univers et la plus massive à moins d'un milliard d'années-lumière. Le superamas de la Couronne Boréale, alias CSC Situé
à plus d'un milliard d'années-lumière, CSC est encore mal documenté mais il existe
une étude de 16 pages publiée en 2014.
Il se compose des amas de galaxies Abell 2065 (l'amas de la Couronne Boréale), Abell
2061, Abell 2067, Abell 2079, Abell 2089 et Abell 2092. Il regroupe environ 76000 galaxies
dans un rayon de ~40 millions d'années-lumière et représente une masse virielle comprise
entre 6 x 1015
et 1.2 x 1017
M Le Grand Mur CfA2 ou Mur de Coma Le "Grand Mur CfA2" (Great Wall CfA2), parfois appelé le "Mur de Coma" (Coma Wall) est l'une des plus grandes superstructures connues de l'univers. Elle fut découverte entre 1989 et 1992 par une équipe d'astronomes dirigée par Margaret J. Geller[2] et John Huchra, lors de l'analyse des données du deuxième sondage "CfA Redshift Survey" (CfA2) du Centre d'Astrophysique d'Harvard et Smithsonian. Le "Grand Mur CfA2" traverse le ciel boréal entre 8 et 17 h d'ascension droite, sur plus de 100° en longitude et environ 6° en largeur. Les vitesses des galaxies dans cette structure varient entre 5000 et 10000 km/s. Il forme une surface essentiellement à deux dimensions, contenant plusieurs superamas de galaxies massifs, dont le superamas de Coma, qui représente une partie centrale de la structure, ainsi que les superamas d'Hercule et du Lion (Leo). Cette superstructure contient environ 30000 grandes galaxies et 600000 galaxies naines, ainsi que plusieurs filaments de galaxies et d'autres structures moins denses (cf. J.Huchra et al., 1992).
Le "Grand Mur CfA2" s'étend sur un volume d'environ 500 millions d'années-lumière de long, 300 millions d'années-lumière de large et une épaisseur de 15 millions d'années-lumière. Des filaments de galaxies s'étendent encore plus loin, jusqu'à des distances de plus d'un milliard d'années-lumière, connectant des régions de l'univers telles que la constellation de Persée et celle de Pégase. En 2010, des observations ont montré que le "Grand Mur CfA2" est entouré par un halo de matière sombre et des études ont également suggéré la présence d'un excès d'énergie sombre affectant la distribution du rayonnement X dans cette région. Ce phénomène est associé à la distribution non-uniforme de la matière dans la structure et pourrait avoir un impact sur notre compréhension de la dynamique cosmologique à grande échelle. Le Grand Mur Austral ou Mur du Sculpteur Le "Grand Mur Austral" (Southen Great Wall) ou "Mur du Sculpteur" fut découvert en 1991 par l'équipe de l'astronome australien Gregory W. McCracken. Cette superstructure mesure environ 326 millions d'années-lumière, pour 228 millions d'années-lumière de large et 33 millions d'années-lumière d'épaisseur. Il se situe à 200 millions d'années-lumière, près du pôle Sud galactique. Dans le cadre d'une étude des amas de galaxies à grande échelle en rayons X appelée "CLASSIX" (cf. H.Boringer et al., 2016; II et III, 2021), Hans Bohringer de l'Institut Max-Planck de Physique Extraterrestre (MPE) et ses collègues ont annoncé en 2025 la découverte de la plus grande superstructure extragalactique jamais observée appelée "Quipu". Elle s'étend sur plus de 330 Mpc ou plus d'un milliard d'années-lumière et en profondeur sur plus de 200 Mpc entre environ 100 et 300 Mpc et contient environ 2 x 1017 masses solaires. Elle rassemble 45% des amas de galaxies, 30% des galaxies, 25% de la matière et occupe 13% du volume de l'univers visible (cf. H.Boehringer et al., 2025).
