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La théorie des cordes au secours des trous noirs

Qu'un trou noir soit ou non une balle floue ne change rien : c'est un attracteur fatal car dans la plupart des cas, il est entouré d'un disque d'accrétion chaud qui agit comme un véritable cruncher. S'il s'agit d'une balle floue sans surface ferme, la différence est qu'un objet animé d'une impulsion élevée entrera en collision avec les couches supérieures de cette fuzzball comme s'il s'agissait d'une surface dure. Document T.Lombry.

Un problème à l'horizon (II)

La conjecture de la balle floue de Mathur doit son développement à sa longue fascination pour le paradoxe de l'horizon des évènements, une autre conséquence du rayonnement de Hawking.

Stephen Hawking avait remarqué que selon la physique quantique, même le vide d'un espace excempt de matière n'est pas réellement vide. Il vibre en fonction de l'énergie des champs quantiques, produisant des paires entremêlées de particules virtuelles - matière et antimatière (que les physiciens appellent "Alice" et "Bob" quand ils réalisent leurs expériences de pensées).

Les paires de particules virtuelles émergent constamment de l'écume quantique puis s'annihilent. Mais lorsqu'une paire de particules virtuelles apparaît juste au contact de l'horizon externe d'un trou noir, l'une des particules (Alice) peut tomber dans l'ergosphère et finir dans l'emprise du trou noir laissant l'autre particule (Bob) à l'extérieur. Un observateur aurait l'impression que le trou noir a émit une particule, et donc qu'il rayonne.

A mesure que Bob s'éloigne, la masse globale du trou noir diminue. A terme - on parle de dizaines de milliards d'années pour un trou noir hypermassif - un trou noir pourrait s'évaporer et disparaître.

Si cela devait se produire, toute l'information contenue dans le trou noir disparaîtrait avec lui, en violation avec la loi fondamentale de la physique quantique qui stipule que l'information doit être conservée. Les lois de la gravitation prédisent donc une situation qui semble violer les lois de la physique quantique.

Hawking semblait avoir trouvé une solution mais peu de physiciens ont soutenu son hypothèse quand il déclara : "Les lois de la physique quantique sont modifiées dans un trou noir. Trouvez mon erreur". En fait, cela fait 40 ans que les physiciens essayent de résoudre ce paradoxe mais personne n'a trouvé son erreur !

Mathur réduit le paradoxe à deux éléments clés. Le premier est l'importance en relativité générale que la région de l'horizon des évènements soit vide, dépourvue de structure, ce que Curtis Michel évoqua en disant que "les trous noirs n'ont pas de cheveux", expression qui fut reprise par John Wheeler avec un certain succès médiatique.

Il y a de très bonnes raisons pour évoquer  cette conjecture. Toute forme de matière, poussière, gaz ou particule élémentaire placée sur l'horizon externe va tomber dans le trou noir, laissant le même état de vide quantique qu'avant sa disparition.

Mais cela soulève le deuxième élément du paradoxe. S'il existe un vide à l'horizon, alors dit Hawking il doit y avoir un rayonnement et le trou noir doit finir par s'évaporer. "A la minute où vous créez un horizon, vous avez le problème de l'information de Hawking", rappelle Warner. C'est pourquoi Mathur prétend que finalement "les trous noirs doivent avoir des cheveux"; il doit y avoir une structure à l'horizon car elle offre un moyen de préserver l'information qui tombe dans le trou noir, à l'image d'une pelotte de laine qui emprisonne des particules extérieures dans ses fibres superficielles.

Les balles floues ou "fuzzballs" fournissent cette structure. Ce ne sont pas des puits vides et sans fond comme les trous noirs traditionnels. D'un point de vue théorique, ces objets sont plutôt remplis de cordes. Ils ont une surface comme toute étoile ou planète. Et comme ces dernières, ils émettent de la chaleur sous forme de rayonnement.

Lorsque Mathur calcula le spectre d'énergie du rayonnement émis par une balle floue simple, il découvrit qu'il correspondait exactement aux prédictions du rayonnement de Hawking. Cela signifie que dans la conjecture de la balle floue, le paradoxe de l'information est une illusion : l'information ne peut pas être perdue au-delà de l'horizon des évènements car il n'y pas d'horizon des évènements !

