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Les volcans
Les émissions volcaniques (III) Lorsqu'un volcan de type hawaïen ou strombilien déverse sa lave brûlante sur une ville ou lorsqu'un volcan gris de type plinien explose en déversant ses coulées pyroclastiques ou ses gaz mortels, c'est souvent tout un écosystème et toute une industrie locale qui sont sacrifiés. Nous avons récemment assisté à de telles démonstrations de force avec l'éruption du St. Helens ou du Merapi dans les années 1980, de la Soufrière en 1997, de l'Etna en 2001, du Nyiragongo en 2002 et de l'Anak Krakatoa en 2018 qui ont détruit une partie du volcan ainsi que toutes les infrastructures et les villages érigés à proximité, parfois jusqu'à plus de 15 km. Nous allons décrire les principaux phénomènes associés au volcanisme dont les émissions les plus dangereuses en laissant de côté les séismes qui sont abordés dans l'article consacré à la Terre. Après les éjections de lave décrites page précédente et dont on voit une belle illustration à droite au cours d'une des multiples éruptions de l'Etna, plusieurs autres phénomènes éruptifs sont associés aux volcans : - 1. Les lahars - 2. Les coulées pyroclastiques et les nuées ardentes - 3. Les panaches de cendres - 4. Les émissions de vapeur d'eau - 5. Les émanations de dioxyde de carbone - 6. Les solfatares - 7. Les nuages de dioxyde de soufre - 8. Les pluies acides. 1. Les lahars Les lahars dont le nom est d'origine japonaise sont des coulées volcaniques émises généralement par les volcans gris (éjectant des cendres plutôt que du magma). Elles sont engendrées par des pluies abondantes qui tombent sur les pentes des volcans et sont donc inévitables. Les lahars sont constitués d'un mélange d'eau, de cendres, de roches et de débris qui dévalent les pentes des volcans entre 500 et 800 km/h. Lors d'une éruption, ils peuvent être portés entre 500 et 1000°C. Certains lahars transportent des blocs de granite pesant plus de 100 tonnes pendant que le volcan éjecte des bombes de 3 m de diamètre ! Pas la peine de courir, rien ne peut y échapper. A
voir : L'éruption
de Montserrat,
La Minute de Vérité
Ces volcans gris produisent des dépôts de cendres et de boues tellement épais (plusieurs dizaines de mètres) et compacts que toute la région concernée est pour ainsi dire bétonnée; il est pratiquement impossible de la réaménager par la suite. Si la population n'est pas évacuée, elle périra, noyée sous les layars, étouffée et pétrifiée sous les cendres ou encore carbonisée au passage des nuées ardentes. Comme on le voit ci-dessus à droite, en 1997 l'éruption de la Soufrière sur l'île de Montserrat dans les Caraïbes recouvrit la capitale Plymouth sous 10 mètres de cendres et de boues mais ne fit aucune victime car les volcanologues avaient anticipé son éruption. Les seuls disparus sont 19 habitants qui se sont aventurés du côté de l'île évacuée alors que c'était interdit et qui furent victimes d'une coulée pyroclastique. Pourtant la Soufrière n'avait connu aucune éruption de mémoire d'homme et était considéré comme éteint jusqu'au début du XXe siècle où il se réveilla tous les 30 ans, jusqu'à finalement déclencher une éruption majeure. Encore aujourd'hui, la Soufrière est un stratovolcan actif comme on le voit sur cette photo satellite prise en 2002 et l'accès à la partie de l'île détruite est interdit et réservé aux scientifiques. La même situation s'est produite lors de l'éruption du Pinatubo aux Philippines en 1991. Comme illustré ci-dessous, les rivières chargées de cendres et de pierre ponce se sont transformées en lahars charriant des rochers mesurant jusqu'à 1 m et pesant jusqu'à 5 tonnes (pour une densité de 5). Même plusieurs années après l'éruption, la région resta dangereuse. En effet, suite aux chutes de pluies, les cendres et la ponce se sont remobilisés et formèrent de nouveaux lahars dévastateurs.
Le territoire dévasté par les laves volcaniques, les cendres ou les lahars est généralement abandonné pour des décennies. A l'exception des zones tropicales humides qui redeviennent fertiles au bout de 10 ans environ, généralement ce n'est qu'après 30 à 50 ans que la végétation reprend le dessus et que la région renaît littéralement de ses cendres, rehaussée de quelques mètres par rapport à la situation antérieure à l'éruption. Ainsi, dans le cas du St. Helens, il fallut attendre 25 ans pour que le site recouvre une certaine verdure et attire à nouveau le public. 2. Les coulées pyroclastiques et les nuées ardentes Si les lahars ont la réputation d'être dangereux car les victimes meurent broyées ou noyées dans une boue épaisse mêlée de roche et de débris, les coulées pyroclastiques et les nuées ardentes sont tout aussi dangereuses malgré leur aspect inoffensif à distance. La coulée pyroclastique est souvent confondue avec la nuée ardente et même les volcanologues et les géologues ne sont pas toujours du même avis sur leur définition. Toutefois, il existe une différence, c'est leur vitesse de propagation.
La coulée pyroclastique concerne tout écoulement dense de matériaux volcaniques chauds (cendres, ponces, blocs) mélangés à des gaz, dévalant les pentes d'un volcan sous l'effet de la gravité. Il inclut aussi bien les nuées ardentes que les coulées générées par l'effondrement d'une colonne éruptive (comme lors des éruptions pliniennes). Les coulées pyroclastiques ont une température comprise entre 200 et 700°C et se propagent à une vitesse relativement faible comprise entre 20 et ~150 km/h. Elles suivent la topographie du terrain sur plusieurs kilomètres et peuvent même avancer sur la mer. La nuée ardente est un terme inventé par le volcanologue et minéralogiste Alfred Lacroix après l'éruption de la Montagne Pelée en 1902. Elle désigne un mélange de gaz brûlants, de cendres et de blocs projetés à grande vitesse sur les pentes du volcan. Il s'agit d'un type spécifique de coulée pyroclastique résultant d'un effondrement du dôme de lave (comme sur la Montagne Pelée) ou plus généralement de l'effondrement d'un panache éruptif (comme à Pompéi en 79). Une nuées ardente se propage à une vitesse de 200 à 500 km/h, avec une vitesse maximale de l'ordre de 800 km/h selon les simulations. Notons que lors de l'éruption du supervolcan Toba il y a 74000 ans, il y eut probablement des panaches éruptifs qui furent éjectés à plus de 1000 km/h en altitude. Il existe trois types de nuées ardentes selon la viscosité du magma et sa composition : le type gaz (principalement composé de gaz volcaniques, elles sont légères, mais très chaudes et rapides), le type cendres (majoritairement constituées de cendres et de particules solides, elles sont plus denses et causent des dégâts importants) et le type blocs (elles contiennent de gros blocs de roche avec des gaz et des cendres, ce qui augmente leur pouvoir destructeur). En résumé, toute nuée ardente est une coulée pyroclastique, mais toutes les coulées pyroclastiques ne sont pas des nuées ardentes. La composante solide des coulées pyroclastiques contient des cendres, des ponces, des lapilli (de 2 à 64 mm de diamètre), des bombes volcaniques et des blocs de roche de plusieurs mètres de diamètre. Le flux de gaz volcanique contient des proportions importantes de vapeur d'eau, de dioxyde de carbone et de dioxyde de soufre. Ce flux de gaz se développe au-dessus du nuage de cendres et forme les nuées ardentes. Il n'est pas rare que des gaz toxiques se propagent ainsi dans un rayon de 30 km autour d'un volcan.