Quipu fait partie des amas de galaxies à rayons X. Ils peuvent contenir des milliers de galaxies et beaucoup de gaz intra-amas très chaud qui émet des rayons X. Ces émissions sont la clé pour cartographier la masse des superamas de galaxies et autres superstructures. Les rayons X tracent les régions les plus denses de concentration de matière de la "toile cosmique" que simule parfaitement la simulation Millenium que les auteurs utilisent à l'Institut Max-Planck. Comme ils disent, "Les émissions sont comme des panneaux indicateurs pour identifier les superstructures." Quipu fait partie des cinq grandes superstructures comprenant les superamas de Shapley, Serpens-Corona Borealis, Hercules et Sculptor-Pegasus. Les auteurs soulignent que "la différence de densité de galaxies autour des amas de champ et des membres des superstructures est remarquable." Cela pourrait être dû au fait que les amas de champ sont peuplés d'amas moins massifs que ceux de la superstructure plutôt qu'au fait que les amas de champ ont une densité de galaxies plus faible.
Ces superstructures cosmiques laissent une empreinte sur le fond diffus cosmologique à 2.7 K (CMB). Le champ gravitationnel des superstructures modifie le rayonnement du CMB lorsqu'il les traverse, un phénomène appelé l'effet Sachs-Wolfe Intégré (ISW), qui produit des fluctuations dans le CMB. Ces fluctuations sont des artefacts de premier plan difficiles à filtrer, qui introduisent des interférences dans notre compréhension du CMB et, par conséquent, du Big Bang. La découverte de Quipu offre des perspectives nouvelles sur l'évolution des galaxies et l'impact sur les mesures cosmologiques telles que la constante de Hubble, une valeur fondamentale en cosmologie qui décrit la vitesse d'expansion de l'Univers. Selon les chercheurs, alors que les galaxies s'éloignent les unes des autres en raison de l'expansion de l'Univers, elles ont également des vitesses locales appelées des mouvements de flux. Il faut pouvoir distinguer les deux composantes pour comprendre clairement l'expansion. Or la grande masse de ces superstructures influence ces mouvements de flux et déforme les mesures de la constante de Hubble. Les chercheurs soulignent également que ces structures massives peuvent altérer et déformer les images du ciel par l'effet de lentille gravitationnelle à grande échelle et donc introduire des erreurs dans les mesures. Grâces aux simulations basées sur le modèle cosmologique Standard ΛCDM, les chercheurs ont pu reproduire des superstructures comme Quipu et les quatre autres avec des propriétés similaires. Mais des recherches plus approfondies sont nécessaires pour comprendre leur formation, leur évolution et leur influence. Selon les chercheurs, ces superstructures ne persisteront pas éternellement : "Dans l'évolution cosmique future, ces superstructures sont vouées à se briser en plusieurs unités qui s'effondrent. Ce sont donc des configurations transitoires. Mais à l'heure actuelle, ce sont des entités physiques spéciales avec des propriétés caractéristiques et des environnements cosmiques particuliers qui méritent une attention particulière." Les auteurs concluent que "Des recherches complémentaires intéressantes de nos découvertes incluent, par exemple, des études sur l'influence de ces environnements sur la population et l'évolution des galaxies." Le Mur du Pôle Sud, alias SPW En 2020, Daniel Pomarède de l'Institut de Recherche sur les lois Fondamentales de l'Univers (IRFU) du CEA et ses collègues ont annoncé dans "The Astrophysical Journal", la découverte d'une nouvelle structure cosmique à environ 500 millions d'années-lumière s'étendant sur environ 1.4 milliard d'années-lumière. Il s'agit du "Mur du Pôle Sud" (South Pole Wall). Le filament de matière contient des centaines de milliers de galaxies maintenues par la gravité. Il s'agit de la plus grande structure cosmique dans l'univers local. Le SPW se situe dans la constellation du Caméléon. Il fut détecté indirectement car il est caché par les nuages de gaz et de poussière du disque de la Voie Lactée et par les Nuages de Magellan. Il fut découvert en analysant les mouvements de quelque 18000 galaxies présentes dans cette région de l'hémisphère sud faisant partie du catalogue Cosmicflow-3, auquel ont participé Hélène Courtois et Brent Tully depuis la création de ce projet en 2007. A