Alors que tous les trous noirs sont différents, les fuzzballs de Mathur semblent être uniques - du moins en théorie - ce qui permettrait aux physiciens de tracer une balle floue jusqu'aux conditions initiales qui l'ont vu naître. Etant donné qu'elle finit par s'évaporer, l'information qu'elle contient est encodée dans le rayonnement de Hawking et transportée avec lui. CQFD.

Le paradoxe du firewall

Dans sa conjoncture, Mathur insiste sur le fait qu'il doit y avoir une structure à l'horizon du trou noir. Cette hypothèse n'a pas immédiatement été acceptée par les experts, notamment par Marek A. Abramowicz de l'Université de Gothenburg à Göteborg, en Suède, que l'on connaît déjà en relativité, qui rappelle que la gravitation d'Einstein exclut l'existence d'un firewall ou ceinture de feu.

Un trou noir enroulé dans le paradoxe du firewall. Doc StarSeekervds/Deviant Art.

A leur tour, après la publication de la conjecture de Mathur, Polchinski et trois coauteurs ont publié en 2013 une expérience de pensée sur le sujet. Les auteurs avaient identifé trois concepts fondamentaux de la physique qui selon eux ne pouvaient pas être vrais simultanément autour de l'horizon des évènements d'un trou noir. C'est le paraxode du firewall. De quoi s'agit-il ?

D'abord, selon la relativité générale, Alice n'observerait rien d'inhabituel en traversant l'horizon des évènements d'un trou noir. Ensuite, la physique quantique demande que l'information ne soit pas perdue. Enfin, le principe de localité exige qu'Alice soit uniquement influencée par son voisinage immédiat.

Polchinski et des collègues prétendent qu'afin de préserver à la fois l'information et la localité, il faut sacrifier la condition "no drama", le fait qu'il n'y ait pas de drame à traverser l'horizon. Au contraire, à l'horizon des évènements, il devait exister une "ceinture de feu", ce qu'ils appellent un "firewall". En d'autre terme, le passage serait mortel.

Le paradoxe de la ceinture de feu focalise l'attention sur la possibilité qu'il existe une structure sur l'horizon externe des évènements. Mais ironiquement, ce phénomène n'a pas échappé aux théoriciens de la théorie des cordes depuis que Mathur a proposé sa conjecture. En effet, dans la conjecture de la balle floue, l'argument de la ceinture de feu est fondamental. Le trou noir n'a ni singularité ni horizon. Cette "ceinture de feu" représente simplement le fait que cette substance peut être chaude; il s'agit de balles floues chaudes. Pour Warner, cela ne change rien à la théorie et le soi-disant paradoxe du firewall fera long-feu.

Polchinski et des collègues admettent volontiers qu'ils n'ont pas initialement reconnu que leur article avait bénéficié des travaux antérieurs de Mathur. Ils l'ont révisé depuis et ont attribué le crédit à qui de droit. Mais Polchinski considère toujours que l'article sur le firewall de la fuzzball rend le paradoxe encore plus difficile à résoudre, cristallisant l'issue de manière plus spectaculaire encore.

La relativité générale prétend qu'Alice ne verra rien d'inhabituel en traversant l'horizon des évènements du trou noir. Polchinski et ses collègues prétendent qu'elles brûlera dans ce mur de flamme (de plasma incandescent) dès qu'elle le franchira. 

Description des paradoxes de l'information et de la ceinture de feu (firewall). Documents J.Polchinksi et al. adaptés par l'auteur.

Que se passera-t-il si elle tombe dans une fuzzball ? Bien que personne n'en soit sûr, les balles floues ne seraient pas aussi douces qu'on l'imagine. Selon le physicien Don Marolf de l'Université de Californie à Santa Barbara et coauteur de l'article de Polchinski, il est possible qu'Alice soit disloquée en traversant l'horizon ou qu'elle heurte simplement sa surface avec un bruit sourd. Dans les deux cas, l'expérience serait fatale.

Mais il est possible qu'Alice note quelque chose d'anormal. Dans un article publié en juin 2015 sur le server arXiv, Mathur prétend qu'un astronaute pourrait être capturé par un trou noir et être incapable de le raconter en raison de ce qu'il appelle la "complémentarité de la fuzzball".

