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La Terre, une planète fragile
La climatologie (I) Ainsi que l'illustration de David A. Hardy présentée à droite le représente bien, la Terre est un présent qui nous est offert, mais un présent dont il faut prendre soin en raison de sa fragilité; une action trop violente ou inconsidérée peut en effet le briser. Telle est la situation dans laquelle se trouve aujourd'hui la Terre et ses habitants : notre biosphère subit la plus importante transformation climatique et environnementale qu'elle ait connue depuis 200 millions d'années. Si nous n'y prenons garde, des évènements incontrôlables se produiront au cours de ce siècle. Ce constat n'est pas un ultimatum mais une prise de conscience. Si ensemble, avec les hommes de décision nous rétablissons l'équilibre du vaissseau Terre, nous aurons tiré la leçon de cette première alarme de l'ère industrielle. A nous maintenant d'aider dame Nature. C'est l'un des objectifs du développement durable. Focalisons-nous sur l'un de ses acteurs dont l'impact est le plus important, le climat. L'étude du climat Pour étudier les effets du climat sur l'environnement et plus généralement sur la biosphère, nous devons "mettre le climat en équations". Mais comment procéder ? Pour étudier l’évolution des climats et établir des prévisions météorologiques à longs termes, les théoriciens ont divisé l'atmosphère terrestre (et partiellement sa surface ainsi que les océans) en mailles plus ou moins resserrées tant en longitude qu'en altitude en fonction de la puissance des ordinateurs. Les phénomènes thermodynamiques qui se produisent dans chaque cellule sont ensuite globalisés dans chaque maille. Ceci leur permet de travailler sur des modèles opérationnels. Le principal inconvénient de cette intégration est de simplifier les équations. De plus, l’influence des océans est souvent négligée car la puissance de calcul et la capacité des ordinateurs sont limitées. Ces modèles incorporent les paramètres physiques standards (température, pression, humidité) ainsi que les équations de Navier-Stockes qui décrivent les mouvements des fluides visqueux. Ces valeurs obéissent bien entendu aux lois classiques de la physique et de la chimie. La solution de ces modèles représente les prévisions météorologiques numériques. A consulter : The Weather Channel (climatologie par ville) Forum climatologie sur Météo Belgium Classification des climats de Köppen, 2001
Mais les prévisions météos et le climat sont deux choses différentes. Les premières visent à prévoir les conditions météos du lendemain ou à quelques jours tandis que la climatologie étudie son évolution à long terme pour dégager des tendances comme par exemple un changement global de régime suite à l'augmentation de l'effet de serre. Les prévisions météos portent leurs effets à court terme et concernent directement les activités humaines tandis que l'étude du climat concerne essentiellement le long terme et intéresse les scientifiques dont les découvertes peuvent influencer certaines décisions politiques, notamment celles touchant les questions d'écologie et d'environnement. On a tendance à croire que les facteurs écologiques qui dominent le climat sont les feux de forêts et les feux des puits de pétrole tels ceux qui brûlèrent au cours de la Guerre du Golfe au Koweït en 1991 où on estime que plus d'un milliard de barils de pétrole ont brûlé et pollué l'atmosphère. Très spectaculaires, ils dégageaient en effet beaucoup de gaz carbonique et de cendres, au point d'obscurcir totalement l'atmosphère de cette région, mais on constate chaque fois que ces catastrophes n’ont de conséquences que localement.
A l’inverse, les fumées qui s’échappent de nos usines et les fumées d’échappements que nous rejetons jour après jour dans l’atmosphère ont des effets plus sournois car ils modifient le climat en profondeur. Et contrairement aux apparences, à part les usines, ce ne sont pas les voitures, les camions ou les avions qui polluent le plus mais les navires de croisières et surtout les porte-conteneurs géants dont la flotte est en expansion. On y reviendra à propos de l'après-Kyoto. L'influence (très faible) des volcans sur le climat Tous les rejets de fumées dans l'atmosphère ne produisent pas nécessairement d'effets climatiques. Ainsi, bien que très spectaculaires, les incendie de forêts, des puits de pétrole ou des dépôts de carburant ne produisent aucun effet sur le climat. En revanche, les éruptions volcaniques et principalements celles des volcans gris peuvent ravager des millions d’hectares en quelques minutes ou en quelques semaines et influencer le climat à différents degrés. Malheureusement nous ne disposons d'aucun moyen pour interrompre leur activité et ne pouvons que subir leurs effets au fil des millénaires.
