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La Terre, berceau de l'Humanité

Avant-propos (I)

Que ce soit du sol ou vue de l'espace, la beauté de la Terre est exceptionnelle et provoque une grande émotion en chacun de nous. Ce beau globe bleu azur comme suspendu dans l'éternité affiche des océans sur les trois-quarts de sa surface, une circulation atmosphérique turbulente et des zones continentales plus ou moins colorées.

Avec ses étendues bleues parsemées de bandes nuageuses éparses et ses taches continentales délicatement ciselées dont la couleur se modifie au gré des saisons, la Terre ressemble à un organisme vivant à l'origine de la théorie de Gaïa. Mais quoiqu'on pense de cette théorie, la Terre est une entité autonome ce qui en soi est déjà merveilleux d'un point de vue thermodynamique et presque ou carrément miraculeux sur le plan biologique.

La troisième planète du système solaire dans l'ordre des distances est un cas unique. En orbite autour d'une banale étoile située quelque part en périphérie de la Voie Lactée, la Terre a le privilège d'abriter la vie. C'est la seule planète connue où la vie ait pu se développer. Le milieu très dense, relativement protégé et chaud était propice au développement de la chimie organique. Le hasard et la nécessité firent le reste mais sans pour autant invoquer une prédestination. Cela ne veut pas dire que la vie n'existe pas ailleurs et nous prendrons le temps d'examiner cette question dans le dossier consacré à la bioastronomie.

A voir : Image IR de la Terre à 12h GMT

L'étude de la Terre embrasse de nombreuses disciplines qui mêlent la météorologie, la géologie, l'océanographie, la géographie, la volcanologie, la sismologie mais aussi la biologie, la biochimie, la géodésie, le géomagnétisme, la mécanique céleste et une quantité de sciences nouvelles basées sur l'exploration spatiale pour ne citer que la télédétection.

A travers son extraordinaire diversité notre planète justifie bien plus qu'une encyclopédie pour cerner tous les mécanismes qui la gouvernent, les propriétés de la matière inerte et vivante. Nous ferons ici un résumé succinct des principales propriétés de cet écosystème complexe dont les éléments sont en harmonie, en parfaite symbiose les uns avec les autres depuis des milliards d'années.

Nous passerons dans cet article les thèmes suivants en revue :

- Les lois de la mécanique céleste (cette page ci)

- La géodésie et la géologie

- La structure tectonique

- La structure géomagnétique

- L'atmosphère

- Les océans.

D'autres sujets ont été traités dans des articles séparés tels que les grandes étapes de l'évolution de la Terre et de la vie, le volcanisme, les marées, vagues scélérates et tsunamis, les régions polaires, la météorologie, l'évolution du climat et les questions écologiques et environnementales.

Les lois d'une mécanique complexe

La Terre se situe à environ 149597870 kilomètres du centre du Soleil, distance qui définit également l’étalon de l’Unité Astronomique (UA). En réalité, orbitant sur une trajectoire légèrement elliptique (excentricité de 0.0167), au périhélie (en hiver dans l'hémisphère nord) la Terre se trouve à 147 millions de km du Soleil et à 152 millions de km à l'aphélie (en été dans l'hémisphère nord). Sa vitesse moyenne orbitale est de 29.78 km/s.

A voir : Comment démontrer que la Terre est ronde en effectuant un vol triangulaire

La démonstration anti Terre plate par Wolfie6020

Quel lieu se trouve aux antipodes ?

Oui, la Terre est ronde et même sphérique !