La complémentarité de la fuzzball

Dans le scénario de Mathur, les trous noirs "fuzzballs" se comportent un peu comme des machines à photocopier. Alice, qui est faite de cordes, frappe la surface du trou noir. Ses constituants faits de cordes se combineraient avec ceux du trou noir pour former des cordes plus longues qui retiendraient les caractéristiques des cordes originales. Une copie approchée des cordes d'Alice serait ainsi réalisée. Elle ressemblerait plus à un hologramme qu'à un clone, mais elle continuerait ainsi d'exister comme avant ou presque.

"Presque" est le point de discorde. L'hypothèse de la complémentarité fut décrit pour la première fois en 1993 par le physicien Leonard Susskind de l'Université de Stanford. La complémentarité requiert que tout objet créé par un trou noir soit une copie parfaite de l'original.

Mathématiquement, que les physiciens soient situés d'un côté ou de l'autre de la ceinture de feu, ils concluent qu'une stricte complémentarité est impossible; autrement dit, un hologramme parfait ne peut pas se former à la surface d'un trou noir.

Les défenseurs de l'idée de Mathur sont à l'aise avec cette objection car depuis, ils ont développé un modèle modifié de la complémentarité dans lequel ils assument que des hologrammes imparfaits se forment. Cette idée fut développée avec David Turton, aujourd'hui à l'Institut de Physique Théorique du CEA de Saclay.

Document Getty.

Les opposants à la théorie du firewall considèrent la complémentarité comme une approche binaire : sans perfection disent-ils, il ne peut y avoir que la mort de l'héroïne. Mathur leur répond que lui et ses collègues ont prouvé mathématiquement que la complémentarité modifiée est possible.

En fait, les deux camps basent leurs arguments sur des calculs fondés sur des suppositions différentes, donnant des réponses différentes. Un groupe rejette l'idée de l'imperfection dans un cas particulier, tandis que l'autre groupe ne le rejette pas.

Rappelons que l'imperfection est un sujet commun en cosmologie. Stephen Hawking n'a-t-il pas déclaré que l'univers était imparfait dès les touts premiers instants de son existence. Sans cette imperfection distribuée dans la matière crée au cours du Big Bang, la gravitation n'aurait pas été capable d'unir les atomes qui ont donné naissance aux galaxies, aux étoiles, aux planètes et à l'humanité.

Le débat consiste en fait à déterminer si les physiciens peuvent accepter l'idée que les trous noirs sont imparfaits, comme l'est le reste de l'univers. Selon Mathur, "il n'existe pas de trou noir parfait car chaque trou noir est différent". Il fit cette remarque par référence à la résolution du paradoxe de l'information, un débat long face auquel Hawking a finalement concédé l'idée que la matière tombant sur le trou noir n'était pas détruite, mais devenait plutôt une partie du trou noir. Le trou noir devient donc un astre en changement permanent grâce à ces nouveaux apports extérieurs. Si on fait une métaphore, on pourrait dire qu'une nouvelle séquence de gènes a été ajoutée à son ADN. Cela signifie que tous les trous noirs sont le produit unique de la matière qu'ils ont attiré.

Enfin, au cours de l'impact d'Alice sur la fuzzball, la surface floue se mettrait à vibrer. Mathur a calculé le spectre de fréquences de ces vibrations et trouva qu'elles étaient mathématiquement identiques à ce qu'on trouverait si Alice tombait au-delà de l'horizon d'un trou noir sans le remarquer. Mathur compare cet effet au son émis par un piano et un synthétiseur jouant les mêmes notes malgré leurs technologiques tout à fait différentes : "Le même ensemble de phénomènes est décrit par deux objets apparents différents" explique Warner. Aussi, s'écraser sur une fuzzball "n'est peut être pas un enfer plus différent que de tomber dans un trou noir".

Un modèle incomplet

De nombreux physiciens restent sceptiques autour du concept de balle floue et Warner comptait initialement parmi eux. Puis il s'est converti à cette idée, en partie dit-il parce ce que cette approche exploite ce que les physiciens ont appris depuis 30 ans sur la théorie des cordes, plutôt que de chercher à rassembler à tout prix des morceaux épars de relativité générale et de physique quantique. "Nous avons essayé cela pendant plus de 40 ans", avoue-t-il, "Ca ne marche pas".