L'éruption d'un volcan gris comme celui du Pinatubo en 1991 projeta des cendres et des poussières jusqu'à 40 km d'altitude, des coulées pyroclastiques portées à 800°C dévalèrent de ses pentes et il entraîna finalement la mort de 847 personnes. Les volcans gris en particulier influencent le climat durant des mois voire des années car ils déversent dans l'atmosphère des milliards de mégatonnes de cendres et des poussières très légères qui mettent des années à retomber tandis que les microscopiques gouttelettes d'eau en suspension dans les nuages réfléchissent la lumière solaire, provoquant un refroidissant des basses couches et de la surface terrestre. Mais ce changement climatique est peu important et temporaire. Suite à l'éruption du Pinatubo en 1991, les climatologues considèrent qu’il fallut environ 5 ans pour que les cendres volcaniques retombent sur le sol. Pendant ce temps la température moyenne du globe chutant de 0.5°C. Aux latitudes élevées la chute moyenne de la température globale atteignit 1.5°C[1]. Il est certain que dans le passé la Terre connut périodiquement ce type de catastrophes et des bien plus graves encore, telle l'éruption de Santorin, du Toba, du Yellowstone ou pire, l'impact de Chicxulub. Heureusement, elle sut retrouver son équilibre mais non sans subir la perte de millions d’espèces vivantes et en remodelant sa surface. Selon le volcanologue italien Dario Tedesco de l'Université de Naples Second (Naples II), le Nyiragongo (3470 m) qui est le plus grand volcan de la planète avec un cratère de 1 km de diamètre abritant un lac de lave émet autant de dioxyde de carbone que les 450 volcans actifs réunis, ce qui représente également l'équivalent de toutes les émissions de dioxyde de carbone des industries européennes ! Ce volcan est donc non seulement le plus grand pollueur naturel et un influenceur du climat, mais un tueur en puissance. Quant à prétendre comme les climatosceptiques que les volcans sont les principaux émetteurs potentiels de gaz carbonique et donc qu'ils participent majoritairement au réchauffement du climat, cette théorie est fausse. Une étude publiée en 2019 dans le cadre du projet "Deep Carbon Observatory" (Deep Carbon.net) a montré qu'entre 2005 et 2017 l'Homme produisit entre 40 et 100 fois plus de gaz carbonique que tous les volcans terrestres en activité (cf. A.Aiuppa et al., 2019). Les émissions volcaniques de CO2 ne représentent qu'environ 0.3 Gt/an soit à peine 0.8% comparés aux 39 Gt/an produites par l'humanité en une année ! Les périodes de glaciations ont également lourdement affecté l'évolution du climat et des créatures qui ont peuplées la Terre. Peu après la première guerre mondiale (1920-1941), l'astronome serbe Milutin Milankovitch démontra que le cycle des glaciations trouve son origine dans l'effet combiné de trois cycles d'origine astronomique (cf. la Terre) : - Les variations de l'excentricité de l'orbite terrestre (liée à l'influence gravitationnelle des planètes géantes) variant entre 0 et 7% sur 100000 ans - L'obliquité ou inclinaison de l'axe de rotation de la Terre (la nutation) qui varie entre 21°59' et 24°36' sur l'équateur céleste en 41000 ans - La précession ou rotation de l'axe de rotation de la Terre qui oscille autour d'une position fixe en 25800 ans, donnant à tour de rôle la place "d'étoile polaire" à différentes étoiles, dont la Polaire de nos jours. Ces cycles modifient les contrastes saisonniers et les conditions favorisant l’accumulation ou la fonte des glaces. Sur ces variations à relatives courtes périodes se superpose un cycle qui s'étend sur des millions d'années. Depuis 1978, grâce aux travaux du professeur belge André Berger[2], astronome et physicien de l'Université Catholique de Louvain-La-Neuve, nous connaissons aujourd'hui parfaitement l'évolution du climat de la Terre depuis 1.5 million d'années. En convertissant les valeurs d'excentricité, de précession et d'inclinaison de l'axe de la Terre en termes d'insolation, puis en comparant ces résultats aux données géologiques, l'équipe de Berger est par exemple parvenue à démontrer que les fréquences des courbes d'insolation sont stables depuis 10 millions d'années. En revanche, aucune corrélation n'a pu être établie avec le cycle de 11 ans de l'activité solaire ou avec le cycle réduit de 900 ans de l'excentricité orbitale.