A gauche, deux siècles avant notre ère, Eratosthène remarqua que le 21 juin l’ombre du Soleil à Alexandrie et à Sienne faisait un écart de 7.20°. Cet écart ne pouvait s’expliquer que par la courbure de la Terre. Cet écart représentait 5000 stades égyptiens (de 157.50 m) qui, reportés sur toute la circonférence représentait 252000 stades égyptiens, soit environ 39690 km (comparée à la valeur moderne de 40075 km). Le calcul d'Eratosthène présente une incertitude de 0.1% et deux erreurs mais qui par chance se compensent. Mais il faudra attendre 1700 ans pour que sa théorie soit prise au sérieux par Copernic. Au centre, une manière simple de prouver que la Terre est ronde : à midi à l'équateur, il fait nuit aux antipodes alors que si la Terre était plate, il n'y aurait jamais de nuit à la surface de la Terre, CQFD. A droite, la Terre photographiée par le satellite Landsat 8 de la NASA en 2015 complétée par les données bathygraphiques de la NOAA. Les couleurs ont été rectifiées. Documents T.Lombry et NASA/Landsat/NOAA.

Notre planète se caractérise par ses 4 saisons (et 2 sous les tropiques), phénomène météorologique induit par l'inclinaison de son axe de rotation (ou obliquité sur l'écliptique) de 23°26'10.5" (2023) par rapport à la normale. Cette inclinaison a pour autre conséquence de répartir inégalement la chaleur. Ainsi dans l'hémisphère nord, l'hiver dure trois jours de moins que l'été et est moins rigoureux que celui de l'hémisphère sud qui se produit six moins plus tard. L'été est également moins torride dans l'hémisphère nord que dans l'hémisphère sud. Enfin, c'est parce que l'orbite terrestre est légèrement elliptique, que la Terre ne parcourt pas les quatre époques de l'année à la même vitesse, en application de la loi des aires de Kepler.

Mis à part l'impression que vous ressentez lorsque vous avez trop copieusement arrosé un repas , la Terre tourne également sur elle-même, effectuant une rotation complète en 23h 59m 4s qui définit la longueur ou durée du jour. A ne pas confondre avec la durée du jour sidéral de 23h 56m 4.1s qui est aussi la période de révolution des satellites géostationnaires évoluant à ~35786.16 km d'altitude.

Suites aux perturbations gravitationnelles, les paramètres orbitaux varient au cours du temps et donc la durée du jour n'a pas toujours été de 24 heures. Faisons une petite digression bien surprenante.

Calcul de la durée de l'année tropique. Grâce à la 3e loi de Kepler inventée au XVIIe siècle ("le carré de la période sidérale T d'un astre est directement proportionnel au cube du demi-grand axe a de la trajectoire elliptique de l'astre") on peut calculer la longueur de l'année terrestre, c'est-à-dire la période ou révolution sidérale.

Suite aux perturbations engendrées par les marées sur lesquelles nous reviendrons et autres frottements des plaques tectoniques sur l'écorce terrestre, la Terre subit un freinage séculaire qui rallonge la durée du jour d’environ 2 millièmes de seconde par siècle. "Chiquenaude, pichenette", me direz-vous mais qui est loin d’être négligeable au fil du temps. Constatez par vous-même.

Il y a environ 4 milliards d’années, lorsque la vie est apparue sur la Terre, celle-ci tournait comme une toupie, ou presque; la longueur du jour dépassait à peine 6 heures ! Ensuite, durant l'époque Archéenne cette durée a progressivement augmenté de 14 à 18 heures entre 3.8 et 2.5 milliards d'années. Il y a 550 millions d’années, au tout début du Cambrien, les premiers animaux marins devaient se contenter de 20 heures. Les trilobites et la majorité des coraux ne s’y sont visiblement pas habitués et se sont éteints. Dans 5 milliards d’années nous aborderons les “anni horribilis” lorsque le Soleil deviendra une géante rouge en grillant peut-être la Terre sur son passage.

