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Vénus, la déesse de l'Amour Introduction (I) La Belle de nuit, Ishtar comme l'appelaient les Babyloniens, fut saluée par son éclat dès l'aube de la civilisation. Vénus est la seule planète qui scintille plus fort que l'étoile Sirius, avec une magnitude visuelle qui peut dépasser -4.5 lorsqu'elle est au plus près de la Terre (opposition inférieure). Vénus n'est jamais très éloignée du Soleil, s'en écartant au maximum de 48° lors des plus longues élongations (le matin du côté Est, le soir du côté Ouest). Elle devient alors "l'étoile du berger" car c'est la première "étoile" qui apparaît dans les lueurs crépusculaires ou la dernière qui disparaît à l'aube. A cette occasion certains observateurs peu avertis l'ont confondue avec un OVNI !
Vénus doit son éclat à sa taille, sa proximité de la Terre et à l'épaisseur de son atmosphère qui réfléchit jusqu'à 69% de la lumière du Soleil. Vénus évolue sur une orbite quasi circulaire à environ 108 millions de kilomètres du Soleil ou 0.7 UA. Lors de sa conjonction inférieure (voir les schémas ci-dessous), sa distance à la Terre se réduit à 41 millions de kilomètres ou 0.27 UA. A cette distance, même une paire de jumelles 7x50 permet de suivre l'évolution de son croissant qui, en l'espace d'un mois, passe progressivement de 40" à 1'06" de diamètre au moment de la conjonction, soit 1.5 à 2 fois le diamètre apparent de Jupiter (29.8"-50.1"). Il faut toutefois être patient avec Vénus car la même phase ne se produit qu'une fois tous les 584 jours. Mais la récompense est au rendez-vous si le ciel est clair. Vous pouvez en effet suivre l'évolution de son croissant durant près de deux mois entre l'élongation Ouest du soir et la conjonction inférieure et durant deux autres mois entre la conjonction inférieure et l'élongation Est du matin, soit au total durant plus de quatre mois si vous avez la chance de bénéficier des deux horizons dégagés. Après la quadrature matinale, son globe passe sous les 20", il s'arrondit et devient peu intéressant. A consulter : Simulation des phases de Vénus Shadow and Substance, Larry Koehn Simulations des trajectoires des planètes, des phases de Vénus et des éclipses Avec un diamètre de 12104 km, Vénus est la soeur jumelle de la Terre. Malheureusement elle cache sa surface sous une épaisse atmosphère ceinturée de bandes sombres que seul peut percer le rayonnement infrarouge. Ce phénomène pudique incita la plupart des auteurs de fiction à divaguer sur d'éventuelles formes de vie. Celles-ci évolueraient dans une épaisse forêt vierge, bordée de marais... Georges Adamski en particulier peuplait Vénus de colonies d'humanoïdes blonds, habillés de blancs. Ils étaient intelligents et paisibles... Depuis 1956, grâce aux relevés radars de l'US Naval Observatory puis d'Arecibo et grâce aux sondes spatiales russes et américaines qui l'ont exploré à partir de 1961, nos informations se sont précisées et nous devons oublier l'hypothèse des petits hommes verts ou blonds, si jamais elle fut présente dans votre esprit. Après la Lune, Vénus fut la planète la plus visitée : 41 sondes spatiales ont déjà été lancées vers cette planète (2016) dont 27 sans échec qui révélèrent un monde très inhospitalier[1]. A lire : En hommage à Galilée La découverte des phases de Vénus
Propriétés physiques Vénus tourne autour du Soleil en 224.7 jours tandis qu'elle tourne sur elle-même en 243 jours. Ceci provoque un premier paradoxe : le jour vénusien dure 117 jours terrestres. Son inclinaison orbitale est tout aussi exceptionnelle. L'équateur est incliné de 178° sur l'orbite, ce qui signifie que sur Vénus le pôle Sud est au nord ! Le fait d’avoir ainsi la tête à l’envers a pour conséquence que le Soleil se lève... à l’Ouest et se couche à l’Est ! C’est la seule planète du système solaire à présenter cette inversion qui ne s’explique que par la collision frontale de Vénus avec un gros astéroïde, peut-être aussi gros que la Lune, voici plusieurs milliards d’années.
La densité de Vénus est voisine de celle de la Terre, 5.26 contre 5.52 et l'on soupçonne une structure interne presque analogue. Son écorce est deux fois plus épaisse que celle de la Terre et c’est peut-être la raison pour laquelle il n'existe qu'une seule plaque tectonique basaltique sur Vénus, hérissée de montagnes, de bassins et de failles. La pesanteur vaut 0.91 fois celle qui règne à la surface de la Terre. Tout cela serait parfait pour nos cosmonautes si la surface rocheuse de Vénus ne subissait pas une pression de 93 atmosphères qui nivela tous les reliefs. Imaginez-vous que cette pression diabolique est équivalente à celle que vous subiriez en plongée à une profondeur de 931 m ! Il n’est pas question de sortir sans porter un scaphandre rigide... C'est probablement cette pression énorme qui détruisit la sonde russe Venera 3 en 1965 au cours de sa descente vers la surface. Géologie Sans disposer d’un niveau marin de référence, arbitrairement les scientifiques ont décrété un niveau moyen, en dessous duquel 16% de la surface est située, contre plus de 75% sur Terre. La profondeur de ces bassins est d'environ 3000 m. Ces analogies avec la Terre font penser que les deux planètes se formèrent de la même façon, exception faite de l’évolution tectonique. D'autres observations ont corroboré ce fait.
