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Les problèmes du modèle Standard
Les effets de la matière sombre (II) Comme le fit Oort, Zwicky et Rubin, la première méthode pour déterminer la quantité de matière sombre présente dans l'Univers consiste à évaluer le rapport de la matière sombre sur la matière lumineuse, la fameuse relation Y=M/L. Dans la banlieue du système solaire
où L A
grande échelle, la présence de la matière sombre est plus
importante encore. Dans un amas de galaxies tel celui de Coma,
dans un rayon de 35' soit 1.3 Mpc (4.2 millions d'a.l.), il existe 8 x 104
M Les étoiles n'entrent donc que dans quelques pourcents de la masse totale de l'Univers et à peine 5% de sa densité critique. La forme et la masse des galaxies sont donc bel et bien influencées par une composante sombre. Cette mise en évidence de la matière sombre nous pousse à rechercher d'autres preuves de sa présence. La vitesse d'une étoile à une distance donnée dans une galaxie permet de calculer la courbe de rotation de cette galaxie (cf. cet exercice). Ces mesures très délicates sont déterminées par l'effet Doppler sur les raies spectrales. Pour les galaxies présentant une très petite dimension angulaire et dont les étoiles individuelles sont indiscernables, les courbes de rotation sont basées sur la surface de brillance du disque sachant qu'elle est proportionnelle à la densité de surface qui est supposée ne pas contenir de matière sombre. La plupart des galaxies présentent un rapport M/L variant entre ~5Y et ~300Y. Il est nettement plus élevé dans les amas que dans les galaxies du champ en raison de la présence d'énergie sombre, une autre composante cette fois totalement invisible. On y reviendra. Comme l'ont montré Fritz Zwicky, Vera Rubin et consorts, la courbe de rotation des galaxies calculée à partir du théorème du viriel (qui suit grosso-modo la loi en carré inverse de la distance) est au moins 3 à 4 plus faible que la valeur observée, la courbe globale étant relativement plate jusqu'aux limites extérieures des galaxies. Mais au-delà de 30 kpc du noyau, la densité du gaz interstellaire est si faible qu'il est souvent impossible de mesurer sa vitesse. Les astrophysiciens en concluent que le champ gravitationnel du disque est 10 fois trop faible pour corroborer la rotation que nous observons. Il faut donc en conclure que les étoiles et les autres corps lumineux constituent moins de 10% de la masse totale d'une galaxie. Les 90% restants sont composés de matière sombre. Puisque la vitesse de rotation des galaxies n'obéit pas aux lois de Kepler, grosso modo en carré inverse, toute la matière sombre doit être localisée dans un volume plus étendu que celui des étoiles. Elle doit se situer dans les régions extérieures des galaxies où la vitesse est plus ou moins constante sur les deux tiers de la distance au noyau. La densité de matière dans les bras d'une galaxie suit la loi empirique suivante : avec, ro, le rayon du noyau ρo, la densité centrale La distance maximale à laquelle on peut trouver de la matière sombre correspond au dernier point de mesure de la courbe des vitesses. Pour les galaxies jumelles ou ayant des satellites cette distance est supérieure à 100 kpc, soit une dimension linéaire pour la galaxie entière de 600000 années-lumière, six fois la Voie Lactée ! Cette distance sera corroborée par la méthode dynamique, par exemple par l'analyse des lentilles gravitationnelles. Dans ces conditions deux conclusions s'imposent déjà : 1°. La masse totale et l'étendue réelle des galaxie nous échappent. 