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Le Soleil

Structure de l'héliosphère basée sur les mesures des émissions des atomes neutres énergétiques. La position de l'arc de choc est hypothétique. Document NASA adapté par l'auteur.

L'héliosphère et ses composantes (VI)

Jusqu’aux dernières années il était très difficile de ne pas spéculer sur la structure et la dynamique des régions reculées de l’héliosphère[20]. Aucun sonde spatiale n’avait jamais exploré cette lointaine région du système solaire et aujourd'hui encore il est toujours difficile de savoir qu'elle est son extension totale (on décrira l'héliopause page suivante). Toutefois, grâce aux données complémentaires fournies par les sondes spatiales Voyager 1 et 2 (depuis 1977), Cassini (2004-2017) et IBEX (2008-2010), nous avons recueilli assez de renseignements pour modéliser cette région longtemps restée inconnue. Espérons que les questions qui restent en suspens seront résolues d’ici quelques années grâce aux données de la sonde spatiale New Horizons.

Jusqu'à présent, les astronomes se basaient sur le comportement des étoiles proches et des données des Voyager et pensaient que l'héliosphère présentait une longue traînée dans la direction opposée à son mouvement (anti-nez). Or selon les résultats d'une modélisation MHD publiée en 2020 dans la revue "Nature" par l'équipe de l'astrophysicienne Merav Opher de l'Université de Boston, experte de l'héliosphère, cette dernière aurait la forme d'un croissant bulbeux (certains y voient un "ballon de plage dégonflé") comme on le voit ci-dessous à gauche.

En utilisant les données de la sonde spatiale New Horizons qui explore actuellement l'espace au-delà de Pluton, les astrophysiciens ont trouvé un moyen d'affiner leurs modèles. Au lieu de supposer que les particules chargées sont toutes identiques, le nouveau modèle proposé par les chercheurs les divise en deux groupes : les particules chargées du vent solaire et les particules neutres dérivant dans le système solaire. Contrairement aux particules chargées provenant de l'espace interstellaire, ces "ions de captation" neutres peuvent facilement s'infiltrer dans l'héliosphère avant de perdre leurs électrons. En comparant la température, la densité et la vitesse de ces ions capturés à ceux du vent solaire, les chercheurs ont découvert un moyen pour définir la forme de l'héliosphère. Selon Opher, "L'épuisement des [ions capteurs], dû à l'échange de charge avec les atomes d'hydrogène neutres du milieu interstellaire dans l'héliosheath refroidit l'héliosphère, la "dégonfle" et conduit à une héliosheath plus étroite et une forme plus petite et plus ronde, confirmant la forme suggérée par les observations de Cassini."

Jusqu'à présent, selon une étude publiée en 2017 dans la revue "Nature" par Kostas Dialynas de l'Académie d'Athènes et son équipe basée sur les données recueillies par la sonde Cassini, l'héliosphère avait la forme d'une sphère. Comme on le voit ci-dessous à droite, selon cette seconde modélisation, l'héliosphère forme une immense cavité sphérique d'au moins 100 UA soit 15 milliards de kilomètres de rayon épaisse de 20 à 40 UA. Sa surface ou héliopause, qui marque la frontière avec le milieu interstellaire n'est pas toujours bien marquée mais se situe à environ 122 à 128 UA du Soleil. Les particules solaires ne se mélangent au gaz neutre et aux poussières interstellaires qu'au prix d'une brutale collision électromagnétique que les sondes spatiales ont très bien entendues (cf. ces enregistrements audios du Soleil, de Jupiter et Saturne).

Selon de nouvelles données (2020), l'héliosphère présente une forme de croissant (à gauche) alors qu'en 2017 on pensait qu'elle avait une forme shérique avec une quasi absence de traînée (à droite). En fait tout dépend où on fixe la limite de l'héliosphère et on ne peut encore exclure l'ancien modèle. Documents M.Opher et al. (2020) et K. Dialynas et al. (2017) adapté par l'auteur.