En réalité, ainsi que nous l'avons dit implicitement, la Terre n'est pas seulement sensible aux contraintes astronomiques mais également à quantité de facteurs thermodynamiques dont les principaux sont les suivants : - La concentration des gaz à effet de serre : les niveaux de dioxyde de carbone, de méthane et autres gaz à effet de serre dans l'atmosphère influencent directement les températures globales. Pendant les périodes glaciaires, les niveaux de dioxyfe de carbone étaient beaucoup plus bas qu'aujourd'hui. Les changements dans la circulation océanique et les réservoirs de carbone (océans, sols, biosphère) affectent ces concentrations. - Les interactions entre l'océan et l'atmosphère : les courants océaniques, comme l'AMOC, jouent un rôle crucial dans la redistribution de la chaleur. Un ralentissement de l'AMOC peut contribuer au refroidissement de l'hémisphère nord, favorisant des conditions glaciaires. L'océan Austral et les échanges avec la glace de mer influencent aussi les cycles climatiques. - Les rétroactions climatiques : il y a l'effet albedo (les surfaces de glace et de neige réfléchissent davantage de lumière solaire, refroidissant encore plus la planète) et la rétroaction du carbone (des changements dans les températures et la végétation affectent les émissions et le stockage de carbone). - Les facteurs tectoniques et géographiques : la position des continents et des chaînes de montagnes influence les courants océaniques et atmosphériques. Par exemple, l'ouverture ou la fermeture de passages marins peut modifier la circulation globale. La présence de masses continentales aux pôles favorise la formation de grandes calottes glaciaires. - Les évènements volcaniques et les aérosols associés : les grandes éruptions volcaniques injectent des aérosols dans l'atmosphère, réfléchissant la lumière solaire et provoquant un refroidissement temporaire. Une activité volcanique soutenue peut contribuer à des changements climatiques à plus long terme. Tous ces facteurs interagissent de manière complexe et à des échelles de temps différentes, façonnant les cycles glaciaires et interglaciaires observés au cours des derniers millions d'années.
Ainsi pour le paléoclimatologue, la position d'une plaque continentale à une certaine époque peut empêcher une glaciation; en fonction de la latitude la circulation océanique ou atmosphérique peut créer des changements de température et de la quantité de précipitations (uniformisation ou différenciation), phénomène que nous connaissons aujourd'hui sous le nom de phénomène El Niño ou El Niñas; la biosphère peut modifier la composition chimique de l'atmosphère (effet de serre); enfin l'albedo peut influencer l'énergie servant à la "fabrication" du climat. Toutes ces considérations permettent par exemple aux chercheurs d'affirmer qu'il y a 900000 ans[3], époque à laquelle vécu l'Homo erectus, il y eut une baisse globale de température de 3°C et une baisse de 100 mètres du niveau des océans. Inversement, à l'époque de l'Homo sapiens il y a 125000 ans, l'insolation de juillet était 12% supérieure à celle d'aujourd'hui. Puis, il y a environ 21000 ans, à l'époque de l'homme de Cro-Magnon, il y eut une baisse moyenne de 4°C dans l'Atlantique Nord (cf. ENS). Ce fut le dernier maximum glaciaire. Durant cette période, le niveau des mers baissa de 125 mètres (cf. J.Chappell et al., 1996; K.G. Miller et al., 2020) et la surface des terres émergées augmenta de 20 millions de kilomètres carrés. Il y environ 11700 ans, durant l'évènement de Dansgaard-Oeschger (ou évènement D–O), le climat se réchauffa brutalement d'environ 8° en 40 ans et de 15° au total pour atteindre le niveau actuel en l'espace d'un siècle. Il y a 10000 ans le niveau des mers était déjà remonté de 50 m. Si nous sommes actuellement dans une période interglaciaire, à très long terme tout semble indiquer que la prochaine glaciation surviendra dans 25000 ans avec le retour d'un maximum glaciaire dans 60000 ans. Le volume des glaces atteindra alors 25 millions de km3, soit 8 fois plus qu'à l'heure actuelle.
