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La Voie Lactée
Le Nuage Local et la Bulle Locale (IV) Le Soleil entraîne le système solaire dans les bras de la Voie Lactée et traverse actuellement un nuage interstellaire local d'environ 40 x 30 années-lumière à la vitesse de 16.5 km/s soit 59400 km/h. Ce déplacement dans l'espace crée un vent interstellaire de particules. En 2013, Priscilla Frisch de l'Université de Chicago et ses collègues déclarèrent dans la revue "Science" que la direction de ce vent interstellaire avait légèrement dévié de 4 à 9° depuis le dernier sondage effectué entre 1972-1978 pour une raison inconnue. On suppose que le Soleil approche des limites du Nuage Local et d'une zone de turbulence. Ce Nuage Local est né de l'onde de choc formée par la collision de deux structures gazeuses : la Bulle Locale et un segment de la Vague de Radcliffe (l'ex-bulle de la Boucle I de la Ceinture de Gould, voir plus bas). Ce milieu interstellaire présente une très faible densité de 0.26 atome/cm3 soit plus de 5 fois inférieure à la densité moyenne du milieu galactique (et 2 x 1021 plus faible l'atmosphère terrestre au niveau de la mer) pour une température de brillance de 6000 K, relativement chaude. Comme le montre l'illustration présentée ci-dessous à gauche, vu ses dimensions, le Nuage Local comprend des étoiles proches comme Alpha Centauri (4.3 a.l.), Sirius (8.6 a.l.), Véga (25 a.l.), Fomalhaut (25.1 a.l.) et Arcturus (36.6 a.l.). Il est en interaction avec le nuage voisin appelé le Nuage G qui se déplace perpendiculairement à la trajectoire du Soleil. Le Soleil serait entré dans le Nuage Local il y a entre 44000 et 150000 ans et devrait en sortir dans 10000 ou 20000 ans. Il se dirige actuellement vers l'extérieur de l'Association Scorpion-Centaure (qui est une nurserie d'étoiles). Le Nuage Local fait partie d'une structure plus vaste appelée la Bulle Locale illustrée ci-dessous dans laquelle le Soleil serait entré il y a 5 ou 6 millions d'années (cf. C.Nojiri et al., 2025). Il s'agit d'une cavité de 1000 années-lumière de large au centre de laquelle se trouve le Soleil et délimitée par les rémanents de plusieurs supernovae (SNR). La densité de cette bulle d'hydrogène est dix fois inférieure au reste de la Voie Lactée et représente ~5% de celle de la région située à l'extérieure. Ce gaz est composé d'un plasma chaud (de l'ordre du million de kelvins) qui émet des rayons X (cf. H.A. Abt, 2015). Cette région abrite également quelques unes des étoiles proches dont Sirius, Véga, Aldébaran et Arcturus ainsi que la nébuleuse Gum, un autre rémanent de supernova.
La Bulle Locale contient elle-même plusieurs cavités de très faible densité typiques de régions ayant été soufflées par une onde de choc. Cette bulle se compose d'un gaz chaud porté entre 1 et 2 millions de kelvins (cf. J.A. Phillips et A.W. Clegg, 1992; M.Galeazzi et al., 2014) mais très ténu qui émet un flux diffus de rayons X de 0.25 keV suite à l'excitation du gaz par les supernovae (cf. H.A. Abt, 2015). Il est donc fortement ionisé avec des ions O VI et C II. La Bulle Locale contient 140 étoiles de classe A à rotation rapide ainsi que 20 étoiles avec disque situées à l'extérieur ou à la limite de la bulle. 