voir : Le Mur du Pôle Sud, 2020, CEA
Grâce à ce nouveau catalogue de galaxies, les physiciens Romain Graziani et Yehuda Hoffman des universités de Clermont-Auvergne (France) et de Jérusalem (Israël), ont développé des procédures appliquant aux vitesses des galaxies des méthodes d'inférences appelées l'analyse bayésienne afin de produire le modèle cosmique le plus probable des champs de densité et de vitesses. Ces données furent ensuite injectées dans des logiciels de cartographie céleste et de visualisation 3D qui ont permis d'obtenir les images présentées ci-dessus de l'univers local et du Mur du Pôle Sud. La carte résultante montre une immense bulle de matière plus ou moins centrée sur le pôle Sud céleste, avec une extension vers le nord en direction de la constellation de la Baleine (Cetus) et une autre extension opposée plus trapue en direction de la constellation de l'Oiseau de paradis (Apus). Cette carte à grande échelle permet de confirmer les modèles cosmologiques actuels. Mais il est encore difficile de déterminer exactement où ces immenses structures cosmiques commencent et se terminent. Les astrophysiciens travaillent actuellement sur la version Cosmicflows-4 qui intégrera les mouvements de 30000 galaxies afin d'en apprendre toujours plus sur la structure de l'univers local. Elle permettra notamment de préciser la taille du superamas Vela (VSC). Le superamas Vela (VSC) A partir des données spectrographiques de milliers de galaxies partiellement obscures enregistrées en 2012 au cours du sondage Two-degree Field Galaxy Redshift Survey (2dF), combinées aux données du télescope SALT (Southern African Large Telescope) et un peu plus tard du télescope AAT anglo-australien, des astronomes sont parvenus à explorer la région de l'espace profond cachée derrière la Voie Lactée. En 2016, l'astrophysicienne Renée C. Kraan-Korteweg de l'Université de Cape Town et ses collègues découvrirent que dans ce qui ressemble sur les cartes à un trou vide de galaxies (ZOA) se trouve le superamas de galaxies des Voiles (Vela, acronyme VSC). Situé
à ~870 millions d'années-lumière, VSC contient plus de 4500
galaxies regroupées dans quelque 20 amas de galaxies et présente
une vitesse moyenne de 18000 km/s. Il est constitué de deux murs,
un principal long de ~385 millions d'années-lumière et un mur
secondaire de ~300 millions d'années-lumière. Sa masse totale représente
environ 1015
M Le Grand Mur Sloan Depuis le début des années 2000, aidés par les progrès technologiques et notamment des caméras CCD plus performantes, des moyens plus importants ont été mis en oeuvre, notamment dans le cadre du sondage "Sloan Digital Sky Survey" (SDSS) d'étude spectroscopique des objets du ciel profond (galaxies et quasars). L'outil central de cette étude est le télescope de 2.5 m de l'Observatoire Apache Point (APO) au Nouveau-Mexique. La combination de plusieurs études similaires (CfA, CfA2, SSRS2, ORS, IRAS 1.2 Jy, LSC) a donné une vue exceptionnellement précise du superamas Local, dans lequel les galaxies présentent des vitesses héliocentriques inférieures à 3000 km/s. On découvre ainsi qu'autour de son noyau l'amas de la Vierge occupe une place prépondérante. Entre 2003 et 2011, grâce à des techniques optiques et infrarouges à 2 microns de longueur d'onde, de nouvelles cartes de l'univers à petite et grande échelle ont été réalisées, notamment le SDSS 3D, une représentation tridimensionnelle basée sur le sondage du CfA et le 2MASS du Caltech. A consulter : La plus grande carte du ciel en 3D (2006) - Carte de l'univers en 2D (2005)
