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Les filtres colorés en astronomie

L'éventail des filtres colorés pour l'astronomie.

Contraste et qualité d'image

En astronomie, on peut avantageusement utiliser des filtres colorés pour observer les planètes ou la Lune et faire ressortir des détails souvent invisibles en lumière blanche. Nous en profiterons également pour discuter des filtres sélectifs à bande plus ou moins étroite tels ceux utilisés en photographie LRGB ou en photométrie et dirons quelques mots sur les filtres interférentiels.

Comment fonctionne un filtre ? On se fait souvent une fausse idée de la manière dont fonctionne un filtre coloré. La majorité des utilisateurs pensent qu’il permet d’observer les objets à travers certaines couleurs, ou pensent que certaines personnes perçoivent mieux telle ou telle couleur à travers tel ou tel filtre. Cette façon de s’exprimer est inexacte et ne correspond en rien à la manière dont fonctionne un filtre.

Tout d'abord rectifions une rumeur : un filtre coloré ou correctif n’est pas utilisé pour percevoir la couleur ! En raison de sa bande passante relativement étroite, les fréquences atteignant notre oeil sont restreintes à la partie du spectre où il offre le contraste le plus élevé.

Nous pouvons illustrer ce phénomène en prenant Mars comme exemple. Sa surface présente des zones claires et des zones sombres. Le spectre de ces régions est similaire à celui de la rouille, l’oxyde de fer, ce qui explique pourquoi Mars nous paraît orange (indice de couleur 1.37, spectre K8, voir plus bas).

Observé en lumière bleue, le spectre des régions claires et sombres présente pratiquement la même intensité ou luminance. On peut donc en conclure qu’un filtre bleu offrira peu de contraste entre les régions claires et sombres de Mars.

En revanche, le profil spectral diverge à partir de la lumière verte pour s’accentuer en lumière rouge et présenter la divergence la plus forte vers 1 micron ou 1000 nm, en proche infrarouge. C’est donc dans cette partie du spectre que la différence entre les régions claires et sombres de Mars sera la plus accentuée, raison pour laquelle on recommande d’utiliser des caméras CCD ou un APN défiltré muni d'un filtre IR (c'est-à-dire bloquant tout le rayonnement visible sous ~800 nm) pour photographier Mars.

De gauche à droite, la région de Syrtis Major (MC=261°) photographiée en lumière blanche, avec un filtre rouge, en infrarouge (2.3 microns) et par le HST à titre de comparaison. A cette époque le diamètre de Mars oscillait entre 9.5" et 12.3". Documents Tom J. Richards 1999, IRTF 1995 et HST 1999.

Pour comprendre pourquoi certains filtres assombrissent les détails de surface, il faut se rappeler qu’un filtre éclaircit les structures qui ont la même couleur que lui et assombrit les détails de la couleur complémentaire. Le résultat est un contraste global plus élevé et une image dans laquelle certains détails seront plus apparents.

En fait la plupart des amateurs ne considèrent souvent que l’augmentation du contraste car tous les objets semblent prendre la même couleur que le filtre… sauf si vous photographiez le sujet en noir et blanc. Aussi pour bien comprendre quels sont les effets d’un filtre coloré sur une image, consultez les livres consacrés à la photographie... en noir et blanc !

L'usage des couleurs complémentaires permet d'accentuer le contraste d'un sujet sans modifier sa luminance. C'est le rôle des filtres colorés en astronomie.

Prenons un autre exemple. Si vous voulez observer la tache rouge de Jupiter lors de son passage au méridien, sa couleur étant brun-orangé, sous filtre orange elle paraîtra incolore et donc pratiquement invisible sur les photos N/B. Il faut donc utiliser la couleur complémentaire de l'orange pour que cette structure apparaisse sombre par contraste, soit le bleu ciel ou le cyan très pâle selon la tonalité.

Cela signifie aussi que vous pouvez utiliser un filtre bleu ciel ou cyan sur une planète bleutée pour faire ressortir tous les détails jaunes-orangés. Ceci explique pourquoi on préconise également d'utiliser des filtres de la couleur de la planète que vous observez, un filtre orange W21/W23A ou rouge W25/W29 par exemple pour pénétrer les brumes de Mars et augmenter le contraste des détails de surface ou un filtre vert W57 ou bleu W47 pour observer les ceintures rougeâtres presque pourpres qui entourent Jupiter.