Comment départager les deux modèles ? Parmi les questions sans réponse, les astrophysiciens se demandent encore quelle est la structure globale de l'héliosphère ? Il est en effet fort possible qu'elle soit effectivement sphérique à partir d'une certaine distance qui reste à déterminer. Pour le savoir il faut répondre à d'autres questions : comment les particules ionisées évoluent-elles et affectent-elles les processus héliosphériques ?, comment l'héliosphère interagit-elle et influence-t-elle le milieu interstellaire, la matière et le rayonnement qui existent entre les étoiles ? et comment les rayons cosmiques sont-ils filtrés ou transportés à travers l'héliosphère. Cela leur permettra de comprendre pourquoi l'héliosphère présente cette forme en croissant et jusqu'où s'étend cette forme atypique.

Le comportement et la forme de l'héliosphère dépendent peut-être aussi de la dynamo solaire qui entrainerait l'héliosheath dans un cycle d'expansion et de contraction périodiques où, à l'inverse, la résonance de l'héliosphère dans le milieu interstellaire entraîne le phénomène de dynamo solaire. Bref, les recherches continuent.

Parmi les questions en suspens, à l'instar d'un bolide qui traverse un fluide, si le Soleil et son cortège planétaire se déplacent autour de la Galaxie, pourquoi l'héliopause ne forme-t-elle pas une traînée dans son sillage ? Selon les chercheurs, la forme quasi sphérique de l'héliopause s'expliquerait par la pression élevée de l'ISFM qui était sous-estimée jusqu'à présent. En effet, la pression des particules neutres par rapport à celle de la pression magnétique offre un bilan net positif à l'intérieur de l'héliosphère. Ainsi, au niveau de l'héliopause, le champ ISFM peut interagir plus fortement avec le vent solaire (voir plus bas) et comprimer fortement sa traînée résiduelle. Grâce aux données de Cassini, on a également découvert que le flux de particules provenant de l'extrémité de la pseudo traînée suivait le cycle solaire aussi vite que celles provenant de régions plus proches, ce qui explique la quasi absence de traînée sinon on aurait observé un décalage temporel. En fait, on a bien observé un décalage temporel de 2-3 ans mais il s'agit du temps que met l'héliosphère pour répondre aux changements du vent solaire. Combinées aux mesures du champ ISFM et au rapport de pression dans l'héliosphère, ce sont ces données qui ont permis de déduire la forme sphérique et diamagnétique (le Soleil génère un champ magnétique opposé au champ magnétique extérieur) de l'héliosphère qui a enfin pu être correctement modélisée.

Selon les relevés de la sonde Cassini, les atomes neutres détectés près de l'héliopause présentent une énergie comprise entre 5.2 et 55 keV alors que les ions détectés par les sondes Voyager dans la région de héliogaine (heliosheath) présentent une énergie de 28 à 53 keV. Ce sont ces ions qui sont à l'origine des particules neutres qu'on trouve dans les régions éloignées de l'héliosphère.

Enfin, selon une étude publiée en 2019 par l'équipe de Jamie S. Rankin de l'Université de Princeton, grâce à Voyager 1 on sait aujourd'hui qu'en dehors de l'héliopause la température est de ~20000 K et qu'à l'intérieur de l'héliopause la vitesse du son est d'environ 314 km/s et la pression effective totale d'environ 267 fPa. Grâce à Voyager 1 et 2 on sait également que les rayons cosmiques galactiques de > 20 MeV sont omnidirectionnels et contiennent principalement des protons.

A. Le champ magnétique solaire

Le Soleil n'est pas un système clos et interagit avec le monde extérieur. C'est la couronne qui joue le rôle d'interface entre l'atmosphère et le vent solaire et qui détermine la structure et la composition du milieu interplanétaire.

La principale composante de l’héliosphère est le champ magnétique solaire qui comme nous l'avons décrit dans d'autres articles est à l'origine des taches solaires et des éruptions solaires. Son intensité moyenne est d’environ 5 gamma (5x10-5 gauss ou 0.5 nanotesla), dix mille fois inférieure au champ magnétique terrestre. Elle peut toutefois dépasser 40 gamma pendant les éruptions solaires.