95% du gaz contenu dans cette bulle furent éjectés par 3 supernovae ayant explosé il y a environ 2.6 millions d'années mais il y a des traces d'isotopes beaucoup plus anciens (cf. H.A. Abt, 2015; A.Wallner et al., 2020). Le pulsar PSR B0950+08 alias CP 0950 découvert en 1968 présente une période de 1.25 s et brille à la magnitude apparente +5.28 dans le Lion à la distance de ~130 pc ou ~423 années-lumière. Il se situe en bordure de la Bulle Locale. Il se serait formé lors de l'explosion d'une supernova survenue il y a 1.8 million d'années. Son SNR détectable en Hα et en rayons X est probablement le proche du système solaire (cf. J.D. Pilkington et al., 1968; P.R. McCullough et al., 2002). Il y a également quelques étoiles plus anciennes dans la bulle, mais pour l'essentiel aucune étoile n'a moins de 50 millions d'années. La raison est que les ondes de choc engendrées par la quinzaine de supernovae auraient comprimé le gaz en la balayant, déclenchant de nouvelles vagues de formation d'étoiles sur la surface de la bulle. Sur la base des mesures de la poussière accumulée sur la bulle, les chercheurs estiment que ces ondes de choc accumulèrent plus d'un million de masses solaires de poussière. A
voir : A Bubbly Origin for Stars Around the Sun,
CfA, 2022 The Local Bubble in 3D, CfA, 2022 The Local Bubble is a Local Chimney in 3D, T.J. O'Neill et al., 2024
Grâce aux données astrométriques du satellite Gaia, l'équipe de Catherine Zucker du Centre d'Astrophysique Harvard-Smithsonian (CfA) de Cambridge, Mass., et du STScI est parvenue à dresser le portrait complet de cette Bulle Locale ainsi que des étoiles et de la poussière qu'elle contient. Leurs découvertes ont fait l'objet d'un article publié dans la revue "Nature" en 2022 (voir aussi les visualisations de C.Zucker et al., 2022 et T.J. O'Neill et al., 2024). En suivant les mouvements des amas et autres groupes d'étoiles situées sur l'enveloppe de cette Bulle Locale, Zucker et ses collègues ont retracé leurs trajectoires passées afin de déterminer l'origine de cette bulle dans le temps et dans l'espace. Ils ont identifié dans l'association Scorpius-Centaurus (alias Sco-Cent ou Sco OB2) deux sous-groupes, Upper Centaurus Lupus (UCL) situé à environ 456 années-lumière et Lower Centaurus Crux (LCC) situé à 386 années-lummière, comme les sources probables des supernovae qui explosèrent il y a entre 13.6 millions et 15.1 millions d'années, confirmant les découvertes précédentes. Les membres stellaires de l'association Sco-Cen présentent des mouvements propres convergents d'environ 0.02 à 0.04" d'arc par an et se déplacent à environ 20 km/s par rapport au Soleil. Les sous-groupes eux-mêmes présentent une faible dispersion de vitesses, de l'ordre de 1 à 2 km/s et sont probablement gravitationnellement liés (cf. S.Madsen et al., 2001). Ils sont nés il y a 15 ou 16 millions d'années à environ 50 années-lumière l'un de l'autre. Sur la base de toutes les étoiles qui se sont formées depuis cette époque, les chercheurs estiment que ces associations OB auraient pu contenir suffisamment d'étoiles massives pour héberger entre 14 et 20 supernovae. Sur base des données de Gaia, Zucker et ses collègues estiment qu'une quinzaine de supermovae ont créé la Bulle Locale au cours des derniers 14 millions d'années.
