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Les grandes étapes de l'évolution de la Terre et de la vie

Une ammonite géante couverte d'ammolite irisée découverte en Alberta (Ca.), datant de ~71 millions d'années. Document Rock for the Spirit (voir aussi la vidéo).

L'apparition et le développement de la vie (IV)

Le Paléozoïque: du Cambrien au Permien (542 à 252 Ma)

Nous entrons à présent dans l'ère du Paléozoïque il y a 542 millions d'années et qui va durer environ 300 millions d'années. Pendant cette ère, les océans étaient suffisamment oxygénés pour voir la prolifération d'animaux marins. Ils vivaient sur le fond des océans généralement peu prodonds, aidés par une abondante flore aquatique. En revanche, sur la terre c'était encore un désert minéral tandis que l'atmosphère était presque respirable; l'air était chargé de 4500 ppm de dioxyde de carbone (contre ~423 ppm en 2024) et contenait seulement 12.5% d'oxygène au début du Cambrien. La température moyenne de l'air était 7° plus chaude qu'aujourd'hui, voisine de 21°C. La couche d'ozone existait mais elle n'était pas encore totalement formée. Bref, il fallait une condition physique adaptée aux conditions extrêmes par rapport aux conditions actuelles pour survivre à l'air libre.

La vie voit le monde pour la première fois

C'est à cette époque que pour la première fois les organismes ont vu le monde à la lumière du jour. En effet, c'est au début du Cambrien qu'apparaissent les yeux, c'est-à-dire l'organe sensoriel sensible au rayonnement visible et même un peu plus chez certaines espèces. Si chez certaines créatures, les yeux étaient encore des ocelles rudimentaires, les prédateurs notamment percevaient déjà clairement le monde dans ses détails.

Ceci dit, jusqu'alors beaucoup de créatures percevaient le monde mais de manière moins précise et plutôt localement (quoi que ce soit relatif) au moyen d'autres récepteurs sensoriels notamment sensibles aux substances et odeurs chimiques présentes dans l'environnement, aux vibrations, aux turbulences ou aux ondes électromagnétiques qu'ils captaient.

Entre 542 et 530 millions d'années, nous assistons à "l'explosion du Cambrien" durant laquelle apparurent des créatures emblématiques comme les trilobites (voir plus bas), l'anomalocaris et le fameux Pikaia gracilens, l'ancêtre de tous les vertébrés. C'est également il y a 500 millions d'années qu'apparurent l'ancêtre du tardigrade et les premiers mollusques bivalves, ancêtres des coquillages, moules, huîtres et autres bénitiers géants. On y reviendra. En revanche, les ancêtres des cowries modernes (cf. le Leucodon), des gastéropodes, ressemblaient à des Strombidae et, selon le conchyliologue américain Clarence M. Burgess, les premiers fossiles remontent à la fin du Jurassique il y a 135 millions d'années (sp. Zitellia).

La vie au Cambrien, entre 542-510 millions d'années. A gauche, A droite, un fossile d'Anomalocaris découvert à Chengjiang, en Chine. Ce prédateur du Cambrien (520-499 Ma) mesurait jusqu'à 38 cm de long sans les appendices buccales et la queue en éventail. Ci-dessous à gauche, on reconnait divers arthropodes dont au centre, la crevette Kylinxia zhangi qui présente 5 yeux pédonculés comme Opabinia, l'Anomalocaris (au-dessus à droite de la crevette), des trilobites (en dessous à droite de la crevette), des limules (à l'avant-plan en vert sur le flanc gauche de la crevette) ainsi que des méduses et des éponges. A droite, une vue plus générale de l'Anomalocaris reconnaissable à ses yeux pédonculés, ses deux appendices préhensiles buccales et ses 28 nageoires latérales. Documents J.Vannier, John Sibbick, D.-Y. Huang & H. Zeng et Smithsonian Institute Museum/MNH.

Les trilobites vécurent au Paléozoïque entre 521 et 325 millions d'années et avaient conquis toutes les mers du monde. Ces animaux de l'embranchement ou phylum des arthropodes appartiennent au même phylum que les crustacés (crabes, etc), les myriapodes (centipèdes, etc), les arachnides (araignées) et les insectes (papillons, etc).

Leurs ancêtres probables, tels que Spriggina floundersi découverts dans les roches de l'Édiacarien en Australie remontent à 570-540 millions d'années et présentent des segments corporels primitifs et même des épines génales primitives (cf. AdelaideAZ). Mais malgré ces avancées évolutives assez reconnaissables, ces formes primitives étaient bien loin des trilobites Redlichia qui, quelque 30 millions d'années plus tard, domineront les mers du Paléozoïque.

En près de 270 millions d'années d'évolution, cette classe d'arthropodes donna naissance à plus de 18750 espèces de trilobites (cf. J.M. Andrain, 2006). Trois espèces emblématiques sont présentés ci-dessous.

Des fossiles de trilobites datant du milieu de Dévonien (392-382 Ma) découverts au Maroc. Ils appartiennent à l'embranchement ou phylum des arthropodes (comme les crustacés, les myriapodes, les arachnides et les insectes). Ils se caractérisent par des yeux composés (à facettes) et un exosquelette avec ou sans épines. A gauche, un Phacops rana (7x4 cm) dont voici une autre photo. Au centre, gros-plan sur les yeux d'un Erbenochile erbeni du genre Phacops à épines. Chez cette espèce, les yeux contiennent entre 450 et 560 lentilles et jusqu'à 18 lentilles par colonne (et hauteur d'oeil). A droite, l'extraordinaire trilobite Walliserops tridens (7x4 cm sans le trident) dont voici une autre photo. Documents Coll. T.Lombry, D.R. et Fossilera

Selon ue étude publiée dans la revue "Nature Communications" en 2018 par Sebastiaan van de Velde de l'ULB et ses collègues, à partir de 520 millions d'années, on observe une anoxie océanique (diminution de l'oxygène dissous), le milieu marin devenant euxinique à la fin du Cambrien il y a ~485 millions d'années, en même temps que le taux d'oxygène diminua : si la vie marine continue de se développer en surface, en profondeur l'absence d'oxygène rendit toute vie impossible, hormis pour quelques bactéries.

Il faudra patienter quelques centaines de millions d'années pour que des animaux marins relativement primitifs trouvent une parade pour s'adapter à ce milieu anoxique (cf. les bivalves géants du Crétacé).

Comme 75% de toutes les espèces, les trilobites disparurent pratiquement des océans au cours de la seconde extinction de masse survenue à la fin du Dévonien (375 Ma). Quelques espèces survécurent jusqu'à la fin du Permien, il y a 252 millions d'années, où cette fois près de 90% des espèces furent soudainement éradiquées.

Un bombardement météoritique déclencheur d'une explosion de vie ?

Dans un article publié dans la revue "Science Advances" en 2019, l'équipe du géologue Birger Schmitz du Laboratoire d'Astrogéobiologie de l'Université de Lund en Suède a décrit la découverte dans une carrière de calcaire en Suède des preuves d'un bombardement météoritique contemporain de fossiles. La poussière météoritique accumulée dans cette couche sédimentaire (la couche grise sur la photo ci-dessous à gauche) porte un horodatage chimique indiquant qu'elle a été chauffée il y a environ 470 millions d'années. Selon les chercheurs, ces débris pourraient être le résultat d'une collision entre des astéroïdes mesurant 150 km de diamètre.

A gauche, le site de Kinnekulle situé près de Hällekis dans dans le sud de la Suède où le géologue Birger Schmitz et son équipe découvrirent dans une épaisse couche de calcaire (en gris sur la photo de gauche) des traces de météorites dont le corps parent est une chondrite de type L cotoyant des fossiles dont celui d'un ancêtre du Nautile (au centre). A droite, la partie inférieure de la section de Hällekis avec l'analyse des rapports des grains de chromite provenant de la chondrite-L (CE) ainsi que les rapports des isotopes de l'hélium et de l'osmium. L'abondance de ces isotopes indique une augmentation soudaine de matériaux extraterrestres dans la couche de sédiments (niveau -1 m). Documents Philipp R. Heck, John Weinstein/Field Museum et B.Schmitz et al. (2019).

Selon Philipp Heck, coauteur de cet article, membre de l'Université de Chicago et conservateur au Field Museum, les simulations indiquent que le nuage de poussière qui retomba sur terre provoqua un refroidissement dramatique du climat qui déclencha une nouvelle ère glaciaire, ce que d'autres scientifiques avaient déjà établi. Si de nos jours 40000 tonnes de poussière météoritique tombent chaque année sur la Terre, à l'époque il en tomba mille ou dix mille fois plus. Ces retombées ont duré au moins deux millions d'années, contribuant ainsi au refroidissement global de la planète au point de geler les océans autour des pôles.

Selon les auteurs, ce refroidissement fut suffisamment lent pour que la vie eut le temps de s'adapter et même de profiter de ce changement climatique. En effet, on observa une explosion de vie il y a 466 millions d'années, à l'Ordovicien (voir plus bas), dont les nouvelles espèces étaient capables de survivre sous différentes températures.

Quant à y voir un lien avec la théorie de la panspermie, c'est tout le contraire car dans ce cas-ci la chute des météorites et les poussières provoquèrent une ère glaciaire et si le changement climatique avait été plus rapide (comme ce fut le cas lors de l'extinction des dinosaures), des phyla entiers auraient disparu.

