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Neptune, le dieu de la mer Histoire d'une découverte (I) En 1846, le polytechnicien français Urbain Le Verrier[1] émit l'hypothèse que "les inégalités d'Uranus [étaient provoquées] par une planète encore ignorée [...] située à une distance moyenne double de celle d'Uranus." Les mathématiciens s'étonnèrent en effet que les tables d'éphémérides d'Uranus différaient jusqu'à 2' d'arc avec la position réelle de la planète. Mais presque personne ne voulut y croire. Présumant une perturbation engendrée par une nouvelle planète, John Adams, étudiant de Cambridge en Angleterre et Urbain Le Verrier entreprirent chacun de leur côté de rechercher cette planète par le calcul. Tous deux annoncèrent l'existence de cette planète et indiquèrent sa position.
Dans une lettre[2] adressée à Johann Gottfried Galle, assistant à l’Observatoire de Berlin, Le Verrier écrit : "Actuellement, je cherche un observateur persévérant, prêt à sacrifier une partie de son temps à l’examen d’une région du ciel où il y a probablement une nouvelle planète à découvrir. Je suis parvenu à cette conclusion à partir de notre théorie sur Uranus ... On ne peut rendre compte correctement des observations d’Uranus sans introduire l’action d’une nouvelle planète jusqu’alors inconnue ... Dirigez votre télescope vers le point de l’écliptique situé dans la constellation du Verseau, à 326 degrés de longitude, et vous trouverez, à moins d’un degré de ce point, une nouvelle planète ressemblant à une étoile de magnitude égale à neuf environ, et ayant la forme d’un disque perceptible." Précédé par sa réputation, seul Le Verrier fut de suite pris au sérieux tandis que le travail de John Adams se perdit dans les arcanes des contrôles successifs. Le temps ne plaidant pas sa cause, son travail sera rapidement mis hors course.
Et de fait, pendant la nuit du 23 septembre 1846, Johann Galle et Heinrich d'Arrest alors étudiant en astronomie se mirent à la recherche de cette nouvelle planète au moyen d'une réplique de la première lunette équatoriale de 244 mm f/17.6 fabriquée en Allemagne par Merz et Malher, la dernière entreprise dirigée par Joseph von Fraunhofer (l'inventeur de l'équatorial de Dorpa). Moins d’une heure après le début de leur observation, les deux observateurs remarquèrent à 52' de la position déterminée par Le Verrier, un astre de 8e magnitude qui ne figurait pas sur les cartes. Ils attendirent la nuit suivante pour vérifier leur observation et découvrirent que l’astre s’était bien déplacé devant le fond des étoiles. Le surlendemain Galle écrivit à Le Verrier : "Monsieur, la planète dont vous avez signalé la position existe réellement." Bien que Le Verrier espérait qu'elle porterait son nom, la communauté scientifique s'accorda pour conserver les noms mythologiques ; la "planète Herschel" sera baptisée Neptune. Mais on peut dire avec certitude que Neptune fut virtuellement observée par Galilée à partir de la nuit du 27 au 28 décembre 1612. En effet, des simulations informatiques[3] de l'observation de Jupiter qu'il fit cette nuit là témoignent que Neptune se trouvait à seulement 14' de Jupiter comme illustré ci-dessous. Si on retrouve bien dans les carnets de Galilée[4] la consignation d'un objet brillant dans une position conforme aux simulations, il crut cependant observer une "étoile fixe" sans y porter plus d'attention.