A partir de ces données, Zucker et ses collègues en déduisent que c'est l'effondrement local de cette bulle qui forma les nuages protostellaires et les nurseries d'étoiles qu'on observe aujourd'hui sur le pourtour de la Bulle Locale telles que les régions de formation stellaires d'Ophiuchus, Lupus, Pipe, Musca, Corona Australis, Caméléon et le Nuage Moléculaire du Taureau (TMC-1). Aujourd'hui cette bulle continue à s'étendre et il y aura d'autres supernovae. Des traces de fer-60 Dans une étude publiée dans les "PNAS" en 2020, le physicien nucléaire Anton Wallner de l'ANU (HIAF) et ses collègues ont découvert que la Terre voyage depuis 33000 ans à travers un nuage de poussière faiblement radioactif. Selon Wallner, "Ces nuages pourraient être les restes d'explosions de supernovae." Les chercheurs ont fouillé plusieurs sites sédimentaires de haute mer à partir de deux endroits différents qui remontent à 33000 ans en utilisant l'extrême sensibilité du spectromètre de masse de l'HIAF. Ils ont trouvé des traces de fer-60, un radioisotope qui se forme par nucléosynthèse (on non par le processus r) mais qui n'est libéré dans l'espace qu'à travers les supernova à effondrement de cœur (SNe II). On reviendra sur la production de fer-60 à propos des modèles d'étoiles massives et de supernovae. Le fer-60 est radioactif et présente une demi-vie de 2.6 millions d'années. On peut dire qu'il se désintègre totalement en 15 millions d'années. Cela signifie que tout le fer-60 qu'on trouve sur terre s'est formé beaucoup plus tard que le reste de la planète âgée de 4.6 milliards d'années et est arrivé ici à travers les rayons cosmiques avant de couler au fond des océans. En termes astronomiques, cette ou ces supernovae ont explosé à courte distance, moins de quelque 2000 années-lumière. En 2016, les équipes de Breitschwerd et de Wallner avaient déjà trouvé des traces de fer-60 remontant respectivement à ~2.2 et ~2.6 millions d'années et peut-être une autre trace remontant entre 6 et 9 millions d'années, suggérant que la Terre traversa les nuages faiblement radioactifs des retombées de supernovae situées entre 150 et 500 années-lumière de distance. On reviendra sur les sources de contamination à propos du processus r. Helmut Abt, astrophysicien émérite de l'Observatoire National du Kitt Peak, nota qu'il n'y a pas de pulsars évidents résultant de supernovae ayant pu créer ces cavités. Mais comme l'avaient découvert Welsh et Lallement en 2008, "la bulle contient 5 étoiles B le long de son périmètre qui présentent des ions OVI et CII formés à haute température, confirmant la température interstellaire élevée." C'est un indice en faveur d'un rayonnement cosmique intense pouvant provenir d'une supernova. Si c'est le cas, ces cavités devraient contenir du fer-60. Wallner et ses collègues ont donc décidé de rechercher cet isotope dans des sédiments terrestres récents. Et effectivement, ils ont découvert du fer-60 dans les sédiments à des niveaux extrêmement faibles - ce qui équivaut à des niveaux de radioactivité dans l'espace bien en dessous des niveaux du fond naturel terrestre, et la distribution du fer-60 correspond au voyage récent de la Terre à travers le Nuage Local. Mais le fer-60 s'est répandu bien plus loin et sur toute la période des 33000 ans. D'autres études ont suggéré que le fer-60 piégé dans les particules de poussière pourrait rebondir dans le milieu interstellaire. Dans ce cas, le fer-60 pourrait provenir d'explosions de supernovae plus anciennes, et ce que nous mesurons est une sorte d'écho. Plus précisément, Abt découvrit que cette région contient trois cavités. Grâce à l'analyse spectrale des jeunes étoiles O et A résidantes dans cette région, Abt détermina l'âge de ces cavités (cf. H.Abt, 2011). Il y a la cavité centrale où se trouve le Soleil qui aurait été formée par une supernova il y a 160 millions d'années. Vers l'extérieur, il y a la cavité contenant les Pléiades qui aurait été formée par une supernova il y a environ 50 millions d'années. Enfin, il y a l'extension vers le centre galactique qui aurait été formée par une supernova il y a 4 millions d'années. Une dizaine d'autres supernovae sont à l'origine des nurseries stellaires et de certaines nuages moléculaires denses proches. Au total, sur base des données de Gaia, les astronomes ont estimé qu'une quinzaine de supermovae ont créé la Bulle Locale au cours des derniers 14 millions d'années (cf. C.Zucker et al., 2022 et les visualisations de C.Zucker et al., 2022). Finalement, au fil des études, les astronomes sont arrivés à la