A gauche, les créatures du Cambrien entre 542 et 488 millions d'années. L'Anomalocaris était l'un des superprédateurs de cette époque. C'est l'augmentation du taux d'oxygène qui contribua à la prolifération des espèces ainsi que la compétition entre elles. A droite, paysage aquatique typique des eaux peu profondes du Mississippi entre 359 et 318 millions d'années. Les crinoïdes (échinodermes de la famille des étoiles de mer et des oursins) dominaient ce milieu dans lequel on trouvait quelques poissons osseux dont le Tiktaalik. Un peu plus en profondeur évoluaient des colonies de bryozoaires pourvus de tentacules ciliées rétractiles, tandis que les brachiopodes (mollusques) monopolisaient les fonds vaseux. Des requins croisaient au-dessus de cette faune. Documents Smithsonian Institution.

La Grande Biodiversification de l'Ordovicien (GOBE)

Les premiers animaux ont conquis la terre ferme il y a 460 millions d'années durant l'Ordovicien (485-444 Ma). Si la vie foisonnait déjà dans les océans, la terre ferme était encore pratiquement sans vie; c'est un sol rocailleux et sinon stérile juste couvert localement de quelques mousses et de champignons. A cette époque, la température au sol était d'environ 30°C et la couche d'ozone étant encore en train de s'épaissir, les rayons ultraviolets solaires n'étaient pas encore totalement filtrés. Mieux valait donc vivre sous l'eau, sous terre ou dans les grottes.

On a longtemps cru que la concentration d'oxygène durant l'Ordovicien était similaire à sa valeur actuelle. En fait, selon une étude publiée dans la revue "Nature Geoscience" en 2017 par Cole T. Edwards de l'Université Appalachienne de Caroline du Nord (ASU) et ses collègues, entre 485 et 445 millions d'années, la concentration en oxygène fut progressivement multipliée par trois en même temps que la biodiversité et atteignit pratiquement son niveau actuel il y a 455 millions d'années.

A gauche, la vie marine au Paléozoïque, il y a entre 541 et 252 millions d'années. On reconnait au-dessus à gauche du centre, l'Opabinia muni de 5 yeux pédonculés et d'une trompe, le proboscis, sur la droite l'Eurypterida ou scorpion de mer ainsi que des trilobites à gauche et en dessous du centre de l'image. A droite, la vie à l'Ordovicien, il y a 485 millions d'années comprenait notamment des mollusques céphalopodes comme les orthocônes de l'ordre des ammonoïdés dont la taille variait entre 25 mm et 5.2 m de longueur. Il existait une espèce géante (Endoceras giganteum) mesurant 9 m de longueur. Ils vécurent de la fin du Cambrien jusqu'à la fin du Trias (~490-210 Ma). Documents Smithsonian Institute Museum/MNH.

Estimer le niveau d'oxygène d'une époque révolue est difficile du fait qu'il n'existe aucun moyen de mesurer directement la composition des atmosphères et des océans du passé. On peut toutefois estimer cette valeur grâce à des approximations géochimiques (des proxies) et des signatures chimiques préservées dans les roches carbonatées formant le fond des océans (et plus tard grâce aux dents ou aux défenses).

Les chercheurs ont constaté que le niveau d'oxygène augmenta de près de 80% en environ 15 millions d'années, passant de 14% d'oxygène dans l'atmosphère à l'époque Darriwilienne (durant l'Ordovicien Moyen, entre 467-459 millions d'années) à 24% de l'atmosphère au milieu du Katien (à la fin de l'Ordovicien, entre 453-445 millions d'années). Cette époque coïncide avec les premiers charbons de bois fossilisés. Cette étude suggère également que le niveau d'oxygène atmosphérique n'a pas atteint le niveau actuel pendant plusieurs millions d'années après l'explosion du Cambrien.

A voir : Bizley Art

Dioramas - Reconstructions of Ancient Ecosystems, Flickr/Carnegie MNH, Pittsburgh, Pa.

A gauche, la faune et la flore des océans durant l'Ordovicien (485-444 Ma). On reconnait notamment les orthocônes, de grands mollusques céphalopodes du même groupe que les Nautiloïdes. Cette fresque fut réalisée pour le Centre Nature Quarry Hill de Rochester, au Minnesota, et fut achevée en 2018. A droite, un orthocône attaquant un trilobite Isotelus maximus (ils atteignaient 72 cm de longueur). Documents Beth Zaiken et Richard Bizley.

Cependant les chercheurs ne peuvent pas affirmer que l'augmentation de la concentration d'oxygène eut un effet direct sur la vie animale ou qu'elle eut un effet même passif en étendant par exemple les écosystèmes. En effet, il est difficile de savoir quel facteur fut dominant, si c'est la température, l'oxygène ou un autre facteur qui accéléra la biodiversification. Mais il est certain que l'oxygénation provoqua un changement majeur.

Ceci dit, ce n'est probablement pas la seule raison expliquant pourquoi la biodiversité explosa à cette époque. Selon Edwards, il est probable que d'autres changements comme le refroidissement des océans, l'augmentation de la quantité de nutriments disponible dans les océans et la pression excercée par les prédateurs ont participé ensemble à diversifier la vie pendant plusieurs millions d'années, ce qu'on appelle la Grande Biodiversification de l'Ordovicien ou GOBE (Great Ordovician Biodiversification Event).

A gauche et au centre, évolution des paramètres physiques et des concentrations de gaz entre 560-420 millions d'années. A gauche, les valeurs mesurées, au centre les simulations sur base du modèle COPSE. On observe une anoxie océanique, une euxinie en profondeur tandis que le taux de gaz carbonique diminua à la fin de la période. A droite, évolution de la concentration de gaz carbonique, de l'oxygène et de la température moyenne du globe depuis le début du Cambrien. Documents S. van de Velde at al. (2018) et Dorrell et Smith (2011), C.R. Scotese (températures) adaptés par l'auteur.

Comme on le voit dans les diagrammes ci-dessus, l'étude précitée de l'équipe de van de Velde montre également qu'à la fin du Cambrien on assista à une diminution de la concentration de gaz carbonique dans l'air qui passa de 15-17% durant l'explosion du Cambrien (avec un maximum de ~6300 ppm) et au début de l'Ordovicien (~4500 ppm) à seulement 9-10% à la fin de l'Ordovicien et au début du Silurien il y a 440 millions d'années, mais avec une concentration toujours très élevée de ~3000 ppm. A cette époque, l'anoxie océanique diminua fortement, devenant 2.5 fois plus faible qu'au Cambrien. En contrepartie la concentration d'oxygène réaugmenta pour atteindre une concentration similaire à aujourd'hui à la fin du Silurien.

La première extinction de masse

C'est à la fin de l'Ordivicien, il y a 444 millions d'années, à l'époque où le continent Gondwana (comprenant l'Afrique, l'Inde, l'Europe, l'Amérique du Sud, l'Australie et Antarctique) amorçait son rapprochement du continent Laurentia (la future Amérique du Nord) qu'on assista à la première grande extinction de masse :  86% des espèces disparurent. Il s'agit de la deuxième plus grande hécatombe après celle du Permien (voir plus bas). Au total, la Terre connaîtra 6 grandes extinctions de masse au cours des derniers 500 millions d'années.

La Terre verdit (440-420 Ma)

La Terre verdit entre 440 et 420 millions d'années, au Silurien, se couvrant d'un épais tapis de mousses primitives. Les licopodes notamment également appelés mousse terrestre ou pied de loup, sont les descendants de ces premières plantes vertes. Il faudra ensuite patienter entre 100 et 200 millions d'années selon les espèces pour qu'apparaissent les fougères, les prêles et les Selaginellales. A ce jour, le plus ancien arbre fossilisé est le Wattezia âgé d'environ 400 millions d'années.

Le premier animal terrestre (425 Ma)

Le premier animal rampant à sortir des zones humides de la Terre préhistorique et à se frayer un chemin sur la terre ferme pourrait être une espèce disparue du genre des myriapodes, un parent des mille-pattes modernes. Cet animal terrestre pionnier s'appelle le Kampecaris obanensis. Son étude par M.E. Brookfield de l'Université du Texas à Austin et ses collègues fit l'objet d'un article publié dans la revue "Historical Biology" en 2020.

Les arthropodes, comprenant les insectes, les araignées et les mille-pattes comptent parmi les premiers animaux à avoir quitté définitivement le milieu marin. D'autres espèces auraient devancé les myriapodes mais nous n'avons pas encore de preuves directes.

Découvert en 1899 sur l'île écossaise de Kerrera mais non daté à l'époque, le fossile de Kampecaris obanensis présenté ci-dessous à gauche fut daté par radiométrie des zircons (méthode U/Pb) à environ 425 millions d'années, de la fin du Silurien. Si la datation est correcte, cette espèce de milles-pattes serait le plus ancien animal terrestre ayant vécu hors de l'eau.

A gauche, fossile de Kampecaris obanensis, un myriapode ayant vécu il y a environ 425 millions d'années. Document BGS. A droite, panorama de Gylen Castle sur l'île de Kerrera en Ecosse, en direction du sud-ouest.

À peine 20 millions d'années après le Kampecaris, les archives fossiles révèlent d'abondants fossiles d'insectes et 20 millions d'années plus tard, les araignées et les insectes semblent prospérer dans les communautés forestières. Il s'est donc écoulé très peu de temps entre l'apparition de ce petit animal et le développement des communautés forestières très complexes.