2°. Environ 67% de la masse des galaxies est constituée de matière et d'énergie sombres. Tout indique que la matière n'est pas seulement contenue dans les étoiles. Puisque la lumière visible nous cache l'aspect réel des galaxies, seule l'évaluation précise de leurs courbes de rotation constitue une donnée fiable. La méthode dynamique basée sur la mesure des décalages spectraux permet également de déterminer la vitesse des galaxies le long de notre ligne de vue. Elle s'applique tant aux galaxies d'amas qu'aux étoiles, aux gaz et aux poussières qui se concentrent dans les galaxies. Si l'on considère que l'Univers est en équilibre thermodynamique ou plutôt en équilibre statistique - c'est le théorème du viriel - et que la loi de conservation de l'énergie doit être vérifiée dans tout système lié gravitationnellement, toutes les mesures confirment que la masse totale à n'importe quelle distance du centre de ce système est supérieure à la contribution des étoiles, du gaz interstellaire et des poussières. Dans tous les cas de figure, la dispersion des vitesses des galaxies et des galaxies d'amas s'écarte largement de la moyenne, si l'on tient compte que chaque luminosité solaire équivaut à une masse solaire. La première idée qui vient à l'esprit est de croire que ces systèmes ne sont pas liés gravitationnellement, puisque chaque galaxie évolue comme bon lui semble. Mais ce serait faire une grossière erreur car tant à l'échelle galactique qu'extragalactique les composants sont toujours liés. Il suffit de changer d'échelle pour se rendre compte qu'il ne s'agit pas d'un effet de perspective, mais d'une structure réellement hiérarchisée par la gravitation et le temps. Il faut alors se rendre à l'évidence et imaginer qu'il existe quelque chose d'invisible qui assure un lien gravitationnel suffisamment intense pour contrecarrer les mouvements internes propres des galaxies de ces amas. Il nous reste à découvrir si cette matière existait préalablement aux galaxies et permis leur formation ou si elle s'est formée en même temps qu'elles. Les théories qui suivent permettront d'avancer quelques hypothèses. La courbe de rotation des galaxies suggère que la matière sombre est contenue dans de vastes halos qui entourent les étoiles visibles[5]. Nous en avons la confirmation par l'analyse des sources d'émissions X. Pour les physiciens, ce rayonnement est issu d'un "bremsstrahlung" thermique provoqué par un plasma à 108K. Si on étudie l'amas de Coma en "lumière" X, l'une des plus brillantes sources à cette fréquence, sa "luminosité" atteint 1044 ergs/s[6].
Un calcul long et fastidieux permet d’estimer la concentration de toute cette masse gazeuse constituée de toutes les formes de matière, des baryons et des étoiles à moins de 33% de la masse des galaxies. Environ 67% de leur masse est donc cachée. Les dernières mesures indiquent que la matière sombre représente plus de 80% de la masse d'une galaxie et même 85% de la masse de l'Univers. Le plasma X est l'une des composantes de la matière sombre mais où se cache le reste de cette matière sombre ? Personne ne le sait. Il y avait autant de matière sombre dans le jeune univers qu'aujourd'hui L'astronome Patrick M. Drew de l'Université du Texas à Austin et ses collègues ont publié dans "The Astrophysical Journal" en 2018 (en PDF sur arXiv) les résultats d'une étude de la matière sombre présente dans la galaxie DSFG850.95 située à 9 milliards d'années-lumière. Ils sont arrivés à la conclusion qu'elle était aussi abondance dans le jeune univers à z = 1.6 qu'aujourd'hui. En effet, grâce au télescope Keck et aux données du Télescope Spatial Hubble, les chercheurs ont constaté que la courbe de rotation du H I épouse parfaitement les prédictions des modèles galactiques contenant de la matière sombre jusqu'à une distance variant entre 20000 et 46000 années-lumière du centre.