L'existence du champ magnétique solaire est liée à la présence d’électrons libres dans les couches convectives de la haute atmosphère solaire et aux mouvements différentiels des couches plus profondes. Les électrons se déplaçant dans l'atmosphère solaire et offrant une conductibilité électrique similaire à celle du métal, ils induisent un courant (un déplacement d'électrons) qui génère un champ magnétique. En traversant les différentes couches de l’atmosphère solaire, les électrons subissent une force locale par unité de surface appelée la pression magnétique. Couplée à la pression du gaz, la densité de la matière solaire est d’autant plus faible que la pression résultante est élevée : dans une région sous l’emprise de puissantes forces il faut moins d’atomes que dans une région voisine pour maintenir cette pression. Subissant un effet similaire à la pression d’Archimède, ce phénomène provoque la remontée des régions solaires présentant un champ magnétique élevé jusqu’à la surface, où le champ magnétique est libéré, généralement accompagné d'éruptions.

Le champ magnétique solaire est induit par la rotation différentielle des couches profondes du Soleil et est à l'origine de l'activité des taches, des éruptions X, des protubérances, des éruptions de matière coronale (CME), etc. Une fois libérés en surface, cette matière et ce champ magnétique sont entraînés par le vent solaire et se propagent dans l'espace interplanétaire jusqu'à rencontrer le champ magnétique terrestre et les limites de l'héliopause avec lesquels le plasma interagit. Dans l'environnement terrestre cela se manifeste notamment par des aurores, des perturbations radioélectriques et autre bruits sur les hautes fréquences.

B. Le vent solaire

C'est l'astrophysicien américain Eugene N. Parker qui, dans les années 1950, prédit l'existence du vent solaire et de la spirale de Parker. A l'époque, les astrophysiciens solaires ne croyaient pas du tout à ses théories et certains lui proposèrent même de relire les ouvrages d'astrophysique ! Heureusement, Parker a vécu assez longtemps (il est né en 1927) pour voir ses théories confirmées.

Le vent solaire est un mélange de diverses particules très énergétiques émises par le Soleil et constituant une extension de sa couronne externe.  Il contient du plasma (un gaz ionisé sous l'emprise du champ magnétique) et différents éléments gazeux chargés électriquement. C'est un milieu extrêmement raréfié dont la densité à hauteur de l'orbite terrestre est d'environ 6 particles/cm3 mais très variable en fonction de l'activité solaire. Pour un volume donné, le vent solaire est constitué de protons et d'un nombre presque égal d'électrons. Toutefois, le vent solaire transporte également d'autres ions, beaucoup plus lourds que les protons mais de plus faible densité. A hauteur de l'orbite terrestre, la vitesse du vent solaire varie entre 200 et 1200 km/s avec une moyenne de 420 km/s.

Le vent solaire se divise en deux principales composantes : un vent solaire lent principalement émis dans le plan de l'écliptique surtout en période de minimum de l'activité solaire et un vent solaire rapide émis aux plus hautes latitudes solaires (au-dessus de ±15°). Jusqu'à présent, on ne savait pas ce qui accélérait le vent solaire rapide. Le plasma dans la majeure partie du vent solaire est constitué de protons, d'électrons et de noyaux d'atomes soufflant à des centaines de kilomètres par seconde. Mais le plasma de la zone au-dessus des trous coronaux peut se déplacer plus de dix fois plus vite.

Les flux de plasma rapides ont été associés à des évènements connus sous le nom de "switchbacks" (des lacets), dans lesquels des parties des champs magnétiques proches du Soleil inversent leur course et perturbent les jets de plasma supersoniques. Ces lacets pourraient impacter le mécanisme de formation du vent solaire et du chauffage de la couronne.

Ces switchbacks peuvent survenir lorsque des boucles de champ magnétique proches de la surface du Soleil se connectent à de longues lignes de champ s'étendant loin du Soleil. La reconnexion conduit à un retour brutal du jet plasma. Selon les chercheurs, les flux d'énergie plus intenses sont le résultat de lignes de champ nouvellement reconnectées avec des lacets fortement entortillés, tandis que les flux d'énergie plus faibles proviennent de lignes de champ contenant d'anciennes pliures qui furent lissés.