Dans quelques milliards d'années, l’orbite de la Terre sera légèrement plus grande et la durée du jour sera égale à la durée du mois. Très pratique quand on doit achever en un jour le travail d’un mois ! Ensuite, comme un problème ne vient jamais seul, vous n’aurez pas assez de 24 heures, ni même de 48 mais bien de 47 jours pour voir le Soleil se lever à l’Est ! Enfin, s’il se lève car à cette époque il sera devenu une petite étoile naine noire qu’il sera vain de vouloir localiser dans le ciel. Dernier point, si quelqu’un vit encore sur la Lune à cette époque là, il constatera qu’il fallut pas moins de 15 milliards d’années pour que la Terre synchronise sa vitesse de rotation sur celle de la Lune. Les communications avec les bases lunaires seront plus aisées puisque à l’instar de la Belle de nuit, cette fois ce sera la Terre qui présentera toujours la même face aux rares sélénologues. Encore faut-il qu'il y ait quelqu'un sur ces mondes devenus stériles puisque le Soleil aura tout grillé sur son passage... Mais revenons à notre sujet.

Hormis l’inclinaison de son axe, l’ellipticité et l’allongement de son orbite, quantité d'autres variations cycliques, créées par les masses en mouvements, l'attraction de la Lune et des planètes rendent le mouvement de la Terre très complexe. Parmi ces irrégularités nous pouvons citer :

- Une orbite excentrique variant entre 0 et 7% sur 100000 ans. C'est l'excentricité orbitale.

- Une oscillation du plan de l'orbite terrestre qui pivote sur lui-même en effectuant un tour complet en 21000 ans.

- Une précession de l'inclinaison de l'axe terrestre qui, tel une toupie, oscille autour d'une position fixe en 25800 ans, donnant à tour de rôle la place "d'étoile polaire" à différentes étoiles: α Draconis 2000 ans avant notre ère, la Polaire aujourd'hui, Aldéramin dans 5000 ans, Véga dans 11000 ans, etc.

- Une obliquité de l'écliptique précitée qui s'incline entre 21°59' et 24°36' sur l'équateur céleste en 41000 ans.

- Le mouvement d'inclinaison de l'écliptique suit lui-même le mouvement d'une toupie dont la principale perturbation est la nutation. L'axe du pôle suit ainsi une sinusoïde irrégulière en forme d'ellipse d'une période de 18.7 ans.

- Une oscillation du globe terrestre associée à la variation saisonnière des masses d'air et d'eau qui déplace la position des pôles. Cette dérive atteint 0.25"/an (où l'équivalent de 8 m à la surface des pôles) suivant une spirale irrégulière. C'est la polhodie.

D'autres anomalies viennent compléter ces irrégularités, telles que la fréquence des marées, le régime des vents, les séismes et l'activité du magma. Tous ces mécanismes rendent la mécanique céleste très pointilleuse mais permettent d'élaborer des modèles très précis des mouvements de la Terre.

A consulter : Earth Fact Sheet, NASA-GSFC

Ci-dessus à gauche, le système ou plutôt le couple Terre-Lune photographié au cours de la mission Artémis 1 le 28 novembre 2022 depuis le vaisseau Orion de SpaceX à une distance de 432210 km de la Terre. La Terre et la Lune étaient séparées d'environ 366930 km. Document NASA/ESA/JSC/Mission Artémis traité par Jason Major. A doite, la géométrie planétaire. Ci-dessous à gauche, la taille des continents et des pays selon la projection de Mercator (en clair) comparée à leur taille réelle. A droite, les mouvements de la Terre, de la Lune et de Soleil autour de la Voie Lactée. Documents T.Lombry et Neil Kaye via BoredPanda.

La durée du jour

Des études multidisciplinaires (astrophysiques, géologiques, zoologiques et climatologiques notamment) ont montré qu'il y a plus de 4 milliards d'années, la durée du jour - la période de rotation de la Terre - était inférieure à 6 heures puis entre 3.8 et 2.5 milliards d'années elle passa progressivement de 14 à 18 heures pour se stabilisa à 20 heures pendant plus d'un milliard d'années suite à l'effet d'une marée atmosphérique générée par le Soleil. Ensuite, depuis 550 millions d’années, la durée du jour augmenta progressivement jusqu'à sa valeur actuelle d'environ 24 heures. Aujourd'hui, la durée du jour continue de s'allonger au rythme d'environ 1.7 milliseconde par siècle. On reviendra en détails sur ce phénomène et l'effet du réchauffement du climat sur la durée du jour.

