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Uranus, le père de Saturne

Introduction (I)

En relisant les catalogues et les cartes célestes historiques, on constate qu'Uranus fut déjà observée dans l'Antiquité mais les observateurs la confondirent avec une étoile. La première observation connue remonte probablement à l'astronome et géographe grec Hipparque de Nicée qui l'observa en 128 avant notre ère. Il la consigna dans son "Catalogue des étoiles fixes". Cette "étoile" sera reprise telle quelle trois siècles plus tard par l'astronome grec Claude Ptolémée dans son célèbre "Almageste" (cf. R.Bourtembourg, 2013) qui servit de référence pendant plus de mille ans. Par la suite, l'astronome britannique John Flamsteed l'observa au moins à six reprises en 1690 mais la catalogua comme l'étoile 34 Tauri. L'astronome français Pierre Charles Le Monnier l'observa également au moins à douze reprises entre 1750 et 1769 mais ne se rendit pas compte qu'il s'agissait d'une planète. En fait, on dit qui rédigea négligemment ses notes d'observations sur du papier d'emballage de poudre de perruque...

Uranus photographié en infrarouge au Keck II (10m) avec un eoptique adaptique le 10 novembre 2004

Officiellement, la septième planète du système solaire fut découverte fortuitement le 13 mars 1781 par William Herschel au moyen d'un télescope de 157 mm (6.2") de diamètre alors qu'il croyait observer une comète. Voici son commentaire : "...entre dix et onze heures du soir, alors que j’observais de faibles étoiles dans la région de H Geminorum, j’en ai aperçu une qui paraissait visiblement plus grosse que les autres. Ayant été frappé par sa grandeur singulière, je l’ai comparée à H Geminorum et à la petite étoile dans le quart de cercle entre Auriga et Gemini, et la trouvant beaucoup plus grande que chacune d’elles, j’ai suspecté qu’il s’agissait d’une comète"[1]. Quelques jours plus tard, ses amis lui confirmèrent qu'il s’agissait bien d'une nouvelle planète. Alors que l'univers connu s'étendait jusqu'à Saturne, en ce mois de mars mémorable de l'année 1781, le système solaire doubla de dimension.

Uranus gravite à environ 3 milliards de kilomètre du Soleil ou 19.2 UA; elle est 20 fois plus éloignée du Soleil que la Terre. A cette distance, le Soleil est 22 fois plus petit que sur Terre ( 1.7' contre 32') et est ~600 fois plus pâle avec une magnitude de -19.6 contre -26.8 sur Terre. Uranus reçoit seulement ~0.25% (soit ~1/400e) de la lumière du Soleil qui atteint la Terre, ce qui explique le froid qu'il y règne et faible activité dans son atmosphère comparée à celle de Jupiter. On y reviendra.

Images amateurs

A gauche, Uranus photographié par Damian Peach avec un Celestron C14HD équipé d'une caméra CCD ASI 120 MM et d'un filtre RG610. Le Nord est à gauche. Temps d'intégration total de 30 minutes. C'est à ce jour l'image d'Uranus la plus détaillée obtenue par un amateur. Cette photo fur prise le 22 septembre 2015, lorsqu'Uranus nous présenta son pôle Nord. Au centre, une image LRGB réalisée le 6 juillet 2002 par Ed Graphton au foyer d'un Celestron C14 de 350 mm porté à f/27 et équipé d'une caméra CCD SBIG ST-5c. Notez la présence de 4 satellites. A droite, Uranus passant près de M15. Photographie couleur réalisée en 1980 par Michaux au foyer d'un Celestron C8 et imprimée sur papier Cibachrome.

Uranus est pratiquement invisible à l'oeil nu, résidant à la magnitude 5.52 en moyenne. Vu de la Terre, Uranus est tellement petit qu'on le confond facilement avec une étoile scintillant d'un reflet turquoise. Dans un télescope il se présente comme un petit disque bleu-verdâtre, un peu flou et aplati de 4" d'arc, douze fois plus petit que celui de Jupiter et 2.5 fois plus petit que le globe de Saturne.

Avec un diamètre équatorial de 51800 km (3.67" vu de la Terre), Uranus est la troisième planète du système solaire derrière Jupiter et Saturne. Son aplatissement aux pôles est voisin de celui de Jupiter (6%). Sa masse estimée à 8.69x1025 kg est 14.6 fois plus élevée que celle de la Terre et il présente une densité moyenne égale à 1.29 fois celle de l'eau. Son albedo est de 0.51 soit voici de celui de Jupiter (0.52).