Mais il y a une différence importante entre la situation actuelle et les précédentes périodes glaciaires et interglaciaires en raison des impacts croissants des activités humaines sur les écosystèmes (cf. R.Cheddadi et al., 2006). Si l'effet de serre se renforce à long terme, la période glaciaire sera retardée de 15000 ans et le maximum glaciaire se verra amputé d'au moins 7 millions de km3 de glace. En fait, si l'effet de serre est renforcé, la calotte polaire boréale Groenland compris - pourraient disparaître d'ici quelques siècles. Selon une étude sur le réchauffement climatique de 10°C survenu lors de l'extinction massive du Permien-Trias, il y a ~252 millions d'années, si le réchauffement du climat en réponse à l'augmentation du CO2 se poursuit au rythme actuel, nous atteindrons le même niveau d'émission que lors de cette extinctive massive (jusqu'à ~2500 ppm de CO2 selon Y.Wu et al., 2021), dans environ 2700 ans, soit beaucoup plus rapidement qu'à la limite Permien-Trias. Mais nous verrons que d'autres scénarii sont plus alarmants encore. Il faut en déduire qu'une hécatombe massive s'annonce dont les humains risquent cette fois de compter parmi les victimes. Espérons que les modèles se trompent... Un contrôle strict des émissions de gaz à effet de serre et donc des combustibles fossiles pourrait améliorer ces effets néfastes mais pas assez rapidement pour les éliminer. La reforestation à grande échelle par exemple est une solution qui permet de piéger le gaz carbonique, mais cette tâche est tellement vaste qu'elle équivaut à planter une nouvelle Amazonie en l'espace de 50 ans ! Cet exemple est peut-être utopique mais sur le principe il correspond bien au défi qui nous attend si nous ne changeons pas nos habitudes et si les gouvernements ne modifient pas tout de suite leurs lois en matière d'écologie (ce que certains sont déjà en train de faire). Les modèles numériques sont malheureusement très incomplets. Les experts croient par exemple que les âges glaciaires les plus récents n'évoluent pas en fonction de l'effet de serre mais obéissent à des quantités saisonnières d'insolation (cf. L.François et al., 1988) qui, nous le savons, dépendent des petites variations de l'inclinaison de l'orbite terrestre. Ces perturbations cycliques sont le résultat de l'interaction Terre-Lune dont l'origine est gravitationnelle. Son influence est très importante. Tous les modèles paléoclimatiques tiennent compte de cette insolation, ne fut-ce qu'implicitement, les fluctuations des émissions de dioxyde de carbone amplifiant tout le phénomène. En raison d'une réduction significative de l'intensité du champ magnétique et de l'activité solaires, au cours des derniers millénaires, le Soleil connut plusieurs grands minima d'activité : le minimum Homérique entre ~2830 et 2600 ans BP (avant le présent) comprenant un minimum plus fort entre 2750-2635 ans BP et un minimum secondaire entre 2614-2594 ans BP. Le minimum Homérique est parfois intégré dans un Grand Minimum Solaire plus long appelé le "minimum de Hallstattzeit" survenu entre 2905-2200 ans BP qui comprend également un deuxième minimum entre 2460-2260 ans BP (cf. G.Zanchetta et al., 2022; P.Harding et al., 2022; M.Luján García et al., 2024). Le minimum Homérique produisit un changement climatique dans l'hémisphère nord connu sous le nom d'anomalie climatique homérique (ou oscillation climatique homérique). Durant cette période, l'ouest de l'Amérique du Nord et l'Europe sont devenus plus froids, avec un climat similaire au minimum de Spörer survenu vers l'an 1500 de notre ère (cf. M.R. Kilian et al., 1997). Mais on ignore si le temps est devenu plus sec ou plus humide. Les régions occidentales et l'Atlantique Nord sont peut-être devenues plus humides et les parties orientales de l'Europe se sont asséchées. Ce Grand Minimum Solaire est associé à l'époque froide de l'Age du fer (cf. M.E. Kylander et al., 2019), au déclin du royaume d'Urartu en Arménie (cf. M.Robles et al., 2022) et peut-être à une interruption culturelle en Irlande. Dans une étude publiée dans la revue "Temperature" en 2020, Valentina Zharkova, astrophysicienne et professeur de mathématique à l'Université de Northumbria, au Royaume-Uni, déclara que le Soleil est de nouveau entré dans une telle période, appelée le "Grand Minimum Solaire" moderne. Selon Zharkova, cette période s'étend de 2020 à 2053 comme lors du minimum de Maunder, entraînant une réduction notable de la température (lire aussi V.Zharkova et al., 2015).
