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La théorie de la Relativité

La relativité générale : des exemples concrets

La courbure de l'espace-temps et l'effet Lense-Thirring

Pour confirmer ou infirmer les prédictions de la théorie de la relativité générale, en août 2004 la NASA envoya dans l’espace la sonde Gravity Probe B alias GP-B, dans le but de détecter les déformations de l’espace-temps, plus précisément l'effet Lense-Thirring à 642 km d’altitude au-dessus de la Terre. C’était la première expérience de ce genre conduite par les scientifiques. Elle dura un an.

L'effet Lense-Thirring est une précession relativiste. Comme dans le cas de Mercure, au fil du temps, l'orbite d'un objet gravitant autour d'un corps massif change d'orientation. Le temps nécessaire pour que l'orbite revienne à son état initial est appelé le cycle de précession.

En 2004, la NASA lança le satellite Gravity Probe B pour mesurer les déformations de l'espace-temps près de la Terre à travers l'effet Lense-Thirring.

Deux expériences ont été développées : la mesure du principe d'équivalence et la mesure de l'effet géodétique. Quatre gyroscopes, chacun de la taille d'une balle de ping-pong, forment le coeur de cette expérience. Les gyroscopes sont les objets sphériques les plus parfaits que l'homme puisse fabriquer; s'ils étaient agrandis aux dimensions de la Terre, leurs déformations mesureraient à peine 2.5 m de hauteur. Pour l'anecdote, leur forme quasi parfaite leur valut d'être repris dans le "Livre Guiness des Records".

L'expérience Gravity Probe B qui se déroula entre 2004 et 2005 a confirmé les prédictions d'Einstein concernant la dérive gravitationnelle. Documents U.Stanford adaptés par l'auteur.

Au début de l'expérience, l'axe de rotation des gyroscopes était pointé en direction de l'étoile IM Pegasi (HR 8703) servant de repère. A mesure que la sonde spatiale tournait autour de la Terre, pendant près d'une année les chercheurs ont mesuré précisément la position des axes des gyroscopes par rapport à cette étoile.

Ainsi que l’explique Francis Everitt de l’Université de Stanford et responsable de cette mission, sous l’influence des champs gravitationnels, l’axe de rotation des quatre gyroscopes embarqués devait être légèrement affecté par l'effet Lense-Thirring, modifiant l’attitude du satellite par rapport à l’étoile IM Pegasi (HR 8703) servant de référence.

La théorie d'Einstein prédit que sous l'influence des champs gravitationnels, les axes des gyroscopes doivent se décaler très légèrement, modifiant l’attitude du satellite par rapport à l’étoile servant de repère. L’effet géodétique devrait déplacer l’axe des gyroscopes d’environ 6.6"/an, soit 0.0018° par an, le cadre de référence à hauteur du satellite devant se déplacer de 0.041"/an, soit 0.000011° par an.

Les résultats

Au début de 2007, au cours de la conférence de l'American Physics Society, Francis Everitt présenta les premiers résultats de cette mission. Après 18 mois d'analyses, Everitt et ses collègues ont mesuré cet effet géodétique avec une précision correspondant effectivement aux prédictions d'Einstein : la déviation est de 6.6" par an, soit 0.0018° par an, avec une erreur inférieure à 1%, c'est tout à fait exceptionnel.

Concrètement, en raison de l'effet Lense-Thirring induit par le champ gravitationnel de la Terre, le satellite subit une précession relativiste dont le cycle de précession est de 33 millions d'années.

Il est vraiment extraordinaire de constater ce résultat et d'imaginer Einstein jeter un regard par dessus son épaule et nous dire, "vous voyez, j'avais raison, cette théorie est inscrite dans l'univers". Cette mesure est sans précédent en relativité générale.

En complément, Einstein prétendait que tout corps en rotation devait "tirer derrière lui" le continuum l'espace-temps comme une toupie prise dans un tissu, créant une distorsion locale du continuum. Le résultat fut conforme à la théorie.