Uranus gravite sur un orbite légèrement excentrique (0.046) inclinée de 0.77° sur l'écliptique et accomplit une révolution autour du Soleil en 84 ans et 4 jours.

Uranus est animé d'un mouvement rétrograde avec une période de rotation de 17h 21m. Comme on le voit ci-dessous, périodiquement, lors des solstices (le dernier date de 1986) la planète présente l'un de ses pôles en plein centre du disque (son pôle Sud en 2028, son pôle Nord en 2070), qui paraît alors circulaire. C'est durant les équinoxes (le dernier se produisit en 2007, le prochain aura lieu en 2049) que sa forme aplatie est la plus évidente et qu'au télescope on discerne le mieux ses bandes équatoriales qui semblent strier verticalement son disque.

Document HubbleSite adapté par l'auteur.

Un impact cataclysmique sur le jeune Uranus

Avant l'exploration spatiale on savait déjà que l'axe de rotation d'Uranus était incliné de 98° sur le plan de son orbite. C'est une particularité unique dans le système solaire : Uranus est couché sur son orbite, roulant plus qu'il ne tourne ! Une nouvelle fois cette anomalie ne peut s'expliquer que suite à la collision avec un corps massif peu de temps après la formation du système solaire. N'ayant pas encore trouvé la trace de cette collision, et sans bouleversement des orbites des satellites qui l'entoure, on suppose que cet accident eut lieu très tôt dans son histoire.

Pour étudier cette question, en 2018 l'équipe de Jacob A. Kegerreis de l'Université de Durham publia dans "The Astrophysical Journal" (en PDF sur arXiv) les résultats de plus de 50 simulations de la collision de différents types de corps avec Uranus pour comprendre ses caractéristiques orbitales et sa chimie actuelles.

Les résultats indiquent qu'Uranus fut percuté par un objet ayant deux fois la masse de la Terre sinon plus massif qui le fit basculer sur son axe il y a probablement 4 milliards d'années.

A voir : Collision d'un objet 2 fois plus massif que la Terre avec Uranus (simulation)

A gauche, une des quelque 50 simulations réalisée en 2018 par l'équipe de J. A. Kegerreis de la collision d'un corps massif avec Uranus. Les chercheurs ont utilisé plus de 10 millions de particules, les couleurs indiquant leur énergie interne. L'image a été prise vers H+25h lorsque dans un mouvement orbital oscillant, les restes de l'impacteur (en mauve) pénètrent profondément dans l'atmosphère d'Uranus(en orange) et perturbent son noyau. La simulation s'étend sur 64 heures entre l'approche de l'impacteur à 2 rayons de distance (H+1h) et la stabilisation finale de son atmosphère (H+64h). A droite, illustration de la collision par Ron Miller/Black Cat Studios.

Concernant l'origine de la structure de sa haute atmosphère qui est très froide (-216°C), selon les simulations cela peut s'expliquer si l'impacteur frôla Uranus à moins de 1 rayon de distance (cf. la simulation ci-dessus) ce qui revient à dire qu'il percuta la planète sous une très faible incidente. La collision fut assez forte pour modifier l'inclinaison d'Uranus mais vu la masse de la planète, elle put retenir la majorité de son atmosphère.

Les chercheurs estiment que l'impacteur était probablement une jeune protoplanète faite de roche et de glace. En plus de basculer l'axe de la planète, les simulations montrent que certains des débris de l'impacteur auraient formé une enveloppe mince dans la haute atmosphère d'Uranus qui s'est maintenue jusqu'à aujourd'hui et continue de piéger la chaleur provenant du cœur de la planète. Cela expliquerait au moins en partie pourquoi l'atmosphère supérieure d'Uranus est extrêmement froide.

Les simulations suggèrent également que l'impact aurait éjecté des roches et de la glace en orbite autour de la planète. Ces débris auraient alors pu s'agglomérer pour former les satellites intérieurs qu'on découvre aujourd'hui (voir page suivante) et peut-être modifier la rotation de toutes les lunes déjà en orbite autour d'Uranus.