Warner reconnaît que l'image est incomplète. Les balles floues correspondent aux prédictions des modèles simples et hautement idéalisés dans lesquels les trous noirs sont en équilibre à une température nulle. Cela signifie qu'il n'y a pas de rayonnement de Hawking et que les trous noirs ne s'évaporent pas, ce qui est un élément crucial pour récupérer l'information. De tels modèles proposent un mécanisme pour stocker l'information en encodant les données dans la structure de la balle floue. Mais le paradoxe de l'information est "à la fois un problème de stockage et de recyclage et nous n'avons pas le mécanisme de recyclage", déclara Warner. La prochaine étape sera d'étendre le concept à des modèles plus réalistes correspondant aux trous noirs qu'on observe (indirectement) dans l'univers. "Ce n'est pas sans espoir, c'est juste intimidant", conclut Warner

Le concept de "fuzzball" exige également des dimensions supplémentaires et assume l'hypothèse que la théorie des cordes est la théorie correcte de la gravité quantique, ce qui peut ou ne pas être le cas.

Mathur insiste que sa conjecture de la balle floue complète le puzzle de l'information - du moins en théorie des cordes - et par extension, le paradoxe de la ceinture de feu.

Polchinski reste agnostique : "Tous les paris sont ouverts; tout est ouvert à la discussion". Comme Marolf, il reste à côté du firewall, reconnaissant que ce n'est pas le seul moyen de résoudre le puzzle. Marolf déclara notamment : "Si Samir dit qu'il a une solution au paradoxe, c'est linguistiquement correct. Il est également en bonne compagnie. Il y a un tas de personnes ayant résolu le paradoxe. Est-ce la voie dans laquelle la physique oeuvre actuellement dans notre univers, cela reste à voir".

Illustration d'un trou noir. Document Victor Habbick Visions.

Quels sont les implications de la balle floue entourée d'une ceinture de feu, alias la "fuzzball-firewall" ? Les implications de cette solution sont profondes. L'un des principes de la théorie des cordes implique que notre existence en 3 dimensions - 4 dimensions en comptant le temps - pourrait n'être qu'un hologramme sur une surface qui existerait dans de nombreuses dimensions.

Comme le dit Mathur : "Si la surface d'un trou noir est une ceinture de feu, alors l'idée que l'univers serait un hologramme serait fausse".

Si la véritable nature de l'Univers est en jeu, il ne faut pas s'attendre à beaucoup de réactions des physiciens opposés à cette théorie car le véritable débat porte en fait sur une question vraiment toute simple : acceptons-nous ou pas l'idée de l'imperfection ?

A entendre les croyants, parmi lesquels il y a de nombreux chercheurs, ce serait difficilement conciliable avec le message de la foi. Ceci dit, depuis les Anciens Grecs, les hommes de science ont graduellement accepté l'imperfection des hommes, de la Lune, du Soleil et finalement de l'Univers. En théorie, il n'est donc pas impossible de reconcilier croyants et agnostiques autour du feu de la Création.

Ceci dit, l'idée de Mathur reste une théorie parmi d'autres qu'il ne faut surtout pas dogmatiser en imaginant qu'elle va dorénavant remplacer le modèle de trou noir que nous connaissons tous avec un horizon des évènements, une singularité et son rayonnement de Hawking.

Ce n'est ni la première ni la dernière théorie sur le sujet et on peut compter sur les théoriciens pour inventer de nouveaux modèles à mesure qu'ils auront de nouvelles suggestions à proposer. Reste à les valider et les départager en observant un véritable trou noir ou en analysant ses émissions, notamment les ondes gravitationnelles. On y reviendra un peu plus bas.

L'horizon apparent d'Hawking

Juste 10 ans après l'article de Mathur, le 22 janvier 2014 Stephen Hawking publia un article en prélecture sur le server arXiv, intitulé "Information Preservation and Weather Forecasting for Black Holes" (La préservation de l'information et les prévisions météos pour les trous noirs) dans lequel il remit en question le concept même d'horizon des évènements et apportait une solution alternative au paradoxe du firewall.

Du fait que le firewall briserait l'invariance CPT de la gravité quantique, Hawking proposa de résoudre différemment le paradoxe en suggérant que l'effondrement gravitationnel ne génère pas d'horizon au-delà duquel l'information est perdue mais un "horizon apparent" qui finit par se dissoudre.