Le vent solaire constitue la principale composante de l’héliosphère. Il est quelquefois accompagné de "bourrasques" émises par la couronne solaire. Ce phénomène trouve son origine dans la chaleur émise par les zones convectives qui réchauffe la couronne et libère des particules rapides. La température et la pression régnant dans la couronne offrent ainsi une pression de radiation supérieure à celle du milieu ambiant qui se ressent bien au-delà de Pluton. Ce vent solaire est tellement puissant qu'on retrouve des ions d'oxygène fortement ionisés (O6+) piégés dans le champ magnétique de Jupiter et de la Terre. Ainsi, observée par le satellite Chandra, Jupiter et la Terre rayonnent légèrement en rayons X.

A écouter : Le son du vent solaire enregistré par la sonde Parker, JHUAPL, 2020

Paramètre du vent solaire

Valeur moyenne

Densité des particules, N

N ≈ 10 millions de particules/mètre cube

(5 millions d'électrons et 5 millions de protons)

Vitesse, V

V ≈ 400 à 800 km/s lors d'un Soleil "calme"

Entre 1000-2000 km/s lors des éruptions chromosphériques de classe X

Flot de particules, F

F ≈ 1012 à 1013 particules par m2/s

Température, T

T ≈ 1200000 K (protons)

à 400000 K (électrons)

Energie thermique/particule, kT

kT ≈ 2x10-18 joule ou ~12 eV

Energie cinétique des protons, 1/2 mpV2

E ≈ 10-16 joule ou ~1 keV

Densité d'énergie thermique des particules, NkT

NkT ≈ 10-11 joule/m3

Densité d'énergie cinétique des protons, 1/4 NmpV2

np ≈ 10-9 joule/m3

Intensité du champ magnétique, H

H ≈ 6x10-9 tesla ou 6 nT soit 6x10-5 gauss

Valeur à 1 UA (1.496 x 1011 m) pour un rayon solaire unitaire (6.96 x 108 m), les constantes ayant leur valeur habituelle.

Données extraites de K.Lang, "The Sun from Space", p31, 2000/2016.

Le vent solaire ne souffle pas de façon uniforme ainsi qu'en témoigne le graphique présenté ci-dessous au centre. Bien que la direction du vent solaire soit toujours orientée vers l'extérieur du Soleil, sa vitesse peut varier d'un facteur 10 quand il entraîne des CME ou rencontre des zones de composition différente, tels les feuillets interplanétaires neutres.

Le premier satellite dédié à l'étude de la géomagnétosphère fut IMP-8 qui fut opérationnel entre 1972 et 2000. Depuis nous avons à disposition toute une escadrille de satellites : Wind, Geotail, Cluster, Polar, etc. Toutefois, la plupart d'entre eux sont en orbite polaire; cela signifie qu'ils ne peuvent échantillonner le vent solaire qu'un tiers du temps. Seul les deux satellites Stereo lancés en 2006 gravitent autour du Soleil et permettent d'étudier en détail ses composantes, en particulier l'héliosphère, le vent solaire, les CME et les zones de transitions.

Ainsi, en 2016 grâce à de nouvelles techniques de traitement d'image, une équipe d'astronomes dirigée par Craig E. DeForest du SwRI est parvenue à isoler du fond du ciel (en supprimant les étoiles cent fois plus brillantes ainsi que la faible clarté des poussières) le flux de matière émanant de la zone de transition entre la couronne externe et le vent solaire proprement dit comme on le voit sur l'animation ci-dessous à droite. C'est la première fois que les astronomes ont pu observer ce phénomène. Selon DeForest, la matière émise par le Soleil se comporte plus comme un gaz que comme un plasma magnétiquement structuré comme on le pensait jusqu'à présent. En fait, la matière s'échappe du Soleil un peu comme un jet d'eau est éjecté d'un pistolet à eau, la matière vaporisée se désintégrant sous forme de goutelettes.