Outre les effets thermiques et mécaniques des coulées pycroclastiques et des nuées ardentes, la pierre ponce pulvérisée et les cendres volcaniques cachent un danger insoupçonné. Etant très poreuses, elles présentent une structure alvéolaire jusqu'à l'échelle microscopique. Elles offrent la propriété d'absorber l'humidité et dans ces conditions elles se transforment en une pâte qui ressemble à du ciment et qui sèche au contact de l'air. Très fine et très légère, la cendre volcanique envahit tout et durant une éruption volcanique comme celle du Vésuve, elle peut s'accumuler à raison de 2 cm d'épaisseur par minute soit 120 fois plus vite qu'une forte pluie (~0.8 à 1 cm d'eau/m2 par heure) et 10 fois plus vite que les averses les plus intenses (6 cm d'eau/m2 en 30 minutes) ! Autant dire que sans aide extérieure, les retardataires n'ont aucune chance d'y échapper. Vers l'an 1650 ou 1610 avant notre ère, suite à l'explosion de Santorin (Théra) en mer Egée, ce qui resta de la caldera fut recouvert par endroit de 30 mètres de pierre ponce et en l'an 79, Pompéi fut également recouverte de 30 mètres de cendres suite à l'éruption du Vésuve ! Vous pouvez imaginer que la personne qui avale ou respire des cendres va mourir dans d'atroces souffrances. Au cours de son agonie, les vaisseaux sanguins et les cellules de ses poumons seront lacérés par la ponce, la victime crachera tout son sang, avant de suffoquer lorsque la cendre devenue pâteuse se solidifiera dans sa bouche, sa trachée et ses poumons. Si la personne a pu survivre à la pluie de cendres volcaniques, son calvaire n'est pas terminé car elle peut encore subir une coulée pyroclastique accompagnée d'une nuée ardente. En présence d'une nuée ardente, la victime mourra quasi instantanément sous l'effet de l'onde de pression. Si la personne a pu y échapper, elle risque de mourir carbonisée voire pyrolisée sous l'effet de l'onde thermique et des gaz brûlants. Le Vésuve : Pompéi et Herculanum Voici un bref éventail des effets d'une coulée pyroclastique et des nuées ardentes sur base de ce que nous savons des éruptions récentes et de ce qui s'est passé à Pompéi et Herculanum. Quand on sait que la viande cuit vers 200°C et est cuite en 1 minute à quelques centimètres de la lave, on comprendra que les conséquences sont horribles pour la population qui n'a pas eu le temps de fuir. Heureusement pourrait-on dire, à choisir mieux vaut être tué sous l'effet du souffle thermique que blessé à mort par des retombées. A Pompéi, les analyses des os des victimes, des charbons de bois et des métaux montrent que les nuées ardentes sont tombées sur la ville avec une température de 400°C, une température supérieure à la fusion du plomb (327°C) et proche de celle du zinc (419°C). Localement, dans certains abris bien protégés, la température de l'air ne dépassait pas 150°C et aurait permis à certains habitants de survivre un peu plus longtemps. A
consulter : Le site officiel de Pompéi
Les nuées ardentes peuvent localement se déplacer à une vitesse supersonique (dans le cas du St. Helens, le souffle se propagea à une vitesse comprise entre 90 et 325 m/s soit l'équivalent d'une explosion de 24 MT). Le souffle ou choc thermique produit le même effet qu'une explosion si ce n'est que les "détails" sont différents : à 300 ou 400°C il tue instantanément les victimes, les liquides corporels et les chairs s'évaporent en moins d'une minute, les organes fondent ensuite, les cavités osseuses contenant des organes et même le squelette explosent ou se carbonisent sans qu'il y ait eu de feu ou de flamme. A partir de 500°C, tous les objets contenant de la cellulose (cordage ou bois) se carbonisent instantanément, noircissent et s'effriteront au moindre choc, les poteries et les céramiques éclatent. Même les os (fémur, boîte crânienne, etc) et l'ivoire des dents réputés très résistants peuvent se fracturer ou se casser net et l'émail peut s'effriter sous l'effet du choc thermique. C'est exactement ce type de catastrophe qui se produisit à Pompéi en l'an 79 de notre ère, la population ayant été décimée car elle ne fit par le rapport entre les séismes et l'éruption volcanique. La ville subissant des séismes en moyenne tous les 5 ans, les habitants avaient l'habitude des séismes et n'ont pas anticipé le danger. Ensuite, ils sous-estimèrent la violence de l'éruption et périrent faute d'avoir eut le temps de fuir. Herculanum située à quelques encamblures de là connut le même funeste destin quelques jours plus tard mais elle fut également recouverte d'une coulée pyroclastique. En l'espace de 10 minutes ses 5000 habitants périrent carbonisés. La cendre incandescente fit le reste, figeant les corps pour l'éternité dans un linceul de pierre, tel qu'on peut le voir aujourd'hui et qui procure encore des émotions chez les touristes. L'éruption dura 3 jours et fit plus de 2000 victimes.