Plus étonnant, dans la nuit du 27 au 28 janvier 1613, Galilée nota que cette "étoile fixe" semblait s'être rapprochée de Jupiter. Et de fait, au fil des jours Neptune se rapprocha jusqu'à 4' de Jupiter. Galilée aurait dû reconnaître une "planète errante". Mais il était concentré sur sa découverte des satellites de Jupiter et il n'était vraisemblablement pas "préparé" pour découvrir Neptune. C'est un phénomène bien connu en science sur lequel nous reviendrons à propos de l'objectif de la science et son mode d'action. Paramètres physiques Située à 4.5 milliards de km du Soleil soit 30.1 UA, Neptune boucle son orbite en 164 ans et 280 jours, à la vitesse de 5.4 km/s. Depuis sa découverte, elle n'a donc accomplit que sa première révolution qu'elle boucla en 2011 ! A la distance de Neptune, le Soleil est presque 32 fois plus petit que sur Terre ( 1.07' contre 32') et environ 1500 fois plus pâle avec une magnitude de -18.6 contre -26.8 sur Terre. A cette distance, le Soleil est non seulement minuscule mais il est à peine plus brillant (244 fois) que la Lune (Mv de -12.7). L'ensoleillement de Neptune si on peut encore utiliser ce terme représente seulement 1% de la quantité de lumière que reçoit la Terre. Malgré cette faible chaleur, nous verrons qu'elle produit des effets sur Neptune. Moitié plus éloignée du Soleil qu'Uranus mais tout aussi volumineuse, vue de la Terre Neptune ressemble à un petit globe de 2.2 à 2.4" d'arc correspondant à un diamètre équatorial de 49520 km. D'une magnitude moyenne de 7.84, Neptune est invisible à l'oeil nu et nécessite un télescope d'au moins 90 mm d'ouverture à fort grossissement et un atlas pour être localisée sans erreur et ne pas la confondre avec une étoile. Cela revient à essayer d'observer une pièce de 1 € à 2 km. Neptune est presque 4 fois plus grande que la Terre et environ 60 fois plus volumineuse avec une masse 17 fois supérieure, équivalent à 1.024x1026 kg. Elle est inclinée de 28°31' sur le plan orbital qui est quasi circulaire (e = 0.0086) et légèrement incliné de 1°47' sur l'écliptique. Son albedo est de 0.41, plus faible que celui-ci d'Uranus.
Neptune affiche une vitesse de rotation plutôt rapide pour une planète de cette taille avec une période de 16h 6.7m et elle présente en surface, c'est-à-dire au sommet de l'atmosphère, une accélération de la pesanteur égale à 11 m/s2, 12% plus élevée que celle que nous subissons en bordure de mer. Le 25 août 1989, dans le cadre du programme "Grand Tour" de la NASA, Neptune fut survolée à 4828 km d'altitude par la sonde spatiale Voyager 2 après avoir successivement visité Saturne (1981) et Uranus (1986) avec le succès que l'on sait. Son exploration a considérablement fait progresser la planétologie. L'atmosphère Avec une densité moyenne de 1.64, Neptune est légèrement plus dense qu'Uranus (1.29) et est composée à 85% d'hydrogène, 13% d'hélium et 2% de méthane. Son noyau représente 1.2 fois la masse de la Terre. Jusqu'au deux tiers de son rayon, il est vraisemblablement constitué d'un mélange de matériaux lourds en fusion comprenant du fer, de l'eau, de l'ammoniaque et du méthane liquide. Le tiers supérieur est constitué d'une manteau d'hydrogène moléculaire, d'hélium, d'eau et de méthane. Comme sur Uranus, le méthane absorbe sélectivement le rayonnement rouge émit par le Soleil, réfléchissant la lumière bleue qui donne cette couleur caractéristique à Neptune.
Cirrus et taches sombres L'activité de l'atmosphère de Neptune se rapproche de celle de Jupiter. La sonde spatiale Voyager 2 mit en évidence de nombreuses formations nuageuses se déplaçant à grandes vitesses dans la haute atmosphère. Certains vents soufflent à 2400 km/h ! Ces courants sont les plus rapides du système solaire. Comme on le voit ci-dessous, Neptune présente peu de détails mis à part quelques beaux cirrus de méthane. Ils se forment au-dessus de la majeure partie du méthane présent dans l'atmosphère de Neptune et reflètent toutes les couleurs de la lumière du Soleil, ce qui les rend blancs. Leur structure étirée, les trains d'ondes associés et la présence de quelques taches sombres font penser que des ondes atmosphériques jouent un rôle majeur dans l'aspect des nuages.