Grâce à l'horloge moléculaire basée sur le taux de mutation de l'ADN, les fossiles de plantes à tige découverts en Écosse se sont également avérés environ 75 millions d'années plus jeunes que nous ne le pensions, coïncidant avec la chronologie de Kampecaris. Non seulement les insectes d'Écosse s'adaptaient à la vie sur terre à un rythme rapide - cette conclusion impliquant que les forêts le faisaient à peu près au même rythme - , mais il est très probable que les deux évolutions soient en quelque sorte liées.

Le Dévionien (419-359 Ma)

La Terre du Dévonien comprend trois grandes masses continentales : le supercontinent Gondwana qui dominait l'hémisphère sud, à l'origine de l'Amérique du Sud, de l'Afrique, de l'Antarctique, de l'Inde et de l'Australie. Dans l'hémisphère nord se trouvaient les supercontinents Sibéra et Laurussia qui formeront l'Asie, l'Europe et l'Amérique du Nord. Ces continents à la faune et la flore déjà très diversifiées étaient entourés par des mers peu profondes abritant déjà quelques superprédateurs imposants.

A gauche, l'exosquelette du placoderme Dunkleosteus terrelli découvert en Ohio en 1923 (voici une autre image) prise au NMNH. A droite, une illustration de ce prédateur de 8.8 m de long pesant 4 tonnes qui sillonnait les océans il y a 380-358 millions d'années. Documents NMNH et Alex Bernardini adapté par l'auteur. 

Le Dévonien est souvent qualifié de l'Âge des poissons. On y trouvait notamment de nombreux grands poissons cuirassés, les placodermes tels que les Bothriolepis, les Siluriens et autres Dunkleosteus. Ce dernier, présenté ci-dessus qui vivait il y a 392-392 Ma, est un poisson osseux de 6 à 8.8 m de long pesant entre 1 et 4 tonnes muni de puissantes mâchoires qu'il était capable de fermer en une fraction de seconde et se terminant par des excroissances osseuses en forme de cisaille dont la force de pression atteignait 750 kg (contre 215 kg pour les dents situées à l'avant et 614 kg pour les dents situées à l'arrière d'un requin bouledogue contemporain et jusqu'à 1.6 tonne pour le crocodile marin contemporain).

C'est également l'époque des sarcoptérygiens, les ancêtres des tétrapodes et des amphibiens. Le seul groupe de sarcoptérygien ayant survécu est le coelacanthe, un actinistien dont il existe encore deux espèces du genre Latimeria (L.chalumnae et L.menadoensis) qui vivent dans les grands fonds au large de l'Afrique du Sud et dans l'archipel des Comores situé au nord du Canal du Mozambique.

A voir : Le coelacanthe, Exp.Gombessa/L.Ballesta

A gauche, des trilobites (Philonyx) rampant sur le fond marin au début du Dévonien (419 Ma). Les océans abritaient également des cnidaires : des coraux rugueux et tabulés et des méduses. L'animal en spirale derrière le petit trilobite est une Anetoceras, une ammonite de la classe des céphalopodes. A droite, un coelacanthe de l'espèce Latimeria chalumnae photographié par Bruce Henderson au large de Pumula sur la côte sud du KwaZulu-Natal, en Afrique du Sud le 22 novembre 2019. Les plus anciens fossiles remontent à 410 millions d'années. Documents Richard Bizley et M.D. Fraser et al. (2020).

La vie conquiert la terre ferme

La couche d'ozone évoquée précédemment est à présent assez dense pour filtrer les rayonnements ultraviolets nocifs (UVE et UVC en dessous de 280 nm) et permettre le développement de la vie sur la terre ferme et n'est dorénavant plus confinée à la mer.

Grâce à l'abondance de l'oxygène et des pluies, au Dévonien supérieur, vers 375 millions d'années apparurent les premières mousses terrestres. Depuis, elles n'ont cessé de se répandre. Aujourd'hui on compte environ 20000 espèces dans le monde réparties dans 3 classes : les Anthocérotes (Anthocérotées), les Hépatiques et les Mousses (Muscinées). Les mousses se sont tellement bien adaptées qu'elles représentent le deuxième groupe de plantes terrestres le plus diversifié après les plantes à fleurs ou angiospermes (voir plus bas).

C'est à cette époque qu'apparut le premier amphibien, le Tiktaalik roseae, présenté ci-dessous à gauche, un poisson osseux dont les fossiles furent découverts dans la carrière de Bird Quarry, au Canada Arctique en 2004. Mesurant 3 mètres, c'est le premier poisson disposant d'un cou articulé et capable de marcher sur ses nageoires. C'est l'ancêtre des trétapodes : muni de quatre membres et d'une colonne vertébrale, c'est le premier animal marin qui colonisa la terre ferme. L'ère des reptiles et des mammifères débuta.

Deux grands groupes d'animaux ont colonisé la terre au Dévonien. Les tétrapodes et les arthropodes terrestres, y compris les insectes sans ailes et les premiers arachnides. Dans les océans, les brachiopodes ont prospéré. Les crinoïdes et autres échinodermes, les coraux rugueux et tabulés ainsi que les ammonites étaient également courants. De nombreuses nouvelles espèces de poissons sont également apparues.

C'est au Dévonien inférieur (419-393 Ma), il y a 410 millions d'années, qu'apparut le premier poisson muni d'un poumon et donc capable de respirer à l'air libre : le dipneuse. Parfaitement adapté, il a survécu depuis cette époque. C'est le seul poisson qui s'enterre dans la terre ferme et capable de survivre dans une forme de stase pendant 10 ans !

A voir : Fossiles de Kingko (depuis le Permien, ~254 Ma)

Quelques créatures géantes. Ci-dessus à gauche, reconstruction du Tiktaalik, l'ancêtre des tétrapodes qui vécut il y a quelque 375 millions d'années. A droite, le plus grand insecte volant, le Meganeura monyi, une sorte de libellule géante de la taille d'un pigeon (~70 cm d'envergure pour 150 g) vécut du Carbonifère au Permien (360-300 Ma). Ci-dessous à gauche, un scorpion de mer (Woodwardopterus freemanorum) de l'ordre des Eurypterida qui vivait dans les eaux de l'Australie actuelle entre le début de l'Ordovicien supérieur et l'extinction de la fin du Permien, il y a environ 252 millions d'années. Au centre, des Sigillariae (384-254 Ma), une plante arboprescence atteignant 30 m de hauteur du genre des Lycopodes qui vivaient dans les parties plus sèches des marais. Voici un fossile de l'écorce de 21x10 cm montrant les Stigmariae ou cicatrices foliaires en forme de cachet, similaires à celles qu'on trouve sur les rhizomes et les racines des plantes du carbonifère. A droite, une fougère arborescente d'Océanie. Documents via GuardianLV, D.R., Alison Douglas, Alchetron, Loparit/Mineralie Atlas et Lui Weber.

La végétation du Dévonien inférieur (419-383 Ma) se composait principalement de petites plantes, la plus haute ne mesurant qu'un mètre de haut. C'est de cette époque que datent les premières plantes vasculaires. À la fin du Dévonien, des prêles et des plantes à graines sont également apparues, à l'origine des premiers arbres et des premières forêts.

C'est à la fin du Dévonien ou Dévonien supérieur (383-358 Ma) qu'apparurent des végétaux et des animaux géants. Vers 365 millions d'années par exemple, à la limite entre le Dévonien et le Carbonifère apparaissent les fougères arborescentes comme l'Archaeopteris dont on retrouve les fossiles un peu partout sur la planète (New-York, Ecosse, Russie mais également en Amérique du Sud, en Afrique du Sud, en Inde et en Antarctique), c'est-à-dire sur les anciens supercontinents. Ces plantes pouvaient atteindre 10 à 15 mètres de hauteur. Certaines espèces ont survécu. Le genre Dicksonia par exemple comporte une trentaine d’espèces distribuées dans les montagnes de Malaisie, en Australie, en Nouvelle-Calédonie et en Nouvelle-Zélande. Citons également les genres Cibotium et Cyathea comme celles présentées ci-dessus à droite.

Fait remarquable, au Carbonifère vers 358 millions d'années, l'atmosphère contenait environ 35% d'oxygène (contre 21% aujourd'hui), ce qui accéléra le développement de la vie et boosta le métabolisme des créatures terrestres. On a longtemps pensé sans pouvoir le démontrer que l'atmosphère hyperoxique (contenant un taux élevé d'oxygène) avait contribué au gigantisme des espèces. Finalement, une expérience réalisée aux Etats-Unis en 2010 par Jon F. Harrison et ses collègues au moyen d'un synchrotron a permis de prouver cette hypothèse en mesurant la quantité d'oxygène consommée par différents insectes (criquets, scarabés, etc). Les chercheurs ont découvert qu'il existait une limite à la taille du système respiratoire (et forcément des muscles et des organes) au-delà de laquelle le corps de l'animal devient trop petit pour le contenir. Mais tant que cette limite n'est pas atteinte, l'espèce peut grandir. C'est ce qui s'est effectivement passé à la fin du Paléozoïque, entre le Dévonien, le Carbonifère et le début du Permien.

A gauche, les gorges de Geikie près de Darwin en Australie. Il s'agit d'une barrière de corail fossilisée. Au centre, la falaise de Downpatrick Head située le long de la Wild Atlantic Way dans la province de Connacht dans le nord-ouest de l'Irlande. Cet îlot de 45 m de hauteur présente des strates réparties sur 350 millions d'années. Voici une vue sous un autre angle et une vue rapprochée. A droite, une agate rubanée polie de Madagascar de ~5x4x3 cm pesant environ 82 g. Voici un autre spécimen de Tommy's Box/Etsy. Cette roche cristalline est composée à 97% de silice - de la calcédoine composée de quartz et de moganite - rubanée ou panachée avec des éléments métalliques oxydés (Fe, Mg). Les couleurs et les motifs varient d'un spécimen à l'autre, de même que leur âge qui varie entre 13 millions et plus de 3.72 milliards d'années. Documents Aussie Specialist, Atlantic Way Explorer et collection T.Lombry.