L'escorte de la Terre

Depuis la nuit des temps, la Terre et la Lune ont formé un couple au sens physique du terme ainsi qu'on l'expliquera dans les pages consacrées à la Lune. Mais en vertu des lois chaotiques de la mécanique céleste à long terme, il arrive de temps à autre que de petits astéroïdes nous accompagnent pendant un certain temps avant de s'échapper. Certains gravitent près de la Terre pendant des millénaires, d'autres pendant quelques années ou quelques siècles seulement.

Actuellement la Terre est escortée par plusieurs astéroïdes présentés ci-dessous. Ces découvertes sont très récentes.

3753 Cruithne

En 1986, les astronomes[1] ont découvert un petit objet de 5 km de diamètre qu'ils ont appelé 3753 Cruithne. Cet astéroïde est un géocroiseur de la famille Aten qui a la particularité de traverser l'orbite terrestre (ci-dessous à gauche bleu) ainsi que celui de Vénus formant une orbite en forme de rein qui atteint presque l'orbite de Mars, orbite qu'il boucle en 385 ans. Il n'y a aucun risque de collision avec la Terre car cet astéroïde présente une inclinaison orbitale de 20°. Cruithne présente une magnitude visuelle de +19.1.

Ce géocroiseur nous escorte, semble-t-il, depuis environ 100000 ans et nous suivra encore durant environ 5000 ans à une distance respectable minimale d'environ 15 millions de kilomètres. Deux autres géocroiseurs ont le même comportement et on soupçonne Vénus d'être également escortée d'un tel astéroïde qui, par extension, peuvent presque être considérés temporairement comme des satellites naturels.

A voir : Asteroid 2016 HO3 - Earth's Constant Companion

A gauche, l'orbite de 3753 Cruithne. Au centre, l'orbite de l'astéroïde 1999 JM8 temporairement capturé par la Terre. A droite, l'orbite de l'astéroïde 2016 HO3 dont une vidéo est présentée sure YouTube. Documents K.Teramura/U.Hawaï adapté par l'auteur, York University et NASA/JPL adapté par l'auteur.

1999 JM8

Plus récemment, en 1999 dans le cadre du programme LINEAR, les astronomes ont découvert l'astéroïde 1999 JM8, un géocroiseur mesurant environ 6.4 km de longueur. Temporairement capturé par la Terre, en 2015 il se situait à plus de 5 UA. de la Terre et 4.4 UA du Soleil.

Comme on le voit sur le graphique présenté ci-dessus au centre, cet astéroïde évolue sur une orbite très instable. Il tourne également sur lui-même très lentement, ce qui laisse à penser qu'il a subi un choc et évolue actuellement de manière chaotique.

1999 JM8 est actuellement l'astéroïde potentiellement le plus dangereux pour notre planète. Il passa à 0.20 UA de la Terre à 5 reprises au cours du siècle dernier (jusqu'à 0.033 UA soit à peine 5 millions de km en 1990) et passera à 0.256 UA soit un peu plus de 38 millions de km de la Terre en 2075. Cet astéroïde présente une magnitude visuelle de +23.

2003 YN107

L'astéroïde 2003 YN107 suivait également la Terre au début des années 2000 à 0.07 UA soit 10 millions de km de distance mais a depuis quitté notre banlieue et gravite aujourd'hui à environ 2 UA de la Terre.

2006 RH120

2006 RH120 alias 6R10DB9 fut découvert en 2006 à 2.18 fois la distance qui nous sépare de la Lune et mesure 4 mètres. Peu avant son approche, il gravitait à 1.05 UA du Soleil sur une orbite inclinée de seulement 1° avec une période de 1.06 an. Il s'approcha donc suffisamment de la Terre pour être temporairement considéré comme une mini-lune de notre planète.