Rappelons que le projet Gravity Probe B remonte à 1959 mais la NASA annula plusieurs fois la mission. Les critiques prétendaient que la précision recherchée ne valait pas son prix ou la perte de temps. Pour une fois, la science a gagné face aux arguments politiques. Comme le dit Everitt, "N'est-il pas génial de constater combien Einstein avait raison ?".

Notons qu'en 2016, l'effet Lense-Thirring fut observé dans le disque interne des trous noirs et en 2020 dans un système binaire comprenant un pulsar, PSR J1141-6545, confirmant une fois de plus les prédictions de la théorie de la relativité générale d'Einstein.

Le retard de Shapiro

Un autre effet étroitement lié à la déviation des rayons lumineux et découvert par Shapiro dans les années 1920 est le ralentissement d’un signal passant près d’un corps massif.

A l’époque les mesures étaient effectuées de façon passive par réflexion de signaux radars sur les planètes Mercure et Vénus. Plus tard les sondes spatiales ont pris le relais mais leurs signaux étaient tributaires des fluctuations de leur orbite ou la topographie accidentée des planètes, entraînant une petite marge d’incertitude. Ce n’est que depuis l’atterrissage des sondes spatiales Viking sur le sol martien que leurs signaux se sont stabilisés, car les planètes elles-mêmes ont une orbite excessivement stable. Depuis 1976 on a ainsi put supprimer ces fluctuations aléatoires et obtenir la précision souhaitée.

Le retard de Shapiro

Pour un signal passant à une distance do du Soleil, allant de la Terre vers une sonde d’exploration spatiale, la durée du trajet aller-retour est augmentée d’une valeur Δt(μs) :

Δt = 250 (1 - 0.16 ln do)

avec do, la distance exprimée en rayons solaire

Ainsi lorsqu’une sonde spatiale se trouve près de Mars et que cette dernière est en conjonction supérieure avec la Terre, donc lorsqu’elle est située “derrière” le Soleil, aux 42 minutes qu’il faut en temps ordinaire pour que les signaux effectuent l’aller-retour Terre-Mars, il faut ajouter environ 250 μs en raison de la proximité du Soleil qui agit tel un aimant sur le champ électromagnétique, ralentissant la propagation des signaux.

La cosmologie relativiste

Pour résoudre les équations de la relativité générale il faut absolument les simplifier. Puisque la difficulté résidait dans le calcul de la métrique en fonction de la densité de la matière, Alexandre Friedmann et Georges Lemaître ont donc considéré que l’univers était homogène et isotrope. De cette façon, la moitié des composantes des équations de champ de la gravitation se simplifiaient et il n’existait que trois solutions, fonction de la courbure de l’espace-temps. Voyons leur développement.

Le modèle standard FRW

Ω = 1 ρ = ρc Λ = 0

Les “paramètres directeurs” du modèle standard sont le paramètre de densité Ω et le taux d’expansion H car ils conditionnent l’évolution de l’univers. A l’heure actuelle le modèle cosmologique standard Einstein-de Sitter est le meilleur choix qu’aient pu faire les astronomes.

Dans un univers homogène et isotrope, à courbure constante, l’intervalle ds2 entre deux évènements obéit à la métrique FRW et ne dépend pas des angles Φ et θ des coordonnées sphériques comobiles, mais uniquement du facteur d'échelle R(t).

Le rayon de courbure Rc affecte les distances dans l'intervalle dr, de telle manière que 2 points sont séparés d'une distance dl égale à :

Si l'on pose |k| = (Rc)-2, cette équation admet trois solutions :

k = 0, l'espace est euclidien et ouvert

k = 1, l'espace est sphérique et fermé

k =-1, l'espace est hyperbolique et ouvert

Transposés dans l'équation tensorielle d'Einstein, ces équations permettent de décrire la courbure de l'espace-temps :

Le premier terme du membre de gauche en [t-2] est la courbure du temps, le second terme (k) est la courbure de l'espace.