Le monde était également peuplé d'insectes géants comme les libellules qui avaient la taille d'un épervier (70 cm d'envergure pour le Meganeura monyi), des mille-pattes aussi grands que des serpents ou d'autres comme l'Arthropleura mesurant plus de 2.5 m et aussi large qu'un homme ! Toutefois, à côté d'eux vivaient également de petits insectes de quelques millimètres dont beaucoup se sont fait piéger dans la résine des conifères qui se fossila pour former l'ambre, y compris les ancêtres des abeilles, la super-famille des Apoidae apparue il y a 350 millions d'années.

C'est également au Dévonien que le déplacement des plaques tectoniques vida totalement la mer au nord-ouest de l'Australie. Les monumentales gorges de Geikie par exemple que l'on voit ci-dessus à gauche situées dans le Territoire du Nord, au sud de Darwin, se caractérisent par des vallées étroites aux parois verticales s'étendant sur plusieurs centaines de kilomètres. Certaines sont en partie inondées, d'autres sont à sec, formant de spectaculaires gorges étroites; il s'agit en fait d'une ancienne barrière de corail fossilisée remontant à 400 millions d'années.

Le Permien (299-252 Ma)

La diversité de la faune et de la flore marine du Permien entre ~299 et 252 millions d'années. C'est l'époque des trilobites, des mollusques (gastropodes, palourdes, etc) et des coraux. Document UMMNH.

Il y a environ 300 millions d'années au début du Permien, dans un monde qui était déjà couvert de forêts (elle abritait les premiers conifères, des palmiers et l'ancêtre du Kingko) et dans lequel évoluaient quantité d'insectes, apparurent les premières plantes à graines ou spermaphytes; à la différence des spores, les gamètes femelles doivent être fécondées par les grains de pollen. Mais il s'agit encore d'une fécondation simple (et non double) et les graines ne sont pas protégées. Cette seconde évolution n'apparaîtra qu'au Jurassique. On y reviendra.

Rappelons que le charbon que l'on extrait aujourd'hui en grande quantité s'est formé à cette époque, à partir de la décomposition de ces végétaux géants.

A l'inverse de la plupart des animaux contraints de vivre dans l'eau comme les trilobites et les mollusques, certaines créatures terrestres avaient la faculté de pondre des oeufs, une avancée décisive dans l'évolution. Désormais l'animal peut transporter ses oeufs sur la terre ferme tout en étant protégés dans leur coquille contenant le liquide amniotique nourricier.

Au cours du Permien, le Gondwana se recouvrit d'une épaisse couche de neige; nous entrons dans une nouvelle ère glaciaire qui dura 80 millions d'années entrecoupée d'une période interglaciaire de 15 millions d'années. La glace conquit les latitudes polaires et tempérées. Ailleurs, l'Australie par exemple connut des périodes glaciaires saisonnières à l'image du climat actuel du nord de l'Alaska. Nous verrons à propos de la faculté d'adaptation que le froid ou la glace ne signifie pas que toute vie est interrompue. Si l'espèce est adaptée à ce climat, elle peut parfaitement survivre, que ce soit un dinosaure, un mammouth, un Néandertalien, un manchot empereur ou une bactérie.

Entre 299 et 252 millions d'années, une intense activité volcanique combinée à un changement climatique majeur transformèrent radicalement la Terre. Les archives géologiques montrent qu'un peu partout sur la planète mais principalement dans la Sibérie actuelle, les éruptions volcaniques libérèrent dans l'atmosphère une quantité colossale de gaz toxiques et parfois létaux dont du gaz carbonique. Les sols se sont asséchés ce qui entraîna une forte mortalité de la faune et de la flore terrestre.

Un crâne fossilisé de Dinogordon, un prédateur carnivore mesurant 70 cm au garrot (la taille d'un petit loup) et 3 m de long qui vécut en Afrique du Sud et en Tanzanie voici 259 à 254 millions d'années. Document NGS/Jonathan Blair.

Dans les océans, la température de l'eau augmenta, provoquant la mort de la plupart des espèces marines et la prolifération des algues roses qui furent si nombreuses que la couleur de la mer devint rose. Sous l'effet des éruptions et de l'augmentation de la température, le méthane qui était emprisonné dans le sol ou sous les sédiments marins s'échappa dans l'atmosphère. Selon une étude publiée en 2012 dans la revue "Science" par Yadong Su et son équipe, le méthane étant un puissant gaz à effet de serre, ce phénomène provoqua une accélération du réchauffement global, portant la température au sol qui était de 34°C avant les éruptions entre 50 et 60°C dans l'air et à près de 40°C dans les eaux de surface équatoriales.

Durant ces éruptions volcaniques, des flots de laves de dizaines de mètres d'épaisseur envahirent la plupart des régions de l'Eurasie, recouvrant une étendue équivalente à la superficie des Etats-Unis.

En 2011, Stephen E. Grasby et son équipe ont expliqué dans la revue "Nature" que ces cataclysmes avaient été provoqués par un supervolcan de Sibérie qui serait entré en éruption à la fin du Permien et à l'origine des dépôts de cendres qu'on retrouve de l'Eurasie à l'Amérique du Nord. Vu l'ampleur des émissions de gaz sulfureux (et chloré et fluoré), il serait également à l'origine de l'acidification des mers suite aux abondantes pluies acides déversées sur les terres et dans les océans.

Suite à ces catastrophes globales qui ont duré 500000 ans, la faune comme la flore succombèrent en masse, conduisant à l'extinction du Permien il y a environ 252 millions d'années. 75% des espèces terrestres et entre 90-95% des espèces marines, faune et flore confondues, ont disparu. Ce fut la troisième grande extinction de masse et la plus importante que connut la Terre.

A la fin du Permien, on observa une baisse importante du taux d'oxygène qui passa de 28 ou 35% selon les estimations à 23%, soit proche du taux actuel. Puis il continua de baisser pour atteindre seulement 11% d'oxygène dans l'air il y a 200 millions d'années. La plupart des insectes géants volants n'ont pas pu s'adapter à cette chute importante du taux d'oxygène et disparurent. Néanmoins, ceux qui survécurent gardèrent un atout sur les insectes rampants car grâce à leurs ailes, en volant leurs muscles étaient mieux ventilés.

En parallèle, les niches abandonnées par les espèces éteintes furent occupées par de nouveaux prédateurs dont Coelurosaurovus, l'un des premiers reptiles volants insectivores qui vivait il y a 300 à 250 millions d'années. Il sera suivi par plusieurs espèces dont l'Icarosaurus au Trias (230 Ma) et le Xianglong zhaoi au Crétacé (125 Ma).

A gauche, la Pangée à la fin du Carbonifère (300 Ma). Dans la zone des montagnes pangéennes (rouge) de gauche à droite se dessinent l'Espagne, la France, la Grande-Bretagne et la future Europe bordées par l'océan Téhys. A droite, la Pangée au Permien (250 Ma) sur laquelle on a superposé les États modernes. Documents C.R. Scotese/PALEOMAP et Massimo Pietrebon.

Formation des cavités de gypse et des mines de sel

Il y a 286 millions d'années, à l'époque de la Pangée illustrée ci-dessus, alors que les vagues de la Panthalassa (le futur océan Pacifique) venaient s'écraser aux pieds de la chaîne de l'Oural et l'océan Théthys baignait les rivages de la future Europe, peut-être suite au changement climatique (le climat devint plus chaud et humide dans l'actuelle Eurasie) ou d'autres facteurs qui restent à déterminer, l'eau de mer s'est périodiquement accumulée puis s'est évaporée durant 30 millions d'années. Le calcium dissous dans l'eau (Ca++) précipita avant les cristaux de sel marin et s'accumula sous forme de couches de gypse. Près de Perm, suite à l'écoulement des eaux souterraines, ce gypse s'est de nouveau dissous et au cours des 300 millions d'années qui suivirent des dolines ainsi que des cavités se sont progressivement formées dans la roche calcaire, formant l'immense grotte engloutie d'Orda (ou Ordinskaya) présentée ci-dessous à gauche et en vidéo. Selon les géologues, il fallut réunir des conditions extrêmement rares qui n'arrivent qu'une fois sur un million pour arriver à former cette grotte unique au monde par sa taille.

A voir : ORDA, NHK World Japan

Ci dessus à gauche, la grotte d'Orda remplie d'eau douce située dans les entrailles de la colline de Kazakovskaïa de 50 m de haut qui est criblé de dolines et de galeries englouties. A droite, la mine de potasse d'Uralkali en Belarus. Ci-dessous à gauche, la mine de potasse de Verkhnekamskoye de l'usine d'Eurochem. A droite, la mine de carnallite d'Ekaterinbourg abandonnée.

Un peu plus loin, de l'eau de mer s'est également périodiquement déversée puis évaporée, abandonnant cette fois des couches de sel composées de chlore de potassium, reconnaissable à sa couleur orange. Il existe au moins trois endroits dans l'Oural datant de cette époque où on peut encore observer le sel accumulé au fil des éons, la mine de carnalitte (potassium et magnésium) d'Ekaterinbourg abandonnée, la mine de potasse de Verkhnekamskoye de l'usine d'Eurochem et la mine de potasse d'Uralkali en Belarus, aux parois psychédéliques toutes en nuances de rouge et de jaune parfois mêlées de bandes grises ou bleues.