A voir : 5 nouvelles découvertes de la sonde solaire Parker de la NASA, GSFC, 2020

La dynamique du vent solaire. A gauche, modèle prédictif du vent solaire émit par les trous coronaux sur base des données du satellite solaire SDO. Au centre, graphique pointant les vitesses du vent solaire relevées dans les quatre quadrants du Soleil superposé à une image de la couronne et d'un carte de sa surface de densité. Il met en évidence les grandes différences de vitesses en fonction de la latitude et de l'activité solaire (lent au-dessus des jets, rapide au-dessus des trous coronaux). A droite, cliquez sur l'image pour lancer l'animation (.GIF de 4 MB) montrant le flux de vent solaire émanant de la zone de transition de la couronne solaire externe. Voici l'animation avant/après traitement d'image. Documents SDO, NASA-MSFC/LANL et Craig E.DeForest et al./SwRI.

Les découvertes de la sonde spatiale solaire Parker

Lors de ses survols successifs du Soleil jusqu'à 25 à 30 rayons solaires, c'est-à-dire à moins de 21 millions de kilomètres de la photosphère, la sonde spatiale solaire Parker alias PSP de la NASA a également permis aux scientifiques de faire quelques découvertes importantes qui ont validé certains modèles au détriment d'autres.

La sonde solaire Parker fut lancée en 2018 pour une mission de 6 ans pour principalement résoudre deux théories contradictoires concernant l'origine des particules de haute énergie qui composent le vent solaire : la reconnexion magnétique et l'accélération par le plasma ou ondes d'Alfvén (cf. le champ magnétique du Soleil).

Dans un article publié dans la revue "Nature" en 2023 (en PDF sur arXiv), Stuart D. Bale de l'Université de Californie à Berkeley et ses collègues rapportent que Parker a détecté des flux de particules à haute énergie qui correspondent aux flux de supergranulation dans les trous coronaux, ce qui suggère que ce sont les régions d'où provient le vent solaire dit "rapide".

Pour rappel, les trous coronaux sont des zones où les lignes de champ magnétique émergent de la surface du Soleil sans se refermer vers l'intérieur, formant ainsi des lignes de champ ouvertes qui s'étendent vers l'extérieur et remplissent la majeure partie de l'espace autour du Soleil. Ces trous se trouvent généralement aux pôles pendant les périodes calmes de l'activité du Soleil, de sorte que le vent solaire rapide qu'ils génèrent n'atteint pas la Terre. Mais lorsque le Soleil devient actif tous les 11 ans et que son champ magnétique bascule, ces trous apparaissent sur toute la surface, générant des rafales de vent solaire dirigées directement vers la Terre. Comprendre comment et d'où provient le vent solaire aidera à prévoir les tempêtes solaires qui, tout en produisant de belles aurores sur Terre, peuvent également endommager les satellites et le réseau électrique.

D'après les analyses des chercheurs, les trous coronaux ressemblent à des pommeaux de douche, avec des jets à peu près régulièrement espacés émergeant de points lumineux où les lignes de champ magnétique entrent et sortent de la surface du Soleil. Les scientifiques affirment que lorsque des champs magnétiques dirigés de manière opposée se croisent dans ces entonnoirs qui peuvent mesurer 30000 km de diamètre, les champs se brisent et se reconnectent fréquemment, éjectant des particules chargées du Soleil.

Illustration de la sonde spatiale solaire Parker alias PSP remontant le flux intense du vent solaire jusqu'à sa source dans les trous coronaux. Document NASA-GSFC.

Rappelons que la photosphère est recouverte de cellules de convection appelées "grains de riz" et le flux de convection à plus grande échelle est appelé la "supergranulation". Selon Bale, "là où les cellules de la supergranulation se rencontrent et s'enfoncent dans l'atmosphère du Soleil, elles entraînent le champ magnétique qui s'intensifie parce qu'il est bloqué. C'est comme une boule de champ magnétique descendant dans un drain. Et la séparation spatiale de ces petits drains, ces entonnoirs, est ce que nous voyons maintenant avec les données de la sonde solaire."

Sur la base de la présence de particules extrêmement énergétiques détectées par Parker – des particules voyageant 10 à 100 fois plus vite que la moyenne du vent solaire – les chercheurs concluent que le vent ne peut être créé que par ce processus, appelé une reconnexion magnétique.