Après avoir parcouru quatre orbites autour de la Terre en l'espace d'un an, il fut éjecté de son orbite en juillet 2007 alors qu'il se trouvait à 70% de la distance Terre-Lune. Il suivit ensuite une orbite voisine de celle des astéroïdes du groupe Apollon jusqu'en 2012 puis suivit celle du groupe Amor.

2016 HO3

En 2016, les astronomes ont découvert l'astéroïde 2016 HO3 qui suit une orbite similaire à celle de Cruithne. Selon les mesures réalisées grâce au télescope Pan-STARRS 1 (Panoramic Survey Telescope and Rapid Response System) de 1.8 m de diamètre installé à l'Observatoire d'Haleakala sur l'île de Maui et dédié aux astéroïdes, ce nouvel astre mesure entre 40 et 100 mètres de longueur et sa magnitude visuelle est de +23. Selon les simulations, il serait satellisé autour de la Terre depuis pratiquement un siècle et continuera ainsi durant plusieurs siècles avant de s'éloigner. Son orbite étant quasiment satellisée et stable autour de la Terre, il ne constitue pas une menace pour notre planète.

Au cours de sa révolution annuelle autour du Soleil, 2016 HO3 passe la moitié de son temps plus près du Soleil que de la Terre puis passe devant notre planète avant de passer la moitié de son temps à plus grande distance. Son orbite est également légèrement inclinée passant ainsi alternativement en dessous et au-dessus du plan orbital de la Terre.

Comme l'effet d'un élastique, lorsque 2016 HO3 dérive trop loin devant la Terre ou s'éloigne trop loin derrière la Terre, la gravité de notre planète est suffisamment forte pour freiner son éloignement et le retenir, si bien qu'il ne s'éloigne jamais à plus de 38 fois la distance Terre-Lune. Le même effet gravitationnel lui évite de s'approcher à moins d'environ 38 fois la distance Terre-Lune. Il reste donc en permanence dans un espace elliptique proche de la Terre et ne s'est jamais approché à moins de 14 millions de km de notre planète.

Les satellites troyens de la Terre

Comme Vénus, Mars, Jupiter, Uranus, Neptune et même la Lune disposent de satellites troyens sur leur orbite, la Terre dispose d'au moins 2 satellites troyens disposés sur le point de Lagrange L4, c'est-à-dire précédant la Terre sur son orbite autour du Soleil.

2010 TK7

L'astéroïde 2010 TK7 fut découvert en octobre 2010 par une équipe internationale d'astronomes du projet NEOWISE dirigée par Martin Connors de l'Université d'Athabasca, au Canada, dans les archives du télescope spatial infrarouge WISE de 40 cm de diamètre de la NASA (cf. M.Connors et al., 2011). L'astéroïde se trouvait à environ 45 millions de kilomètres de la Terre près du point L4.

Comme le confirme le tracé de son orbite, sa trajectoire oscille autour du point L4, faisant la navette entre sa distance la plus proche de la Terre (on ne parle pas d'aphélie car son orbite n'est pas centrée sur la Terre) et sa distance la plus proche du point L3. Sa magnitude absolue H de 20.8 et un albedo de 0.059 indiquent qu'il mesure 379 mètres.

Comme tous les Troyens, 2010 TK7 évolue dans une zone stable mais il n'est pas à l'abri d'une influence gravitationnelle ou d'un comportement chaotique. Selon les chercheurs, "Son orbite est stable sur au moins dix mille ans."

Dans un article publié dans la revue "Astronomy & Astrophysics" en 2012, l'équipe de Rudolf Dvorak de l'Université de Vienne en Autriche présenta les résultats de simulations de l'orbite de 2010 TK7 étendus sur un million d'années dans le passé et dans le futur.

