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Lois de conservation et théorème du viriel La masse de Jeans Pour expliquer l'évolution d'un astre à partir d'un nuage de gaz et de poussière gravitationnellement liés (après la première phase d'attraction électrostatique), en 1902 James Jeans proposa une formule liant la masse, la taille, la densité et la température qu'une masse de gaz devrait atteindre pour que l'effondrement gravitationnel puisse se déclencher, il s'agit la masse de Jeans. Ce concept est important car il permet d'analyser la stabilité gravitationnelle d'un milieu infini uniforme et de comprendre la relation existant entre les différents paramètres thermodynamiques et physiques comme la température, la masse, la pression et la vitesse à travers les trois équations ou lois de conservation suivantes :
Ces trois équations dont le développement sort du cadre de cet article gouvernent toute la dynamique des gaz et leur structure auto-gravitante. Elles permettent également de comprendre pourquoi un nuage froid par exemple s'effondre plus facilement qu'un nuage chaud ou pourquoi il se fragmente lorsqu'il dépasse une certaine masse. Cette loi s'applique à tous les corps célestes en formation, qu'il s'agisse d'une étoile, d'une galaxie ou d'une planète. Par facilité, Jeans considère que le nuage de gaz est symétrique, de forme sphérique et dans un état stable, en équilibre, c'est-à-dire où la pression interne s'oppose à la gravité. Un nuage de gaz s'effondre à la condition que son énergie mécanique soit négative : Ek + Ω ≤ 0 On en déduit qu'au-delà d'une certaine masse critique, en fonction de la température T et de la densité ρ, le nuage va spontanément se contracter : T µ M2/3 ρ1/3 Si le rayon du nuage diminue, la pression ρ augmente et, sous un certain rayon maximum Rm, une perturbation peut déclencher l'effondrement de ce nuage selon la formule : Rm = k (T/ρ)1/2 L'effondrement se produit lorsque R < Rm, ce dernier correspondant à la pression maximale. Cet effondrement correspond à une masse limite qu'on appelle la masse de Jeans, Mj. Sachant que la masse d'une sphère M dépend de sa masse volumique ρ, M = 4/3πR3ρ, la masse de Jeans vaut : Mj = k T3/2 ρ-1/2 Cette formule peut aussi s'écrire : Mj = 9/4 (1/2πn)1/2 . 1/m2.(kT/G)3/2 avec n, la densité des particules, m la masse du gaz, T la température du gaz en Kelvin, k étant un coefficient. Pour un nuage d'hydrogène, la masse de Jeans vaut : Mj = 7.75 x 1021 * T3/2 ρ-1/2 kg Si
la température du nuage de gaz est de 30 K et sa masse volumique de 1000
particules/cm3, Mj = 2 x
1035 kg soit 105
M
D'un point de vue thermodynamique, le nuage de gaz rayonne dans l'espace et idéalement comme un corps noir dont l'énergie est proportionnelle à T4. Tant que la pression du rayonnement Fr est supérieure à la force gravitationnelle Fg l'effondrement est impossible car l'énergie potentielle est transformée en énergie cinétique durant la chute vers le centre. Mais en parallèle, cette énergie cinétique chauffe la matière, augmente la pression interne ce qui empêche l'effondrement du nuage; il y a équilibre entre la force gravitationnelle et la pression du rayonnement, ce qu'on appelle un équilibre hydrostatique. La transformation est isotherme (température constante en tout point). En revanche, dès l'instant où l'effondrement produit plus d'énergie que la pression du rayonnement (Fr < Fg), la température du nuage augmente et le système tend vers un régime adiabatique (sans échange de chaleur). Il existe donc une masse minimale de Jeans pour laquelle l'énergie rayonnée Fr est égale à l'énergie gravitationnelle Fg et ou Mj = M : Fr = Fg Sachant que Fr = SσT4 avec S la surface du nuage et Fg = G3/2 M5/2 R-5/2, on obtient (avec f < 1) : f4πR2σT4 = G3/2 M5/2 R-5/2 On
montre que Mj est