Dans ses conclusions, Zharkova affirme que "les progrès récents dans la compréhension du rôle du champ magnétique solaire dans l'évolution de l'activité solaire a permis de réaliser des prédictions fiables à long terme de l'activité solaire à l'échelle du millénaire." Mais nous verrons que cette affirmation n'est pas exacte car de nos jours, les prédictions du cycle solaire ne sont relativement fiables que sur un ou deux cycles solaires car elles sont toujours limitées par la précision des données disponibles (cf. les modèles solaires). Ceci dit, cette approche a effectivement révélé la présence non seulement des cycles solaires de 11 et 22 ans mais aussi d'un grand cycle solaire d'une durée de 350 à 400 ans. Selon Zharkova, "Ces grands cycles sont formés par les interférences de deux ondes magnétiques de fréquences proches mais non égales produites par la double action de la dynamo solaire à différentes profondeurs du Soleil. Ces grands cycles sont toujours séparés par de grands minima solaires de type minimum de Maunder, qui se sont régulièrement produits dans le passé, formant les célèbres minima de Maunder, Wolf, Oort, Homérique et autres grands minima. Pendant ces minima solaires majeurs, il y eut une réduction significative du champ magnétique solaire et de l'irradiance solaire, et une baisse des températures terrestres pour ces périodes dérivée de l'analyse de la biomasse terrestre au cours des 12000 dernières années ou plus." Le dernier Grand Minimum Solaire s'est produit pendant le minimum de Maunder qui dura 65 ans, de 1645 à 1710. Pendant cette période, les températures ont chuté dans une grande partie de l'hémisphère nord. Cela s'est probablement produit parce que l'irradiance solaire totale chuta de 0.22%, entraînant une diminution de la température terrestre moyenne mesurée principalement dans l'hémisphère nord en Europe de 1.0 à 1.5°C. Cette diminution apparemment minime de la température moyenne dans l'hémisphère nord entraîna toutefois le gel des rivières, des hivers longs et froids et des étés froids. Selon Zharkova, "La découverte de la double action dynamo du Soleil nous a donné un avertissement opportun concernant le Grand Minimum Solaire à venir, lorsque le champ magnétique solaire et son activité magnétique seront réduits de 70%." Pendant ce Grand Minimum Solaire, on devrait s'attendre à une réduction de la température terrestre moyenne jusqu'à 1°C, en particulier pendant les périodes de minima solaires entre les cycles 25-26 et 26-27, par exemple dans la décennie 2031-2043.
Sur le plan climatique, Zharkova nous rappelle que "Le Soleil est la principale source d'énergie pour toutes les planètes du système solaire. Cette énergie arrive sur Terre sous forme de rayonnement solaire de différentes longueurs d'ondes, appelé l'irradiance solaire totale. Les variations de l'irradiance solaire conduisent au réchauffement de la haute atmosphère planétaire et à des processus complexes de transport de l'énergie solaire vers la surface de la planète." Concrètement, ce phénomène pourrait avoir des implications importantes sur la croissance de la végétation, l'agriculture, l'approvisionnement alimentaire et les besoins de chauffage partout sur Terre d'ici 2050. En outre, ce refroidissement global pendant le prochain Grand Minimum Solaire peut compenser pendant trois décennies tout signe de réchauffement climatique et nécessiterait des efforts intergouvernementaux pour résoudre les problèmes de chauffage et d'approvisionnement alimentaire pour l'ensemble de la population de la planète. Selon Zharkova, "La baisse de la température terrestre au cours des 30 prochaines années peut avoir des conséquences importantes pour différentes parties de la planète sur la croissance de la végétation, l’agriculture, l’approvisionnement alimentaire et les besoins en chauffage dans les hémisphères nord et sud. Ce refroidissement global au cours du prochain grand minimum solaire (2020-2053) peut neutraliser pendant trois décennies tout signe de réchauffement climatique et nécessiterait des efforts intergouvernementaux pour résoudre les problèmes de chauffage et d’approvisionnement alimentaire pour l’ensemble de la population de la Terre." Il faut toutefois prendre les résultats de cette étude et les conclusions de Zharkova avec prudence en raison même du peu de fiabilité qu'on peut accorder à de telles prédictions