C'est en analysant la carte du SDSS 3D que J.Richard Gott III et son équipe découvrirent parmi les 440000 galaxies et 70000 quasars reportés sur la carte, le "Grand Mur Sloan", une structure plus éloignée et deux fois plus étendue que le "Grand Mur CfA2" avec une longueur de 423 Mpc soit 1.38 milliard d'a.l. ! (cf. ApJ, Octobre 2003 et May 2005). Notons que Richard Gott est également l'auteur d'une étude sur l'espérance de vie d'une civilisation. En 2005, la même équipe publia la première carte logarithmique de l'univers (cf. J.R.Gott et al., 2005) Ces différentes cartes sont présentées ci-dessous. Puis en 2010, Maret Einasto et son équipe publièrent une étude faisant l'inventaire des amas riches du "Grand Mur Sloan", révélant que tous les amas qu'il regroupait contenaient des galaxies rouges brillantes dont un tiers étaient des spirales. Il comprend également des sous-structures probablement issues de fusions entre galaxies (les mergeurs). Leur étude complétée par des simulations a également montré qu'un halo de matière sombre participerait à l'évolution de ces galaxies ayant fusionnées, un indice de plus en faveur de la présence de cette composante inconnue à grande échelle. A voir : Largest Sky Map
Revealed, SDSS III DR9/BOSS/CfA 400000 galaxies en 3D jusqu'à 7 milliards d'années-lumière (animation réalisée en 2012) A consulter : Map of the Universe, SDSS/JHU
Poursuivant leur cartographie, entre 2008 et 2014 les astrophysiciens réalisèrent le SDSS III. Entre-temps, grâce aux systèmes spectroscopiques BOSS, SEGUE-1 et SEGUE-2 et les données historiques, en décembre 2012 les astronomes terminèrent la carte 3D de l'univers visible dans le cadre du sondage SDSS DR9 (cf. ApJS, 203, p21, 2012). Ce projet fut le résultat de la collaboration de 219 chercheurs internationaux. La base de données qu'ils ont établie reprend près d'un milliard d'objets (932 891 133 objets dont 1 457 002 de spectres de galaxies, 228 468 spectres de quasars et 668 054 spectres d'étoiles) qu'ils ont pu modéliser en 3D comme on le voit dans la vidéo ci-dessous. En 2023, nous étions à la 18e distribution du SDSS IV (SDSS-IV DR18). Les nouvelles données provenaient du Black Hole Mapper, du Milky Way Mapper ainsi que des spectres eFEDS et divers catalogues. Le SDSS IV collecta des données astronomiques jusqu'en 2020 et sera suivi du SDSS V qui devrait être publié au plus tard en 2025. En complément, dans le cadre d'un projet étalé sur 5 ans, le sondage DESI (Dark Energy Spectroscopic Instrulment) va enregistrer les spectres d'environ 30 millions de galaxies sur un tiers du ciel, cartographiant ainsi en 3D un volume d'espace s'étendant sur 11 milliards d'années dans le passé. Les premiers résultats furent publiés en 2024. DESI fournira une carte détaillée des galaxies brillantes jusqu'à z = 0.4 et la 20e magnitude. Il recensera également les galaxies rouges lumineuses (LRG) jusqu'à z = 1, les galaxies à raies d'émission (ELG) jusqu'à z = 1.6 ainsi que les quasars jusqu'à z = 3.5 voire au-delà. DESI va également analyser les étoiles de la Voie Lactée pour calculer les abondances chimiques et la dynamique gravitationnelle de notre Galaxie, notamment pour comprendre le rôle de la matière sombre. A
voir : The Making of the Largest 3D Map of the Universe,
Berkeley Lab, 2020 A consulter : DESI Survey & Papers