Comment évolue la surface de Vénus ? Contrairement à ce qui se passe sur Terre, sans tectonique des plaques, les mouvements convectifs se développant dans le manteau de Vénus ne peuvent évacuer le surplus d’énergie par des mouvements de subduction du plancher océanique. Sur Vénus, l’énergie engendrée par la convection s’échappe principalement par les points chauds, sous les panaches volcaniques, à l’imagine de ceux que l’on connaît sur Terre (Hawaii, Stromboli, Réunion, etc.). L’activité volcanique de Vénus expliquerait également les nombreuses fractures que l’on y trouve. Les poussées de magma issu des profondeurs bomberaient l’écorce de la planète qui finirait par se briser en provoquant des formations volcaniques très variées et de longues failles. Ce mécanisme volcanique concentré dans les forces verticales explique l’aspect de certaines régions, dénommées arachnïdes et cononae, dans lesquelles le magma sous-jacent monte jusqu’à la surface. Le refroidissement et le retrait du magma aurait ensuite provoqué l’effondrement de leur partie centrale. Cette activité volvanique importante a formé plus 430 volcans de plus de 20 km de diamètre et des dizaines de milliers d’autres plus petits. Les scientifiques ont toutefois du mal à comprendre comment les matériaux retournent dans le manteau. Seule explication, les profondes dépressions qui entourent les cononae seraient des sites propices à la subduction. Le magma poussé vers le centre des formations s’écoulerait ensuite radialement avant de replonger vers le centre de Vénus par les profondes tranchées extérieures. Grâce aux données gravitationnelles, on estime aujourd’hui que l’écorce de Vénus est relativement mince, de l’ordre de 2 à 3 km d’épaisseur. Vénus ne présente pas de plaques tectoniques qui auraient pu expliquer sa morphologie, mais elle présente les preuves d’une activité volcanique et météoritique. Ainsi, comme ce fut déjà le cas en 2008 et 2009, en 2015 les astronomes ont découvert des points chauds (527° et 826°C) sur les images en infrarouge proche prises par la sonde européenne Venus Express à 1 micron de longueur d'onde (1000 nm). Trois régions sont particulièrement actives : Imdr, Themis et Dione. Le point chaud d'Imdr Regio a été découvert à l'emplacement du volcan Udunn Mons (46°S, 214.5°E) qui mesure environ 200 km de diamètre et culmine à 2500 m au-dessus de la plaine. Cette activité volcanique se manifeste également dans la région équatoriale de Ganis Chasma, une zone de failles dans laquelle se situe le volcan Maat Mons (1°N, 195°E) de 395 km de diamètre et culminant à plus de 8000 m d'altitude par rapport au niveau moyen de référence (1700 m au-dessus des reliefs avoisinants).
Ceci dit, géologiquement parlant, il est difficile de dire si Vénus est en train de mourir, est dans une phase de sommeil ou reprend une activité volcanique. La surface de Vénus présente également de nombreuses cicatrices d’impacts mais elle fut criblée différemment de la Lune, Mercure ou Mars. L’âge moyen des surfaces est remarquablement jeune : environ 500 millions d’années, époque vers laquelle le volcanisme s’est éteint, alors que la Lune ou Mercure arbore des terres âgées de plus de 4 milliards d’années. La morphologie des terres vénusiennes se divise en trois catégories : - les lowlands, résidant en dessous du niveau zéro de référence - les mesolands, d’une altitude comprise entre 0 et 2 km - les highlands, qui dépassent 2 km d’altitude. La répartition des quelque mille cratères existants est tout à fait aléatoire. Leur dimension moyenne est de l’ordre de 1.5 km de diamètre. Certains cratères sont relativement vastes (400 à 600 km de diamètre) mais ils sont très peu profonds (moins de 700 m).
Un quart de la surface est couverte de highlands, tel le massif d'Aphrodite Terra, aussi vaste que l’Afrique, au bord duquel deux pics culminent respectivement à 9000 et 4300 m d'altitude. Une vallée large de 280 km parcourt cette chaîne de montagnes sur 2250 km. La sonde Magellan a également découvert sur Vénus le plus long fleuve de lave (solidifiée) du système solaire : il s'étend sur 6800 km et présente une largeur constante de 2 km ! C'est aussi dans le massif d'Aphrodite Terra que se trouve le canyon le plus profond. Il plonge à 2900 m sous le niveau moyen et ses parois culminent à 6000 m. C'est dans le second massif montagneux, baptisé Ishtar Terra, situé au-delà de 60° de latitude Nord que l'on découvrit le plus haut sommet de Vénus, le mont Maxwell : il culmine à 11800 m. Cette zone de montagne témoigne du phénomène géologique inverse : la compression de l’écorce. Les montagnes sont situées dans une zone complexe, déformée, appelée tessera. Culminant au-dessus des plaines, ces régions sont fortement plissées et entourées de fractures et de failles géologiques. Certaines régions plus tendres s’effritent sous l’action du vent et créent de vastes sillons parallèles appelés yardang hérissés de crêtes. Les dépressions sont remplies de sable tandis que les reliefs sont mis à nu sous l’effet du vent dominant. Des formations identiques existent sur Terre, dans le désert du Tibesti.
Ajoutons à cette nomenclature des centaines de dômes volcaniques d’environ 20 km de diamètre dont le sommet a été nivelé par la pression et l'état des laves. Dénommés pancakes, ils ne dépassent pas 750 m d’altitude. Des formations similaires existent sur Terre, en Californie et en Islande où ces reliefs furent formés par de la lave riche en silice (épaisse et peu fluide). Si les volcans peuvent tout détruire, ils produisent également une grande quantité d'eau sous forme de vapeur qui peut potentiellement contribuer au développement de la vie. Mais en raison des conditions extrêmes régnant sur Vénus probablement depuis des milliards d'années, cette opportunité ne s'est pas présentée. Vénus n'a pas de surface liquide et ses nuages sont toxiques. Prochain chapitre
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