L’équation dynamique d’Einstein établit donc une égalité entre la géométrie, le tenseur d’Einstein, et la matière représentée par le tenseur d’énergie-impulsion. Grâce aux travaux de Friedmann, Lemaître, Gamow et leurs confrères, ces équations sont connues sous le nom de modèle Standard du Big Bang.

L’expansion de l’Univers

La relativité générale explique la dynamique des galaxies. Si localement la Voie Lactée ne semble soumise à aucune force, il en est tout autrement si l'on mesure son déplacement par rapport à une galaxie voisine. En fait, notre Galaxie est composée de matière, elle est donc soumise à l'attraction des corps qui la jouxtent. Elle subit donc une accélération par rapport aux autres galaxies, vers lesquelles elle se précipite.

Pour Einstein, il n'est pas paradoxal de constater que la Voie Lactée soit en même temps au repos et en mouvement par rapport aux autres galaxies. Ne pouvant mesurer leur déplacement vis-à-vis d'un système de référence absolu, ce que nous mesurons comme une vitesse des galaxies ou vitesse comobile provient en fait d'une dilatation de l'Univers lui-même.

L'exemple de la pâte à pain contenant des raisins distribués de façon homogène est une image souvent citée, tout comme l'exemple du ballon sur lequel on a collé des pastilles. Ces deux exemples reflètent ce paradoxe. Qu'observons-nous quand on gonfle le ballon ? Sous l'effet de la dilatation, les pastilles qui représentent les galaxies s'écartent progressivement les unes des autres, donnant l'illusion de se mouvoir. Il n’y a pas un point central à partir duquel toutes les pastilles s’éloignent, à moins de considérer qu’il y en a partout. Les galaxies-pastilles n'ont pas de vitesse propre. En réalité tout fuit tout ! En revanche, le ballon a changé de volume. Il en est de même dans l'Univers.

Mis à part les effets gravitationnels locaux, les galaxies ne se déplacent pas, c'est l'espace lui-même qui se dilate suite au Big Bang. Cette expansion est mesurable par son effet sur la propagation de la lumière (l’effet Doppler) qui, lui-même, est proportionnel au facteur d'échelle de l'Univers (suivant l'inverse de la constante de Hubble).

Le rougissement gravitationnel

Nous venons de constater qu'un corps qui se déplace crée un effet Doppler sur le rayonnement qu'il émet. La lumière est décalée vers le rouge ou vers le bleu, en fonction de son déplacement vis-à-vis de l'observateur. Si l'on place un récepteur au-dessus d'une source lumineuse, le temps que met la lumière pour parcourir une distance h vaut :

Si le récepteur est soumis au champ gravitationnel, sa vitesse croît en fonction de la gravitation d'un facteur gt qui, à la limite tend vers "c". Cet effet Doppler s'accroît selon la relation suivante :

On en déduit que l'énergie d'une particule est augmentée ou diminuée d'un facteur gh/c² si elle monte ou descend d'une certaine hauteur. En pratique, la particule qui se propage vers le détecteur situé au-dessus d'elle "perd" de l'énergie à vaincre la gravitation. Si son énergie est plus faible, sa fréquence diminue. Si la loi de conservation de l'énergie stipule que l'énergie se conserve, on peut considérer que le photon garde sa fréquence, mais que celle-ci semble s'être décalée vers le bleu dans le référentiel de l'observateur (du détecteur). Si la particule chutait vers un détecteur situé en dessous d'elle, le rayonnement aurait été décalé vers le rouge.

Ce principe s'applique à tous les phénomènes périodiques, aux particules sous l'emprise d'un champ gravitationnel (ou en accélération), au rayonnement des étoiles naines, des étoiles compactes, des étoiles massives, aux ondes émises par les sondes spatiales, au rayonnement du corps noir capté sur Terre ou aux horloges en mouvements[12].