Les nuages photographiés par Voyager 2 en 1989 s'étendent sur 50 à 200 km et portent une ombre de 30 à 50 km de longueur. On en déduit qu'ils se situent à quelque 50 km au-dessus des couches nuageuses bleutées. De plus petites formations nuageuses évoluent également dans l'atmosphère de Neptune. En 1989, une Grand Tache Sombre (GDS) de la taille de la Terre évoluait vers -20° de latitude. Elle était suivie par une plus petite tache sombre appelée "DS 2" (Dark Spot 2), autour de laquelle soufflaient des vents à 2000 km/h ! Une zone de nuages clairs se trouvait au centre de cette petite tache sombre. On pense qu'il s'agit de plumes s'élevant au-dessus de nuages plus profonds, un peu à l'image des cirrus qui coiffent nos plus gros cumulonimbus. Un petit nuage clair de forme triangulaire appelé "Scotter" évoluait également aux latitudes moyennes sud. Toutes ces formations se déplacent à des vitesses différentes et peuvent occasionnellement se rapprocher les unes des autres comme à l'époque des survols de Voyager 2. A voir : Hubble Watches Neptune’s Dark Storm Die A lire : A New Dark Vortex on Neptune, ApJ, 2018
La GDS permit d'estimer la vitesse des courants atmosphérique. La GDS effectuait le tour de la planète en 16 heures à une vitesse de 1260 km/h. Il s'agissait d’une formation anticyclonique qui accusait une rotation propre sur elle-même à la vitesse de 650 km/h, évoluant bien plus rapidement que nos formations tropicales. En 1990, cette structure atmosphérique disparut et seule subsista la DS 2 qui disparut à son tour en 1993 (cf. L.A. Sromovsky et al., 1993). Les chercheurs qui étudièrent la planète au moyen du Télescope Spatial Hubble n'observaient plus qu’un disque pratiquement sans détails. L'atmosphère de Neptune subit des changements importants en l'espace de quelques mois, voire même en l'espace d’une semaine. Puis, une nouvelle tache sombre appelée NDS presque aussi vaste que la GDS apparut en 1994 dans l'hémisphère nord de Neptune et disparut en 1998.
Ensuite, grâce au programme d'observation à long terme OPAL (Outer Planet Atmospheres Legacy) du Télescope Spatial Hubble, en septembre 2015 (cf. le télégramme du CBAT) une nouvelle petite tache sombre appelée SDS-2015 de 4800 km de longueur apparut aux latitudes tempérées sud comme on le voit à gauche. Selon l'astronome Michael H. Wong de l'Université de Berkeley (UCB) et ses collègues, il s'agit également d'une formation anticyclonique et vraisemblablement temporaire (cf. M.H. Wong et al., 2018). Le vortex sombre est probablement composé d'hydrogène sulfuré et pourrait donc avoir l'odeur piquante des oeufs pourris. Il se situe dans la haute atmosphère de Neptune mais ne se déplace pas à travers la planète comme le pensaient d'abord les scientifiques. Selon la NASA, cette petite tache sombre est aussi le premier vortex de Neptune qu'on observe au stade (probable) de la dissolution. En effet, les photos prises par le Télescope Spatial Hubble fin 2017 montrent que le vortex mesure à peine 3700 km de diamètre. Par conséquent, il a rétréci de 23% en l'espace de deux ans et sa tonalité s'est dissipée. Les simulations prédisent que les anticyclones sous l'emprise du cisaillement des vents de Neptune dériveraient vers l'équateur, où ils se briseraient en créant peut-être une forte activité nuageuse. Mais ce vortex sombre semblait disparaître sans créer d'activité spectaculaire. Au contraire, il se déplaça vers le pôle sud de la planète, la tempête devenant de plus en plus petite. C'est donc bien une formation temporaire qui finit par dériver vers le pôle et disparaître dans les courants atmosphériques comme l'avait suggéré Wong et ses collègues sur base de simulations. En 2018, une nouvelle grande tache sombre est apparue sur Neptune, NDS-2018, presque identique en taille et en forme à celle observée par Voyager 2 en 1989. La tache se trouve dans l'hémisphère nord et dérive vers l'ouest plus lentement que les vents environnants. La formation de ce vortex semble liée à des vents de cisaillement verticaux, un phénomène qu'on rencontre également dans divers vortex identifiés sur Jupiter et Saturne. NDS-2018 n'apparaît qu'en lumière blanche en raison de sa forte absorption aux longueurs d'onde bleues, et seul le Télescope Spatial Hubble a la résolution spatiale suffisante pour la détecter. Une recherche dans les images d'archives du HST prises entre 2015 et 2017 révéla que des nuages plus petits étaient présents dans la zone compatible avec cette tempête, ce qui signifie qu'elle prit plusieurs années pour se former (cf. A.A. Simon et al., 2019). A l'époque de la mission Voyager 2, le planétologue Ellis D. Miner du JPL estimait que la couche nuageuse la plus élevée contenait des hydrocarbures noyés dans une brume omniprésente. Des mesures plus récentes (2003-2020) montrent que la stratosphère comprend une couche de nuages de méthane glacé enveloppée dans une épaisse couche de brume autour du niveau 0.1 bar soit vers 20-50 km au-dessus du niveau de référence de 1 bar et une couche dense de nuages d'hydrogène sulfuré H2S entre les niveaux 2-8 bar soit quelques dizaines de kilomètres sous le niveau de référence, comme illustré ci-dessous à gauche.