Mais comment connaître la couleur complémentaire d'une autre ? Lorsque les couleurs fondamentales sont mélangées il est en effet très difficile de connaître la couleur complémentaire d'une tonalité précise sans utiliser de logiciel graphique (où il suffit d'inverser la couleur). Mais il existe un truc lié à la physiologie humaine.

Pour trouver la couleur complémentaire d'une autre, il suffit de fixer la couleur (un crayon ou un rectangle coloré) durant au moins 30 secondes sur un fond blanc puis de retirer brusquement l'objet coloré ou d'être attentif à ce que vous voyez. En effet, comme par miracle la couleur complémentaire apparaîtra à la place ou autour de l'objet. C'est ainsi qu'on peut facilement déterminer que la couleur complémentaire de l'orange est un bleu. Même pour des couleurs complexes comme le rose fluo par exemple, on découvre qu'il s'agit d'un vert cyané foncé. Bien sûr cette méthode ne fonctionne que si vous pouvez distinguer les tonalités les plus subtiles ce qui, semble-t-il, n'est pas donné à tout le monde. Dans ce cas, il reste à utiliser un logiciel graphique (par ex. Paint) pour obtenir le même résultat en un clic de souris.

Ceci dit, un filtre de contraste utilisé pour observer une planète naturellement brillante peut vous jouer des tours (sans parler des effets de la vision). Si vous observez Mars (orangée), Jupiter ou encore Vénus (jaune-crème) devant un ciel bien noir et dans un oculaire présentant un grand contraste (très lumineux ), il peut arriver que les tonalités de cette planète apparaissent dans leur couleur complémentaire. Cet effet est provoqué par le rapport de contraste entre la planète et le fond du ciel. Vous pouvez observer des détails jaunes ou verts par exemple sur Mars alors qu'ils sont réellement bleutés (diffusion de la lumière sur de la glace) ou oranges ou rosés, c'est l'effet de contraste simultané. Aussi, tous les nuages "jaunes" que l'on voit sur Mars durant les tempêtes de sable, ne sont peut-être pas aussi jaunes qu'ils paraissent. Certains sont peuvent être des nuages glacés qui sont en réalité blanc-bleutés. Commment le savoir ? Réalisez une photographie (L)RGB, elle sera objective !

Sur les conseils de divers observateurs et des spécialistes de l'ALPO, voici les principaux filtres à utiliser pour observer les planètes et la Lune :

Les filtres colorés en astronomie planétaire

Filtre

T (%)

Mercure

Vénus

Mars

Jupiter

Saturne

Uranus

Neptune

Lune

W8 jaune pâle

83       u   u u  

W11 jaune-vert

40     u u u      

W12 jaune

74   u u u       u

W15 jaune foncé

66 u   u u   u R u

W21 orange

46 u   u u u     u

W23A rouge clair

25 u   R R u      

W25 rouge

14 u u R u   u u  

W29 rouge foncé

6 u u R u u      

W30 magenta

27     u u   R u  

W32 magenta

12     u          

W38A bleu foncé

17   u u u u      

W47 violet

3   R u R u     u

W56 vert clair

53     u u u     R

W58 vert foncé

24   u u u u      

W64 bleu-vert

25   u u R u     u

W80A bleu ciel

28   u u R u     u

W82A bleu clair

73   u u u u     u

UV U360

70   R            

Schott RG830

80 R R R          

ND96

25               R

Légende : W = Filtre Kodak Wratten. T (%) = transmission lumineuse (cf. ce fichier PDF). Pour les UV c'est la transmission maximale à 360 nm. Pour l'IR c'est la transmission maximale à partir de 880 nm. Les filtres UV et IR sont réservés à la photographie. Une case colorée signifie que le filtre est utilisé par quelques amateurs, "R" = recommandé, "u" = utile. Le W80A ou CC80A sert également de filtre compensateur de couleur (de conversion de la température de couleur) de 3200 K à 5500 K. Le filtre W47 sert également à la photographie en trichromie RGB avec les filtres W29 (rouge) et W61 (vert) parmi d'autres. Les filtres dont la transmission ne dépasse pas 25% sont réservés aux instruments d'au moins 200 mm de diamètre ou à la photographie CCD moyennant l'empilement d'images (stacking).