Selon les chercheurs, "l'angle de résonance montre qu'il n'était pas un troyen terrestre il y a 55000 ans et ne restera pas sur une orbite de type troyen dans 370000 ans [...] Il est sur le point L4 depuis moins de 2000 ans et n'y restera pas plus de 17000 ans. Bien qu'il s'agisse d'un Troyen, le demi-grand axe a subi des variations de libration régulières de faible amplitude autour de 1.0 UA, bien que les variations à la fois de l'excentricité et de l'inclinaison révèlent le caractère chaotique du mouvement."

A gauche, les cinq points de Lagrange ou points de libration (L1-L5) associés à l'orbite de la Terre sous l'influence du Soleil. Dans ces cinq zones, un troisième corps peut se maintenir de manière stable sous l'attraction conjuguée de la Terre et du Soleil. Ainsi les satellites SOHO, ACE et WIND ont été placés sur le point L1 tandis que les télescopes orbitaux WMAP, Planck, Herschel et le JWST sont sur le point L2 ainsi que le futur télescope spatial Roman. Des zones de stabilités gravifiques équivalentes existent autour de la plupart des planètes. A droite, image de l'astéroïde 2010 TK7 prise par le télescope spatial infrarouge WISE à 4.6 microns en octobre 2010. Documents D.R. et NASA/WISE.

En 2022, 2010 TK7 se trouvait à environ 89.7 millions de kilomètres de la Terre. Au cours des 100 prochaines années, il ne devrait pas s'approcher à moins de 24 millions de kilomètres de la Terre.

2020 XL5

L'astéroïde 2020 XL5 fut découvert le 12 décembre 2020 grâce au télescope Pan-STARRS 1 précité. C'est l'équipe de Toni Santana-Ros de l'Université d'Alicante et de l'Institut des Sciences du Cosmos de l'Université de Barcelone (ICCUB) en Espagne, qui confirma qu'il s'agit d'un astéroïde troyen terrestre installé sur le point L4.

Il s'agirait d'un astéroïde de type C complexe, donc principalement composé de carbone. Sa magnitude absolue H de ~18.58 et un albedo de ~0.06 indiquent qu'il mesure environ 1.18 km.

L'analyse de sa stabilité orbitale montre que 2020 XL5 restera sur le point L4 pendant au moins 4000 ans. Selon les chercheurs, "2020 XL5 aurait pu être éjecté de la Ceinture principale d'astéroïdes suite à une interaction avec Jupiter, mais des recherches supplémentaires seraient nécessaires pour confirmer ses origines."

Image composite de l'astéroïde 2020 XL5 prise par le télescope Lowell Discovery de 4.3 m, le 22 février 2021. Document T.Santana-Ros et al. (2022).

Ce sont les seuls troyens terrestres découverts à jour. Ces dernières décennies, de nombreuses tentatives on été faites pour découvrir d'autres astéroïdes troyens terrestres, y compris des missions spatiales in situ telles que la mission Hayabusa-2 de la JAXA effectuée en 2018-2019 dans la région du point L5 et la mission OSIRIS-REx de la NASA effectuée en 2019-2020 autour du point L4. Jusqu'à présent, tous ces efforts n'avaient pas permis de découvrir de nouveaux membres de cette population.

L'échec de ces recherches peut s'expliquer par la géométrie des points de Lagrange L4 et L5 par rapport à la Terre. En effet, ces petits corps sont généralement observables à proximité du Soleil, c'est-à-dire vus de la Terre soit à l'aube soit au crépuscule. Le temps que l'astéroïde reste au-dessus de l'horizon est donc limité à environ une heure et il ne sera visible qu'à condition que le ciel soit clair dans ce secteur du ciel.

Pour les débusquer, les astronomes doivent pointer leurs télescopes très bas au-dessus de l'horizon où les conditions de visibilité sont les plus mauvaises (épaisseur optique, réfraction, turbulence, poussière) avec le handicap supplémentaire que la lumière solaire incidente sature le fond lumineux des images en quelques minutes de prise de vue.