à moyen terme. En effet, à ce jour les prédictions à 20-50 ans sont toujours peu fiables bien qu'on puisse établir des tendances en fonction des schémas cycliques passés. Quant aux prévisions à plus de 100 ans, elles ressemblent davantage à des extrapolations statistiques qu'à des prédictions physiques précises. Glaciation et séquestration du gaz carbonique Étant donné que l'océan est le plus grand réservoir de carbone, des changements de la circulation océanique ont probablement joué un rôle clé dans les variations des concentrations du gaz carbonique dans l'atmosphère observées dans les archives des carottes de glace (voir page 3). Cependant, jusqu'à présent nous n'avions pas une compréhension mécanique du rôle des océans dans la régulation du gaz carbonique sur des échelles de temps de millions d'années. Pour comprendre comment fonctionne le processus de glaciation et son déclenchement, Alice Marzocchi, aujourd'hui au Centre national océanographique du Royaume-Uni, et Malte F. Jansen, auteur d'une précédente étude sur le sujet, ont analysé les résultats de reconstitutions paléo-océanographiques et ont découvert que la distribution des masses océaniques à l'échelle mondiale subit d'importants réarrangements glaciaires et interglaciaires au cours des derniers 2.5 millions d'années (cf. A.Marzocchi et al., 2019).
Les chercheurs ont réalisé des simulations numériques d'un âge glaciaire de la mer-océan à partir d'un modèle de circulation générale à un seul bassin, imposé uniquement par le refroidissement atmosphérique afin de prédire les schémas de circulation océanique associés à une séquestration accrue du carbone atmosphérique au fond des océans. Dans leur simulation, l'atmosphère se refroidit suffisamment pour que la banquise Antarctique se forme. On sait que l'océan Austral qui entoure l'Antarctique joue un rôle essentiel dans la circulation océanique, car c'est une région où les eaux profondes remontent en surface avant de disparaître à nouveau dans les abysses. Par conséquent, l'augmentation de la banquise Antarctique a des effets significatifs sur le climat. Les chercheurs ont découvert que dans de telles conditions, les eaux profondes de l'Antarctique sont plus isolées de la surface de la mer en raison de la combinaison de deux facteurs : la réduction des échanges gaz-air sous la glace de mer autour de l'Antarctique et un mélange plus faible avec les eaux profondes de l'Atlantique Nord en raison d’une interface moins profonde entre le sud de l'Antarctique et les masses d'eau provenant du nord. Si la couche de glace modifie la circulation océanique, elle empêche également physiquement l'échange de dioxyde de carbone avec l'atmosphère. Cela signifie que de plus en plus de carbone est séquestré au fond des océans et y reste. Moins de dioxyde de carbone dans l'atmosphère entraîne un refroidissement de la planète. Selon Marzocchi, "cela suggère que c'est une boucle de rétroaction. À mesure que la température baisse, moins de carbone est libéré dans l'atmosphère, ce qui accentue le refroidissement." Ces changements physiques suffisent à eux seuls à expliquer l'abaissement d'environ 40 ppm du CO2 atmosphérique, soit environ la moitié de la variation glaciaire-interglaciaire. Ces résultats soulignent que le refroidissement atmosphérique pourrait avoir directement provoqué la réorganisation des masses d'eau profonde des océans et par conséquent, la réduction du CO2 glaciaire. Cela constitue un pas important vers une image cohérente des climats glaciaires. Eau de fonte glaciaire et séquestration du gaz carbonique Si la banquise favorise la séquestration du CO2 au fond des océans en réduisant les échanges gaz-air, paradoxalement les eaux de fonte glaciaire participent également à la séquestration du gaz carbonique. Dans une étude publiée dans les "PNAS" en 2019, le biogéochimiste Kyra A. St. Pierre de l'Université d'Alberta et ses collègues ont montré qu'à mesure que les glaciers se retirent (ou avancent) au fil des ans, ils forment de grandes quantités de sédiments très fins qui s'ouvrent sur le paysage. Les eaux de fonte glaciaires entrainent ces sédiments, les enrichissant en minéraux. Ces rivières d'eau de fonte alimentent ensuite des lacs glaciaires riches en minéraux. Le dioxyde de carbone peut alors couler librement à la surface de l'eau, l'eau de fonte pouvant à la fois absorber ou libérer ce gaz.