Qu'observe-t-on sur ces cartes ? A l'échelle du milliard d'années-lumière, grosso-modo jusqu'au quasar 3C 273 (2.4 milliards d'a.l.), comme le montre l'image 3D du SDSS et de DESI, la vue d'ensemble de ces centaines de milliers de galaxies et de quasars ressemble à une tapisserie sidérale, peut-être même localement périodique[5] selon certains. Les Grands Murs CfA et Sloan occupent une place importante à courte et moyenne distances (jusqu'à z = 0.1). Au-delà, à partir de z = 0.5 soit environ 4 milliards d'années-lumière la distribution des galaxies et des quasars devient uniforme, ce qui est conforme au principe cosmologique (cf. ce schéma et page 4) et conforta un temps l'intuition des astronomes. En effet, dans le jeune Univers, a priori l'effet de la gravité n'a pas encore eu le temps de former toutes les grandes structures cosmiques qui mettront plusieurs milliards d'années pour se former et seuls existaient à cette époque reculée les quasars dont la taille était littéralement astronomique. Mais suite à la découverte des "Grands Murs" notamment, le principe cosmologique - qui n'est qu'un raisonnement et non pas une loi - résiste mal à l'épreuve de l'observation. Car d'autres découverte ébranlèrent un peu plus ce principe cosmologique. L'immense groupe de quasars U1.27 ou Huge-LQG
A partir des données du catalogue DR7QSO du SDSS établi en 2010 qui recense 105783 quasars, Roger G. Clowes et des astronomes de l'Université de Lancashire en Angleterre découvrirent en novembre 2012 une vaste structure de 73 quasars à z ~ 1.3, soit à plus de 9 milliards d'années-lumière (cf. MNRAS, 2013). Ce grand groupe de quasars surnommé "Huge Large Quasar Group" ou "Huge-LQG" fut catalogué U1.27 par référence à son décalage Doppler. D'autres LQG ont été découverts dans le même catalogue mais jusqu'à présent les plus vastes contenaient 34 quasars (U1.28) et 38 quasars (U1.11) et ne dépassaient pas 350 à 380 Mpc. Avec 73 membres, U1.27 détient le record. Cet
amas de quasars mesure environ 500 Mpc, c'est un parallélépipède de 4x2x1.2
milliards d'années-lumière et sa masse équivaut 3.4 x 1018
M Les astrophysiciens pensent que ces quasars si nombreux dans le jeune Univers sont à l'origine de la formation des filaments et des grands murs de galaxies. En effet, nous verrons que l'axe de rotation de tous ces quasars est aligné dans la direction des filaments cosmiques. Cette découverte s'acompagna d'une autre encore plus étonnante. Le Grand Mur GRB d'Hercule-Couronne Boréale (HCB) En novembre 2013, les astronomes Istvan Horvath de l'Université de Budapest et Jon Hakkila de l'Université de Caroline du Sud ont annoncé la découverte d'un nouveau mur de galaxies situé à 10 milliards d'années-lumière qu'ils ont appelé le "Grand Mur d'Hercule-Couronne Boréale" (Hercules-Corona Borealis Big Wall) alias HCB. Il fut découvert par le truchement des éruptions gamma de quelques sources très actives (GRB ou gamma-ray bursts) situées dans les constellations d'Hercule et de la Couronne Boréale par les satellites Swift et Fermi entre 1997 et 2012. Ces sources GRB présentent un redshift compris entre 1.6 < z < 2.1. Ce mur de galaxies occupe un volume d'au moins 9.6x7x0.9 milliards d'années-lumière ! Aux dernières mesures, elle s'étendrait jusqu'à 3000 Mpc soit ~10 milliards d'anées-lumière, soit sur près d'un quart du rayon de l'univers observable (estimé à 46.5 milliards d'années-lumière compte tenu que l'Univers a vu sa taille multipliée par ~1100 depuis la Recombinaison). Le HCB est la plus grande structure cosmique découverte à ce jour. Elle est 15 fois plus étendue que le "Grand Mur CfA2" et zu moins 6 fois plus vaste que le "Grand Mur Sloan" ou le "Mur du Pôle Sud" (SPW) précité ! Selon Horvath et son équipe, cette structure gigantesque n'avait que 0.00055% de chance d'exister et personne ne sait comment elle a bien pu se former et surtout se maintenir dans un Univers que l'on jugeait jusqu'à présent uniforme et homogène à grande échelle.