A l'époque, le Vésuve n'existait pas. Comme illustré ci-dessus, à sa place se trouvait le Mont Somma qui culminait à 3900 m d'altitude depuis 15000 ans. Le souffle de l'explosion décapita le sommet dont il ne reste aujourd'hui que le Vésuve sur le flanc sud-est culminant à 1281 m et les restes du Mont Somma sur le flanc nord-ouest culminant à 1131 m. Sur ce site, seul le Vésuve est actif. Le Mont Unzen Le Mont Unzen est situé au sud du Japon, sur l'île de Kyūshū, à côté de Nagasaki. C'est l'un des stratovolcans explosifs les plus dangereux de la planète car il produit également des lahars. Entre 1991 et 2018, le Mont Unzen connut plus de 20000 coulées pyroclastiques et des dizaines de lahars. Malgré ce risque la région est habitée et les Japonais n'ont aucune intention de quitter leur maison ni même leur île. Comme si cela ne suffisait pas, en 1792, suite à un glissement de terrain provoqué par l'effondrement de l'un de ses dômes, le Mont Unzen provoqua un mégatsunami avec des vagues de 100 m de hauteur ! Au total, l'Unzen tua environ 15000 personnes. Depuis, le site est évidemment sous surveillance permanente mais étant donné qu'on ne peut pas prévoir les glissements de terrain ou l'explosion d'un bouchon magmatique, le risque d'accident majeur est bien réel. Pour minimiser au maximum les risques pour la population, le gouvernement a construit d'immenses retenues à la base du volcan. Pour éviter que les ouvriers construisant ces structures prennent des risques, tout le charroi, les bulldozers, les excavatrices et les camions sont télécommandés. C'est le seul chantier au monde contrôlé à distance par écrans interposés. Bien que les volcanologues et les journalistes aient conscience du danger que représentent les coulées pyroclastiques et les lahars, régulièrement, certains, un peu trop passionnés, en sont victimes pour citer les volcanologues français Maurice et Katia Krafft qui, malgré les avertissements de leurs collègues; sont morts sur les pentes du volcan Unzen en juin 1991 ainsi que 42 autres personnes dont le volcanologue américain Harry Glicken, spécialiste des nuées ardentes. Le Merapi Le Merapi - Gunung Merapi - est l'un des volcans les plus actifs d'Indonésie et également l'un des plus dangereux du fait qu'il se trouve dans l'une des régions les plus densément peuplée du monde, au nord de la ville de Yogyakarta (~500000 habitants). C'est un stratovolcan dont le sommet est obstrué par un dôme doublé d'un volcan gris. Il culmine à 2968 m d'altitude et a déjà connu près de 110 éruptions explosives en 10000 ans dont 27 éruptions entre 1900-2014 dont quatre VEI 4, l'une d'entre elle ayant même détruit l'ancien cône volcanique (Old Merapi) il y a environ 2000 ans. Au mépris des risques, comme on le voit sur la photo ci-dessous à gauche, des habitants ont malgré tout construit leur habitation et cultivent leur champ sur ses pentes qui sont évidemment très fertiles. Le Merapi se trouve sur la zone de subduction entre la plaque australienne et la plaque de la Sonde. Il n'est pas seul et est juste à côté du volcan Merbabu culminant à plus de 3100 m d'altitude qui heureusement semble endormi depuis des millénaires. Mais il s'agit également d'un volcan gris. Le Merapi provoque régulièrement des éruptions pyroclastiques qui se déclenchent parfois en chaîne. Ainsi, l'éruption d'avril 2006 qui dura jusqu'en août 2007 (VEI 1) provoqua l'effondrement du dôme et produisit 23 coulées pyroclastiques en l'espace de 6 heures le 13 mai 2006 ! Deux jours plus tard, le volcan émit une coulée pyroclastique toutes les 3 minutes dans un rayon de 2.5 km ! Cette activité très intense dura 5 jours et entraîna l'évacuation de 30000 personnes (et de 100000 personnes en 2010). Le Merapi n'a donc pas usurpé son nom de "volcan gris" avec tous les dangers que cela sous-entend. Chacune de ses éruptions dont certaines se déclenchent suite à des séismes tue des dizaines voire des centaines de personnes et occasionne pour des centaines de millions de dollars de dégâts. A consulter : Séismogrammes des volcans indonésiens, Magma Indonesia L'Arenal Comme on le voit ci-dessus à droite, l'Arenal surnommé "Le Colosse" par les habitants, est un jeune volcan situé dans le massif de la Cordillère de Tilarán au Costa Rica culminant à 1150 m au-dessus de la plaine. Il s'agit également d'un volcan gris qui est actif depuis plus de 7000 ans. C'est un stratovolcan formant un cône pratiquement symétrique, un vrai cas d'école, formé d'andésites et présentant un dôme de lave. Son cratère mesure 500 m de diamètre. Jusqu'en 1968 les habitants se promenaient sur ses flancs et certains pic-niquaient même dans son cratère. Puis il entra en éruption et tua 78 habitants en 1968. Son activité dont la dernière éruption remonte à 2010 est principalement plinienne avec des coulées pyroclastiques et des laves très visqueuses durant lesquelles le volcan éjecte des bombes, des éjecta et des millions de mètres cubes de téphras (cendres). Généralement il passe ensuite par une phase strombolienne comme en 1984 avec des coulées de lave plus fluide sur ses pentes. Il présente également des phases volcaniques explosives (VEI 3 en 2008 et 1968 et souvent VEI 4 avant l'an 1400). Ces dernières années, on relate un seul cas d'une vieille femme indonésienne qui survécut à une coulée pyroclastique. Elle raconta qu'elle sentit un soufle chaud venir sur elle puis la peau de ses avant-bras commença à peler. Elle se réfugia accroupie dans un abri et survécut à cette éruption dantesque mais présente aujourd'hui des zones dépigmentées sur sa peau. Le Sinabung Situé au nord de l'île de Sumatra, près de la ville de Berastagi (~44000 habitants), le stratovolcan Sinabung culmine à 2460 m d'altitude. Il s'est réveillé en août 2010 mais il est possible qu'il fut en activité vers 1600 et en 1881. C'est l'un des 129 volcans actifs d'Indonésie et l'un des cinq plus dangereux dans le monde. L'étude de ses flancs recouverts d'innombres couches de lave et de blocs d'avalanche témoigne qu'il a fréquemment été en éruption. Son sommet se compose de quatre cratères imbriqués orientés dans la direction N-S au travers desquels le volcan dégage des fumerolles sans nécessairement annoncer une éruption. Le Sinabung est un volcan de type explosif qui libère de grandes quantités de lave et de cendres. Il est resté calme entre 2010 et 2013, lorsqu'une nouvelle phase éruptive commença et s'est poursuivie sans interruption jusqu'en juin 2018 pour reprendre ensuite mi-2019. Chaque éruption peut entraîner le déplacement d'environ 30000 personnes. Malgré les précautions d'usage, l'éruption de 2014 tua 16 personnes.