conclusion que le pic de fer-60 remontant à 2-3 millions d'années correspondrait à une supernova qui explosa il y a ~2.6 millions d'années dans l'association Upper Centaurus Lupus précitée située à environ 456 années-lumière ou de l'association Tucana-Horologium située à 228 années-lumière, tandis que le pic remontant à 5-6 millions d'années correspond probablement à l'entrée du système solaire dans la Bulle Locale (cf. C.Nojiri et al., 2025). L'âge de la Bulle Locale correspond remarquablement à l'abondance du fer-60 découvert au fond des océans (cf. B.Breitschwerdt et al., 2016; A.Wallner et al., 2016, 2020; C.Nojiri et al., 2025) dont on a observé des pics il y a environ 2 à 3, 5 à 6 et 7 à 9 millions d'années. Cependant Zucker reconnaît que la Bulle Locale ne peut pas expliquer tous les relevés de fer-60. Le fait que le Soleil se trouve près du centre d'une bulle signifie probablement qu'il existe des milliers de structures similaires partout dans la Voie Lactée. Ces bulles pourraient même se heurter les unes aux autres. En effet, parmi tous les amas d'étoiles identifiés à l'intérieur de la Bulle Locale, seul le nuage moléculaire de Persée semble se trouver au bord d'une bulle différente, la coquille Persée-Taureau récemment découverte par la même équipe (cf. S.Bialy et al., 2021). Nous verrons à propos de la formation du système solaire, qu'en analysant la composition isotopique de la météorite d'Hypatia, des géologues ont apporté la preuve qu'au moins une supernova explosa à proximité du système solaire peu avant sa formation. On reviendra sur la Bulle Locale et les pics isotopiques à propos de l'effet des rayons cosmiques sur la biosphère. Découverte d'un épais disque de gaz sombre Grâce au radiotélescope GBT (Green Bank Telescope) de 100 m de diamètre, des astronomes ont découvert une nouvelle structure massive dans la Voie Lactée. Les résultats de cette étude furent publiés dans "The Astrophysical Journal" en 2021 par le doctorant Michael P. Busch de l'Université Johns Hopkins et ses collègues. La structure à la forme d'un disque épais (-200 pc < z < 200 pc) diffus et très faible (Tp < 10 mK) de gaz moléculaire "sombre" qui s'étend vers la périphérie de la Galaxie. Des indices de son existence avaient déjà été enregistrés en 2005, lorsque les astronomes ont découvert un excès de rayonnement cosmique d'origine inconnue émanant du disque de la Voie Lactée.
Le gaz est qualifié de "sombre" car les molécules sont difficiles à détecter dans le milieu interstellaire. Il est principalement composé d'hydrogène moléculaire (H2). Bien que ce gaz soit le plus abondant dans l'Univers, il échappe facilement à la détection dans ces régions HI car aux basses températures régnantes dans l'espace interstellaire, les atomes d'hydrogène neutre (non ionisé) n'émettent ni n'absorbent de lumière. En revanche, on peut tracer la présence des nuages H2 à 21 cm de longueur d'onde. Etant donné que le rayonnement radioélectrique pénètre facilement les nuages interstellaires de poussière qui obstruent les observations dans le visible, depuis des décennies il permet aux radioastronomes de cartographier la structure spirale de la Voie Lactée. Mais ce signal présente une fréquence et une énergie si basses qu'il nécessite des radiotélescopes très sensibles pour être détecté et cartographié en détail. Un moyen plus simple de détecter l'hydrogène moléculaire est de rechercher les signaux d'autres molécules connues pour se mélanger avec lui en petites quantités. Ces molécules "traceurs" sont notamment le monoxyde de carbone (CO) et l'hydroxyle (OH). C'est en étudiant l'émission OH que l'astronome Ron Allen du département de physique et d'astronomie de l'Université Johns Hopkins, découvrit en 2012 des indices sur la provenance des rayons cosmiques. En 2015, Allen, qui est malheureusement décédé en août 2020, avait utilisé la raie du CO pour démontrer à grande échelle que ces molécules représentaient des composantes majeures de la structure de la Voie Lactée, mais il fallait confirmer ce relevé en mesurant l'OH. Allen et le doctorant Philip Engelke, alors en poste à l'Université Johns Hopkins, publièrent un certain nombre d'articles montrant que l'hydroxyle était tout aussi utile que le CO pour rechercher le gaz moléculaire galactique. Quelques années plus tard, Engelke remarqua une émission plus intense pouvant correspondre au bras extérieur de la Voie Lactée. Des observations de suivi ont révélé une structure étendue et faible dans toute la ligne de visée, une source possible des mystérieux rayons cosmiques