L'atmosphère de Neptune présente un grand courant équatorial. Comme Jupiter, Neptune émet 2.8 fois plus d'énergie qu'elle n'en reçoit du Soleil. Alors qu'elle en reçoit déjà 900 fois moins que la Terre, sa température au niveau 1500 mb est stable à -222°C, quelle que soit la latitude et remonte jusqu'à -153°C au niveau 3 bars. Des mouvements de convection répartissent probablement la chaleur interne vers les couches supérieures de l'atmosphère. Après avoir suivi pendant 17 ans (2003-2020) l'évolution de l'atmosphère de Neptune dans l'infrarouge moyen (~8-25 microns) grâce aux grands télescopes terrestres (VLT, Keck, Subaro et Gemini) et du télescope spatial Spitzer, une équipe d'astronomes britanniques est arrivée à la conclusion que la météorologie de Neptune est plus complexe que prévue et présente d'étonnantes variations climatiques. Les saisons durent environ 40 ans sur Neptune et son atmosphère présente des cycles saisonniers. Les chercheurs ont découvert que depuis 2005 et le solstice d'été dans l'hémisphère sud de la planète, les températures ont évolué à la fois avec le temps mais aussi géographiquement (cf. M.T. Roman et al., 2022).
Les images prises dans les bandes de l'éthane stratosphérique C2H6 (~12 µm), du méthane CH4 (~8 µm) et du deutériométhane CH3D (~9 µm) montrent des variations temporelles sous-saisonnière aux échelles régionale et globale. La comparaison avec les spectres dans la raie de l'hydrogène sulfuré H2S (~17.035 µm) suggère que ces changements sont principalement liés aux changements de température stratosphérique. La stratosphère semble s'être refroidie entre 2003 et 2009 sur plusieurs longueurs d'ondes, suivi d'un réchauffement spectaculaire du pôle Sud entre 2018 et 2020. À l'inverse, les températures de la haute troposphère n'ont pas évolué pendant cette période, sauf au pôle Sud, qui est apparu le plus chaud entre 2003 et 2006. Les chercheurs concluent que "des processus produisent des variation aux échelles globale et régionale dans la stratosphère de Neptune." Une couverture nuageuse régie par le cycle solaire En étudiant l'évolution de Neptune au cours des dernières décennies, l'astrophysicien Erandi Chavez de l'Université de Californie à Berkeley et ses collègues ont découvert que la couverture nuageuse de Neptune obéit non pas au rythme des saisons astronomiques qui durent chacune environ 40 ans mais au cycle de 11 ans de l'activité solaire (cf. E.Chavez et al., 2023). Bien que Neptune reçoive très peu de rayonnement solaire (pour rappel, 1% de ce que reçoit la Terre), l'influence du Soleil sur la géante glacée est devenue de plus en plus évidente lorsque les astronomes ont examiné 30 années d'observations de Neptune par le Télescope Spatial Hubble à partir de 1994, celles de l'observatoire Keck prises entre 2002 et 2022 ainsi que les données de l'observatoire Lick en Californie de 2018 à 2019. Ces dernières années, les observations du Keck furent complétées par des images prises dans le cadre du programme Twilight Zone et du programme Outer Planet Atmospheres Legacy (OPAL) du Télescope Spatial Hubble. La couverture nuageuse de Neptune augmente et diminue sur un cycle de 11 ans. Or le Soleil présente également un cycle de 11 ans au cours duquel il devient de plus en plus actif à mesure que ses champs magnétiques s'enchevêtrent au fil des rotations, augmentant le nombre de taches sombres et le taux ainsi que l'intensité des éruptions. Le lien entre Neptune et l'activité solaire est surprenant pour les planétologues car Neptune est la planète la plus éloignée du système solaire.