Lors des éruptions, les plumes et des nuages de cendres très spectaculaires comme on le voit ci-dessus à droite s'élèvent fréquemment à plusieurs kilomètres d'altitude (maximum de 16.8 km d'altitude relevé en juin 2019), des blocs de lave et de cendres (bombes) retombent à plusieurs kilomètres alentour et des coulées pyroclastiques peuvent parcourir plus de 4 km. Les plumes sont souvent accompagnées de dioxyde de soufre. Le Tambora et le Théra Enfin, on peut citer l'éruption du Tambora en 1815 en Indonésie (VEI 7) et celle du Théra à Santorin en mer Égée vers 1610 avant notre ère (VEI 6) qui furent également accompagnées de coulées pyroclastiques et d'un énome fallout de cendres et de ponce. Toutes deux décimèrent la population et eurent un impact global et prolongé sur le climat (pendant 2 ans dans le cas du Tambora) avec d'importantes conséquences économiques et sanitaires dans tout l'hémisphère nord. Si aujourd'hui le Tambora est en sommeil et est redevenu une montagne partiellement boisée et le Théra est encore une petite île, un jour ou l'autre ces deux volcans meurtriers se réveilleront. Loin d'être un récit mythologique, au vu de ces évènements il faut se rendre à l'évidence : parfois dame Nature nous jette un regard mortel plus pétrifiant que celui de la Méduse ! A
voir : CALBUCO | 4K/UHD volcanic eruption Precision Drone Flying Around An Erupting Volcano (Guatemala), BBC Earth Science
3. Les panaches de cendres Pour rappel, la cendre ou poussière volcanique est de la lave pulvérisé par le souffle d'une éruption. Elle est composée de particules de verre volcanique, de minéraux et de roches pulvérisées mesurant moins de 2 mm. Les plus petites mesurent entre 1 et 15 microns et sont donc jusqu'à 75 fois plus fines que le talc. Bien que très légères, leur accumulation sur une surface peut faire autant de dégâts qu'une couche de neige. A Pompéi par exemple, la plupart des habitations avaient un toit plat. Au-delà d'une épaisseur de 50 ou 60 cm de cendre, les toits en bois se sont effondrés et leurs débris tuèrent les habitants. Les panaches de cendres représentent également un réel risque pour l'aviation. Selon la puissance de l'éruption et la latitude, les cendres peuvent s'élever jusqu'à plus de 30 km d'altitude et être emportées dans la circulation atmosphérique générale. Le stratovolcan Eyjafjallajoekull en Islande par exemple, est composé de couches alternées de lave solidifiée, de cendres volcaniques et de matériaux pyroclastiques avec un sommet glaciaire. Le 14 avril 2010, il entra en éruption (VEI 4), libérant un panache de cendres qui se répandit au-dessus de l'Europe. Des points de vue météo et aéronautique, dans un premier temps les niveaux de vol entre FL550 et FL200 à partir de 45°N furent touchés, principalement au-dessus de la Manche, de la mer du Nord et de la Scandinavie. Ce sont donc tous les avions jets, les moyens et longs-courriers qui furent touchés par cette éruption. A consulter : Volcanoes, Icelandic Met Office
Un avion qui volerait dans ces nuages de cendres subirait des avaries, les cendres vont éroder le fuselage ainsi que le bord d'attaque des ailes, des pâles de ses turbines peuvent être endommagées et ses capteurs peuvent être obstrués. Les cendres peuvent aussi pénéter dans les moteurs de l'avion et fondre (elles ont un point de fusion vers 1100°C), autant d'incidents qui peut entraîner une panne moteur et une chute de l'avion qui peut-être fatale. En 1982, pendant l'éruption du volcan indonésien Galunggun, un Boing 747 volant entre Kuala Lumpur en Malaisie et Perth en Australie traversa son nuage de cendres. Progressivement ses 4 moteurs se sont éteints sous l'effet des cendres et plana tant bien que mal. Finalement, l'avion sortit du nuage de cendres et ses moteurs ont redémarré. Peu après, le pilote constata que la visibilité diminuait et que le brouillard devenait de plus en plus épais. Quand il demanda à la tour de contrôle qu'elles étaient les conditions météo, on lui répondit que "la visibilité est infinie". C'est alors qu'il regarda par la vitre latérale et constata effectivement que le ciel était clair. C'est alors qu'il prit conscience que son pare-brise avait été dépoli sous l'effet du sablage par les cendres volcaniques ! Après une centaine d'incidents de ce type qui endommagèrent et immobilisèrent des avions, dans les années 1980 on décida de fermer les espaces aériens concernés dès qu'une éruption volcanique risquait de mettre an danger les avions et leurs passagers. Mais s'il en va de la sécurité des vols aériens, une telle décision n'est pas sans conséquences.
Suite à l'éruption de l'Eyjafjallajoekull en 2010, sur base des avis d'Eurocontrol et du London VAAC, l'OACI (l'Organisation de l'Aviation Civile Internationale) en concertation avec le Met Office de Londres demanda la fermeture des espaces aériens européens à partir du 15 avril 2010, clouant au sol tous les avions au départ et à destination de l'Europe pendant près de 7 jours. L'arrêt du trafic aérien régional affecta 104000 vols soit 48% du trafic prévu sur huit jours, avec un pic de 80% le 18 avril 2010. Près de 10 millions de passagers furent impactés, paralysant une partie de l'économie occidentale (cf. le blog). Selon l'IATA (Association Internationale du Transport Aérien), en raison de la fermeture de l'espace aérien européen, l'industrie aérienne perdit environ 200 millions de dollars par jour en raison des annulations. Sur les 7 jours principaux de fermeture (15-22 avril 2010), les pertes directes pour les compagnies aériennes furent estimées à environ 1.7 milliard de dollars, comprenant la perte de revenus, les remboursements ou reports des billets et les coûts supplémentaires pour prendre en charge les passagers bloqués. L'impact économique global fut d'environ 5 milliards de dollars. Pour les compagnies aériennes, cet évènement poussa l'industrie à mieux gérer les crises liées aux catastrophes naturelles. Les protocoles de gestion des cendres volcaniques ont été révisés pour réduire les fermetures massives d'espaces aériens. Pour les économies nationales, certains pays furent touchés plus durement, notamment ceux fortement dépendants du tourisme ou des exportations aériennes. Cet évènement a mis en lumière la fragilité des systèmes mondiaux de transport face aux catastrophes naturelles, entraînant des améliorations dans la gestion des risques. 4. Les émissions de vapeur d'eau Si la Terre est couverte à 70.8% d'eau et dispose d'une atmosphère contenant environ 21% d'oxygène, c'est parce qu'à l'origine elle accréta des petits corps, planétésimaux et comètes riches en eau et aurait été percutée par l'astéroïde Théia également riche en eau. Toute l'eau résultant de ces impacts représente 50% de l'eau existant sur Terre et est aujourd'hui enfouie sous terre, emprisonnée dans les roches et le magma. On reviendra sur l'origine de l'eau. La meilleure preuve que le magma contient des gaz dissous dont de l'eau est d'observer les éruptions volcaniques. Les panaches blancs qui s'en échappent sont composés de vapeur d'eau qui représente 95% des gaz émis par les volcans. Un volcan comme l'Etna en Sicile qui est en éruption permanente libère entre 1 et 2 millions de tonnes d'eau par jour. Si la Terre est restée une planète humide à l'inverse de Vénus et de Mars, c'est notamment grâce au volcanisme qui participe notamment aux cycles de l'eau et du dioxyde de carbone.