Notons que beaucoup plus récemment, suite à la crise de salinité Messinienne (il y a 6 millions d'années), une grotte de sel similaire mais cette fois en nuances de gris se forma à Realmonte, en Sicile. On y reviendra.

Le Mézozoïque : Trias, Jurassique et Crétacé (252 à 65.5 Ma)

Suite à l'extinction massive du Permien, au début du Trias la Terre passa à deux doigts de la mort; tout était à refaire ou presque. Finalement, les éruptions volcaniques s'arrêtèrent et avec elles les émanations toxiques et les pluies acides, permettant à la végétation de réapparaître progressivement ainsi que la faune. De cette catastrophe, la Terre vit émerger de nouvelles espèces dont les dinosaures qui descendirent des reptiles ayant survécu au Permien.

Les premiers dinosaures sont apparus il y a environ 230 millions d'années au Trias supérieur (Carnien). A partir de la forme de certains os (l'os ischion du bassin, l'os prédentaire de la mâchoire, l'os lacrymal, du pouce, des os du cou, etc.), ils ont été divisés en deux clades, les dinosaures ornithischia ou dinosaures herbivores, bipèdes ou quadrupèdes et les dinosaures saurischia, bipèdes avec ou sans à plumes dont les oiseaux sont les seuls descendants. On y reviendra.

A voir : Dinosaurs by Region

Illustrations de dinosaures & aves par T.Lombry

Un échantillon de la diversité des dinosaures terrestres au Mézozoïque. Montage T.Lombry.

Comme évoqué précédemment (cf. page 1), il y a 200 millions d'années, au début du Jurassique, un supercontinent s'étendait d'un pôle à l'autre, la Pangée, entourée d'un superocéan. Il comprend la Laurussia et le Protogondwana. La Pangée s'est ensuite lentement morcelée en Laurasia au nord et Gondwana au sud qui se diviseront à leur tour pour former les futurs continents nord et sud Américains, l'Eurasie, l'Afrique, l'Antarctique, l'Australie et l'Inde.

Apparition de l'Araucaria (~240 Ma)

L'Araucaria (Araucaria araucana) également surnommé "Le désespoir des singes" (monkey puzzle) est un genre de conifère emblématique de la famille des Araucariaceae. Il régnait à l'époque du Gondwana dans une vaste zone comprise entre 20°N et 60°S. Nous possédons des fossiles découverts en Amérique (notamment en Arizona dont on fait des objets décoratifs), en Afrique, en Inde et en Océanie dont les plus vieux spécimens remontent entre 80 et 240 millions d'années.

L'Araucaria est une espèce relique car il existe encore aujourd'hui des descendants dans l'hémisphère sud, en particulier en Océanie (Nouvelle-Guinée, île de Norfolk, Australie et Nouvelle-Calédonie) et en Amérique du Sud, en particulier au Chili où sa répartition géographique s'étend entre 37 et 40°S, à la limite nord de la Patagonie. Il est fréquent dans la région d'Araucanie, dans la Réserve de Biosphère du Parc National Conguillío qui entoure le volcan Llaima. Sur 30000 ha, on y trouve toute une forêt luxuriante où ils survivent à la limite des forêts d'altitude (entre 600-1700 m d'altitude) de la Sierra Nevada. L'Araucaria supporte des températures variant entre -20° et +30°C et pourrait vivre plus de 1000 ans, une longévité offerte à très peu d'espèces.

A gauche, paysage d'Araucariae dans le Parc National Conguillío au Chili face au volcan Llaima. Au centre, les deux aspects de son écorce. A droite, les jeunes cônes d'un A. araucaria cultivé à Kyloe Wood à Northumberland, en Grande Bretagne. Différentes variétés furent introduites dans 16 pays, y compris en Europe où ils sont cultivés dans divers arborétum et parcs, et chez des particuliers.

Même quand il se profile sur les crêtes de la Sierra Nevada chilienne, l'Araucaria est reconnaissable entre tous par sa hauteur qui peut atteindre 25 m (et 40 m en culture), sa ramure étendue de forme pyramidale qui, chez les individus âgés, se limite à la cime formant une sorte de bouquet ou de parapluie caractéristique. De près, on le reconnaît à ses rameaux feuilletés et épais formés d'écailles imbriquées et à son tronc gris-brun soit couvert d'épines impressionnantes qui disparaissent avec l'âge soit craquelé d'ocelles au relief très apparent. Son tronc mesure entre 1-1.5 m de diamètre. Comme tous les conifères, les Araucariae femelles produisent des cônes en été. Chez la variété Araucaria Bidwilii les cônes peuvent atteindre 25 cm de diamètre et peser 10 kg. Si vous en voyez un jour, dites-vous que vous êtes en face d'un spécimen dont les ancêtres vivaient déjà sur Terre avant les dinosaures.

Apparition des angiospermes au Jurassique il y a 174 millions d'années

C'est au début du Jurassique il y a ~174 millions d'années qu'apparaissent les angiospermes, c'est-à-dire toutes les espèces végétales porteuses de fruits, y compris les fleurs (par opposition aux gymnospermes ou plantes à graine nue) et les gnétophytes. Selon certaines études, les premières espèces d'angiospermes seraient apparues il y a plus de 200 millions (214 millions d'années exactement pour certaines espèces de fleurs) mais les preuves ne sont pas encore concluantes. Mais si c'est le cas, cela double la durée d'évolution des fleurs, ce qui leur a laissé plus de temps pour se diversifier.

Pour rappel, on reconnait un gymnosperme au fait qu'il porte les gamètes mâles et femelles sur deux branches ou deux pieds différents (comme les sapins) alors qu'un angisperme porte les deux genres sur la même branche ou la même fleur (par exemple, le pistil femelle est placé au milieu de la fleur et est entouré des étamines mâles). De plus, en général un gymnosperme compte sur le vent pour disséminer son pollen (mâle) alors que l'angiosperme est assisté par les insectes. Le fait que le vent est un vecteur aléatoire explique la disparition progressive des gymnospermes au fil des éons au profit des angiospermes. D'autres facteurs ont aussi influencé le développement des angiospermes, comme la coévolution (l'adaptation des fleurs par exemple à leurs pollinisateurs), la polyploïdie (la multiplication des brins d'ADN conduisant à des mutations) ainsi que l'activité plus ou moins intense des pollinisateurs.

En 2018, une équipe de chercheurs dirigée par Zhong-Jian Liu annonça dans la revue "eLife" la découverte des fossiles de la toute première fleur, Anjinganthus dendrostyla présentés ci-dessous (ligne supérieure). Plus de 200 spécimens furent découverts dans la région de Nanjing en Chine, déjà célèbre pour ses gisements du Jurassique supérieur et la découverte d'un squelette d'Homo erectus en 1993 au point que l'Institut Nanjing de Recherche Géologique et Paléontologique (NIGPAS) s'est installé dans la région en 1951. Cette fleur précède de près de 50 millions d'années Montsechia vidalii découverte par l'équipe de Bernard Gomez en Espagne en 2015 (cf. "PNAS") présentée ci-dessous (ligne inférieure). Il s'agit d'une plante à fleurs aquatique qui vivait dans les lacs d'eau douce d'Espagne au Crétacé, il y a ~125 millions d'années.

A lire : Angiospermes, Wikiwand

Ci-dessus à gauche, les empreintes fossilisées du premier angiosperme ou première plante à fleurs, Anjinganthus dendrostyla. Elle s'est ouverte il y a 174 millions d'années. Cette nouvelle espèce fut découverte en 2018 dans la région de Nanjing en Chine répurée pour ses gisements fossilifères. A droite, sa reconstruction idéalisée indique qu'elle présente bien les caractéristiques d'une plante à fleurs pouvant former et abriter des graines. Ci-dessous, le fossile de Montsechia vidalii, la seconde plante à fleurs la plus ancienne découverte à ce jour. Elle vivait voici ~125 millions d'années dans les lacs d'eau douce en Espagne. Documents NIGPAS et David Dilcher/Indiana University.

Malgré l'existence de ces espèces pionnières, il existe beaucoup moins de fossiles de plantes du Jurassique (201-145 Ma) que du Paléocène (66-56 Ma). Comme le montrent les deux graphiques ci-dessous, de façon générale la biodiversité n'explosa qu'à partir du Crétacé. En fait, les preuves paléobotaniques montrent que la transition vers de grands biomes dominés par les angiospermes fut lente et tardive.

L'arbre phylogénétique des angiospermes et son interprétation

A l'heure actuelle, il existe encore environ 1000 espèces de gymnospermes mais ces espèces ancestrales ont tendance à disparaître au profit des angiospermes qui comptent plus de 369000 espèces réparties en 445 familles appartenant à 56 ordres. Les fleurs représentent 90% des plantes. Les angiospermes doivent leur expansion à travers le monde et parfois de façon spectaculaire comme le désert du Namlaqualand au fait qu'ils ont trouvé dans les insectes une méthode pour optimiser la dissémination de leur pollen et assurer leur descendance.