Pour bien débuter vous pouvez donc acheter les 4 filtres suivants : jaune foncé W15, rouge clair W23A, vert clair W57 et bleu ciel W80A ou leur variante plus dense (vert foncé W58, rouge W25, violet W47, etc.) si vous utilisez un télescope d'au moins 200 mm d'ouverture ou des moyens CCD car ils bloquent beaucoup plus de lumière. Pour 100 à 150 € vous pouvez vous constituer cette panoplie de 4 filtres. Ce prix reste démocratique quand on connaît le degré de précison avec lequel ils sont fabriqués. Les surfaces de tels filtres sont optiquement planes et strictement parallèles afin qu’on puisse les utiliser en série dans n’importe quelle configuration et pas uniquement près du plan focal.

Un conseil : choisissez toujours un filtre en verre coloré dans la masse et achetez-le de préférence auprès d'une marque réputée dans le domaine de l'astronomie ou de l'optique. On reviendra sur la qualité des filtres.

A consulter : Choosing a Color/Planetary Filter, Agena Astro

Astronomy Filters, Which Telescope

Atlas of Visual Phenomena, U. Boston

Simulateur de couleur, saturation et contraste

Astre

Indice de

couleur

Classe

spectrale

Température

de couleur

Couleur

désaturée

Référence

0.00

A0

9531 K

Terre

0.20

A6

7767 K

Neptune

0.45

F6

6501 K

Uranus

0.55

F9

6083 K

Vénus

0.79

G7

5312 K

Pluton

0.79

G7

5312 K

Jupiter

0.80

G8

5286 K

Mercure

0.91

K0

5031 K

Saturne

1.00

K2

4849 K

Mars

1.37

K8

4209 K

Lune

variable

~G

4000-6000 K

Concernant la Lune, sa température de couleur varie selon les endroits en fonction de la lumière du Soleil (entre le gris-bleu et le gris-brun). Les couleurs complémentaires de celles indiquées sont très sombres, presque noires (orange très foncé pour Uranus et Neptune, bleu nuit pour Mars). De tels filtres seraient inutilisables en astronomie, même pour la photographie. Il faut ajouter à ces couleurs de base l'éclat de la planète qui va ajouter quelques candelas. Mais dans tous les cas, les filtres colorés utilisés en astronomie présentent une faible densité, compatible avec l'observation visuelle. Elle s'accroît légèrement avec le diamètre des télescopes puisque leur clarté augmente comme le carré de l'ouverture.

Les maisons d'astronomie proposent également d'autres modèles adaptés au diamètre des oculaires standards. N'achetez pas de modèle de 50.8 mm (2") pour les télescopes catadioptriques sinon vous aurez du mal à les retirer du "visual back". Ces modèles sont également plus chers. Le filtre de 31.75 mm (1.25") se vissant à la base de l'oculaire est la solution la plus simple avec la roue à filtres pour ceux qui peuvent se le permettre.

Si vous préférez passer tous les filtres en revue au cours d'une observation, vous pouvez acheter des filtres Wratten en gélatine que vous pourrez aisément couper à dimension. Juxtaposez-les dans une petite réglette de 4-5 cm de largeur et 20 cm de longueur. En cours d'observation faites coulisser la réglette entre votre oeil et l'oculaire. En passant par exemple du filtre rouge W25 au violet W47, lors des oppositions favorables les nuages de Mars vous sauteront immédiatement aux yeux. De même, en passant du filtre violet W47 au magenta W30, les WOS (taches blanches) de Jupiter ressortiront dans les bandes sombres et les zones claires. Les anneaux de Saturne seront également plus brillants sous un filtre vert W57 ou magenta W30 et feront ressortir les divisions de Cassini et de Encke. Le va-et-vient entre ces différentes couleurs provoquera des sauts de contraste qui révéleront beaucoup plus détails que si vous utilisiez un filtre unique durant toute la soirée. L'autre solution consiste bien sûr à utiliser une roue à  filtre oculaire mais cet accessoire est généralement adapté aux caméra CCD et aux photomètres et son poids ne permet pas de l'installer sur les petits instruments.