Les émissions de vapeur d'eau déterminent le degré d'explosivité du volcan. L'eau est très soluble dans le magma à haute pression (dans la chambre magmatique située en profondeur). A mesure que le magma remonte, la pression diminue et l'eau dissoute se transforme en bulles de vapeur (exsolution du gaz). Si cette formation de bulles est brutale et massive, elle génère une forte surpression pouvant conduire à une éruption explosive. Si du magma chaud rencontre une nappe phréatique (ou une caldera remplie d’eau), la vaporisation soudaine de l'eau liquide peut provoquer des éruptions phréatomagmatiques (ce fut le cas du Krakatoa en 1883). Voici en résumé, le rôle de la vapeur dans le type de magma :
Dans certains cas, des explosions purement phréatiques (sans magma neuf) peuvent se produire. Parmi les volcans présentant des éruptions phréatiques citons le Mayon aux Philippines, le Merapi à Java, l'Eyjafjallajökull en Islande, le Fourpeaked en Alaska et le White Island en Nouvelle-Zélande. Parmi les 130 volcans islandais actifs, les plus dangereux sont le Katla (sous le glacier Mýrdalsjökull), le Grímsvötn (sous le glacier Vatnajökull) et l'Hekla (qui est un stratovolcan sans calotte glaciaire) qui peuvent produire des éruptions explosives ou de grande ampleur. Le Katla par exemple, pourrait provoquer de graves inondations glaciaires et ses panaches de cendres pourraient menacer les populations à l'échelle régionale. Emportées dans la circulation atmosphérique générale, les cendres du Katla peuvent retomber jusqu'au Tibet et en Chine comme ce fut le cas lors de la grande éruption de 1625. La dernière éruption du Katla date de 1918. Il est entré en éruption en moyenne tous les 50 ans (20 à 80 ans) au cours des 1100 dernières années et suit de quelques années celles du Eyjafjallajoekull. Donc on s'attend à ce que le Katla entre prochainement en éruption. 5. Les émanations de dioxyde de carbone Outre de l'eau, le magma contient également du dioxyde de carbone, le fameux CO2 à effet de serre qui réchauffe l'atmosphère, pollue nos villes et affecte notre santé. Ce gaz carbonique atmosphérique se dissout partiellement dans les océans où il est séquestré sous forme de calcaire (CaCO3) puis recyclé dans les zones de subduction jusqu'à ce qu'il repasse en phase gazeuse lors des éruptions volcaniques.
Comme la vapeur d'eau, le gaz carbonique étant plus léger que le magma, il a tendance à remonter en surface à travers les fractures de l'écorce terrestre. Il stagne alors au fond des lacs marécageux dits méromictiques (dont les eaux de surface et de profondeur ne se mélangent pratiquement pas) ou se dissipe à travers la cheminée des volcans ou via les flots de lave qui s'écoulent sur leurs flancs. C'est la raison pour laquelle les coussins de lave (pillow lava) se dégonflent en se refroidissant. Ce dioxyde de carbone étant plus lourd que l'air, il retombe au sol où il stagne sur de vastes étendues. Malheureusement ce gaz est très toxique et même mortel en grande concentration. Etant inodore et incolore, on ne peut pas détecter sa présence sans instrument. Les dégazages brutaux émanant d'un lac sont appelés des éruptions limniques. Le 21 août 1986, suite à un glissement de terrain qui brassa l'eau du lac Nyos (Lwi) situé sur le versant d'un volcan inactif près du mont Oku au nord-ouest du Cameroun, 1 km3 de dioxyde de carbone fut libéré dans l'atmosphère tuant 1746 villageois et des animaux dans un rayon de 26 km. Ce lac de plus de 200 m de profondeur est une menace permanente car selon les estimations, il contient quelque 300 millions de km3 de dioxyde de carbone. Selon les analyses, à 200 m de profondeur, l'eau est à haute pression et contient jusqu'à 16 litres de gaz par litre d'eau. Les éruptions limniques sont similaires à celle d'une bouteille d'eau gazeuse que l'on ouvre brutalement. Si l'eau du lac est de nouveau remuée ou brassée par un glissement de terrain ce fut le cas en 2002, la même catastrophe pourrait se reproduire. Si on ne peut pas éviter ce dégazage naturel, on peut en revanche récupérer le gaz dissout dans l'eau et le convertir en énergie. On réalise ainsi une double économie en réduisant la quantité de dioxyde de carbone présent dans l'eau du lac ce qui réduit le risque d'asphyxie et on permet aux habitants de tirer profit du gaz présent dans ce lac. Un projet est actuellement à l'étude mais il faudra environ 20 ans pour qu'il aboutisse, d'autant que les résultats dépendent surtout de la bonne volonté de l'administration locale. Une éruption similaire s'est produite sur le stratovolcan du Nyiragongo situé en République Démocratique du Congo dans le célèbre Parc National Virunga, à environ 10 km au nord de Goma et du lac Kivu. Avec le volcan bouclier Nyamuragira situé à 40 km, il fait partie de la chaîne de volcans du Rift africain. Le Nyiragongo culmine à 3470 m d'altitude. C'est l'un des plus grands volcans de la planète avec un cratère mesurant 1 km de diamètre contenant un lac de lave permanent. A
voir : Lac Nyos - Éruption limnique du 21 août 1986
Selon le volcanologue italien Dario Tedesco de l'Université de Naples Second (Naples II), le Nyiragongo émet autant de dioxyde de carbone que les 450 volcans actifs réunis, ce qui représente également l'équivalent de toutes les émissions de dioxyde de carbone des industries européennes ! Ce volcan est donc non seulement le plus grand pollueur naturel de la planète mais un tueur en puissance. Comme l'Etna ou le Vésuve, le Nyiragongo est très prisé des touristes, mais d'une année à l'autre les trekkings y sont parfois annulés en raison des éruptions. Ainsi, le 17 janvier 2002, l'éruption du Nyiragongo fissura le flanc sud du volcan sur 13 km, libérant un flot de lave de 200 à 1000 m de large et profond de 2 m qui dévala les pentes à 100 km/h et qui atteignit la ville de Goma située à 10 km de distance sur la rive nord du lac Kivu. L'éuption détruisit au passage 14 villages, 400000 personnes furent évacuées mais 147 personnes furent asphyxiées et périrent suite aux émanations de dioxyde de carbone. Les coulées de lave détruisirent 40% de la ville et laissèrent 200000 personnes sans abris. Aujourd'hui, Goma est toujours menacée par ce volcan. Enfin, rappelons que ce sont les dégazages de dioxyde de carbone par les volcans qui conduisit à l'extinction massive du Permien il y a 250 millions d'années. Ce gaz peut donc être considéré à plus d'un titre comme le plus dangereux puisque la plupart du temps il détruit la vie aérobie soit en l'asphyxiant soit en acidifiant les eaux, empêchant les organismes marins de construire leur coquille. 6. Les solfatares Un solfatare est une zone géologique d'origine volcanique qui dégage par des fissures du sol de la vapeur d'eau et du soufre entre 100 et 300°C. Ce nom se réfère à la région de la Solfatare (la terre de soufre) des Champs Phlégréens (Campi Flegrei) situés dans la ville de Pouzzoles, à l'ouest de Naples, en Italie (cf. cette carte générale). Le site comprend 72 volcans répartis sur 100 km2 et est à ce titre classé parmi les supervolcans. Il génère toujours des séismes, des fumerolles et des bradyséismes (déplacements verticaux du sol) depuis une éruption volcanique survenue il y a environ 4000 ans. Son activité n'a jamais cessé depuis. La Solfatare est couverte de concrétions de soufre et de flaques de boues brûlantes entretenues par la chaleur des fumerolles. La zone recouvre un ancien volcan dont le cratère mesure 700 m diamètre. Le site n'est qu'en partie ouvert au public car non seulement les gaz sont irritants et toxiques mais localement le sol surplombe des cavernes formées par d'anciennes chambres de magma. A
voir : Solfatare
- La Solfatare,
P.Marcel
Les Champs Phlégréens sont actifs depuis 80000 ans et sont donc déjà entrés en éruption. Les plus imporrantes sont celle de l'Ignimbrite Campana survenue il y a 40000 ans et celle qui donna le tuf jaune napolitain survenue il y a 15000 ans. Selon les volcanologues, une nouvelle éruption est imminente (en terme géologique). Elle vient s'ajouter aux risques d'éruption explosive du Vésuve, du Stromboli et des volcans sous-marins de Marsili et Panaréa (ce dernier présentant un important réseau hydrothermal à faible profondeur), tous étant de plus des sources potentielles de tsunamis et situés aux alentours de Naples. La plus grande solfatare, appelée "Bocca Grande" (la grande bouche), produit chaque jour environ 1500 tonnes de dioxyde de carbone et 3300 tonnes de vapeur riche en métaux (bore, sodium, magnésium, vanadium, arsenic, zinc, iode, antimoine, rubidium...) à une température d'environ 160 à 200°C. Historiquement, les Grecs considéraient le site comme l'agora d'Héphaïstos, le dieu du feu qui avait sa forge sous les volcans. Le géographe et historien grec Strabon l'appela le Forum Vulcani par référence à l'entrée des Enfers mytique où régnait le dieu Hadès. En 305 de notre ère, les Romains martyrisèrent des chrétiens dans la Solfatare dont Janvier et Procope, devenus ensuite respectivement les patrons de Naples et de Pouzzoles.