Pour y voir plus clair dans l'éventail des angiospermes y compris des enregistrements fossiles, le botaniste Santiago Ramínez-Barahona de l'Université nationale autonome du Mexique (UNAM) et ses collègues ont dressé un arbre phylogénénique complet au niveau de la famille intégrant 16 millions d'enregistrements géographiques d'angiospermes à l'échelle mondiale. Ce travail fut basé sur les calibrations de 238 fossiles d'angiospermes, le plus grand ensemble de données réuni à ce jour (la précédente étude n'utilisa que 30 à 60 caibrations). Les résultats de leurs analyses furent publiés dans la revue "Nature Ecology & Evolution" en 2020.

A gauche, évolution de la diversité des fossiles connus, des extinctions et identifications de phénomènes géologiques majeurs du Crétacé à aujourd'hui. A droite, évolution de la biodiversité durant le Phanérozoïque (depuis 545 millions d'années). Documents Le livre scolaire et Rohde & Muller (2005) adaptés par l'auteur.

Comme on le voit dans l'arbre phylogénétique radial présenté ci-dessous à gauche, dans tous les clades et ordres des différentes familles végétales, la diversification fut assez lente. Selon les auteurs, cette carte phylogénétique "montre des décalages temporels importants (un délai moyen de 37-56 Ma) entre l'origine des familles (âge de la tige) et la diversification conduisant aux espèces existantes (âge de la couronne) à travers tout l'arbre de vie des angiospermes." Selon Susana Magallón, coautrice de cet article, "Pour mettre cela en contexte, le délai moyen correspond à environ un tiers de la durée totale de l'évolution des angiospermes, soit au moins 140 millions d'années."

Les chercheurs ont également découvert que les familles présentant les décalages les plus courts sont surreprésentées dans les biomes tempérés et arides par rapport aux biomes tropicaux. Ils concluent que "la diversification et l'expansion écologique des angiospermes existants étaient géographiquement hétérogènes et se sont produites longtemps après que la majeure partie de leur diversité phylogénétique soit apparue pendant la révolution terrestre du Crétacé." Selon Magallón, "L'étude soutient en outre l'idée que la dominance écologique des espèces à fleurs modernes fut retardée jusqu'à la fin des dinosaures, il y a environ 66 millions d'années." Autrement dit, les plantes à fleurs qui dominent aujourd'hui la forêt pluvieuse sont apparues relativement tard dans l'histoire des plantes.

A voir : Les collections du Smithsonian (NMNH), Chip Clark

A gauche, l'arbre phylogénétique complet des angiospermes publié en 2020 par l'équipe de Santiago Ramínez-Barahona. Au centre, deux photos d'Eupomatia laurina (fruits et fleurs) d'Australie. La fleur mesure 20 mm de diamètre. C'est l'une des 150 variétés de goyaves existantes dans le monde. La lignée E. Laurina (pas l'espèce) existait probablement déjà à l'époque où le supercontinent Gondwana se divisa il y a environ 180 millions d'années. A droite, l'arbre phylogénétique des animaux. Documents S. Ramínez-Barahona adapté par l'auteur, Gill Muller de Southern Fleurieu Flora, David Tng/Flickr et The Open University adapté par l'auteur.

Fait intéressant, en comparant l'arbre phylogénétique des fleurs avec celui des animaux, les chercheurs ont remarqué que l'âge de la tige des oiseaux correspond à leur séparation des crocodiles il y a environ 240 millions d'années tandis que l'âge de la couronne est marquée par l'ancêtre commun le plus récent de tous les oiseaux vivants, il y a environ 100 millions d'années. Selon les auteurs, "Ce qui s'est passé entre les âges de la tige et de la couronne est très intéressant parce qu'il s'agit de la période durant laquelle les dinosaures parcouraient la Terre. C'est aussi l'époque où tous les traits qui définissent les oiseaux modernes ont évolué."

C'est l'apparition des plantes à fleurs qui aurait condamné à mort les insectes géants au stade larvaire ou juvénile aquatique. En effet, les larves de libellules par exemple naissent et vivent dans l'eau. Or quand les plantes aquatiques meurent et se décomposent, elles polluent les eaux qui deviennent trop turpides pour la fragile santé des larves.

Fragments les mieux conservés d'un oisillon emprisonné dans de l'ambre datant de 100 millions d'années découvert au Myanmar. Cette espèce appartenant aux "oiseaux opposés" s'est éteinte il y a 66 millions d'années. Document Linda Xin et al.

Les plantes à fleurs ont ensuite continué à se développer, embellir et à améliorer leurs stratégies de survie (bisexualité, parfum, couleur, émission UV, sensibilité aux vibrations, adaptation à la chaleur et au froid, etc) pour finir par conquérir toutes les terres, devenant le groupe dominant de plantes terrestres dont le clade le plus important est celui des Eudicotes ou Dicotylédones vraies. Après l'extinction des dinosaures, les plantes à fleurs représentaient la principale source de nourriture pour la plupart des organismes terrestres et, bien plus tard, pour pratiquement toutes les cultures agricoles humaines.

Il y a 110 millions d'années, suite à une intense activité du manteau terrestre, la Pangée se fragmenta et les premiers continents partirent à la dérive sur le grand océan au gré des déplacements des plaques tectoniques. Des plaques se percutèrent localement en formant les chaînes de montagnes comme l'Himalaya (dont l'âge remonte entre 50 et 40 millions d'années selon les endroits) ou les Alpes (dont l'âge remonte entre 90 et 5 millions d'années selon les endroits), isolant ci et là des poches d'eau dans d'immenses mers intérieures dont certaines s'asséchèrent ensuite pour former les déserts actuels comme dans le centre de l'Australie.

Quelle était la température des océans il y a 100 millions d'années ? A partir du rapport isotopique δ18O (le rapport 18O/16O) des tests de foraminifères (les foraminifères sont des protozoaires apparus au Cambrien inférieur, il y a 540 millions d'années), en 2017 le minéralogiste Sylvain Bernard de l'IMPMC du CNRS et ses collègues paléoclimatologues ont découvert qu'au début du Crétacé, il y a environ 110 millions d'années, la température de l'océan de surface sous les Tropiques était presque identique à sa température actuelle (~28°C) et non pas une quinzaine de degrés supérieurs comme on le pensait il y a encore quelques années sur base de modèles paléoclimatiques mais biaisés par des données mal calibrées.

La température de l'océan de surface était également plus fraîche que prévue aux hautes latitudes, avec une température de 10 à 15°C (contre -2°C aujourd'hui aux pôles) et l'océan profond était à 15-20°C (contre 3.5°C aujourd'hui). On y reviendra en climatologie à propos du réchauffement des mers.

A gauche, une termite ailée (voici le bloc d'ambre) et à droite une mouche (voici le bloc d'ambre) emprisonnées dans de l'ambre fossilisé de l'Eocène (remontant entre 54.8 et 33.7 millions d'années) découvertes dans un gisement sur les côtes de la mer Baltique en Russie. Au centre, un hémiptère (voici un gros-plan) de l'Oligocène (entre 34 et 23 millions d'années) découvert dans une mine d'ambre en République Dominicaine. Si l'ADN de ces insectes était resté intact, on aurait également pu les cloner à l'image du scénario de "Jurassic Park". Malheureusement l'ADN fossilisé est souvent parcellaire voire détruit. Images agrandies 15x et 23x. Notez que l'ambre est moins dur, moins dense et se casse aussi facilement que du verre. Collection T.Lombry.

À l'époque des dinosaures il y a environ 71 à 66 millions d'années (bien que certaines espèces découvertes récemment remontent à 200 millions d'années), on pouvait observer dans le ciel d'Amérique du Nord (Montana, Texas) et en Europe (Roumanie) quelques rares représentants de la famille des Azhdarchoïdés (ordre des Ptérosaures) présentés ci-dessous. Il s'agit du Quetzalcoatlus northropi et de l'Hatzegopteryx thambema. Il s'agit des plus grands animaux volants connus. Mais ils n'appartiennent pas à la classe des oiseaux (Aves). Ils sont aussi grands qu'une girafe ou qu'un petit avion (~5.5 m de hauteur pour 90 kg, 12 m d'envergure et un crâne de 2 à 3 m de long) et se caractérisent par leur grande mâchoire parfois édentée. Certains étaient carnivores et probablement de redoutables prédateurs et peut-être aussi charognards. Ils se servaient des articulations de leurs ailes pour s'appuyer au sol mais marchaient maladroitement. Ces espèces se sont éteintes en même temps que les dinosaures.

Illustrations de quelques ptérosaures. Ci-dessus à gauche, un Arambourgiania comparé à une girafe et un être humain. Au centre, l'Hatzegopteryx thambema et le Quetzalcoatlus northropi. A droite, un Hatzegopteryx thambema face à deux dinosaures prédateurs. Ci-dessous à gauche, un représentant des Azhdarchidae et deux Quetzalcoatlus northropi. A droite, un Quetzalcoatlus northropi. Ils vécurent il y a 71 à 66 millions d'années. Ce sont les plus grands animaux volants connus. Ce ne sont pas des oiseaux (classe des Aves). Ils appartiennent à la famille des Azhdarchoïdés et à l'ordre des Ptérosaures. Documents Mark Witton, D.R., iStock, D.R. et Julio Lacerda.

C'est également au Crétacé que sont apparus les inocérames géants, Inoceramus stenstrupi, des mollusques bivalves ressemblant vaguement à des huîtres Pteria dont le plus grand spécimen mesure 1.78 m de longueur comme en témoigne ce spécimen exposé au Musée Zoologique de Copenhague. Il fut découvert à Nuugssuaq à l'ouest du Groenland. Son épaisse coquille est formée de couches de prismes de calcite fixés perpendiculairement à la surface, lui donnant un reflet nacré. On a retrouvé des spécimens en Europe et en Amérique du Nord. Leur gigantisme s'expliquerait par une adaptation à des fonds obscurs et une eau anoxique. En effet, leurs branchies plus étendues devaient permettre à l'animal de mieux capter le peu d'oxygène présent dans l'eau.