Enfin, rappelons que pour observer le Soleil aucun de ces filtres ne convient en raison de leur transmission lumineuse beaucoup trop importante. Leur densité doit en effet être augmentée d'un facteur 4 ou 5 ! Pour observer le Soleil, consulter l'article consacrée au choix d'un télescope et de ses accessoires ou différentes configurations sont décrites pour observer le Soleil en toute sécurité.

Notons qu'un filtre polarisant crée un tout autre effet sur le contraste. En modifiant la polarisation de la lumière, la quantité de détail ne change pas mais le contraste de la Lune par exemple est adouci du fait que le halo brillant éblouissant est supprimé parfois jusqu'à 50%. Ainsi, même observée au crépuscule l’image de la Lune est plus belle sous un filtre polarisant qu’en lumière blanche ordinaire car le ciel prend une coloration bleu foncée au lieu de noir qui est beaucoup plus douce et agréable pour l’observation. L’effet est encore plus marqué lorsque la Lune est très haute sur l’horizon. Bien entendu cette appréciation reste subjective mais l'effet de la polarisation est bien réel.

La qualité des filtres : plastique ou verre ?

L'éventail des filtres colorés satisfera l'amateur le plus exigeant. Ces filtres disposent d'un pas de vis à l'avant (interne) et à l'arrière (externe) adapté aux oculaires et lentilles divergentes de 31.75 ou 50.8 mm.

Faut-il acheter un filtre en plastique ou en verre? Bien souvent l’acheteur potentiel hésite à acquérir un filtre en plastique voire en gélatine comme du temps des films argentiques du fait que sa surface n’est pas rigide (elle est plane mais plus ou moins souple), lui donnant le sentiment qu’il s’agit de matériel de moins bonne qualité optique. Il achetera de préférence un filtre en verre dont la surface est rigide, synonyme a priori de résistance et de qualité. La même attitude s’observe avec les filtres solaires objectifs en polymère (polyéthylène terephthalate ou PET comme les filtres Mylar) qui peuvent onduler et sont de ce fait beaucoup moins demandés que les filtres en verre (du moins pour un usage intensif). Pourtant sur le terrain bien malin serait l’amateur qui pourrait voir une différence à l’oculaire entre l’image donnée par un filtre souple et un filtre en verre.

Mais en quoi les filtres en verre seraient-ils meilleurs que les filtres souples ? Les filtres de couleur sont en général colorés dans la masse afin d’obtenir une distribution uniforme de la couleur. Mais certains sont élaborés à partir de support en plastique (Coquin, Hoya, etc.). Si cela offre l’avantage de les rendre incassables et très compétitifs, ils sont également plus sensibles à l'abrasion mécanique (aux rayures) et à la chaleur. A déconseiller si vous souhaitez conserver vos filtres longtemps.

Les filtres en verre sont-ils tous identiques ? Non. Le verre dont ils sont constitués peut présenter un indice de réfraction plus ou moins élevé, leur épaisseur peut être différente ainsi que leur bande passante au sein d'une même couleur. On considère en général que les filtres minces offrant un faible indice de réfraction sont meilleurs que les filtres épais offrant un indice de réfraction élevé car en traversant un filtre mince le faisceau de lumière convergeant vers l'oculaire risque moins de subir de déformations. Si les surfaces ne sont pas rigoureusement parallèles, le filtre présentera un léger effet dispersif à l'image d'un prisme.

Les deux types de filtres, en verre et en plastique ou en polymère présentent en théorie le même indice de réfraction, voisin de 1. Le filtre en plastique est donc en théorie aussi "plat" que le filtre en verre. Mais il n'est pas rare d'observer des filtres couleurs d'une grande marque présenter des zones plus ou moins denses ou des striures qui, placées dans une certaine position devant votre oeil gâcheront toute la beauté de l'image.

En astronomie, la plupart des revendeurs spécialisés en astronomie proposent heureusement des filtres en verre. Parmi les meilleurs fabricants de filtres citons Baader et ses représentants. Comme la plupart des filtres, ils sont découpés, ajustés et polis individuellement à partir d’un modèle maître. Les deux surfaces sont ensuite recouvertes d’un multicouche antireflets afin de réduire les pertes de lumière à une fraction de pourcent tout en offrant le moins possible d’images fantômes. Cette technologie permet par ailleurs d’offrir à l’amateur des filtres à bandes passantes étroites ou des fonctions spatiales (filtre passe-haut ou passe-bas).