Ceci contredit sans appel l'étude ci-dessus prétendant qu'il y a 10 milliards d'années "il n'y aurait pas autant de matière sombre et que les galaxies sont fondamentalement différentes dans l'univers actuel". Cette découverte est fondamentale car c'est un contre-exemple flagrant confirmant que la matière sombre se comportait à cette époque reculée de la même manière qu'aujourd'hui. Le rayonnement diffus cosmologique déformé par la matière sombre Pour la première fois, des astrophysiciens ont découvert des effets de la matière sombre (ou noire) dans le rayonnement diffus cosmologique à 2.7 K au redshift de z ~ 4 soit environ 1.6 milliard d'années après le Big Bang. Les résultats de cette découverte furent publiés dans les " Physical Review Letters" en 2022 par l'équipe de Hironao Miyatake de l'Université de Nagoya et professeur associé à l'Institut KMI (Kobayashi-Maskawa Institute) dédié à l'étude de l'origine des particules et de l'Univers, en collaboration avec l'Université de Tokyo, l'Observatoire Astronomique National du Japon (NAOJ) et l'Université de Princeton. Selon la théorie de la relativité générale d'Einstein, toute concentration importante de matière peut dévier la lumière (cf. l'éclipe total de Soleil de 1919, les lentilles gravitationnelles générées par les galaxies découvertes en 1969 et les trous noirs qui piègent littéralement la lumière). L'étude de la matière sombre est rendue difficile non seulement en raison de sa nature et de sa distribution inconnues, mais la plupart des études précédentes sont restées bloquées dans leurs recherches en raison de la trop faible luminosité des galaxies lointaines qui résidaient aux limites de la puissance des télescopes. Incapables de détecter suffisamment de galaxies au-delà de z ~ 8 soit ~13 milliards d'années-lumière pour mesurer la distorsion de l'espace-temps, les astronomes ne pouvaient pas analyser la distribution de la matière sombre au-delà de cette époque. Il était donc impossible de connaître sa distribution et son évolution entre 8-10 milliards d'années et le début de l'Univers il y a plus de 13.7 milliards d'années.
Pour surmonter ces défis et observer la matière sombre située aux confins de l'univers visible, les chercheurs ont utilisé une approche différente. Ils ont procédé en deux étapes. D'abord les chercheurs ont utilisé les données des observations du sondage HSC (Subaru Hyper Suprime-Cam Survey) qui leur permit d'identifier 1.5 million de galaxies générant des lentilles gravitationnelles en lumière visible sur des objets situés à au moins 12 milliards d'années-lumière. Ensuite, pour surmonter la faible clarté des galaxies les plus éloignées, ils ont utilisé comme source lumineuse le rayonnement micro-onde du fond diffus cosmologique ou CMB à 2.7 K, le résidu du rayonnement du Big Bang. À partir des données de la mission Planck de l'ESA, les chercheurs ont mesuré la déformation du rayonnement cosmologique par la matière sombre. Masami Ouchi de l'Université de Tokyo et coauteur de cet article, fait remarquer qu'on peut se demander "comme peut-on voir la matière sombre autour des galaxies lointaines ?". Il répondit : "C'était une idée folle. Personne n'a réalisé que nous pouvions le faire. Mais après avoir donné une conférence sur un grand échantillon de galaxies lointaines, Hironao est venu me voir et m'a dit qu'il serait peut-être possible d'observer la matière sombre autour de ces galaxies avec le CMB." Après une analyse préliminaire concluante, en combinant le grand échantillon de galaxies lointaines et les distorsions observées dans le rayonnement cosmologique à 2.7 K, les chercheurss ont détecté de la matière sombre encore plus loin dans le temps, il y a 12 milliards d'années soit seulement 1.7 milliard d'années après le Big Bang. Miyatake déclara : "J'étais heureux que nous ayons ouvert une nouvelle fenêtre sur cette époque. Il y a 12 milliards d'années, les choses étaient très différentes. Vous voyez plus de galaxies en cours de formation qu'actuellement ; les premiers amas de galaxies commencent également à se former. Les amas de galaxies comprennent 100 à 1000 galaxies liées par gravité avec de grandes quantités de matière sombre." Selon l'astrophysicienne Neta Bahcall, professeure d'astronomie Eugene Higgins à l'Université de Princeton,"Ce résultat donne une image très cohérente des galaxies et de leur évolution, ainsi que de la matière sombre dans et autour des galaxies, et comment cette image évolue avec le temps." L'une des découvertes les plus