L'Anneau GRB Géant En cherchant d'autres structures similaires au HCB, en 2015 Horvath et son équipe ont découvert un "Anneau GRB Géant" (Giant GRB Ring) à 9.1 milliards d'années-lumière comprenant 9 sources gamma qui se concentrent dans une région de 1720 Mpc de diamètre couvrant 43°x30° d'arc dans le ciel. Le groupe s'étend sur 5.6 milliards d'années-lumière, ce qui en fait l'une des plus grandes structures cosmiques. En revanche, ce qui paraît évident, c'est que pour que de tels grands murs survivent durant des milliards d'années, il doit exister une toile de fond à plus grande échelle encore, une matière ou une énergie invisible capable de contenir toute cette matière et la compresser par gravité dans les filaments constituants les superamas de galaxies. Le Grand Mur BOSS En
2016, grâce au sondage BOSS (Baryon Oscillation Spectroscopic Survey)
une équipe d'astronomes de l'Institut d'Astrophysique des îles
Canaries découvrit le "Grand
Mur BOSS" (BGW) qui se situe entre 4.5 et 6.5 milliards d'années-lumière
(0.43 < z < 0.71) et s'étend sur 1 milliard d'années-lumière !
Il comprend en fait deux "murs" de galaxies d'un diamètre de
respectivement 186 et 173 Mpc (606 millions et 564 millions d'a.l.) et
deux grands superamas d'un diamètre de respectivement 64 et 91
Mpc (209 millions et 297 millions d'a.l.). Cette mégastructure rassemble
830 galaxies et présente 10000 fois la masse de la Voie Lactée. Elle contient
environ 2 x 1017
M Certains astronomes considèrent toutefois qu'il ne s'agit pas d'une mégastructure ni même d'une structure car ces superamas ne sont pas connectés entre eux, les espaces vides les séparant étant uniquement comblés par des nuages de gaz et de poussière. Mais c'est un argument classique que certains évoquent chaque fois qu'on découvre un "Grand Mur" et qui rappelle le problème de la définition du substantif "grand" ou "plusieurs". Ceci dit, si ces superamas sont réellement connectés, les théories cosmologiques actuelles n'expliquent pas l'existence d'une structure aussi vaste. Si on écarte le débat aux relents philosophiques qui entoure cette découverte, le "Grand Mur BOSS" compte parmi les grandes structures cosmiques découvertes à ce jour. Etant donné qu'il ne s'agit pas de la première découverte du genre, il est certain qu'en pénétrant toujours plus loin dans l'univers ou en le sondant avec des moyens plus sensibles, les astronomes découvriront d'autres structures de ce type. Et effectivement, cela n'a pas tardé. Le superamas de Saraswati Une équipe d'astronomes indiens et américains dirigée par l'astronome Joydeep Bagchi (en PDF sur arXiv) de l'IUCCA précité (cf. la Concentration de Shapley) découvrit en 2017 un nouveau superamas de galaxies à z ~ 0.3 ou ~3.5 milliards d'années-lumière dans la constellation des Poissons. Nommé "Saraswati", il s'étend sur au moins 200 Mpc soit plus de 650 millions d'années-lumière. Comme on le voit ci-dessous, cette structure entoure un immense bulle vide (ZOA) d'un diamètre de ~40 à 70 Mpc autour de laquelle s'agglutinent des amas de galaxies formant une immense structure filamentaire.
Le
superamas de Saraswati comprend au moins 43 amas massifs de galaxies dont deux
déjà identifiés comme Abell 2631 et ZwCI 2341.1+0000
et représentent une masse totale de 20 millions de milliards de masses solaires
(2 x 1016 M Au cours du 238e meeting de l'American Astronomical Society qui s'est tenu en 2021, la doctorante Alexia Lopez de l'Université de Central Lancashire (UCLan), au Royaume-Uni, annonça la découverte dans la constellation du Bouvier d'un grand arc de galaxies qui s'étend sur 3.3 milliards d'années-lumière situé à z ~ 0.802 soit plus de 9.2 milliards d'années-lumière. Appelé le "Grand Arc" (Big Arch), il s'étend sur environ 1/15e du rayon de l'univers observable. Il n'est pas réellement visible en optique, mais si c'était le cas sa longueur est de ~10° soit l'équivalent de 20 fois le diamètre apparent de la Lune vue de la Terre !