On trouve également des solfatares près d'autres volcans pour citer les célèbres Dallol dans le désert du Danakil en Ethiopie, le volcan Kawah Ljen sur l'île de Java réputé pour ses extractions de soufre et ses flammes bleues de soufre et de nombreux volcans islandais (Hveragerdi, Hverir, Kerlingarfjöll, Krafla, Landmannalaugar, Leirhnùkur, Namafjall, Seltún...) parmi d'autres. 7. Les nuages de dioxyde de soufre : la brume de Laki Les volcans libèrent également du dioxyde de soufre qui peut parfois tuer des millions d'individus, anéantir les récoltes et affecter le climat. On y prête généralement peu attention car le phénomène est relativement rare. Or ce phénomène est très dangereux car il tue en silence et peut modifier temporairement le climat à l'échelle régionale. La mémoire collective a oublié l'éruption du Laki surnommée "Skaftáreldar" (signifiant "les feux de la Skaftá"), un volcan situé dans le sud de l'Islande qui connut une importante activité en 1783 dont toute la presse de l'époque rendit compte car elle plongea toute l'Europe (de l'Islande à la France jusqu'en Croatie et aux Etats-Unis) dans la souffrance, le deuil et la famine durant plusieurs mois.
A l'époque, la population assista à des éruptions effusives sous forme de gigantesques fontaines de lave s'élevant entre 800 er 1400 mètres de haut sur 27 km de long ! En fait, au lieu du Laki nous devrions plutôt considérer le Lakagígar (un mot islandais signifiant "les cratères du Laki") car l'endroit comprend 130 cônes ou cratères volcaniques comme illustré à gauche et qu'on ne peut parcourir qu'en 4x4 et en groupe pour des raisons de sécurité. Dans le cas du Lakagígar alias Laki, les émanations les plus dangereuses furent les nuages de gaz libérés par les fissures et les cheminées volcaniques constitués de millions de tonnes de particules composées de dioxyde de soufre, de chlore et d'acide chlorhydrique. En 1783, ces nuages de gaz provoquèrent plusieurs effets dévastateurs aux conséquences dramatiques et mortelles. A mesure que ces nuages toxiques se propagèrent vers les zones habitées, toute une série de malheurs se sont abattus sur les populations. Si une éruption de gaz et d'acide similaire devait survenir de nos jours, voici les différents évènements que nous pourrions subir. D'abord au cours de sa progression dans l'atmosphère, le dioxyde de soufre va se mélanger avec la vapeur d'eau pour former des gouttelettes d'acide sulfurique (comme les fumées de combustion du charbon). Ajoutés aux cendres, ces aérosols vont réfléchir l'énergie du Soleil qui ne parviendra plus à réchauffer la surface de la Terre comme l'explique le schéma présenté plus bas. Ces nuages d'acide jaunâtres et nauséabonds vont rester en suspension dans l'air et obscurcir la lumière du Soleil, provoquant une chute des températures, éventuellement de violents orages accompagnés de fortes pluies acides. Ensuite, lorsque ce gaz retombera sur les populations et les animaux, au contact des muqueuses humides, le dioxyde de soufre va se transformer en acide sulfurique et tuer les victimes qui agoniront pendant des semaines. Enfin, cet acide brûlera les plantes et les sols. Il s'en suivra une mortalité très importante y compris dans le bétail et une perte totale des récoltes en quelques mois. Ainsi, l'éruption du Laki débuta le 8 juin 1783 pour ne s'arrêter que le 7 février 1784. Il s'agissait d'une éruption fissurale qui activa une chaîne de 130 cratères simultanément, libérant une énergie équivalent à une VEI 6. On estime que cette éruption libéra 8 millions de tonnes d'acide fluorhydrique (HF) dans l'atmosphère, un produit très corrosif et décalcifiant et quelque 120 millions de tonnes de dioxyde de soufre qui se transformèrent en autant de litres d'acide sulfurique mortels ! A voir : Lakagígar : Le guide complet pour explorer le Laki (F206 / F207), Smartrippers Selon les registres de la population de l'époque on estime que 25% de la population d'Islande et un pourcentage comparable de la population anglaise touchée par la brume toxique de Laki périt dans d'atroces souffrances ou mourut de faim ou de froid. Dans les fermes, 80% du cheptel de brebis fut anéanti ainsi que 50% des bovins et 50% des chevaux. La catastrophe ne prit fin qu'au printemps 1785.