passionnantes de l'étude concerne l'agglutination de la matière sombre. Selon le modèle cosmologique Standard ΛCDM, de subtiles fluctuations dans le rayonnement cosmologique à 2.7 K forma des bassins de matière dense qui attirèrent par gravité la matière environnante essentiellement composée d'hydrogène. Cela créa des zones de surdensités hétérogènes qui furent à l'origine de la formation des premières étoiles supergéantes et des premières galaxies. Les résultats obtenus par les chercheurs suggèrent que leur mesure d'agglutination de la matière sombre est inférieure à celle prédite. Certains chercheurs imaginent déjà la possibilité que les lois fondamentales de l'Univers seraient différentes dans l'univers primitif que de nos jours. Miyatake souligne que ces résultats sont encore préliminaires et devront être confirmés : "Notre découverte est encore incertaine. Mais si c'est exact, cela suggérerait que l'ensemble du modèle est défectueux à mesure que vous remontez plus loin dans le temps. C'est excitant parce que si le résultat tient après la réduction des incertitudes, cela pourrait suggérer une amélioration du modèle qui pourrait donner un aperçu de la nature de la matière sombre elle-même." Sachant que la matière sombre est mesurable dans le rayonnement diffus cosmologique, il faut à présent obtenir de meilleures données et les comparer aux prédictions du modèle ΛCDM pour voir s'il est réellement capable d'expliquer ces observations. Mais les astronomes se doutent bien que leur modèle cosmologique sera amendé un jour ou l'autre car il en va ainsi de toutes les théories qui ne sont que des approximations basées sur l'état des connaissances. Bien que cette étude ait été plus loin que toutes les précédentes, elle présente malgré tout des limites. Cette étude exploita les données disponibles des instruments existants, dont le satellite Planck et le télescope Subaru de 8.20 m installé sur le Mauna Kea à Hawaï. Les chercheurs n'ont examiné qu'un tiers des données du sondage HSC. La prochaine étape consiste à analyser l'ensemble des données, ce qui devrait permettre une mesure plus précise de la distribution de la matière sombre. Les chercheurs profiteront également du temps d'observation sur le télescope LSST (Large Synoptic Survey Telescope) de 8.42 m de l'Observatoire Vera C. Rubin installé au Chili pour explorer davantage le jeune univers. Le LSST devrait opérationnel avant 2023. Selon Yuichi Selon Harikane de l'Institut de recherche sur les rayons cosmiques de l'Université de Tokyo et coauteur de cet article, "Le LSST nous permettra d'observer la moitié du ciel. Je ne vois aucune raison pour laquelle nous ne pourrions pas voir ensuite la distribution de la matière sombre il y a 13 milliards d'années." Des exceptions qui confirment la règle Jusqu'à présent les astronomes se sont attachés à essayer de dénicher la matière et l'énergie sombres (ou noires) dans les galaxies les plus facilement accessibles et donc les plus proches bien que cela soit relatif. Jusqu'au milliard d'années-lumière voire même un peu plus, la matière sombre semble effectivement omniprésente dans le disque des galaxies ainsi que dans leur halo. A priori selon les modèles galactiques et cosmologiques, elle était déjà présente moins d'un milliard d'années après le Big Bang et certainement bien plus tôt. Mais il faut en apporter la preuve en analysant des galaxies situées au plus profond de l'espace, à plus de 13 milliards d'années-lumière, ce qui reste très difficile avec les instruments actuels, même au moyen du JWST. De nouvelles observations ont montré que jusqu'à z = 2.4 soit ~ 11 milliards d'années-lumière, la matière sombre ne dominait pas dans le disque des galaxies. Dans un article publié dans la revue "Nature" en 2017 (en PDF sur arXiv), Reinhard Genzel de l'Institut Max Planck de Physique Extraterrestre (MPI) et ses collègues ont analysé les courbes de vitesse de six galaxies situées entre 0.9 < z < 2.4 soit entre 7.4 et ~11 milliards d'années-lumière présentées ci-dessous à gauche. Elles furent sélectionnées car elles évoluent à une époque connue pour produire des étoiles à un taux très élevé (50 à 200 fois plus que de nos jours) et dont la masse visible (baryonique) est à peu près similaire à celle de la Voie Lactée. En théorie, selon leurs interactions, elles pourraient donc évoluer vers la forme d'une spirale serrée, une spirale barrée ou vers la forme elliptique; elles représentent donc un échantillon représentatif de l'évolution galactique.