Depuis 2019, la couverture nuageuse sur Neptune a diminué et est même devenue extrêmement faible, à l'exception de quelques nuages planant au-dessus du pôle Sud de la planète gazeuse. En fait, Imke de Pater, à présent professeur émérite d'astronomie à l'UC Berkeley qui dirigea l'équipe fut surpris par la rapidité du changement : "la couverture nuageuse observée aux latitudes moyennes diminua rapidement en quelques mois à partir de 2019." Selon Erandi Chavez du CfA et auteur principal de cet article, "Même maintenant, quatre ans plus tard, (en 2023) les images les plus récentes que nous avons prises en juin dernier montrent que les nuages ne sont toujours pas revenus à leur niveau antérieur. C'est extrêmement excitant et inattendu, d'autant plus que la période précédente d'activité des nuages bas sur Neptune n'était pas aussi dramatique et prolongée." Les images révèlent un lien étrange entre les changements saisonniers de la couverture nuageuse de Neptune et le cycle solaire. Lorsque le Soleil est plus actif, un rayonnement ultraviolet plus intense inonde le système solaire. Les chercheurs ont découvert que deux ans après le maximum du cycle des taches solaires, un nombre croissant de nuages apparaissent sur Neptune. L'équipe a en outre découvert une corrélation positive entre le nombre de nuages et la luminosité de Neptune en raison d'une augmentation de son albedo (de la lumière du Soleil qui s'y reflète). Selon Pater, "Ces données remarquables nous fournissent la preuve la plus solide à ce jour que la couverture nuageuse de Neptune est en corrélation avec le cycle du Soleil. Nos résultats soutiennent la théorie selon laquelle les rayons UV du Soleil, lorsqu'ils sont suffisamment forts, pourraient déclencher une réaction photochimique qui produirait les nuages de Neptune." Comme illustré sur la séquence présentée à droite, les auteurs ont constaté que la réflectivité d'Uranus augmenta en 2002, puis s'est atténuée en 2007. Neptune est redevenue plus brillante en 2015, puis s'est assombrie en 2020 jusqu'au niveau le plus bas jamais observé, date à laquelle la plupart des nuages ont disparu. Les changements de luminosité de Neptune provoqués par le Soleil semblent augmenter et diminuer relativement en synchronisation avec le va-et-vient des nuages sur la planète. Cependant, il existe un décalage de deux ans entre le pic du cycle solaire et l'abondance des nuages observés sur Neptune. Les changements chimiques sont provoqués par la photochimie qui se produit dans la haute atmosphère de Neptune qui met du temps à former des nuages. Selon l'astronome Carlos Alavrez de l'observatoire Keck et coauteur de cet article, "C'est fascinant de pouvoir utiliser des télescopes sur Terre pour étudier le climat d'un monde situé à plus de 4 milliards de kilomètres de nous. Les progrès de la technologie et des observations nous ont permis de contraindre les modèles atmosphériques de Neptune, qui sont essentiels pour comprendre la corrélation entre le climat de la géante glacée et le cycle solaire." Cependant, l'étude n'est pas terminée car davantage de recherches sont nécessaires. Par exemple, même si une augmentation des rayons UV solaires pourrait produire davantage de nuages et de brume photochimiques, elle pourrait également les assombrir, réduisant ainsi la luminosité globale de Neptune. Les tempêtes sur Neptune s'élevant de l'atmosphère profonde affectent la couverture nuageuse, mais ne sont pas liées aux nuages produits photochimiquement et peuvent donc compliquer les études de corrélation avec le cycle solaire. Des observations continues de Neptune sont également nécessaires pour voir combien de temps durera la quasi-absence actuelle de nuages. Selon Pater, "Nous avons vu plus de nuages dans les images du Keck les plus récentes [...]