Les chroniques anglaises de l'époque relatent la présence d'une brume puante, épaisse et persistante dans de nombreuses villes et villages qui n'avaient jamais connu de brume. Voyant l'aspect lugubre du ciel et la mort roder autour d'eux, certains villageois pensaient que les portes de l'Enfer s'étaient ouvertes et que l'Apocalypse était annoncé. La panique fut telle que les curés de certaines paroisses furent contraints par les villageois de pratiquer des exorcismes pour éloigner le Mal. Durant la journée, d'épais nuages brunâtres cachaient l'éclat du Soleil tandis qu'à l'aube et au crépuscule le Soleil prenait la couleur du sang. Les villageois n'osaient plus sortir de chez eux de crainte de mourir sous les vapeurs toxiques. L'hiver de 1783 fut très rigoureux en Angleterre et les orages anormalement fréquents et violents. On relate même que des pays très éloignés comme l'Inde aurait connut une sécheresse exceptionnelle suite à l'éruption du Laki. Enfin, en Amérique du Nord l'hiver de 1784 fut l'un des plus longs et des plus froids jamais enregistré. Il y eut tellement de neige au New Jersey et au Maryland que les Congressites américains devant voter le Traité de Paris reportèrent leur réunion de quelques semaines. On rapporte également que le Mississippi était gelé à New Orleans et qu'il y avait des glaçons dans le Golfe du Mexique ! Rappelons également que les émanations de soufre ont participé à l'extinction des dinosaures et de 60 à 80% des espèces existantes il y a 65 millions d'années. En effet, les roches de la région du Mexique sont riches en soufre. Sous l'impact du météorite qui percuta le Yucatan à la vitesse de 13 à 25 km/s, les roches furent pulvérisées et ont libéré du dioxyde et/ou du trioxyde de soufre dans l'atmosphère et dans l'eau où il se lia en quelques heures avec les molécules d'eau en créant de l'acide sulfurique. Une partie de cet acide stagna dans l'atmosphère puis retomba sous forme de pluies acides tandis qu'une autre patrie acidifia les eaux de surface, tuant en quelques semaines de nombreuses espèces marines et terrestres qui avaient survécu au premier cataclysme (onde de choc, mégatsunami et incendies). A
voir : Trail by Fire: Lastarría fumarole sampling
Emissions de gaz et profondeur du magma En fonction des émissions de gaz d'un volcan, les scientifiques peuvent estimer la profondeur du magma. Le dioxyde de carbone (CO2) par exemple est beaucoup moins soluble que le dioxyde de soufre (SO2) et s'échappe du magma à des profondeurs plus importantes. Pour donner des ordres de grandeurs, si le volcan émet du CO2, le magma se situe à ~15 km de profondeur. S'il émet du SO2, le magma est à ~4 km de profondeur. L'eau commence à se dégazer à des profondeurs intermédiaires et accompagne souvent les émissions de SO2, d'acide chlorhydrique (HCl) et d'acide fluorhydrique (HF). Ils sont généralement libérés à des profondeurs plus faibles que le SO2, proches de la surface. Quant au sulfure d'hydrogène (H2S), il est souvent en équilibre avec le SO2, et leur rapport peut renseigner sur l'état d'oxydation du magma (état redox). En effet, un magma oxydé (riche en oxygène) a souvent une plus forte teneur en eau, ce qui augmente la pression des gaz dissous et peut favoriser des éruptions explosives. Un magma réduit contient moins d'eau et de gaz volatils, conduisant souvent à des éruptions effusives (coulées de lave plus fluides). 8. Les pluies acides Selon un rapport de l'UNEP, en 2003 les sources naturelles de dioxyde de soufre (SO2) comprenant celles émises par les volcans, stockées dans les océans, produites par les décompositions biologiques et les feux de forêt représentent une production comprise entre 80-280 millions de tonnes d'oxydes de soufre par an. Rien que le volcan Kawah Ijen de Java célèbre pour son lac acide vert et ses flammes bleues produit 6 tonnes de soufre par jour et l'air en concentre suffisamment pour intoxiquer et tuer à petit feu les récolteurs de soufre en quelques dizaines d'années. Notons que l'Etna est le volcan qui produit le plus de soufre à raison d'environ 4000 tonnes de SO2 par jour soit ~10 fois plus que les autres volcans. Les émissions de soufre à l'état gazeux peuvent produire de l'acide sulfurique (H2SO4) et générer des pluies acides. Cet acide se forme en deux étapes. D'abord le dioxyde de soufre émis par le volcan s'oxyde au contact de l'oxygène de l'air pour former du trioxyde de soufre selon la formule : SO2 + 1/2 O2 → SO3 Ensuite, cette molécule se combine à l'eau (ou la vapeur d'eau dans l'air) pour former de l'acide sulfurique (pH < 1), une réaction fortement exothermique : SO3 + H2O → H2SO4 + chaleur L'acide sulfurique est naturellement transparent et incolore mais il peut se colorer lorsqu'il se combine avec des métaux : cet acide devient vert en présence de sels ferriques, bleu en présence de sels de cuivre ou blanc en présence de sels de zinc.
Lorsqu'il est en suspension dans l'air, l'acide sulfurique forme des gouttelettes d'environ 80 microns de diamètre dont une partie va réfléchir la lumière et l'autre partie va absorber son énergie. Si les quantités de cendres et de soufre émises dans l'air sont très importantes (VEI 6 et supérieure), l'atmosphère va se réchauffer tandis que le sol se refroidira. Ce phénomène va modifier le comportement des masses d'air à grande échelle et provoquera un changement climatique temporaire qui peut durer entre quelques mois et plus d'un an avec une chute moyenne de la température globale qui peut dépasser 0.5 ou 1°C. Généralement les pluies acides sont composées d'un mélange de gaz dissous dans les gouttelettes d'eau : oxyde de soufre (SO2 et SO3), oxyde d'azote (NO et NO2) qui réagissent avec l'oxygène (O2) pour former respectivement de l'acide sulfureux (H2SO3) ou sulfurique (H2SO4) et de l'acide nitrique (HNO3). On peut également trouver des traces d'acide chlorhydrique (HCl), d'acide fluorhydrique (HF), d'acide formique (CH2O2), d'acide acétique (C2H4O2), etc. Ces pluies peuvent détruire les récoltes, les bois, les prairies et tuer toute vie dans les lacs et les fleuves à plusieurs dizaines de klilomètres à la ronde pour les éruptions les plus violentes. Concentration atmosphérique : SO2 - PM2.5 - CO - NO2, Windy A voir : Webcams installées près des volcans
Un cas récent est l'éruption du Karymski, le volcan le plus actif de la péninsule du Kamchatka (entre la Russie et le Japon). L'éruption du 2 janvier 1996 fut précédée d'un séisme de magnitude 7.1 qui provoqua un tsunami de 20 m de hauteur. Selon le volcanologue Yuri Taran, durant les 18 heures que dura l'éruption, le volcan libéra 30 à 40 millions de tonnes de matière pyroclastique saturées de fluides acides. Le fallout composé d'un mélange de sodium, de calcium, de magnésium et de sulfates retomba dans le lac de Karymski qui jusque là était composé d'eau douce, très clair et poisonneux. Après l'éruption son pH chuta de 7.5 à 3.2 (du jus de fruit au vinaigre) et la couleur de l'eau d'ordinaire bleue verdâtre devint jaune-orange et turpide. Les poissons ne sont pas morts par l'acide comme dans le film "Le pic de Dante" mais ébouillantés par la chaleur remontant du fond du lac. Après cette catastrophe écologique, il fallut attendre 16 ans pour que la situation revienne presque à la normale. En 2012, on releva dans le lac un pH de 7.54 mais il était devenu trois fois plus salé qu'avant l'éruption et le resta car des sources chaudes alimentent le lac en sels minéraux. Lors de l'éruption du Cumbre Vieja sur l'île de La Palma en septembre-octobre 2021, plusieurs régions du sud de la France ont subi plusieurs épisodes de pluies acides. De plus, durant l'automne et l'hiver, les pluies acides et la neige risquent de libérer l'aluminium dans le sol et tuer les plantes, en particulier à haute altitude où les forêts sont généralement couvertes de brouillard et de nuages qui seront chargés d'eau acide. Les zones urbaines peuvent également être affectées car les pluies acides endommagent les bâtiments, les statues et la carrosserie des véhicules.