Grâce aux spectrographes KMOS (K-band Multi-Object Spectrograph) et SINFONI (Spectrograph for INtegral Field Observations in the Near Infrared), les chercheurs ont étudié la raie de l'hydrogène α et montré que la vitesse de rotation de cet élément (qui est décalé dans l'infrarouge en raison de l'effet Doppler) dans le disque de ces galaxies s'explique parfaitement par la masse de matière visible, sans devoir recourir à de grandes quantités de matière sombre. Pour deux des six galaxies étudiées, la proportion de matière sombre est même qualifiée de "négligeable". Comme on le voit sur les graphiques ci-dessus, à l'inverse des galaxies "proches", les courbes de rotation de ces galaxies très lointaines et très anciennes décroissent rapidement en fonction du rayon galactique, rejoignant presque la loi de Kepler (en 1/r2). Pour certaines galaxies, la vitesse de rotation tombe à 30% de la vitesse de rotation maximale mesurable à la plus grande distance au noyau. Si certaines galaxies proches présentent également des courbes de rotation décroissantes, notamment des galaxies compactes ou possédant un bulbe massif, leur vitesse de rotation n'est jamais inférieure à 80% de la vitesse maximale. Bien qu'il soit trop tôt pour proposer une théorie à la fois compatible avec le modèle ΛCDM et qui explique ce "manque" de matière sombre à grande distance, Reinhard Genzel et ses collègues ont proposé deux hypothèses : - En admettant que la plupart des galaxies massives de cette époque sont dominées par la matière baryonique (ordinaire), la matière sombre serait bien présente mais très diffusée et beaucoup moins dense que le gaz interstellaire ou celui des étoiles, d'où la difficulté de la mesurer. - Ces galaxies ancestrales contenant des étoiles très massives, les disques de ces galaxies seraient beaucoup plus turbulents que les disques des galaxies formées tardivement (celles qu'on observe jusqu'à quelques centaines de millions d'années-lumières). Cette turbulence aurait ralenti la vitesse de rotation de la matière ordinaire et d'autant plus dans les régions où la matière sombre est diffuse. Ce phénomène de freinage serait plus prononcé à mesure qu'on se rapproche de l'époque primordiale. Reste à tester et démontrer ces belles théories en analysant d'autres galaxies du champ très profond. Pour s'assurer que ces six galaxies ne sont pas un cas exceptionnel comme on l'imagine a priori, les astronomes ont également étudié une centaine d'autres galaxies de même type mais à basse résolution et confirment que cet effet est commun à cette époque ancestrale. Selon Grenzel et ses collègues, il faut en déduire que 3 à 4 milliards d'années après le Big Bang, le gaz contenu dans les galaxies en cours de formation était peu turbulent et s'était déjà condensé efficacement dans le disque tandis que la matière sombre formait un halo beaucoup plus vaste et diffus autour d'elles. Ce n'est qu'au terme de plusieurs milliards d’années de brassage et d'interactions que cette matière sombre s'est concentrée pour finir par dominer les galaxies qu'on observe aujourd'hui à plus courte distance, provoquant une accélération de leur vitesse de rotation. Quelques astronomes ont toutefois souligné que cette observation est isolée et ne concerne qu'une poignée de galaxies. Or, l'observation à basse résolution d'une centaine d'autres galaxies confirme que cet effet est commun à cette époque ancestrale. Faut-il pour autant conclure que les disques galactiques formés il y a 10 milliards d'années étaient dominés par la matière baryonique ? Aujourd'hui, il est trop tôt pour l'affirmer et les astronomes continuent à explorer le jeune univers et à calculer la vitesse de rotation de ces jeunes galaxies pour mieux évaluer la quantité de matière sombre à cette époque ancestrale. Quelle est la vitesse de la matière sombre ? Des physiciens et des astronomes ont spéculé sur la nature mais également la vitesse de la matière sombre. Certains estiment qu'elle se déplace très rapidement, d'autres lentement. Les mesures de la vitesse des étoiles au coeur de la Voie Lactée et des galaxies proches montrent que la matière sombre est une composante plus lente que la moyenne des étoiles.