Selon Bale, "La grande conclusion est que c'est la reconnexion magnétique au sein de ces structures en entonnoir qui fournit la source d'énergie du vent solaire rapide. Il ne vient pas de partout dans un trou coronal, il est sous-structuré dans les trous coronaux de ces cellules de la supergranulation. Il provient de ces petits faisceaux d'énergie magnétique associés aux flux de convection. Nos résultats, nous pensons, sont des preuves solides que c'est la reconnexion qui crée cela." Les structures en entonnoir correspondent probablement aux jets brillants qui peuvent être vus de la Terre dans les trous coronaux.

Au moment où le vent solaire atteint la Terre, il s'est transformé en un flux homogène et turbulent de champs magnétiques tourbillonnants entrelacés de particules chargées qui interagissent avec le champ magnétique terrestre et déversent de l'énergie électrique dans la haute atmosphère. Cela excite les atomes, produisant des aurores colorées aux pôles, mais cela se répercutent également dans l'atmosphère terrestre. Prédire les vents les plus intenses, appelés les tempêtes solaires, et leurs conséquences dans l'environnement spatial proche de la Terre est l'une des missions du programme "Living With a Star" (LWS) de la NASA, qui finança la mission Parker.

Parker fut conçue pour déterminer à quoi ressemble ce vent turbulent là où il est généré près de la photosphère, et comment les particules chargées du vent, protons, électrons et ions lourds, principalement des noyaux d’hélium, sont accélérées et échappent à la gravité du Soleil. Pour ce faire, Parker doit se rapprocher jusqu'à 30 ou 25 rayons solaires, c'est-à-dire à moins de 21 millions de kilomètres de la photosphère. Selon Bale, "Une fois que vous êtes en dessous de cette altitude, il y a beaucoup moins d'évolution dans le vent solaire, et c'est plus structuré - vous voyez plus de détails sur le Soleil."

En 2021, les instruments de Parker ont enregistré des switchbacks, des retours de champ magnétique, dans les ondes d'Alfvén qui semblaient être associés aux régions où le vent solaire est généré. Au moment où la sonde atteignit environ 12 rayons solaires soit 8 millions de km de la photosphère, les données indiquaient clairement que la sonde traversait des jets de matière, plutôt que de simples turbulences. Bale, Drake et leurs collègues ont retracé ces jets jusqu'aux cellules de la supergranulation de la photosphère, où les champs magnétiques se regroupent et se dirigent vers le Soleil.

Restait à savoir si les particules chargées étaient accélérées dans ces entonnoirs par reconnexion magnétique, qui propulserait les particules vers l'extérieur, ou par des vagues de plasma chaud - une combinaison de particules ionisées et de champ magnétique - sortant du Soleil, comme si elles surfaient sur une vague ?

Le fait que Parker ait détecté des particules de très haute énergie dans ces jets – des dizaines à des centaines de keV contre quelques keV pour la plupart des particules de vent solaire - a suggéré à Bale que ce devait être une reconnexion magnétique qui accélère les particules et génère les ondes d'Alfvén, qui donnent probablement aux particules un coup de pouce supplémentaire. Selon Bale, "Notre interprétation est que ces jets de sortie de reconnexion excitent les ondes d'Alfvén lorsqu'elles se propagent. C'est une observation également bien connue de la queue magnétique de la Terre, où vous avez des processus similaires. Je ne comprends pas comment l'amortissement des ondes peut produire ces particules chaudes jusqu'à des centaines de keV, alors qu'il provient naturellement du processus de reconnexion. Et nous le voyons aussi dans nos simulations." Bref, il reste encore beaucoup de choses à apprendre sur les processus solaires et on compte beaucoup sur Parker pour élucider ces mystères.

Les tempêtes solaires

Outre Parker, les sondes spatiales Pioneer, Voyager, Cassini ont également permis aux planétologues de récolter une série impressionnante d’observations sur le comportement du vent solaire, sa dynamique et son interaction avec le milieu interplanétaire et, depuis 2012 dans le cas de Voyager 1, avec le milieu interstellaire.

Nous savons que l’atmosphère solaire ne tourne pas sur elle-même à une vitesse constante. A l’équateur la rotation dure 27 jours environ et au fil des rotations les lignes du champ magnétique se courbent et finissent par s’enchevêtrer, s’entremêlant bientôt avec des courants rapides qui s’échappent de la couronne solaire. Selon l’activité solaire, des bourrasques peuvent s’ajouter à ces évènements, donnant lieu à des perturbations transitoires du vent solaire. Ces structures dynamiques complexes peuvent subsister plusieurs mois et provoquer des modifications visibles dans la structure de la queue ionique des comètes, dont le plasma est piégé par les lignes du champ magnétique.