Pour résoudre ce problème de visibilité, l'équipe de Santana-Ros profita d'instruments très lumineux et versatiles comme le télescope Lowel Discovery de 4.3 m ouvert à f/6.3 installé en Arizona et le télescope SOAR de 4.1 m ouvert entre f/1.68 et f/16.6 installé à Cerro Pachón (à 10 km du CTIO) au Chili, exploité par NoirLab de la NSF.

La découverte des astéroïdes troyens terrestres est très importante car ceux-ci peuvent abriter des matériaux vierges de toute contamination révélant les conditions qui régnèrent tout au début de la formation du système solaire. En effet, ces Troyens primitif auraient pu co-orbiter avec les planètes pendant leur formation. De plus, ils ajoutent des contraintes à l'évolution dynamique du système solaire.

Ces deux astéroïdes troyens terrestres sont les candidats idéaux pour les futures missions spatiales.

Rappelons qu'en raison de son succès dans l'obtention du nom de "Zoozve" pour la quasi-lune 2002 VE68 de Vénus, Latif Nasser, historien des sciences de l'Université d'Harvard, co-animateur du podcast scientifique "Radiolab" et producteur exécutif de la série documentaire scientifique "Connected", organisera bientôt un concours en collaboration avec l'UAI pour nommer l'une des quasi-lunes de la Terre. Mais cette fois la règle du nom issu de la mythologie va probablement s'imposer. Affaire à suivre.

Les mini-lunes ou TCO

Enfin, il faut ajouter les mini-lunes ou Orbiteurs Capturés Temporairement (TCO) qui sont en fait des géocroiseurs captifs de la Terre du groupe des NEO. Les rares observations de ces corps montrent qu'ils finissent soit par se désintégrer dans l'atmosphère sous l'aspect de bolides soit ils sont éjectés de leur orbite et retournent vers l'espace. On y reviendra. L'un de ces TCO est la mini-lune 2020 CD3.

A voir : Simulation des orbites de 2020 CD3 et de la Lune, Orbit Simulator

Asteroid 2020  CD3, The Sky Live

La mini-lune 2020 CD3 de ~1.2 m de diamètre découverte le 15 février 2020 dans le cadre du Catalina Sky Survey par Kacper Wierzchos et Teddy Pruyne. Ci-dessous à gauche, une photo couleur RGB prise le 24 février 2020 par G.Fedorets grâce au télescope Gemini North de 8 m de diamètre. A droite, simulation inversée (de 2020 à gauche à 2017 à droite) de l'orbite de 2020 CD3 comparée à celle de la Lune. On constate que la mini-lune fut temporairement capturée par la Terre pendant près de 3 ans. Document Orbit Simulator/Tony Dunn.

2020 CD3

La mini-lune 2020 CD3 fut découverte le 15 février 2020 par Kacper Wierzchos et Teddy Pruyne dans le cadre du sondage Catalina Sky Survey, opérant à partir du Laboratoire Lunaire et Planétaire (LPL) de l'Université d'Arizona. Sa découverte fit l'objet d'un article publié dans "The Astronomical Journal".

Wierzchos tweeta le 27 février 2020 : "La Terre a probablement temporairement capturé un nouvel objet/mini-lune nommé 2020 CD3. Dans la nuit du 15 février 2020, mon collègue Teddy Pruyne et moi-même avons dévouvert un objet de 20emagnitude."

Selon Wierzchos, la mini-lune mesure environ 1.2 m de diamètre. La simulation de son orbite suggère qu'elle fut capturée par la Terre environ 3 ans auparavant.

La période orbitale de 2020 CD3 est de 376 jours. Au périgée, elle frôla la Terre à 13000 km de distance. Début mars 2020, elle présentait une magnitude de +23.5 et se trouvait à 1.41 million de km (0.009453 UA) de la Terre et s'éloignait de notre planète. Selon les simulations (cf. The Sky online), sa distance maximale à la Terre est de 2.04 UA qu'elle atteindra en 2032. L'objet n'est pas assez brillant pour être étudié très longtemps.