Enfin, les simulations montrent que l'impact aurait pu faire fondre la glace et transporter des morceaux de roche à l'intérieur de la planète. Cela pourrait aider à comprendre pourquoi le champ magnétique d'Uranus est incliné et décentré. On reviendra sur ces sujets.

L'atmosphère

Uranus fut visitée par la sonde spatiale Voyager 2 en 1986 après un voyage qui dura 4 ans et demi. En survolant l'atmosphère d'Uranus à 107000 km d'altitude, Voyager 2 a permis aux astronomes de faire de nombreuses découvertes très importantes. Il s'avère que sa structure intérieure n'est pas similaire à celle de Jupiter ou de Saturne. Uranus dispose vraisemblablement d'un noyau rocheux d'une température de 10000°C et d'un rayon de 8000 km. Occupant le quart de la planète il n'est pas composé d'hydrogène métallique. Grâce à des simulations numériques et des expériences, les chercheurs de l'UCB et du LLNL pensent qu'il est entouré d'un épais manteau composé de glace superionique ou glace XVIII (voir plus bas). Cette enveloppe est recouverte par une couche d'hydrogène et d'hélium liquides. On retrouve la même composition sur Neptune.

Grâce aux mesures recueillies par Voyager 2, nous savons aujourd’hui que son atmosphère contient 83% d'hydrogène moléculaire, 15% d'hélium, 2% de méthane, un peu d'ammoniac, des traces d'hydrocarbures et les produits de leur photodissociation dont l'acétylène. Cette atmosphère est dix fois plus riche en méthane que celle de Jupiter et Saturne. C'est l'absorption de la lumière rouge (Uranus présente de fortes raies dans cette région du spectre) qui lui donne cette coloration bleu-verdâtre.

A gauche, l'atmosphère d'Uranus photographiée en infrarouge par le Télescope Spatial Hubble en août 1998 lorsqu'elle nous présenta son pôle Nord. Les points roses et brillants sont des complexes nuageux plus chauds circulants dans la haute atmosphère. Notez en rose la brume d'altitude au-dessus du pôle Sud. L'image a été redressée de 98°. A droite, deux photos d'Uranus prises par le Télescope Spatial Hubble en lumière blanche en novembre 2018. On constate que la calotte boréale est couverte de nuages glacés ou d'un épais brouillard saisonnier (au centre) tandis qu'une tempête ayant l'apparence d'une tache sombre mesurant 11000 km de longueur est apparue aux latitudes boréales (à droite) bordée d'un vaste banc de cirrus d'altitude. De petits taches sombres temporaires étaient déjà apparues en 1986, 1993 et 2006. Documents NASA/ESA/STScI et HubbleSite.

Au sommet de l'atmosphère, au niveau 100 mb, la température est de -223°C et remonte à 447°C dans la haute atmosphère plus raréfiée. En s'enfonçant dans l'atmosphère, le méthane (CH4) prédomine jusqu'au niveau 800 mb sous une température de -193°C où on commence à trouver de l'ammoniac (NH3) et du sulfure d'hydrogène (H2S) dont la concentration augmente jusqu'au niveau 10 bar. Ensuite, la proportion d'ammoniac devient plus importante mais reste cent fois inférieure à celle du méthane.

A mesure que la pression augmente avec la profondeur, on estime que le méthane se mélange au carbone pour former de la pluie de diamants. Cette pluie contribue également à refroidir l'atmosphère.

Selon une étude publiée dans la revue "Nature" en 2018, au-dessus des couches nuageuses, entre les niveaux 1.2-3 bar, l'atmosphère contient surtout du sulfure d'hydrogène clairement identifié entre 1570-1590 nm (proche IR) avec une concentration molaire variant entre 0.4-0.8 ppm. Concrètement, Uranus doit avoir une forte odeur d'oeufs pourris. Seule une petite quantité de ce gaz reste au-dessus des nuages comme de la vapeur saturée. Ceci explique aussi la difficulté d'enregistrer les signatures de l'ammoniac et du sulfure d'hydrogène.

Autour de la région polaire australe baignée par le rayonnement solaire, on a découvert une zone de brume constituée a priori de molécules d'acétylène, plongeant le pôle Sud dans une épaisse brume glacée de couleur brun orange.