Ces courants de vitesses variables interagissent les uns avec les autres et passent alternativement près de la Terre à mesure que le Soleil tourne sur lui-même. Le vent solaire arrive sur Terre 48 à 55 heures après son émission, percutant parfois violemment la magnétopause terrestre qui se déforme. Ces tempêtes magnétiques provoquent des perturbations radios et les aurores bien connues, dont nous reparlerons. Le vent solaire génère ainsi de nombreuses interactions, en particulier le phénomène de scintillation sur les fréquences radios des radiosources ponctuelles du ciel profond, une corrosion des satellites mis en orbite et des lésions génétiques.

A consulter : Statut de l'activité solaire, géomagnétique et des aurores

Ci-dessus, variation de la densité et de la pression du vent solaire aux alentours du 6 avril 2000. Ci-dessous, variation du flux de protons aux alentours du 1 avril 2001. Ces deux dates correspondent à des journées particulièrement riches par l'activité des aurores sur Terre qui descendirent jusqu'à 30° de latitude malgré la protection du champ magnétique terrestre. Documents UCLA-SSC-IGPP et SWPC-NOAA.

A hauteur de la Terre la vitesse du vent solaire peut être multipliée par quatre et atteindre 1200 km/s en période de Soleil actif et présenter une température oscillant entre 50000 et 500000 K. Sa composante la plus rapide provient des trous coronaux tandis qu'une seconde, beaucoup plus lente (300-375 km/s) s'observe au-dessus des jets de la couronne et lorsque la Terre traverse les feuillets interplanétaires neutres, sur lesquels nous reviendrons dans un instant. Ce vent conserve donc l’empreinte de l’atmosphère solaire dont les variations dépendent de l'activité solaire et des conditions régnant dans les structures actives.

Bien que la densité du vent solaire soit dérisoire, le Soleil perd par ce mécanisme 500000 de tonnes d’hydrogène (protons) chaque seconde, huit fois moins que la masse perdue dans les réactions thermonucléaires, une quantité somme toute négligeable.

Le vent solaire entraîne avec lui le champ magnétique solaire, qui est ainsi gelé dans le plasma, tout en restant ancré dans la surface solaire. Le vent solaire mettant plusieurs jours pour atteindre la Terre, durant ce temps le Soleil continue de tourner sur lui-même à une vitesse angulaire d'environ 13° par jour. Au bout de plusieurs jours les boucles magnétiques prennent l'aspect d'immenses spirales ondulées qui se referment peu à peu avec l'altitude.

Cliquez sur l'image pour lancer une animation QuickTime (.mov de 297 KB) illustrant la manière dont les ondes magnétiques de la couronne du Soleil accélèrent le vent solaire. Sur les premières images, la couronne apparaît comme un anneau jaune encerclant le disque lunaire durant une éclipse totale. On voit ensuite les particules composants le vent solaire (rouge et verte) spiraler autour des lignes de force du champ magnétique et accélérer tout en s'éloignant du Soleil. Ces particules spiralant dans le vent solaire entraînent avec elles l'énergie des ondes magnétiques, les annulant en même temps qu'elles sont éjectées dans l'espace. Document D.Hathaway/NASA-MSFC.

A l’image d’un champ de force, ce champ magnétique donne une certaine pression et viscosité au plasma ambiant. Les mesures effectuées par les sondes spatiales Pioneer et Voyager en 1976 ont révélé que le champ magnétique solaire était organisé d’une manière telle que les lignes de force étaient orientées vers l’extérieure dans l’hémisphère nord et vers l’intérieur dans l’hémisphère sud du Soleil, formant une spirale de Parker, phénomène sur lequel nous reviendrons lorsque nous aborderons le magnétisme du Soleil.

Comme nous l’avons signalé, ce champ magnétique fluctue suivant une période de 22 ans, soit double de celui des taches solaires. Onze ans plus tard, le champ magnétique des deux hémisphères s'inverse, comme ce fut le cas en 2001 et en 2013.