Don Page, expert des trous noirs à l'Université d'Alberta, au Canada, a validé l'idée mais n'est pas convaincu que cela résout le paradoxe du firewall. Il pense en effet que même l'existence d'un horizon temporaire provoquera les même problèmes qu'un horizon des évènements.

Si Hawking ne précisa pas de quelle manière l'horizon apparent disparaitrait, Page pense que lorsque le trou noir sera écrasé jusqu'à une certaine dimension, les effets combinés de la physique quantique et de la gravité pourraient entraîner sa disparition. Cela signifierait qu'il pourrait ne pas y avoir de singularité au coeur d'un trou noir. A la place, il existerait temporairement un horizon apparent mais que ne s'effondrerait jamais totalement. L'information ne serait ainsi pas détruite bien qu'elle serait très écrasée et serait libérée à travers le rayonnement de Hawking.

Mais comme Page le dit : "Ce serait pire que d'essayer de reconstruire un livre qui aurait brûlé jusqu'aux cendres". Dans son article, Hawking compare cette tentative aux prévisions du temp à long terme : en théorie c'est possible mais en pratique il est trop difficile de le faire avec beaucoup de précision.

Finalement, une fois encore Polchinski exprima son scepticisme vis-à-vis de la proposition d'Hawking dans une interview accordée à la revue "Nature" en 2014. Il juge que ce type de fluctuation violente qui s'auto-effacerait est bien trop rare dans l'Univers. "Dans la gravité d'Einstein, l'horizon du trou noir n'est pas différent d'un autre endroit de l'espace. On n'a jamas vu de fluctuation de l'espace-temps dans notre voisinage: c'est simplement trop rare à grande échelle", précise Polchinski.

Enfin, Raphael Bousso, physicien théoricien à l'UCB et ancien étudiant d'Hawking souligne que la contribution d'Hawking démontre à quel point les physiciens détestent l'existence potentielle des firewalls. Toutefois, il reste prudent vis-à-vis de la solution d'Hawking, déclarant que "l'idée qu'il n'existe aucun point duquel on pourrait s'échapper d'un trou noir est de certaines manières une suggestion encore plus radicale et problématique que l'existence des firewalls". Mais il reconnaît que "le fait qu'on discute encore de telles questions 40 ans après le premier article d'Hawking sur les trous noirs et l'information, est le testament de leur énorme signification".

Les échos de la fusion

Les explications ci-dessous nous montrent que l'image que nous avons de l'horizon des évènements d'un trou noir est purement théorique car en réalité personne ne l'a jamais observé ou caractérisé. On ne connait donc ni son aspect ni ses propriétés réelles. Mais cela va peut-être changé.

Diagramme temps-fréquence avant et après la fusion de l'évènement GW170817 détecté par LIGO et Virgo. Les échos sont marqués par un carré vert et présente un pic à ~72 Hz durant 1 seconde avec une amplitude de -6.48x1039. Un pic secondaire à la même fréquence est survenu après 32.9 s. Document J.Abedia et al. (2019) adapté par l'auteur.

Nous verrons à propos des trous noirs que l'une des questions les plus controversées de la gravité quantique est de savoir si les effets quantiques sont significatifs à l'extérieur de l'horizon des évènements d'un trou noir ou s'ils ne jouent un rôle qu'à l'intérieur de l'horizon. Si cette dernière est l'hypothèse conservatrice, prudente, la première hypothèse pourrait survenir à travers des processus - spéculatifs jusqu'à présent - qui pourraient résoudre le paradoxe de l'information ou le problème des constantes cosmologiques. On y reviendra.

Jusqu'à présent les chercheurs n'ont pas été en mesure de déterminer expérimentalement si la matière pouvait s'échapper d'un trou noir autrement que sous forme d'ondes gravitationnelles et d'un jet bipolaire. On y reviendra. Au cours de la fusion de deux trous noirs, si le modèle de la "balle floue" décrit ci-dessus responsable du rayonnement de Hawking existe autour des trous noirs, en théorie les ondes gravitationnelles pourraient rebondir sur celle-ci, ce qui créerait des signaux secondaires d'ondes gravitationnelles après l'évènement principal de fusion semblable à des "échos" répétés. Ces échos proviennent des ondes gravitationnelles emprisonnées entre la barrière de moment angulaire et l'objet compact exotique qui "fuient" lentement et de manière répétée pendant un certain temps qui dépend de la masse des corps en interaction.