de l'ordre de 1 M Pour être complet, précisons qu'il existe une formule générale déterminant la masse de Jeans Mj exprimée en termes atomiques et longueur de Jeans λj (ou rayon de Jeans) : Mj = (4πρoλj3)/24 = 1/6 (T/μGmH)3/2 (π5/ρo)1/2 avec mH la masse du proton. Cette équation donne la masse de Jeans stable la plus élevée pour une densité ρo et une température T données. La longueur de Jeans La longueur de Jeans caractérise la stabilité d'un système en terme de longueur critique, c'est-à-dire la limite d'effondrement d'un nuage de gaz. Ce concept prend en compte la vitesse du son (cs) dans le milieu. Ainsi, dans une sphère de rayon R et de masse M, si on comprime un gaz on observe que les ondes sonores mettront un temps ts pour traverser le milieu et réajuster la pression interne : ts = R/cs En même temps, on observe que la gravitation exerce une compression du milieu pendant un temps caractéristique dit de chute libre ou "free fall", τff : τff = 1/(Gρ)1/2 avec G la constante de la gravitation et ρ la densité du gaz. Nous décrirons dans un instant ce temps de chute libre de manière différente. On constate que si ts < τff alors la pression interne du système empêche l'effondrement gravitationnel et le système peut retrouver son équilibre. En revanche, si τff < ts alors la gravité l'emporte et le système s'effondre jusqu'au centre. On peut aussi exprimer cet équilibre critique en terme de longueur. On considère que si le système présente un rayon supérieur à la longueur de Jeans, il subit un effondremement gravitationnel alors que s'il est plus petit que cette longueur le système sera gravitationnellement stable. Ce rayon de Jeans Rj vaut : Rj = cs/(Gρ)1/2 Ce concept intervient en astrophysique mais également en cosmologie (cf. l'horizon du son à propos des résultats de la mission Planck). Le rayon de Jeans dépend toujours de la température T du nuage de gaz et de sa densité n selon la relation : Rj (pc) ≈ 9x103 (T1.5/n0.5) Ainsi, pour un nuage de gaz à 100 K d'une densité particulaire de 10000/m3, le rayon de Jeans vaut 1000 pc. Si le gaz est à 10 K, le rayon de Jeans se réduit à ~230 pc. Temps caractéristique de chute libre Nous venons d'évoquer le temps caractéristique de chute libre (τff) qui est le temps nécessaire pour qu'un nuage s'effondre sur lui-même, c'est-à-dire pour qu'une particule située à la périphérie du nuage atteigne le centre dès que l'équilibre gravitationnel est rompu (sans pression interne s'opposant au poids de la masse). Plutôt que de l'exprimer en termes de pression et densité, on peut l'exprimer en terme d'accélération des masses en fonction de la distance. A partir de la loi de Newton sur l'accélération α, α = -GM / R2 le temps τ pour qu'une particule se rapproche d'une distance Δr vaut : α τ2 / 2 = -Δr d'où on déduit : R = GM τ2 / R2 On peut alors définir le temps caractéristique de chute libre τff2 = R3 / GM , ce qui revient à écrire : τff = (R3 / GM)1/2 Dans une sphère gazeuse de densité uniforme, lorsque l'équilibre est rompu toutes les couches s'effondrent en même temps mais sans jamais se chevaucher et atteignent toutes le centre au même instant, appelé le temps de chute libre. Prenons un exemple concret avec un nuage d'hydrogène (que nous limiterons à ses noyaux de protons) d'une densité de 1000 particules/cm3 et calculons son rayon R et le temps caractéristique τff de chute libre. Sa densité ρ représente 109 particules/m3. En prenant la masse du proton valant 1.67x10-24 g, la masse volumique ρ de ce nuage = 109 * 1.67x10-27 kg/m3 = 1.67x10-18 kg/m3. A partir de la masse M = ρV, le rayon R de ce nuage vaut : M = ρ4/3πR3 d'où R3 = 3M/4πρ et R = (3M/4πρ)-3 m R = (3 x 2x1035 / 4π x 1.67x10-18)-3 = (2.9x1052)-3 m = 30.6x1013 km soit environ 30 a.l. ou 10 pc. Le temps caractéristique de chute libre vaut : τff2 = R3 / GM = 2.9x1052 / (6.673x10-11 * 2x1035) = 21.7x1026 secondes. τff = 4.66x1013 secondes soit 1500000 ans. Conclusion
: un nuage de 105
M Dans
le cas du système solaire, si on considère un nuage de 1 M Le théorème du viriel Le théorème du viriel fut introduit par Rudolf Clausius en 1870 dans le cadre de la thermodynamique. Il décrit le comportement d'un système dynamique constitué de particules en interaction (N corps). Il définit l'équilibre gravitationnel d'un système, reliant son potentiel gravitationnel et son énergie cinétique. On le retrouve également en astrophysique où il permet de rendre compte de l'équilibre de stuctures auto-gravitantes comme par exemple une galaxie ou un amas stellaire (cf. la Voie Lactée, la courbe de rotation des galaxies, la formation du système solaire, les trous noirs, etc.) ainsi qu'en physique quantique (cf. la présentation de Daniel Farquet). Dans sa version la plus simple, le viriel se dérive des équations fondamentales de la physique, notamment de la deuxième loi de Newton ou Loi du mouvement, F dt = m dV : m(d2 dont
on prend le produit scalaire par
m(d2
m(d/dt)( ![]() ![]() ![]() On
obtient une équation qui a la dimension
d'une énergie et qui est l'expression de la conservation du moment cinétique de la particule.