Selon les chercheurs, il est possible que l'éruption du Santorin précitée fut à l'origine des fameuses "Dix plaies d'Égypte" relatées dans la Bible. En effet, on retrouve dans le récit de l'Exode des caractéristiques qui correspondraient aux conséquences des retombées d'un nuage de poussière et des pluies acides sur l'Égypte. On y reviendra. Il est certain que dans le passé la Terre connut périodiquement ce type de catastrophes et des bien plus graves encore, telle l'éruption du Toba ou du Yellowstone. Heureusement, elle sut retrouver son équilibre mais non sans subir la perte de millions d'espèces vivantes et en remodelant sa surface. Phénomène assez rare mais bien connu des scientifiques, un volcan peut indirectement déclencher un tsunami dit volcanique. Nous en avons eu un exemple dramatique en Indonésie le weekend précédant la Noël 2018. Le 22 décembre 2018 à 21h30 locale (UTC+7), le jeune volcan Anak Krakatoa sorti des eaux vers 1919 sur l'arc indonésien entre Java et Sumatra connut une éruption majeure (VEI 4) qui pulvérisa son versant sud-ouest. Quelque 24 minutes après l'explosion, un glissement de terrain sous-marin se produisit qui fut à l'origine d'un tsunami volcanique qui déferla sur les îles proches en deux vagues atteignant 5 mètres de hauteur. Alors que ce volcan était surveillé par satellite mais faute de système d'alerte tsunami et glissement de terrain et d'un manque de préparation des autorités, le bilan s'éleva à 430 morts, 154 disparus et 1495 blessés (au 27/12/2018). On reviendra en détails sur ce drame. A lire : Le réveil de l'Anak Krakatoa Les géologues ont également découvert les traces d'un tsunami volcanique survenu en 1343 et documenté dans la littérature survenu suite à l'effondrement du versant nord-ouest du Stromboli surnommé "l'allée de feu" (Sciara del Fuoco) qui s'est formée il y a environ 5000 ans et se prolongue sous le niveau de la mer. Sa pente atteint ~45° par endroit et est donc très instable et est aujourd'hui sous surveillance. Pour rappel, le Stromboli est situé dans l'archipel des îles Éoliennes et fait partie des volcans émergés de la mer Tyrrhénienne (les volcans immergés étant notamment le Marsili et le Panaréa précités). Il est surnommé le "phare de la Méditerranée" car il est en éruption permanente (le plus souvent des éruptions effusives modérées). Bien que ce soit un volcan dangereux, il attire de nombreux touristes. Au Moyen-Âge, une montée de magma du Stromboli provoqua un glissement de terrain qui forma un tsunami de plus de 20 m de hauteur. Dans son cinquième livre des "Epistolae familiares", l'érudit et poète florentin Francesco Pétrarque (1304-1374) décrit une catastrophe survenue à Naples au XIVe siècle qui provoqua la mort de 7000 de personnes qu'on retrouva au matin le corps déchiqueté en bordure de mer et détruisit une centaine de navires. La façon dont les victimes furent tuées et les dégâts occasionnés suggèrent que cette catastrophe résulte du passage d'un tsunami provoqué par le Stromboli. A
voir : Italie - Sicile - Stromboli - Prises de vues aériennes par drone Italie : l'impressionnante éruption du volcan Stromboli (2019), Le Parisien The Tsunami Danger at Mount Stromboli, GeologyHub
Si cela devait se reproduire, le tsunami atteindrait la baie de Naples en 20 minutes et ferait des dommages en Sardaigne, en Corse, sur les côtes italiennes et françaises. Le dernier glissement de terrain du Stromboli remonte à 2002 où 1.8 million de mètres de cube de roche ont provoqué un tsunami de 10 m de hauteur qui fit des dégâts à Stromboli, Panaréa et Ginostra et blessa trois personnes (cf. A.Bonaccorso et al., 2003). A propos de l'assurance contre les catastrophes naturelles A l'intention des touristes visitant des volcans actifs ou en éruption, précisons que les assurances couvrent les catastrophes naturelles mais certaines ne tirent leurs effets par exemple (cas d'un assureur suisse) que pour "un phénomène naturel imprévu et soudain revêtant un caractère de catastrophe. L'évènement causant le dommage est déclenché par des processus géologiques ou météorologiques". On en déduit que sont exclues les éruptions ayant été annoncées (les éruptions sont généralement plus faciles à prévoir que les séismes) et les accidents qui en découlent suite à des comportement irresponsables. Nul n'étant à l'abri d'un accident, mieux vaut donc se renseigner avant de partir sur les conditions d'exclusions de votre police d'assurance. En cas de doute, contactez un volcanologue pour savoir de quelle manière il est assuré en mission et surtout ce que son assurance ne couvre pas. Un homme averti en vaut deux en espérant que ce type d'assurance ne doive jamais tirer ses effets. Enfin, sachant que plusieurs volcanologues sont morts sur le terrain dans l'exercice de leur profession, les mauvaises langues diront qu'il n'est pas prudent d'aller sur un volcan en compagnie d'un volcanologue car sa passion peut faire prendre des risques inconsidérés à son groupe... Mais à choisir entre s'aventurer seul en amateur sur les pentes d'un volcan actif sans savoir où on met les pieds et en étant inconscient de ce qui passe autour de soi ou marcher dans les pas d'un guide volcanologue, le choix est vite fait. Pour plus d'informations Sur ce site L'hypothèse des plumes dans le manteau de la Terre Sur Internet Global Volcanism Program, Smithsonian Institution Volcano Global Update Centre, groupe public Facebook US (géré par le MTU) Earth On Fire, l'actualité volcanologique Volcanoes and volcanism, groupe public Facebook US Webcams installées près des volcans Activités de l'Anak Krakatoa (et webcam) How to Return Lava Rocks to the Islands of Hawai'i, 2020 Sand Atlas (les différents types de laves) Volcanic Rock Classifications and Data (propriétés des roches), U.California Press e-Book Rocks under the Microscope, U.Oxford/OESIS Classification des roches magmatiques, Volcanogeol Classification des roches, CSTC Les minéraux (et la galerie) Du minéral à la roche, Pierre-André Bourque/U.Laval, 2004 Clef d'identification visuelle des roches, Pierre Bédard Liste des roches par taille de grains, GéoWiki Minéralogie des laves de l'Etna, Roberto Clicchiatti/CNRS, 2001 Géologie, présentations et supports de cours en ligne Le volcanisme et les crises de la biodiversité (PDF de 21.7 MB), Pierre Thomas/ENS/OSU Lyon Cours de géologie, Pierre-André Bourque/U.Laval, 2016 Cours de pétrographie, Pierre-André Bourque/U.Laval, 2016 Physical Geology, Karla Panchuk/First University of Saskatchewan Livres Mémo visuel de géologie, Yves Lagabrielle et al, Dunod, 2013 Atlas de Géologie-Pétrologie Jean-François Beaux et al., Dunod, 2013 The Gregory Rift Valley and Neogene-Recent Volcanoes of Northern Tanzania, s/dir J.B.Dawson, Geological Society, 2008. |