Sachant que la Voie Lactée forme continuellement de nouvelles étoiles, les chercheurs doivent trouver un moyen de faire la distinction entre les étoiles formées dans la Voie Lactée et les étoiles qui se sont formées dans des galaxies naines qui furent ensuite absorbées par la Voie Lactée avec leur matière sombre correspondante. La technique est assez simple : les étoiles qui se sont formées dans des galaxies naines extérieures ont tendance à avoir une composition chimique différente de celle des étoiles qui se forment dans la Voie Lactée (cf. les découvertes de Gaia). En effet, les étoiles de la Voie Lactée se forment à partir de matériaux qui ont été enrichis en éléments plus lourds par les générations antérieures d'étoiles, alors que les étoiles des galaxies naines ne le sont pas. Les étoiles qui nous intéressent sont donc celles pauvres en métaux, présentant une métallicité [Fe/H] < -3. Selon les modèles, les étoiles pauvres en métaux et la matière sombre devraient afficher des vitesses similaires. Dans un article publié dans les "Physical Review Letters" en 2018, l'équipe de Jonah Herzog-Arbeitman de l'Université de Princeton a réalisé des simulations hydrodymaniques de galaxies du type de la Voie Lactée et compara les résultats à la distribution de la vitesse de la matière sombre et à celle d'étoiles de différentes métallicités et constata que cette prédiction se vérifie. L'histogramme présenté à droite montre les distributions des vitesses pour la matière sombre et différentes populations stellaires. L'histogramme noir représente la matière sombre, l'histogramme bleu représente toutes les étoiles et l'histogramme orange représente uniquement les étoiles les plus pauvres en métaux, affichant une métallicité [Fe/H] < -3 . Cet dernier histogramme s'aligne sur celui de la matière sombre. Sur base de ces histogrammes, en observant les vitesses de ces étoiles proches du Soleil, les astronomes peuvent améliorer leur compréhension de la vitesse de la matière sombre. Cela permet aussi d'améliorer l'interprétation des résultats des expériences sur la matière sombre. En particulier, sur la base de calculs préliminaires, Herzog-Arbeitman et ses collègues ont montré que la vitesse de la matière sombre est plus faible que ce qu'on pensait auparavant. Ils suggèrent que cela pourrait réduire l'importance des non-détections des particules de matière sombre peu massives. C'est un résultat important. Les estimations précédentes de la vitesse de la matière sombre provenaient toutes de simulations et de prédictions théoriques. Cette nouvelle méthode, qui utilise des données réelles de notre Galaxie plutôt qu'un modèle simplifié, devrait améliorer la précision des modèles. De plus, des missions spatiales comme Gaia améliorent considérablement notre compréhension de la distribution des vitesses stellaires locales, ce qui renforce l'intérêt de cette méthode pour déterminer la vitesse locale de la matière sombre. Le paramètre de densité A l'exception de l'énergie sombre qui semble peu sensible aux interactions gravitationnelle et électromagnétique, il semble impossible de trouver de la matière sombre très loin des galaxies, dans des halos très étendus car normalement les forces de marée la disperserait dans tout l'amas dans lequel les galaxies baignent (cf. la dynamique des étoiles et des queues de marée dans le halo de la Voie Lactée). Or, nous avons des preuves que le halo contient une certaine quantité de matière sombre puisque la courbe de rotation de ces galaxies reste plate jusqu'à plus de 130000 a.l. (40 kpc) du noyau. Nous avons vu qu'il il existe également autour des amas de galaxies un halo de plasma très chaud détectable grâce à son rayonnement X. Considérant que le modèle FRW est homogène et isotrope à grande échelle, si nous pouvons déterminer sa densité totale, nous pourrions en déduire les conséquences cosmologiques entrevues dans l'introduction. L'étude