De nos jours les plus grands bivalves sont les bénitiers géants (Tridacna gigas) vivant dans les récifs coralliens tropicaux dont le plus grand mesure 1.37 m de longueur et pèse 332 kg.

L'extinction des dinosaures

Il y a environ 66 millions d'années, à la limite C/Pg (ex-limite C/T), la Terre subit une nouvelle extinction de masse, dont celle des dinosaures suite vraisemblablement à la combinaison de l'impact d'une météorite d'environ 10 km de diamètre à Chicxulub, dans la péninsule du Yucatan au Mexique et d'une très forte activité volcanique notamment en Sibérie.

Cette catastrophe écologique majeure provoqua la disparition de près de la moitié des espèces dont 75% des espèces marines. Suite à cet impact, comme au Permien des milliards de tonnes de poussière toxique et de fumées mélangées à des gaz sulfurés ont envahi l'atmosphère, bloquant le rayonnement solaire, faisant chuter la température au point de créer un hiver d'impact, ce qui interrompit brutalement la photosynthèse et altéra pendant des dizaines d'années sinon davantage le climat de la Terre.

On sait aujourd'hui qu'après cette catastrophe globale qui réduisit pratiquement tout en cendres, seulement 2 à 3 ans seulement après l'impact des formes de vie élémentaires comme le plancton et autres protozaires sont réapparus au point d'impact à Chicxulub dans un environnement qui était encore très toxique pour des formes de vie plus évoluées. En revanche, ailleurs sur la planète et selon les endroits il fallut patienter entre 30000 et 300000 ans pour reconstruire une biocénose complète. On reviendra en détails sur cet évènement hors du commun à propos de l'extinction des dinosaures.

A voir : Life of Dinosaurs, NHK, 2019

A consulter : The Dinosaur Database

A gauche, tailles comparées de quelques animaux préhistoriques et contemporains. A droite, la fin du Crétacé, juste avant l'impact de la météorite de 10 km de diamètre à l'origine de la 5e extinction de masse il y a 66 millions d'années. Documents SameerPrehistorica et Smithsonian Institution.

Le Cénozoïque : du Paléocène à l'Holocène (65.5 Ma à aujourd'hui)

Lorsque l'atmosphère s'éclaircit, la catastrophe globale du Crétacé/Paléogène offrit aux mammifères et aux oiseaux l'opportunité de se développer et d'occuper les niches écologiques abandonnées par les grands sauriens. Nous entrons dans l'ère du Cénozoïque et des reptiles géants.

A l'époque des dinosaures, la Terre connut des créatures gigantesques comme le Diplodocus hallorum (anc. Seismosaurus halli) de 54 m de long découvert en 1991, l'Apatosaure (Brontosaure) de 26 m de long et 8 m de haut pesant jusqu'à 35 tonnes et le Titanoboa de 13 m de longueur.

Dans les océans de la fin du Cénozoïque (28-1.5 Ma) chassaient des prédateurs géants comme le Mégalodon mesurant jusqu'à 18 m de long et pesant jusqu'à 50 tonnes. La pression de sa mâchoire était de 20 t/cm2, dix fois supérieure à celle du grand requin blanc pourtant redoutable. On reviendra sur la disparition du Mégalodon (voir plus bas).

Dans les milieux humides, le plus grand et le plus féroce des superprédateurs fut sans conteste le Spinosaure (Spinosaurus) ou "lézard épineux" découvert en Egypte en 1912 puis au Maroc et en Asie (Laos). Ce dinosaure théropode vécut au Crétacé il y a 108 à 95 millions d'années mais de nouvelles études indiquent qu'il aurait été présent en Amérique du Nord dès le Jurassique supérieur (150-135 millions d'années). Ce colosse mesurait jusqu'à 18 m de long - 3 m de plus que le T.rex- et 6 m de haut pour un poids de 9 tonnes et était pourvu d'une grande voilure dorsale. Sa mâchoire mesurait 1 m de long et était dotée de dents lisses et coniques (et non pas acérées et dentelées comme la plupart des autres prédateurs) s’imbriquant les unes dans les autres. Il rigolerait en voyant la gueule d'un T.rex ! Des études publiées en dans la revue "Geology" en 2020 montrent que sa mâchoire est celle d'un animal semi-aquatique se nourrissant de poissons, à l'image des crocodiles.

Dans les eaux du Spitzberg actuel, il y a 147 millions d'année vivait le Pliosaure (Pliosaurus funkei) surnommé "Predator X" mesurant 15 m de long et pesant 45 tonnes. Dans ce monde de géants vivaient également des hybrides marins ou aériens tel le scorpion de mer de 2.7 m de long.

Devant cette prolifération d'espèces, l'évolution choisit rapidement les caractères dominants, les erreurs d'inadaptation s'éliminant d'elles-mêmes mais parfois au terme de plusieurs millions d'années seulement; dame Nature n'est pas pressée.

On dit souvent que les oiseaux sont les descendants des dinosaures. C'est tout à fait exact ! Etant donné le peu d'intérêt qu'ils représentent au yeux des scénaristes de films qui leur préfèrent les dinosaures[4], cela vaut la peine de faire un arrêt sur image, d'autant que de nouvelles espèces furent découvertes depuis 2010.

Cinq espèces d'oiseaux préhistoriques (classe des Aves, groupe des théropodes). Ci-dessus à gauche, l'emblématique Archaeopteryx (~150 Ma, 30 cm, 0.8-1 kg). A droite, le Lallawavis scagliai (3.5 Ma, 1.2 m, 18 kg) découvert en 2010 en Argentine. Ci-dessous quelques superprédateurs de leur époque. De gauche à droite, le Deinonychus (115-108 Ma, 73 kg, 1 m au garrot), le Corythoraptor jacobsi (100-66 Ma, 3 m, 230 kg) reconnaissable à sa crête similaire à celle du casoar dont la découverte en Chine fut annoncée en 2017 et le Titanis walleri (5-2 Ma, 2.5 m, 150 kg). Documents Mauricio Anton/Thierry Lombry, Julio Lacerda, Emilie Willoughby, CAS/Zhao Chuang et DK.

Les ancêtres de nos poulets et autres volatiles à plumes remontent indirectement au Tyrannosaurus rex (~65 Ma) bien que les deux classes taxinomiques soient différentes. En effet, le T.rex appartient à la classe des sauropodes (Sauropsidae) qu'on peut assimiler à celle des reptiles alors que les oiseaux appartiennent à la classe des Aves, c'est-à-dire des animaux ailés. Etant bipèdes, les Avès appartiennent aussi au groupe des théropodes. Les deux classes ont un ancêtre commun appartenant à la super-classe des Tétrapodes (les premiers animaux vertébrés aquatiques à respiration pulmonaire) apparue au Dévonien moyen il y a moins de 380 millions d'années. Comme nous l'avons expliqué, le clade des dinosaures Saurischia comprend l'espèce T.rex mais celle-ci ainsi que toutes les espèces du super-ordre des dinosaures se sont éteintes il y a environ 65 millions d'années suite à l'impact météoritique à la limite C/Pg à l'exception de la classe des Aves qui survécut, donnant naissance aux ancêtres des oiseaux actuels.

Une seconde extinction mais cette fois d'origine climatique se produisit au PETM ou maximum thermique survenu à la limite Paléocène-Eocène il y a ~56 millions d'années. La température moyenne du globe augmenta entre 5 et 8° et la concentration de dioxyde de carbone augmenta, conduisant à l'anoxie de certaines eaux profondes et à l'extinction de nombreuses espèces.

Les oiseaux modernes remontent à une branche primitive d'oiseaux géants - plus grands et plus massifs que l'autruche - ayant vécu il y a moins de 30 millions d'années, le plus souvent sur le continent américain (nord ou sud ou les deux) comme le Physornis (28-23 Ma), le Brontornis (~27 Ma), le Kelenken (15 Ma), le Titanis (5-2 Ma) et autre Lallawavis (3.5 Ma) présentés ci-joint. Leurs ancêtres, les théropodes sont apparus il y a environ 175 millions d'années, au Jurassique moyen (Dogger) soit environ 60 millions d'années après les premiers dinosaures. Parmi ces premiers oiseaux, il y avait le fameux Archaeopteryx découvert en Allemagne en 1861 et qui vécut il y a ~150 millions d'années. Les paléontologues ont découvert 8 sous-espèces mais leur taille ne dépasse pas celle du pigeon (moins de 30 cm de longueur). En revanche, tous les autres oiseaux préhistoriques sont de véritables géants et des superprédateurs très dangereux.

Quatre autres espèces d'oiseaux géants préhistoriques (classe des Aves, groupe des théropodes). De gauche à droite, le Physornis (28-23 Ma, au moins 2 m, plus de 100 kg), le Brontornis (~27 Ma, 2.80 m, 350-400 kg), le Kelenken (15 Ma, 3 m, 220-250 kg) et le Phorusrhacos (27-0.4 Ma, 2.5 m, 130 kg). Documents D.R.