A consulter : Coatings, revêtements antireflets et dispersions

Les filtres en verre sont ensuite sertis dans un porte-filtre en aluminium anodisé qui est fileté sur ses deux faces afin de pouvoir visser d’un côté le filtre au système optique (oculaire, renvoi à 90°, lentille de Barlow, etc.), de l’autre à un autre bague filetée si nécessaire. Les filtres recoivent ensuite l’estampie Baader ou celle d’une autre marque.

Rappelons que si vous ne trouvez pas le filtre adéquat chez les revendeurs habituels, Schott peut également vous le fournir à vos dimensions mais sans monture, parfois à l'unité ou en deux exemplaires pour un euro de plus. Certains revendeurs Schott proposent églement les montures filetées, notamment au diamètre des objectifs des appareils photos.

En résumé, si vous observez uniquement les planètes visuellement et occasionnellement, vous pouvez acheter les filtres colorés les moins chers, souvent vendus par ensemble de quatre. Mais pour un usage régulier et surtout en astrophotographie LRGB, choisissez la meilleure qualité et achetez des filtres de dernière génération auprès d'une constructeur réputé.

A propos de la mise au point

Beaucoup d’amateurs se demandent s’il y a des avantages ou des inconvénients à placer un filtre plus ou moins près du foyer et si sa position peut avoir influencer la qualité des images ?

Les filtres peuvent être placés à deux endroits dans un système optique : soit au niveau de l'oculaire (ou du foyer) soit devant l'objectif. Les filtres Baader par exemple ont été conçus pour être utilisés avec le binoculaire de la marque ou avec tout autre système optique dans lequel le filtre doit se placer à une distance d’au moins 120 mm du plan focal. Ces filtres peuvent donc s’insérer devant le renvoi à 90°, devant la lentille de Barlow ou une caméra CCD. Dans tous ces exemples il est avantageux d’utiliser un filtre dont les surfaces sont rigoureusement parallèles et offrant une excellente qualité optique pour éviter les images fantômes, l’astigmatisme et le chromatisme (c'est toujours le cas des filtres haut de gamme et notamment des filtres colorés ou LRGB vendus par les grandes marques).

Mais en insérant un filtre dans un système oculaire, on modifie obligatoirement la mise au point (le tirage). En effet, l'épaisseur du verre dont le filtre est constitué présente une densité différente de celle offerte par une épaisseur équivalente d'air. Même un verre "clair" demande une correction de la mise au point, qu'il soit utilisé avec une lunette ou un télescope.

Il faut également ajouter à l'effet de flou l'effet provoqué par la réfraction de la lumière en fonction de la longueur d'onde de travail (voir les prismes). Au plus il y a de différence entre les indices de réfraction de la lumière rouge et violette, au plus élevée sera la dispersion. C'est la raison pour laquelle les optiques mal corrigées présentent une aberration chromatique. C'est pour supprimer cette aberration qu'on utilise des éléments de lentille en flint et en crown dans les lunettes achromatiques.

En revanche, un filtre objectif affectera la bande passante de la lumière sans induire aucune modification de la mise au point. Seule la photographie UV au moyen d'un objectif fluorite nécessite une correction de la mise au point vers les plus courtes longueurs d'ondes tandis que la photographie IR exigera de rallonger la distance focale d'environ 0.25%.

La qualité du faisceau lumineux issu d'un filtre objectif dépendra dans ce cas-ci des caractéristiques de l'objectif, du système oculaire et de la sensibilité de l'oeil de l'observateur aux différentes longueurs d'ondes. Ainsi la sensation de netteté que l'on observe à l'oeil nu varie en fonction de la longueur d'onde et une image rouge semblera toujours plus nette qu'une image bleue mais l'âge de la personne fera varier plus ou moins fort cette impression.

Enfin, quelle que soit la position d'un filtre intégral, un verre présente toujours des effets dispersifs qui imposent au fabricant de renormaliser le faisceau lumineux aux alentours de 560 nm, en considérant comme compromis l'une des raies vertes du mercure.

Ceci dit, si vous utilisez toujours vos filtres très près du foyer, vissés à l’oculaire ou tenu à main levée devant vos yeux, de telles corrections ne sont pas nécessaires et la rectitude de la surface des filtres n’est vraiment pas un facteur critique. Ceci dit, autant choisir un filtre en verre traité antireflet et anti abrasion à visser sur un oculaire de 6 mm à 300$ qu’une simple filtre en plastique qui présentera à terme des piqûres et des griffes.