Dans une rivière ordinaire, les organismes consomment des matières organiques et émettent du CO2. Ainsi, la rivière devient un producteur net de carbone car elle est saturée de CO2, ce qui fait que l'eau ne peut plus dissoudre le CO2 présent dans l'air. Il en va de même pour les étangs et les lacs du monde entier : ce sont des émetteurs de gaz à effet de serre. En revanche, les eaux de fonte glaciaires n'ont pas cette "respiration organique"; elles peuvent donc dissoudre davantage de CO2 présent dans l'air. Les sédiments que l'eau de fusion ramasse au cours de son périple consomment à leur tour le CO2 dissous dans l'eau. Selon St. Pierre, "les sédiments se mélangent dans l’eau et se mélangent au dioxyde de carbone de l’atmosphère, ce qui modifie la composition chimique de la rivière lorsqu’elle se déplace en aval." Lorsque les sédiments réagissent avec le CO2, une partie de la matière se dissout, de sorte que la rivière ou le fleuve lui-même devient un important puits de carbone. Selon les chercheurs, au cours de la saison de fonte relativement basse de 2016, les rivières du bassin versant Arctique du lac Hazen situé sur l'île de Ellesmere à l'extrême nord du Canada (Nunavut, 81.8°N 70.4°O) ont consommé chaque jour deux fois moins de carbone par mètre carré que la forêt amazonienne. Mais l'année précédente, qui a vu une fonte des glaces trois fois plus importante, sur une longueur de 42 km les rivières ont consommé en moyenne deux fois plus de CO2 que l'Amazone ! À un moment donné, les eaux de fonte capturaient 40 fois plus de CO2 que l'Amazonie par mètre carré ! Ceci dit, la comparaison s'arrête là car la forêt amazonienne s'étend sur 2 millions de kilomètres carrés, une étendue qui éclipse la petite taille de ce bassin versant Arctique. Bien sûr, les conclusions de cette étude ne signifient pas que les pollueurs peuvent profiter des eaux de fonte des glaciers pour continuer à émettre des gaz à effet de serre. Certes, ces rivières et ces lacs absorbent du CO2, mais en même temps il y a également d'autres changements en Arctique qui accentuent le dégagement de CO2 suite au réchauffement du climat. Ainsi, comme en Russie, le dégel du permafrost est en train de libérer du dioxyde de carbone (et du méthane), dont les quantités et les effets ne peuvent pas être compensés par la séquestration dans ces rivières et ces lacs glaciaires. Les archives paléoclimatiques Dans la vaste science qu'est la paléontologie, d'autres témoins du passé viennent confirmer ces évènements. Tout le monde connaît la dendrologie, l'étude des cernes de croissance des arbres. Les immenses séquoias de Californie par exemple (Sequoiadendron giganteum) qui peuvent s'élever jusqu'à 88 m de hauteur pour une largeur de 8 m à la base couvrent 8500 ans d'histoire, la cellulose s'imprégnant de l'amplitude des précipitations et de l'activité solaire année après année.
En minéralogie, il y a également les grands stalactites et stalagmites dont les lamines semi-circulaires de croissance appelées spéléothèmes renferment des données sur l’état climatique de la grotte et de sa région parfois durant plusieurs dizaines de millions d’années; les glaces polaires qui, par carottage, nous renseignent sur la température et la composition de l'atmosphère des 150000 dernières années; les coraux (la sclérochronologie) qui nous informent sur les variations de température et le niveau des mers tropicales depuis 100000 ans; les pollens des tourbières (palynologie) qui témoignent de la couverture végétale des 300000 dernières années; enfin les fonds océaniques et les roches sédimentaires avec leurs lots de fossiles (paléontologie) dont ceux des foraminifères qui permettent de tracer l'évolution de la Terre et des organismes ainsi que la chimie des océans sur des durées se chiffrant en dizaines de millions d'années et localement en milliards d'années. Si les reconstitutions climatiques d'André Berger coïncident assez bien avec le passé, nous sommes tout naturellement tenté d'envisager les conséquences à longs termes des modifications que nous introduisons dans le climat. Ce sera l'objet des prochains chapitres. Prochain chapitre
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