Lopez et son conseiller Roger Clowes de l'Institut Jeremiah Horrocks de l'UCLan en collaboration avec Gerard Williger de l'Université de Louisville, aux Etats-Unis, ont découvert le Grand Arc en analysant le magnésium ionisé (Mg II) en direction des quasars repris dans le catalogue SDSS. Selon Lopez, "Sur la base des statistiques de l'espace autour du Grand Arc, il y a une probabilité inférieure à 0.0003% que le groupe d'absorbeurs Mg II dans le Grand Arc ait une chance d'être aligné, ce qui correspond à une déviation standard supérieure à 4.5σ" (rappelons qu'on considère qu'un résultat est confirmé lorsque la déviation standard ou degré de confiance est de 5σ mais beaucoup de physiciens et d'astronomes se contentent de 3 ou 4σ). Autrement dit, ce Grand Arc n'est pas le simple résultat du hasard ni une illusion d'optique mais résulte de conditions physiques réelles obéissant à des règles à déterminer. Les modèles théoriques prédisent l'existence de très vastes structures cosmiques mais les plus étendues deviennent de plus en plus difficiles à ignorer. Selon les cosmologistes, la longueur limite théorique actuelle d'une telle structure est estimée à 1.2 milliard années-lumière. Or le Grand Arc est presque trois fois plus grand. Selon Lopez, "cette structure est difficile à expliquer dans les modèles actuels de l'Univers" car elle met au défi le "principe cosmologique" stipulant que l'Univers est isotrope et homogène (cf. ce schéma). Certes, un principe n'est pas une théorie, mais l'existence d'une telle structure géante qui s'ajoute à celles déjà découvertes pose un réel problème conceptuel aux cosmologistes car elle remet en question toute la dynamique de l'Univers. Après avoir découvert le Grand Arc (Big Arch) précité en 2021, l'équipe d'Alexia Lopez de l'Université de Central Lancashire (UCLan), a découvert dans la même région du ciel une nouvelle structure géante mais cette fois en forme d'anneau qu'elle appela le "Grand Anneau" (Big Ring). Comme le Grand Arc, le Grand Anneau est constitué de galaxies et d'amas de galaxies. Cette découverte fut présentée lors du 243e meeting de l'American Astronomical Society qui s'est tenu début 2024 à New Orleans. Le Grand Anneau et le Grand Arc sont situés exactement à la même distance cosmologique z ~ 0.802 soit ~9.2 milliards d'années-lumière et, vus de la Terre, ils sont séparés dans le ciel de seulement 12°. Comme illustré ci-dessous à droite, le Grand Arc semble entourer le Grand Anneau. Linéairement, le Grand Arc est plus étendu et contiendrait le Grand Anneau. Cependant, même en tenant compte des effets de perspective, les deux structures ne sont pas strictement concentriques. Le Grand Anneau est pratiquement circulaire. Son diamètre est d'environ 1.3 milliard d'années-lumière ce qui présente un diamètre apparent d'environ 15 fois celui de la Lune vue de la Terre. Sa circonférence est de 4.1 milliards d'années-lumière, comparable à la longueur du Grand Arc (3.3 milliards d'années-lumière). Bien qu'il paraisse circulaire, l'analyse de Lopez suggère que le Grand Anneau aurait en réalité la forme d'une bobine - comme un tire-bouchon - avec sa tête alignée vers la Terre.