des galaxies réalisée par G.Efstathiou, R.S. Ellis, P.Peebles et leurs
collègues[7]
a démontré que la densité moyenne lumineuse était égale à 1.3x108
L Un paramètre cosmologique important est le paramètre de densité Ω qui décrit le rapport entre la densité d'énergie de la matière (baryonique) et la densité critique et caractérise indirectement la courbure de l'Univers. Concrètement, si Ω > 1 alors la courbure de l'Univers est positive, l'Univers est fermé. Si Ω < 1, la courbure de l'Univers est négative et l'Univers est ouvert. Selon la quantité de matière, cela peut avoir ou non un effet sur le taux d'expansion de l'Univers, d'où l'intérêt de pouvoir la mesurer avec précision, encore faut-il pouvoir la détecter quand il s'agit de matière sombre et d'énergie sombre ! Précisons car on le lit trop souvent, que Ω > 1 ne signifie pas obligatoirement que la quantité de matière est suffisante pour freiner l'expansion de l'Univers et le forcer à décélérer, c'est-à-dire à déclencher une phase de contraction. Autrement dit, courbure spatiale et quantité de matière sont deux notions différentes en théorie il peut exister des univers à courbure positive mais vide de matière. Selon les données enregistrées par la mission Planck, la densité actuelle de l'Univers Ωo = 0.9995 ±0.0034 soit égale à 1 à 0.34% près. Nombreux sont les cosmologistes qui considèrent que l'équation Ω = 1 est un principe "copernicien", c'est-à-dire qu'il n'y a aucune chance que l'Univers soit passé de Ω = 1 dans le passé à Ω = 0.25 aujourd'hui. Dans ce cas il faudrait trouver une autre idée pour expliquer la régularité de l'émission du corps noir, dont la température a été réglée avec la précision d'un thermostat, nous y reviendrons. D'autres considérations plus techniques tentent de réfuter l'équation Ω = 1. Nous avons vu que la détermination précise de la constante de Hubble influence l'âge de l'Univers. Si les plus vieilles étoiles ont entre 13 et 15 milliards d'années, le modèle FRW implique que la constante de Hubble ne peut pas dépasser 45 ±9 km/s/Mpc, ce qui est très inférieur aux 67.8 km/s/Mpc calculés à partir des mesures du satellite Planck en 2015 et aux 72-73 km/s/Mpc obtenus par différents chercheurs en 2016 et 2017. Les détracteurs de cette hypothèse estiment qu'un meilleur indice de la densité de l'Univers serait de calculer l'effet perturbateur des lentilles gravitationnelles. S'il y a en effet des fluctuations de densité perceptibles entre les galaxies et les étoiles, les observatoires orbitaux doivent pouvoir les mesurer. A l'heure qu'il est le satellite infrarouge IRAS n'a rien détecté jusqu'à 100 Mpc, ce qui signifie qu'une théorie FRW tenant compte de fluctuations linéaires est conforme aux observations. Cela signifie aussi que les objets restent soumis à des fluctuations de densité "locales", comprises entre 10 et 100 Mpc. Les cosmologistes en ont conclu que les galaxies "biaisées" devait obéir à la relation : avec b, le facteur de biais Théoriciens et praticiens ont découvert que λ oscillait entre 0.89 et 0.95 à 0.20 près, qui est consistant avec Ω = 1. Pour l'astronome canadien Scott Tremaine, le facteur de biais est proche de l'unité à grande échelle : "La distribution dans l'espace de phase des galaxies jusqu'à 100 Mpc supporte le paramètre de densité Ω = 1." Prochain chapitre Les lentilles gravitationnelles
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