. Ces nuages furent particulièrement observés aux latitudes septentrionales et à hautes altitudes, comme prévu par l'augmentation observée du flux solaire UV au cours des deux dernières années environ." Les nouvelles données permettront d'approfondir les recherches sur la physique et la chimie dynamiques de Neptune, ce qui pourrait aider les planétologues à mieux comprendre non seulement Neptune, mais égalements certaines exoplanètes, étant donné que de nombreuses planètes extrasolaires ont vraisembablement des qualités semblables à celles de Neptune. Des pluies de diamants Dans un article publié dans la revue "Nature Astronomy" en 2018, Dominik Kraus du centre Helmholtz de Dresde et de l'Université de Californie et ses collègues ont décrit les résultats d'une simulation recréant les conditions régnant à 10000 km sous les nuages supérieurs de Neptune. L'expérience consista à utiliser le laser LCLS à rayons X ultra-puissant du SLAC (Stanford Linear Accelerator Center) pour bombarder des atomes de carbone (du polystyrène (C8H8)n) dans un milieu soumis à une pression de 150 GPa et 5000°C. Comme on s'y attendait, il s'est formé des diamants de taille nanométrique. Si on applique ce processus à Uranus ou Neptune, on en déduit que de minuscules diamants tombent sur le noyau sous la forme d'une pluie continue. Autour du noyau, cette pluie pourrait former une enveloppe faite de diamants ou d'une mer d'hydrocarbure contenant des icebergs en diamants ! Ces résultats apportent de précieux renseignements sur les relations masse-rayon des exoplanètes carbonées et les contraintes sur la structure de leur couche interne. Ils permettent également d'améliorer les modèles de l'évolution d'Uranus et de Neptune dans lesquels la séparation carbone-hydrogène pourrait influencer le transport de la chaleur par convection.
De la glace superionique Nous avons expliqué à propos d'Uranus qu'en 2018, des chercheurs du laboratoire LLNL et de l'UCB ont créé expérimentalement de la glace superionique qu'ils ont surnommée "Ice XVIII" ou glace XVIII (cf. M.Millot et al., 2018). Pour rappel, cet état de l'eau se produit à plus de 190 GPa ou 1.9 Mbar et sous une température d'au moins 5000 K (cf. ce schéma). Sous ces conditions, les ions hydrogène (des protons) se déplacent librement dans le cristal et jouent le rôle des électrons libres dans un métal. Par conséquent, l'eau superionique devient des centaines de fois plus conductrice que l'eau ordinaire. Cet état particulier pourrait exister dans la couche d'eau chaude entourant le noyau d'Uranus et de Neptune comme illustré ci-dessus à droite. Ce phénomène pourrai expliquer l'étrange champ magnétique d'Uranus et Neptune. Le champ magnétique Pour une planète 60 fois plus volumineuse que la Terre, son champ magnétique est plus faible que celui de la Terre et s'élève à 0.14 gauss (contre 0.56 gauss pour la Terre aux pôles). La magnétosphère se situe à 875000 km de Neptune, l'équivalent de 35 fois son rayon et, comme pour Uranus, le champ magnétique est incliné de 46.8° par rapport à l'axe de rotation de la planète. Il est également décalé par rapport au centre de la planète de plus de la moitié de son rayon (0.55 RN ou 13500 km). Comparant ces valeurs à celles d'Uranus, les scientifiques pensent que son inclinaison extrême est induite par les flux circulant dans les profondeurs de l'atmosphère et ne résulte pas de son décalage physique ou d'une inversion de polarité. Ce champ magnétique présente une période de rotation de 16 heures, proche de celle de l’atmosphère. Une ionosphère constituée de plusieurs couches a également été découverte entre 1000 et 4000 km au-dessus du niveau 1 bar (le rayon équatorial de Neptune, soit 24760 km). Prochain chapitre
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