Analysée sur ordinateur, on a décelé dans l'atmosphère d'Uranus des couches nuageuses en altitude. Bien plus pâles que celles de Jupiter et de Saturne, elles maintiennent leur latitude constante et se déplacent d'est en ouest à une vitesse qui oscille entre 40 et 160 m/s (576 km/h). Leur vitesse moyenne est cependant bien inférieure aux ceintures nuageuses qui entourent Jupiter (150 m/s).

A gauche, le modèle standard de la structure interne présumée d'Uranus en trois couches fluides jusqu'au noyau. A droite, les deux modèles de structure interne d'Uranus et de Neptune. Il est probable que le modèle avec gradient soit plus réaliste. Il est possible qu'il existe une épaisse couche de glace superionique (glace XVIII) autour du noyau en raison de la température et de la pression élevées régnant dans les profondeurs de leur atmosphère. Documents Diego Barucco/Shutterstock et R.Helled et al. (2020) adaptés par l'auteur.

Des mesures radioélectriques ont également mesuré des vents soufflant à quelque 100 m/s (360 km/h) et de sens contraire au niveau de l'équateur. Ces nuages tournent autour d'Uranus entre 14 et 17 heures environ. Ces brassages de l'atmosphère répartissent le gradient thermique rendant la température relativement constante à 1 ou 2 degrés près dans toute l'atmosphère, mis à part dans quelques régions isolées. Une autre raison tient aussi compte du fait que l'hydrogène et l'hélium offrent une grande inertie thermique à basse température. Au niveau 600 mb la température est même constance en tout point de l'atmosphère.

Autre fait important, l'hélium contenu dans son atmosphère est très significatif pour l'étude de la formation du système solaire et de l'univers. Nous savons que la nébuleuse protosolaire était riche en hydrogène et en hélium, ces deux composés ayant été fabriqués au moment du Big Bang. Etant donné qu'au cours de leur évolution les étoiles ont rendu à l'espace plus d'hélium que d'hydrogène (celui-ci ayant été transformé), au moment de la formation du système solaire, l'abondance de l'hélium était légèrement supérieure à celle de l'hydrogène, par rapport à celle produite par le Big Bang.

A gauche, composition d'Uranus et Neptune sur base des modèles standards en trois couches fluides jusqu'au noyau rocheux. Les petits secteurs sur la gauche sont les modèles à coeur fluide conducteur. La limite extérieure du champ magnétique générant des couches minces correspond à 0.7 R pour Uranus et 0.8 R pour Neptune. Les couleurs mettent en évidence les couches ayant des propriétés similaires (composition, instabilité convective et conductivité). A droite, variation de la pression, de la température et abondance des éléments dans l'atmosphère supérieure d'Uranus (niveaux 0.1-10 bar). Documents R.Redmer et al. (2011, en PDF) et P.Irwin et al. (2018) adaptés par l'auteur.

Nous avons vu que les planètes telluriques n'ont pas pu retenir ce gaz à cause de leur faible masse et de la volatilité du gaz. En revanche, à partir des relevés effectués par la sonde spatiale Voyager 2, on a pu déterminer que l'abondance de l'hélium dans l'atmosphère extérieure d'Uranus est de 26% par masse et donc semblable à celle du Soleil. Les résultats de Voyager permettent donc de valider les hypothèses du Big Bang et d'estimer les taux de formation des étoiles dans notre Galaxie depuis 4.5 milliards d'années.

De la glace superionique

En 2018, Marius Millot du laboratoire LLNL et de l'UCB et ses collègues ont annoncé dans la revue "Nature Physics" avoir créé expérimentalement de la glace superionique, qu'ils ont surnommée "Ice XVIII" (glace XVIII).

Pour obtenir cet état, il faut comprimer l'eau ordinaire à plus de 190 GPa ou 1.9 Mbar et la soumettre à une température de 5000 K. Dans ce nouvel état, les liaisons hydrogène deviennent "superioniques" : en raison de chaleur très élevée, les liaisons hydrogène s'affaiblissent tandis que la forte pression maintient les atomes d'oxygène dans l'alignement cristallin de la phase solide. Sous ces conditions, les ions hydrogène (des protons) continuent à se déplacer librement dans le cristal et jouent le rôle des électrons libres dans un métal : en raison du déplacement des protons, l'eau superionique devient des centaines de fois plus conductrice que l'eau ordinaire.

Cet état particulier pourrait mieux expliquer l'étrange champ magnétique d'Uranus et Neptune.