Pour confirmer les effets de cette théorie, en 1976 la NASA envoya une fusée Scout en haute altitude. Au cours du vol relativiste, on constata que l'horloge maser embarquée retardait sur celle restée au sol d'un facteur 1/2(v/c)², la relativité restreinte définissant 1/2v² comme étant l'énergie cinétique d'un corps, tandis que l'horloge avançait également sur celle au sol d'un facteur g'h/c², la relativité générale stipulant que g'h est l'énergie potentielle d'un corps porté à la hauteur h (g' est la valeur de la gravitation sur Terre). Dans ce cas, l'expérience démontre que les deux effets s'annulent à 828 km/h vers 2700 m d'altitude. Au-delà, l'effet gravitationnel augmente.

A lire : Passage de S2 au périapse et vérification de l'effet de la relativité

Validation du rougissement gravitationnel près du trou noir supermassif Sgr A* (2018)

Le potentiel de gravité

Pourquoi les horloges battent-elles plus lentement à la surface du Soleil que sur Terre ?

Deux simples équations permettent de comprendre clairement ce phénomène.

Sachant que la force centrifuge F qui agit à une distance r du centre du Soleil vaut :

F = rω2, avec ω la vitesse angulaire

v = Rω, avec R le rayon du Soleil et ω la vitesse angulaire

Le travail ω effectué par cette force F = 1/2 R2ω2.

Sachant que γ = (1 - v2/c2)-1/2, en remplaçant (v/c)2 par (Rω/c)2 la différence de potentiel de gravité existant entre la surface terrestre et la surface du Soleil vaut :

γ = (1 - 1/2(Rω/c)2)-1/2 = 1.0000005

c’est-à-dire que les horloges battent plus lentement à la surface du Soleil que sur Terre; sur le Soleil 1 s = 1.0000005 seconde terrestre, et la lumière solaire rougit par rapport à celle émise dans un laboratoire terrestre situé au sol.

Ce décalage vers le rouge confirme bien la théorie d'Einstein : les horloges battent plus lentement là où la gravitation est la plus forte. On retrouve la dilatation du temps de la relativité restreinte.

Mais ainsi que le constata Einstein, il y a un écueil de taille dans ce raisonnement. Avec un peu d'attention - mais il est exact dans un esprit prérelativiste appliquant la loi du "bon sens" - si l'on accepte le fait qu'un champ électromagnétique puisse être attiré par la matière, la déviation de trajectoire qui en résulte signifierait qu'en relativité générale, la gravitation modifierait également la vitesse de la lumière... "c" ne serait plus une constante !

En effet, les 299792.458 km/s sont invariants lors d'un changement de coordonnées galiléen, ce qui explique que pour deux observateurs situés chacun dans un référentiel animé d'une vitesse uniforme, "c" soit constant. Mais la relativité générale est innovante en ce sens qu'elle attribue des propriétés à l'espace-temps même : en présence d'un champ gravitationnel, le continuum espace-temps n’est pas uniforme car le tenseur métrique Γ s'oriente à chaque instant vers le "puits" gravitationnel, incurvant sa trajectoire, devenant un tenseur de courbure. En d'autres termes pour que "c" reste invariant, dans les conditions de la relativité générale ce n'est pas la lumière qui se courbe en présence de matière mais c'est l'espace-temps qui se courbe, donnant l'illusion que la lumière est déviée. Le terme "relativité" signifie équivalence des points de vue, mais non invariance locale des valeurs.

Ce rougissement gravitationnel est l'un des tests de la relativité générale. Si "c" devait varier, il faudrait changer de théorie...

Prochain chapitre

Les lentilles gravitationnelles

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[12] Cet effet se présente également dans le spectre lumineux des étoiles. Ainsi le spectre du Soleil subit un très léger décalage qui atteint 0.011 A.


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