Rappelons que lorsque le Soleil est au paroxysme de son activité ou à l’occasion d’éruptions chromosphériques, le champ magnétique peut temporairement bloquer les rayons cosmiques issus de la Voie Lactée, c’est l’effet Forbush, qui fluctue en fonction du cycle solaire de 11 ans. On y reviendrons à propos du Soleil radioélectrique.

Lorsque les boucles magnétiques sont refermées et que le champ magnétique finit par s'ouvrir sur le milieu interplanétaire, chaque hémisphère du Soleil prend une certaine polarité magnétique. Les jets coronaux qui sont ensuite émis par les deux hémisphères séparent alors le milieu interplanétaire en deux feuillets de polarités opposées à mesure de leur progression dans l'espace.

La rupture des boucles du champ magnétique à la surface du Soleil provoque des éruptions chromosphériques et est à l'origine des protubérances. La taille de l'éruption présentée à gauche et photographiée par le satellite TRACE à 171 Å (UVE) est relativement modeste, 15 à 20 fois le diamètre de la Terre. La boucle de plasma présentée au centre et photographiée par le satellite TRACE en 2009 fait 30 fois la taille de la Terre. Une séquence de cette éruption est présentée sur YouTube (séq.2:59). L'éruption de droite, une CME avec formation d'un halo photographiée par SOHO, s'étend vingt fois plus loin. Se propageant dans le milieu interplanétaire à près de 1000 km/s, ce genre d'évènement provoque de fortes perturbations dans l'environnement terrestre dont les aurores sont l'une des manifestations.

Durant les périodes calmes de son activité, le Soleil s’entoure ainsi de quatre secteurs de polarité opposée, séparés les uns des autres par un feuillet interplanétaire de courant neutre. Son épaisseur est de l’ordre de 1% de la région polarisée. Ce feuillet présente des lignes de force dont la polarité est régulièrement inversée. Sa structure est peu torsadée à l’époque du minima de l’activité solaire mais suite à la rotation solaire, elle peut devenir méconnaissable 11 ans plus tard, pendant la phase de paroxysme.

A mesure qu’il se propage dans les trois dimensions de l’espace, le vent solaire devient de plus en plus faible face au vent interstellaire dissipé par les étoiles proches. Mais sa force ne se dissipe pas graduellement. Sa vitesse supersonique étant supérieure à celle des perturbations qu’il entraîne, près de l’héliopause le vent solaire subit un violent freinage que ne peuvent absorber les particules qui le suivent (l’information n’est véhiculée qu’à la vitesse du son). Cet effet provoque une immense onde de choc à l’instar d’un fluide supersonique qui serait brutalement arrêté. La compression du front d’onde provoque des irrégularités et des agitations du plasma qui se manifestent par de violents bruits sur plusieurs millions de kilomètres. La structure de l’héliosphère est ainsi déformée dans le sens du déplacement du Soleil, dans la direction de l’Apex proche de la constellation d’Hercule. Les protons qui traversent ce front de choc perdent 25% de leur vitesse qui est convertie en chaleur. A cet endroit, la température électronique du milieu interstellaire peut dépasser 1 million de degrés mais il ne contient plus qu’un atome par centimètre cube. Il y règne un froid glacial.

Notons que le vent solaire interagit également avec la couche limite de la magnétosphère terrestre où il forme ce qu'on appelle des "ouragans spatiaux" produits par des instabilités de Kelvin-Helmholtz (KH). On y reviendra dans l'article consacré à la structure magnétique de la Terre.

Enfin, il y a une dernière composante, c'est l'héliopause qui enveloppe tout le système solaire et son étonnant ruban IBEX. C'est l'objet du dernier chapitre.

Dernier chapitre

L'héliopause et le ruban IBEX

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[20] S.Suess, Reviews of Geophysics, 28, 1, 1990, p97 - Consultez également les ouvrages de la NASA consacrés aux missions spatiales Pioneer, Voyager et Cassini ainsi qu'aux satellites solaires Helios, Soho, Trace, Yohkoh, Ulysse et consorts (voir mes 1001 liens).


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