Diagrammes de phase de l'eau jusqu'aux hautes pressions valables pour les intérieurs d'Uranus et de Neptune. Les phases solide (glace VII et X), fluide (moléculaire, ionique, plasma) et superionique (glace XVIII) sont représentées par des couleurs différentes. La ligne pointillée indique la transition continue due à la dissociation (plus de 20% des molécules d'eau dissociées), la ligne brisée due à l'ionisation (conductivité électronique >100/Ωcm) dans le fluide dense. L'isentrope (la transformation thermodynamique à entropie constante) calculé pour Neptune (Uranus) est représenté par une ligne noire (blanche) épaisse. Notons que l'emplacement du point triple entre la glace, le fluide et l'eau superionique n'est pas encore bien déterminé. Les structures de glace prédites à ultra hautes pressions (> 400 GPa ou > 4 Mbar) et d'éventuels points triples avec de l'eau superionique ne sont pas bien connues à ce jour. Documents S.Lobanov/GFZ-Potsdam et R.Redmer et al. (2011, en PDF) adaptés par l'auteur.

Le champ magnétique

A l'instar de l'atmosphère, le noyau d'Uranus tourne sur lui-même en 17h 24m engendrant un effet "dynamo" qui crée un champ magnétique. Son origine est toutefois inconnue. Contrairement à ce que l'on pensait, il n'existe pas d'océan d'eau et d'ammoniac sous haute pression entre le noyau et l'atmosphère pouvant engendrer des courants électriques. 

A l'inverse de toutes les autres planètes, le champ magnétique d'Uranus est incliné de 60° par rapport à l'axe de rotation d'Uranus, position inhabituelle répondant probablement à l'inclinaison de l'axe de rotation de la planète qui est parallèle à son plan orbital. Cette position crée un effet de vrille dans la queue magnétique. Par rapport au centre géométrique, le champ magnétique est décalé d'environ un tiers du rayon de la planète soit de 8000 km en direction du pôle Nord.

La première structure magnétique est l'onde de choc où le champ magnétique affronte le vent solaire, à 600000 km d'Uranus. Située à environ 23 rayons d'Uranus, ce champ magnétique est 4 fois plus rapproché que celui de Jupiter. Cette proximité s'explique par la constitution de son atmosphère qui est raréfiée en altitude et plus riche que celle de Jupiter en eau et en ammoniac. Ce milieu étant bon conducteur de l'électricité, le champ magnétique est confiné dans un espace plus restreint autour de la planète. Plus près d'Uranus, à 460000 km se trouve la magnétosphère qui s'étend sur plus d'un million de kilomètres dans la direction opposée au Soleil. Un feuillet cercle finalement Uranus, formant un tore de plasma de 250000 km d'épaisseur.

Comme la Terre ou Jupiter, Uranus dispose d'une ionosphère stratifiée. Elle se situe entre 2000 et 3500 km au-dessus de la couche nuageuse mais reste détectable jusqu'à 10000 km. Comme la Terre, elle est entourée d'une enveloppe d'hydrogène qui s'étend sur plus de 100000 km.

Les aurores

L'hémisphère éclairée d'Uranus présente des phénomènes lumineux beaucoup plus intenses que ceux détectés sur l'hémisphère obscure. Lorsque le vent solaire est intense comme ce fut le cas en 2012 et 2014, les molécules d'hydrogène excitées par le rayonnement corpusculaire forment des aurores qui irradient en lumière ultraviolette, tout comme sur Jupiter et Saturne. Elles sont liées à la décharge des électrons issus de la magnétosphère dans la haute atmosphère. Ces aurores sont tellement brillantes qu'elles sont visibles depuis la Terre grâce au Télescope Spatial Hubble comme on le voit ci-dessous et même dans les grands télescopes installés à Mauna Kea (Keck, etc).

Photos UV des aurores d'Uranus superposées à des images optiques prises par le Télescope Spatial Hubble en novembre 2014 (gauche) et novembre 2011 (droite). Ces aurores peuvent s'étendent sur plus de 10000 km. Documents NASA/ESA/L.Lamy et al. (2017) et NASA/ESA/L.Lamy et al. (2012).