Les oiseaux préhistoriques dont certaines espèces étaient incapables de voler présentaient des dents dont la poule par exemple a hérité ainsi que d'autres caractéristiques morphologiques comme le fait qu'ils sont tous bipèdes, ont des pattes à quatre doigts (sauf l'autruche qui possède 2 doigts) dont un ergot et une palmure plus ou moins développés, des plumes, un bec, des membres antérieurs transformés en ailes et une queue courte osseuse (à l'exception de l'Archéoptéryx dont la queue osseuse est longue, de même que celle du Deinonychus). Parmi les espèces géantes vivant en Europe (et en Amérique du Nord) il y avait le Gastornis (Diatryma) assez proche du Brontornis présenté ci-dessus.

L'une des espèces d'oiseaux géants préhistoriques ayant survécu le plus longtemps fut le Phorusrhacos (de la même espèce que le Brontornis) qui vécut sur le continent américain il y a 27 millions d'années et s'est éteinte il y a 400000 ans.

Dernières évolutions des continents, du climat et de la vie

Depuis 20 millions d'années, les continents ont l'aspect que nous leur connaissons aujourd'hui. Les principales chaînes de montagnes étaient également formées. Puis, il y a environ 12 millions d'années, lorsque les plaques continentales se sont brisées elles n'ont pas seulement soulevé de nouvelles montagnes en Europe centrale, mais elles ont créé le plus grand lac que le monde ait jamais connu.

Cette vaste étendue d'eau appelée la Paratéthys abrita des espèces que l'on ne trouve nulle part ailleurs, y compris la plus petite baleine du monde, Cetotherium riabinini qui mesurait environ 2 m de longueur.

Selon une étude publiée dans la revue "Nature" en 2021 par le paléo-océanographe Dan V. Palcu de l'Université de São Paulo et ses collègues, comme illustré ci-dessous à gauche, dans sa plus grande étendue, la Paratéthys que certains scientifiques considèrent comme une mer intérieure s'étendait des Alpes orientales jusqu'à l'actuel Kazakhstan, couvrant plus de 2.8 millions de kilomètres carrés (contre 2.5 millions de kilomètres carrés pour la Méditerranée actuelle).

Les chercheurs ont estimé que la Paratéthys contenait plus de 1.77 million de kilomètres cubes d'eau, soit plus de 10 fois le volume combiné de tous les lacs d'eau douce et d'eau salée actuels !

A gauche, étendue de la Paratéthys il y a 12 millions d'années. A droite, l'aspect du Sahara il y a plus de 9 millions d'années, avant qu'il ne s'assèche. Documents D.V. Palcu et al. (2021) et T.Lombry.

Ensuite, il y eut des changements climatiques importants en Afrique du Nord qui virent la formation du Sahara. Quatre longues périodes sèches sont survenues entre 8.75 et 6.25 millions d'années qui ont probablement poussé les animaux à migrer vers le sud-ouest de l'Afrique où ils évoluèrent pour produire la diversité de créatures pour laquelle la savane africaine est aujourd'hui célèbre (cf. M.Böhme et al., 2021). Cet assèchement des sols participa vraisemblablement à l'évolution des hominidés. On y reviendra.

Sur une période de 5 millions d'années, les variations climatiques réduisirent au moins à 5 reprises la taille de la Paratétys qui vit son niveau baisser de 250 mètres il y a environ 7.8 millions d'années (entre 7.65-7.9 Ma). La Paratéthys était vouée à disparaître.

Au cours du plus grand épisode de contraction, la Paratéthys perdit jusqu'à un tiers de son eau et plus des deux tiers de sa superficie. Cela fit monter en flèche la salinité de l'eau dans le bassin central qui correspondait étroitement aux contours actuels de la mer Noir, passant d'environ un tiers de la salinité actuelle moyenne de l'eau de mer à une concentration comparable à celle d'aujourd'hui.

Aspect actuel de la savane dans la Réserve de Masaï Mara, dans l'ouest du Kenya. L'effet de la saison sèche combiné au changement climatique assèche cette région depuis des millions d'années. La faune et la flore se concentrent à proximité des points d'eau, des rivières saisonnières et des aquifères. Document Mara West.

Ces changements ont anéanti de nombreuses espèces aquatiques, y compris de nombreuses espèces d'algues unicellulaires et d'autres petits organismes flottant librement. Les créatures qui pouvaient survivre dans l'eau saumâtre, y compris certains mollusques, ont survécu pour repeupler la mer intérieure lorsqu'elle s'agrandissait pendant les périodes plus humides.

La mer intérieure cessa d'exister il y a entre 6.9 et 6.7 millions d'années, lorsque l'érosion créa un exutoire au bord sud-ouest de la mer intérieure. Cet exutoire, qui est probablement de nos jours sous la mer Égée, donna naissance à un court fleuve qui trouva finalement son chemin vers la Méditerranée. L'eau qui s'écoula du vestige de la Paratéthys a probablement sculpté une cascade impressionnante pendant qu'elle s'écoula vers la mer.

Ce changement climatique déclencha le rétrécissement des lacs qui influença l'évolution des animaux terrestres. À mesure que les niveaux d'eau baissaient, les rivages nouvellement exposés sont devenus des prairies et des points chauds pour l'évolution.

À la fin du Miocène, il y a 6 millions d'années, le continent africain et l'Europe sont entrés en collision, provoquant la fermeture du détroit de Gibraltar et l'évaporation progressive de la mer Méditerranée, c'est la crise de salinité Messinienne évoquée plus haut. Nous avons des preuves qu'à cette époque des animaux ont migré de l'Afrique vers l'Europe et vice versa sans se mouiller les pattes. On peut imaginer que des groupes d'homininés ont emprunté les mêmes voies.

Puis, il y a environ 5.3 millions d'années, une brèche se produisit dans le détroit de Gibraltar, provoquant la méga inondation du Zancléen qui inonda rapidement le bassin Méditerranéen jusqu'au niveau actuel. Les chercheurs estiment que le débit de cette méga inondation atteignit 100 millions de mètres cubes par seconde soit un débit ~1000 fois supérieur à celui de l'Amazone de nos jours ! La Méditerranée se serait remplie d'eau jusqu'au niveau actuel en seulement deux ans !

Seules des îles comme l'archipel d'Hawaï se sont formés plus récemment (5 millions d'années) sachant que la durée de vie des îles volcaniques (par exemple la Polynésie) est d'environ 100 millions d'années.

Il y eut également une extinction mineure au début du Pléistocène il y a 2.6 millions d'années qui vit la disparition de 36% de la mégafaune marine dont le Mégalodon. Elle pourrait coïncider avec l'explosion d'une supernova. Cette époque fut également marquée par un nouvel Âge glaciaire (cf. le cycle des glaciations) dans lequel nous sommes toujours malgré les apparences, et une inversion du champ géomagnétique.

Nous connaissons la suite de l'histoire que nous détaillerons dans l'article consacré à l'évolution de l'Homme depuis nos ancêtres hominidés apparus à la fin de l'époque du Miocène, il y a plus de 10 millions d'années.

Enfin, concernant le futur de la Terre et de l'humanité, très peu d'études existent sur ces sujets par nature spéculatifs. Nous évoquerons l'évolution de la concentration d'oxygène dans l'article consacré à l'atmosphère terrestre, l'augmentation du gaz carbonique dans celui consacré à l'effet de serre notamment et l'évolution biologique des humains dans l'article consacré à l'avenir de l'Homme.

Pour plus d'informations

L'origine et l'avenir de l'Homme (sur ce site)

Origine et évolution de l'Homo sapiens (sur ce site)

L'avenir de l'Homme (sur ce site)

Les extinctions de masse (sur ce site)

Les techniques de recherches paléontologiques (sur ce site)

La datation des météorites (sur ce site)

Echelle des temps géologiques (et PDF) - Version anglaise sur ICS

Lifemap

Les minéraux (et la galerie)

The Dinosaur Database

Ancien Earth (entre 750 millions d'années et aujourd'hui)

Bizley Art (illustrations préhistoriques)

What sparked the Cambrian explosion, Douglas Fox, Nature, 2016

Les collections du Smithsonian (NMNH), Chip Clark

Le volcanisme et les crises de la biodiversité (PDF de 21.7 MB), Pierre Thomas/ENS/OSU Lyon

Histoire des climats et de l'atmosphère (PDF de 11 MB), ENS Lyon

Vidéos sur YouTube

La dérive des continents depuis 3.3 milliards d'années

Our Story in 1 Minute

Our Story in 6 Minutes

Evolution On Earth In 60 Seconds

History of the Earth, Algol, 2020

Life of Dinosaurs, NHK, 2019

Earth Evolution in 20 Minutes, What If, 2023

The Whole History of the Earth and Life, 2020

The History of Earth - How Our Planet Formed - Full Documentary HD, Wisdom Land, 2017.

Retour à la Terre

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[4] Les oiseaux préhistoriques ayant l'image populaire d'oiseaux volants ne s'attardant pas au sol et étant a priori moins impressionnants que les dinosaures, ils sont relativement peu représentés et très fugaces dans les films. On a vu des Ptérodactyles dans "Voyage dans la préhistoire" en 1954, des Ptéranodons dans "Dinotopia" en 1992 et dans les téléfilms en 2002, diverses espèces clonées (Ptérodactyle, Ptéranodon, Cearadactyle, Dimorphodon) dans "Le Monde perdu: Jurassic Park" en 1997, des Ptérodactyles dans "Les aventuriers du monde perdu" (Le Monde interdit) en 2001 et diverses espèces (Anurognathus, Ptéranodon, Ptérosaure, Titanis, etc.) dans plusieurs saisons du téléfilm "Primeval" entre 2007 et 2011.


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