Ainsi, en imaginant la version gravito-quantique du trou noir de Kerr, une structure qu'on peut assimiler à une membrane peut théoriquement réfléchir partiellement certaines modes de vibrations des ondes gravitationnelles. Il se produit alors des échos retardés qui se réfléchissent partiellement, générant de nouveaux échos qui se répètent avec une période précise. Ces échos ont deux fréquences naturelles : les fréquences de résonance ou harmoniques de la "chambre d'écho" et les fréquences de résonance du trou noir qui fixent les conditions initiales des échos. Le chevauchement de ces fréquences définit la forme d'onde de l'écho. Les harmoniques les plus hautes sont principalement excitées par la fusion des deux astres mais se dissipent rapidement, tandis que les harmoniques inférieures ont une durée de vie beaucoup plus longue car elles sont piégées par la barrière de moment angulaire. Étant donné que la masse finale de la fusion des deux étoiles à neutrons est beaucoup plus petite que celle de la fusion de trous noirs binaires, l'harmonique la plus basse (~80 Hz) est détectable par l'installation LIGO. Cela permet aux chercheurs de concevoir une stratégie pour rechercher les harmoniques les plus basses, indépendamment des conditions initiales. Mais peut-on prouver cette théorie ?

Dans un article publié en 2019 dans le "Journal of Cosmology and Astroparticle Physics" (en PDF sur arXiv), Jahed Abedia de l'Institut Max Planck de Physique Gravitationnelle et Niayesh Afshordie de l'Institut de Physique Théorique Perimeter ont tenté de vérifier cette prédiction en cherchant des échos répétés dans les ondes gravitationnelles générées lors de la fusion de deux étoiles à neutrons en un trou noir.

Les chercheurs ont analysé l'évènement GW170817 survenu le 17 août 2017. Ils auraient découvert de faibles échos des ondes gravitationnelles suggérant que l'horizon des évènements des trous noirs serait plus compliqué que prévu. Il serait même radicalement différent de ce que prédit la théorie de la relativité voire même il n'existerait pas d'horizon des évènements. Selon les chercheurs : "Les échos sont prédits par différents modèles de trous noirs quantiques qui remplacent les horizons des évènements par une structure exotique à l'échelle de Planck."

Comme on le voit sur le diagramme présenté ci-dessus, les chercheurs ont détecté des échos à la fréquende 72 Hz environ 1 seconde après la fusion (et un écho secondaire 32.9 secondes plus tard), valeur compatible avec un trou noir résultant de 2.6 à 2.7 M en rotation, avec un spin a* = 0.84-0.87 avec une degré de confiance de 4.2 σ soit une probabilité qu'il s'agisse d'un faux signal de 1.6x10-5. Autrement dit, les signaux enregistrés ne semblent pas être des erreurs instrumentales ou du bruit. Selon les chercheurs : "Si l'observation est confirmée, cette découverte aura des conséquences importantes à la fois pour la physique des trous noirs quantiques et l'astrophysique des fusions d'étoiles à neutrons binaires."

Mais restons prudents car il ne s'agit que de résultats préliminaires fondés sur une seule observation. Selon Afshordi : "Nos résultats sont encore provisoires car il y a très peu de chances que ce que nous voyons soit dû à un bruit aléatoire dans les détecteurs, mais cette chance devient moins probable à mesure que nous trouvons plus d'exemples. A présent que les scientifiques savent ce que nous cherchons, nous pouvons chercher d'autres exemples et obtenir une confirmation beaucoup plus solide de ces signaux. Une telle confirmation serait la première sonde directe de la structure quantique de l'espace-temps."

Pour plus d'informations

Le trou noir et le principe holographique (sur ce site)

Dual geometries for a set of 3-charge microstates, S.Mathur et al., 2004

Stephen Hawking: 'There are no black holes', Nature, 2014

Information Preservation and Weather Forecasting for Black Holes, S.Hawking, 2014

Backreaction of Hawking Radiation on a Gravitationally Collapsing Star I: Black Holes? (solution aprox.), Laura Mersini-Houghton, 2014

Backreaction of the Hawking radiation flux on a gravitationally collapsing star II (solution exacte), Laura Mersini-Houghton, 2014.

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