Uranus sous les rayons X

Des émissions de rayons X ont été détectées sur la plupart des planètes du système solaire et peuvent provenir de divers processus, notamment la diffusion de photons X du Soleil, des collisions entre le plasma et les systèmes d'anneaux planétaires ainsi que les aurores générées lorsque le vent solaire interagit avec les magnétosphères planétaires. Mais jusqu'aux années 2000 rien n'indiquait qu'Uranus et Neptune émettaient des rayons X.

En 2000, J.-U. Ness et J.H. Schmitt présentaient dans la revue "Astronomy and Astrophysics" (en PDF sur arXiv), "une analyse des observations en rayons X des planètes transjoviennes Saturne, Uranus et Neptune avec ROSAT PSPC en comparaison avec les observations en rayons X de Jupiter. Pour la première fois, une détection marginale des rayons X de Saturne a été trouvée et des limites supérieures de confiance à 95% pour Uranus et Neptune ont été obtenues [...]. Des mécanismes de production de rayons X similaires sur toutes les planètes trans-joviennes ne peuvent donc pas être exclus". Sur base des données de Saturne, les chercheurs estimaient que "l'émission X était générée par un bremsstrahlung (radiation de freinage) provoqué par la précipitation des électrons, comme cela se produit dans l'émission aurorale de la Terre".

Image composite de Neptune en optique (bleu et blanc) prise par le télescope Keck et des émissions de rayons X (rose) enregistrées par Chandra. Document NASA/CXC/Keck Obs, W.Dunn et al. (2021).

Depuis, pratiquement aucune étude n'avait été publiée sur les émissions X d'Uranus qu'on jugeait "notoirement absentes" pour reprendre l'expression de William R. Dunn du Mullard Space Science Laboratory du Royaume-Uni.

Il fallut attendre plus de vingt ans pour que Dunn et ses collègues redécouvrent les émissions X d'Uranus et publient un article sur le sujet dans la revue "JGR Space Physics" en 2021.

Grâce à l'observatoire orbital à rayons X Chandra de la NASA, les chercheurs ont obtenu de nouvelles données qui pourraient fournir des indications importantes pour les prochaines études d'Uranus et de Neptune en rayons X.

Les chercheurs ont enregistré trois émissions claires de rayons X provenant d'Uranus : l'une en 2002, puis durant deux jours consécutifs en 2017, à l'époque où Uranus nous présentait son pôle Nord. Ces observations sont particulièrement intéressantes en raison de l'orientation unique du champ magnétique d'Uranus décrit précédemment. En effet, son inclinaison de 60° par rapport à l'axe de rotation crée une relation complexe entre la magnétosphère d'Uranus et le vent solaire.

Les effets résultants ont déjà été observés à d'autres longueurs d'ondes. En 1986, lors de son survol d'Uranus, la sonde spatiale Voyager 2 enregistra des zones inégales d'émissions aurorales autour des deux pôles magnétiques. Trois décennies plus tard (2011-2014, voir plus haut), le Télescope Spatial Hubble détecta des émissions aurorales beaucoup plus complexes et variables dans le temps. Ces résultats, combinés aux mécanismes connus des émissions de rayons X sur d'autres planètes, ont permis à Dunn et ses collègues de proposer plusieurs théories expliquant ces émissions X.

Les intensités des trois émissions détectées par Chandra étaient plus fortes que ce à quoi on aurait pu s'attendre si elles provenaient de la diffusion des rayons X solaires. Selon les chercheurs, cela pourrait signifier qu'Uranus est plus réfléchissante aux rayons X incidents que Jupiter et Saturne, mais peut être également que des mécanismes supplémentaires se développent dans la magnétosphère d'Uranus. Ceux-ci pourraient inclure des collisions de particules lors de la manifestation des aurores ou une lueur dans les anneaux glacés d'Uranus déclenchée par des collisions avec des protons et des électrons environnants.

D'autres observations plus approfondies avec Chandra seront nécessaires pour contraindre ces hypothétiques mécanismes et pour déterminer les emplacements des sources de rayons X sur la "surface" d'Uranus. Cependant, les futures observations seront grandement améliorées par les missions à venir, notamment l'observatoire à rayons X ATHENA de l'ESA et l'observatoire à rayons X Lynx de la NASA, dont le lancement est prévu dans les années 2030.

Deuxième partie

Les anneaux et les satellites

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[1] Uranus fut observée antérieurement telle une "étoile fixe" par J.Flamsteed (1690), P-C. Le Monnier (1750), J.Bradley (1753) et J.Mayer (1756).


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