Pour l'amateur utilisant une optique d'au moins 200 mm de diamètre (car le poids entre en jeu), rappelons qu'il existe des systèmes de mise au point automatique (auto-focus) pour les systèmes CCD qui vous évitent tout tracas lorsque vous utilisez un train optique particulièrement complexe et lourd. On y reviendra à propos de la mise au point des caméras CCD.

Le filtre infarouge

Le filtre proche infrarouge (~850 nm) est très utile pour faire ressortir les détails sur la surface de Mars (cf. ce graphique). Malheureusement très peu de magasins d'astronomie en proposent.

La solution alternative consiste à acheter un filtre infrarouge brut chez Schott par exemple et demander à la commande de le couper à bonne dimension (31.75 mm ou 50 mm de diamètre) et si possible de le sertir dans une bague filetée que vous pourrez placer au dos d'un oculaire ou dans le barillet de l'optique si vous utilisez un APN ou une caméra CCD. A défaut, vous pouvez acheter une bague filetée vide (ou recycler un vieux filtre ou acheter le filtre le moins cher) et y placer le filtre taillé sur mesure (cf. Baader Planetarium).

Pour rappel, le filetage d'un oculaire de 31.75 mm est M28.5 x 0.5 (c'est-à-dire au pas de 0.5 mm) ou M28.5 x 0.625 (en anglais TPI de 1.125"x 40), celui d'un oculaire de 50 mm est M48 x 0.60 ou M48 x 0.75. Quant au filetage des barillets des lunettes et télescopes, il varie d'un constructeur à l'autre.

Filtres visuels et photométriques

C’est ici qu’on observe la plus grande disparité entre la qualité d’un filtre "grand public" et un filtre à vocation scientifique et cela se ressent évidemment au niveau du prix. Un filtre de qualité professionnelle est généralement 2 ou 3 fois plus cher qu'un modèle grand public. Mais la comparaison est souvent difficile : les premiers font 50 mm de diamètre et se placent soit sur une roue à filtre soit au niveau du renvoi à 90° tandis que les modèles "amateur" mesurent 31.75 mm de diamètre et se vissent sur l’oculaire. Autant comparer des pommes avec des oranges !

A lire : La photométrie appliquée aux Pléiades

A gauche et au centre, caméra CCD MX916 Starlight Xpress (752x580 pixels) associée à une roule à filtres True Technology Custom-Wheel, le tout attaché à un télescope Celestron C14. Documents Pedro Ré. A droite, installation de filtres LRGB dans une roue à filtre IFW d'Optec. On peut également y placer des filtres sélectifs à bande étroite (H-alpha, H-bêta, O-III, etc.). Aujourd'hui de nombreux fabricants (Agena, Celestron, QSI, SBIG, ZWO, etc.) proposent des solution similaires.

Pour mémoire, les filtres colorés vendus par Optec par exemple sont avant tout destinés à des applications scientifiques. Optec propose ainsi des filtres colorés baptisés U, B, V, R, I mais dont l’usage est réservé aux applications photométriques (l’analyse de la lumière des étoiles par exemple).

Si vous prenez le filtre B par exemple, il vous semblera offrir le même bleu que le filtre bleu le moins cher proposé par votre revendeur. Mais il s’en différencie par de nombreux points. Ainsi ce filtre photométrique comme tous ceux de cette série est traité multicouche, il est opaque au rayonnement IR, son spectre suit un profil très rigoureux (le vendeur doit vous proposer sa fiche de trransmission) et obéit à des critères de qualifications stricts, autant de paramètres qui expliquent sa différence et son prix élevé. Les marques concurrentes telles Stromgren et Johnson proposent des filtres photométriques similaires.

Optec propose également de petits filtres photométriques de 12.7 et 38 mm de diamètre ainsi que des filtres interférentiels offrant une demi-bande passante de 10 à 40 nm.

Précisons que les filtres RGB d'Optec et de True Technology sont des modèles dichroïques. Les modèle de 50 mm de diamètre sont proposés à 150$ l’unité (2017). En Europe, un ensemble de filtres LRGB de 50 mm revient à environ 600 €.