Selon Grigori Fedorets coauteur de cet article, "des mini-lunes devraient être découvertes en grand nombre au cours de la prochaine décennie, avec l'ouverture de l'observatoire Vera C. Rubin prévue en 2023." Anciennement nommé LSST, ce télescope de 8.4 m installé au Chili permettra aux astronomes de détecter beaucoup plus de petits corps y compris des mini-lunes.

La lumière zodiacale

La lumière zodiacale photographiée depuis le Parc National de Kalkalpen en Autriche vers 1900 m d'altitude, le 16 novembre 2012 par Rudi Dobesberger. Le halo jaune au-dessus de l'horizon gauche est la ville de Graz située à 101 km.

Les astronomes connaissent la lumière zodiacale depuis le XVIIe siècle et les premières observations de Joshua Childrey en 1661. Mais il est probable que des Mexicains l'ont observée avant 1500 si l'on en croit Alexander von Humboldt auteur du livre "Kosmos" ("Cosmos" en anglais) publié en 1845.

Par un effet de perspective, vue de la Terre cette poussière forme une lueur elliptique légèrement plus dense en son centre qui s'étend dans le plan de l'écliptique.

Cette poussière est constituée de particules dont la taille varie entre 10 et 300 microns pour une masse moyenne d'environ 150 microgrammes par particule.

C'est l'effet Poynting-Robertson qui force la poussière dans des orbites plus circulaires tout en se déplaçant lentement vers le Soleil dans un mouvement en spirale. Par conséquent, une source continue de nouvelles particules est nécessaire pour maintenir le nuage zodiacal et le Gegenscheim. On sait aujourd'hui que les principaux réservoirs de poussières sont les débris abandonnés dans le sillage des comètes et les collisions entre astéroïdes.

La lumière zodiacale comme le Gegenscheim situé dans la direction opposée représente donc la trace de la poussière interplanétaire réfléchissant la lumière du Soleil. On peut l'observer le matin avant le lever du Soleil de préférence en automne ou le soir après le coucher du Soleil en été.

Cette lueur est aussi pâle que la couronne F solaire à 20° du Soleil et est 1000 à 10000 fois plus pâle que le ciel lors d'une éclipse totale de Soleil. Etant très pâle, on ne peut l'observer que dans les endroits reculés et souvent en altitude, éloignés de toute lumière artificielle et en l'absence de Lune. On peut par exemple la photographier depuis un site d'altitude dans les Alpes ou plus facilement encore, depuis les observatoires astronomiques de La Silla ou du Mt Paranal (VLT) au Chili ou encore depuis le sommet du Mauna Loa à Hawaï

Plus récemment, les astronomes ont découvert une autre structure poussiéreuse co-orbitant cette fois avec la Terre.

L'anneau co-orbital de poussière

L'équipe de Stanley F. Dermott de l'Université de Floride découvrit en 1994 à partir de simulations qu'un anneau de poussière enveloppait l'orbite de la Terre. Cet anneau pourrait expliquer l'asymétrie de la lumière zodiacale observée par le satellite infrarouge IRAS. Depuis, comme illustré ci-dessous, un anneau similaire fut découvert près des orbites de Vénus et de Mercure (cf. Stenborg et al., 2018; Pokorny et al., 2019).

A gauche, illustrations de quelques-uns des anneaux de poussière circumsolaire. A droite, illustration de la poussière circumsolaire en dehors des Ceintures. Documents Pat Hrybyk-Keith/NASA/GSFC et Bob King/S&T.

L'anneau de poussière co-orbitant avec la Terre provient en grande partie de la Ceinture d'astéroïdes située entre Mars et Jupiter. Ces astéroïdes rocheux se heurtent constamment les uns contre les autres, libérant de la poussière qui finit par se rapprocher du Soleil, à moins que la gravité de la Terre ne la détourne et l'attire, dans l’orbite de notre planète.

Prochain chapitre

Notions de géodésie et de géophysique

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[1] Paul Wiegert, Kim Innanen et Seppo Mikkola, Nature, 12 June 1997.


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