C'est cette quantité
Concrètement, le théorème du viriel permet de calculer la forme des orbites des étoiles sachant qu'elle dépend des forces que le système galactique global excerce sur ces étoiles. Le théorème du viriel permet également de calculer la masse ou la quantité de chaleur d'une étoile ou d'un gaz en contraction et la quantité d'énergie utilisée à d'autres fins ou d'estimer la masse globale de toute une galaxie en tenant compte de la contribution de toutes ses composantes, y compris non visibles. Champ magnétique et rapport masse-sur-flux Le champ magnétique qui joue un rôle important en astrophysique (il soutient et oriente les nuages de gaz ou de plasma et peut empêcher l'effondrement gravitationnel) peut être décrit par le théorème du viriel comme l'a montré Lyman Spitzer en 1978 à propos des processus se déroulant dans le milieu interstellaire. Il peut rendre compte de la pression magnétique interne et externe sur un nuage moléculaire par exemple en tenant compte de la pression sur ce nuage, de l'énergie cinétique et de l'énergie gravitationnelle du système. Grâce au théorème du viriel on peut également montrer qu'au cours de l'effondrement gravitationnel d'un nuage protostellaire, si le champ est gelé dans la matière et le flux magnétique total ΦB constant, le rapport des énergies gravitationnelle et magnétique doit rester constant. On en déduit qu'il existe une masse critique M au-dessus de laquelle un champ magnétique donné ne peut pas empêcher la contraction et l'effondrement du système : M = 1/3π(5/G)1/2 ΦB Cette masse critique dépend du paramètre de magnétisation μ qu'on retrouve dans tous les modèles de magnétisation du plasma (par ex. le jet bipolaire que présentent les protoétoiles au stade T Tauri). μ = (M/Φ) / (M/Φ)cr Plus l'objet est magnétisé, plus μ est faible. Si ce rapport μ > 1 alors l'effondrement gravitationnel est inévitable. Nous n'irons pas plus loin dans ces descriptions afin de rester dans le cadre de la vulgarisation (et ne pas perdre l'attention des lecteurs!) mais Internet regorge de sites éducatifs, d'articles scientifiques et de mémoires décrivant ou appliquant ces lois. Pour être complet, nous décrirons encore quelques équations dans les articles consacrés à la théorie du Big Bang et dans le recueil d'exercices d'astronomie sans oublier en relativité. Dans la continuité des travaux de Kepler, Newton, Maxwell et consorts, ces équations nous démontrent une fois de plus que sans l'aide des mathématiques, les astronomes comme tous les scientifiques adeptes des sciences durs seraient bien en peine d'expliquer les choses. Pour plus d'informations Théorème du viriel, Obs. Paris Théorème du viriel, Marc Henry Le théorème du viriel (PDF), Jérôme Perez Notions d'astrophysique (PDF, Cours M1), Bruno Sicardy, Université Pierre et Marie Curie Astrophysique III : Dynamique stellaire et galactique (PDF), Pierre North, EPFL Retour à la Formation du système solaire
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