Une fois de plus, selon le principe cosmologique, en assumant que l'Univers est isotrope et homogène (cf. ce schéma), comme le Grand Arc, le Grand Anneau ne devrait pas exister. Puisque ce n'est pas la première violation du principe cosmologique, on peut imaginer qu'il existe donc un autre facteur à découvrir qui pourrait expliquer ces structures géantes. Selon le professeur Robert Massey, directeur adjoint de la Royal Astronomical Society, les preuves d'une refonte de ce qui fut un élément central de l'astronomie se multiplient : "Il s'agit de la septième grande structure découverte dans l'univers qui contredit l'idée selon laquelle le cosmos est lisse aux plus grandes échelles. Si ces structures sont réelles, alors c'est définitivement une matière à réflexion pour les cosmologistes sur la façon dont l'univers a évolué au fil du temps." Lorsqu'on lui demanda ce qu'elle ressentait après avoir fait ces deux découvertes, Lopez répondit : "C'est vraiment surréaliste. Je dois me pincer car j'ai fait ces découvertes accidentellement, c'étaient des découvertes fortuites. Mais c'est une grande chose et je ne peux pas croire que j'en parle, je ne crois pas que ce soit moi. Aucune de ces deux structures ultra-larges n'est facile à expliquer dans notre compréhension actuelle de l'univers. Et leurs très grandes tailles, leurs formes distinctives et leur proximité cosmologique doivent sûrement nous dire quelque chose d'important - mais quoi exactement ? Le Grand Anneau et le Grand Arc, à la fois individuellement et ensemble, nous offrent un grand mystère cosmologique alors que nous travaillons à comprendre l'univers et son développement." Selon le professeur Don Pollacco du département de physique de l'Université de Warwick, la probabilité que cela se produise est extrêmement faible, de sorte que les deux objets pourraient être liés et former une structure encore plus vaste : "La question est donc de savoir comment se forment des structures aussi grandes ? Il est incroyablement difficile de concevoir un mécanisme susceptible de produire ces structures. Les auteurs spéculent donc que nous voyons une relique du premier univers où des vagues de matériaux de haute et basse densité sont "gelées" dans un milieu extragalactique." Nous avons expliqué plus haut qu'il existe d'autres structures de même taille dans l'univers comme le Grand Mur Sloan qui s'étend sur environ 1.5 milliard d'années-lumière et le Mur du Pôle Sud (SPW) qui s'étend sur 1.4 milliard d'années-lumière. Mais la plus grande structure cosmique identifiée à ce jour est le superamas de galaxies qui forme le Grand Mur d'Hercule-Couronne Boréale (HCB) qui s'étend sur environ 10 milliards d'années-lumière. La personne perspicace et géniale qui pourra expliquer comment se forment de telles structures et résoudre ce mystère de longue date est assurée de voir sa découverte récompensée à la hauteur des espoirs de tous les astronomes et cosmologistes. S'il est déja bien établi dans sa carrière, il sera en bonne voie pour remporter le prix Nobel. Avis aux intéressé(e)s.
Aujourd'hui, grâce à l'amélioration des caméras CCD et surtout de la puissance des superordinateurs combinée à l'intelligence artificielle, les astronomes continuent de recenser et cartographier en 3 dimensions les milliards de galaxies peuplant l'univers et si possible la distribution de l'hydrogène neutre qui peut révéler des entitées extragalactiques cachées. Bien que notre vision soit encore incomplète, pour la première fois on peut explorer virtuellement l'univers visible dans les trois dimensions et découvrir toute son étendue et se rendre compte du grand isolement des galaxies mais aussi de la complexité des structures cosmiques. Les astronomes doivent à présent comprendre comment de telles structures ont pu se former à peine 4 milliards d'années après le Big Bang, une question qui restera ouverte tant que les télescopes ne pourront pas sonder et analyser l'univers très profond (jusqu'à 30 ou 40 milliards d'années-lumière) en haute résolution et modéliser son contenu avec précision. Le problème central de la cosmologie consiste à expliquer ces grandes structures cosmiques dans le cadre de la théorie du Big Bang inflationnaire conformément au modèle cosmologique ΛCDM. Nous verrons si le modèle inflationnaire combiné à la matière sombre et froide les considère comme simplement rares ou si elles cachent autre chose d'inconnu comme par exemple une nouvelle physique (une 5e force, une énergie sombre, etc). Mais la tâche s'avère très difficile. En effet, d'une part la question restera ouverte tant que les télescopes ne pourront pas sonder et analyser l'univers en haute résolution à très grandes distances et modéliser son contenu avec précision. D'autre part, au cours des dernières décennies plusieurs théories ont été proposées mais à l'heure actuelle aucune n'est prédominante et explique totalement l'aspect de l'univers. C'est l'objet du prochain chapitre. Prochain chapitre Modélisation des grandes structures cosmiques
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