Filtres sélectifs

Étant donné leur étroite bande passante, les filtres sélectifs ne sont généralement pas destinés à l'observation visuelle mais à l'astrophotographie.

Les filtres sélectifs isolent les bandes ou les raies d'émission de certains éléments chimiques communs dans les nébuleuses (OIII, SII, Hα, Hβ, etc) ou les comètes (OIII, C2, CN, CO, HCN, etc) et de ce fait ils accentuent le contraste du sujet sur le fond du ciel et font ressortir les détails dans ces objets, en particulier dans les nébuleuses d'émission.

A consulter : Profil des filtres utilisés sur les télescopes professionnels, SVO

Courbures spectrales des filtres couleurs Baader & Optec

Courbes de transmission des filtres couleurs L, R, G, B et IR utilisés pour les empilements LRGB. A gauche et au centre, les filtres LRGB Astrodon Generation 2 série E True-balance (2017). A droite, les anciens filtres dichroïques RGB et IR bloquant de True Technology (1990).

Pour des raisons historiques, les filtres sélectifs dit "LPR" (Light Pollution Rejection filters) les plus connus sont les fameux UHC de Lumicon et l'Ultrablock d'Orion Telescopes (cf. cette revue en anglais) qui donnent d'excellents résultats en noir et blanc (ou pour la composante de Luminance des empilements LRGB). Pourvu d'une bande passante assez large, à l'origine on les utilisait également visuellement pour réduire l'effet de la pollution lumineuse. Mais leur bande passante est trop importante (cf. l'article sur la pollution lumineuse) pour mettre exclusivement en évidence les raies d'émission des nébuleuses brillantes.

Avec le temps, le développement de l'imagerie CCD et le développement des techniques d'empilements d'images, depuis les années ~2010 de nouveaux filtres LRGB à bande étroite (5 nm) ainsi que des filtres centrés sur des raies précises ont été proposés aux astrophotographes amateurs, notamment chez Astrodon, Astronomik et autre Optolong. Comme on le voit ci-dessous avec M1, ces filtres sont très efficaces à condition que l'amateur utilise des optiques rapides de 110 à plus de 400 mm d'ouverture et s'astreigne à des temps d'intégration relativement longs sous chaque filtre (au moins une heure par filtre) pour obtenir un résultat exploitable.

 M1 photographiée au moyen de différents filtres sélectifs. De gauche à droite, sous d'anciens filtres RGB, LRGB (LPR UHC+RGB) par Junior-CCD (TMB de 150 mm), RGB Astrodon (OIII, SII et Ha) à bande étroite par ADG Software (R-C de 250 mm) et sous filtres LRGB Astrodon Gen 2 série E par Ozy (R-C de 317 mm). Les couleurs résultantes dépendent de la composante associée à chaque canal L, R, G et B et donc du traitement d'image (bien qu'il soit illogique d'associer par exemple l'image rouge au canal vert ou bleu).

Enfin, les filtres interférentiels à bande étroite comme les filtres solaires Daystar, Lunt, Coronado ou Baader (cf. cet article en anglais et ce résumé en français) sont très efficaces mais très chers et leur conception, leur domaine d’application et leur durée de vie sont tout différents; ces filtres sont dédiés à l'observation monochromatique du Soleil principalement dans les raies de l'hydrogène alpha et K du calcium.

Pour plus d'informations

La pollution lumineuse (page 2, les filtres LPR, sur ce site)

Light pollution rejection filters : UHC vs UltraBlock (sur ce site)

Useful filters for viewing deep-sky objects (sur ce site)

La vision des couleurs (sur ce site)

Sensibilité des APN aux rayonnements IR et UV (sur ce site)

Astronomie Planétaire, s/dir C.Pellier, Axilone, 2015

Les filtres colorés pour l'observation et la photographie planétaire, PGJ

Astronomy Filters, Which Telescope

Choosing a Color/Planetary Filter (avec courbes spectrales), Agena Astro

Observing the Planets with Color Filters, ALPO

Filter Specifications & Uses, Lumicon

Astro-Physics

Astrodon

Astronomik

Astrovid

Baader-Planetarium

Hutech

Lumicon

Omega Optical

Optec

Optolong

Schott

Kodak Wratten.

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