découverts plus tôt. Après les vérifications d'usage pour exclure toute erreur instrumentale, en 2018, Allen, Engelke et Busch ont examiné le signal de la structure massive pendant 100 heures avec le radiotélescope de 20 m de Green Bank. Puis, en 2019, 100 heures supplémentaires d'observations au GBT ont permis de mesurer des points supplémentaires le long du disque de la Galaxie, révélant que la caractéristique suit l'étendue et la forme d'autres composantes connues de la structure galactique. À ce stade, les chercheurs étaient convaincus que la structure massive était bien réelle. Il s'avère que ce disque épais de gaz moléculaire diffus est significativement plus étendu dans la partie extérieure de la Voie Lactée que prévu. Selon les chercheurs, "L'existence de cette structure massive a des implications pour les théories de la formation des étoiles, ainsi que pour la structure, la composition et la masse totale du milieu interstellaire." Nouvelles cartes du bras local Le 3 décembre 2020, l'ESA publia la distribution préliminaire EDR3 des données astrométriques du satellite Gaia qui comprend les paramètres de plus de 1.81 milliard de sources stellaires dans un rayon de 15 kpc autour du Soleil. Deux études basées sur ces nouvelles données suggèrent que le bras local de la Voie Lactée est plus long que prévu et semble former une spirale majeure. La première étude fut publiée dans la revue "Astronomy & Astrophysics" (en PDF sur arXiv) par l'équipe de Ye Xu de l'Observatoire de la Montagne Pourpre (Purple Mountain, PMO), en Chine, la seconde sur "arXiv" par l'équipe d'Eloisa Poggio de l'Université de la Côte d'Azur, en France. Xu et ses collègues ont sélectionné près de 10000 étoiles de type spectral O à B2, des étoiles massives et brillantes âgées de plus de 20 millions d'années et donc assez proches de leurs lieux de naissance dans les bras en spirale. Poggio et ses collègues ont cartographié plus de 750000 étoiles parmi les plus massives de la Séquence principale ainsi qu'environ 700 amas ouverts brillants âgés de moins de 100 millions d'années et près de 2000 Céphéides, des jeunes étoiles variables dont les distances sont connues avec précision. Ces étoiles et amas stellaires se sont éloignés du bras local dans lequel ils sont nés, donnant une vue un peu moins précise de la structure en spirale. Malgré leurs différences, comme on le voit ci-dessous les deux études révèlent que le bras local est plus long que prévu, mesurant entre 7 et 10 kpc soit entre 23000 et 26000 années-lumière. Cette découverte en fait une caractéristique majeure du bras en spirale voire un véritable bras en spirale.
Mais étant plongé dans le bras en spirale, nous manquons de perspective et toujours de données pour interpréter correctement les résultats. Les deux équipes ne s'accordent pas sur la forme du bras local. Alors que l'équipe de Xu considère que le bras local pourrait se courber vers l'intérieur, la carte créée par l'équipe de Poggio le montre comme une structure presque droite. En fait, le bras local peut également former un angle ou une bifurcation et, comme les autres bras, son angle d'inclinaison n'est pas constant, rendant difficile l'identification des différentes sections qui le composent. Les astronomes ont longtemps pensé que les bras en spirale sont le résultat des ondes de densité (cf. la cinématique des galaxies), lorsque la matière interstellaire et les étoiles encerclant le centre galactique se resserrent dans une région précise en formant une surdensité qui, à grande échelle, forme une spirale. De nombreuses étoiles sont nées dans ces surdensités puis les ont quittées mais la surdensité est restée au même endroit, comme une grande vague se reforme au même endroit de la côte. Mais la forme irrégulière des bras de la Voie Lactée qui rappelle celle des galaxies stochastiques, y compris la segmentation du bras local, suggère qu'il pourrait exister un autre mécanisme, dans lequel des amas d'étoiles se forment puis s'allongent pour former des segments de bras. Au fil des rotations galactiques, ces segments se rejoignent pour former des bras plus longs sans jamais former une véritable structure en spirale. Ce mécanisme ne fonctionne pas pour former les galaxies n'ayant que deux bras en spirale qui semblent parfaitement appliquer la théorie des ondes de densité. Selon les données actuelles, la Voie Lactée est une spirale à bras multiples qui ne sont sans doute pas formés de la même façon. Pour affiner ce modèle, il faudra que Gaia et d'autres projets comme VERA continuent de mesurer la position et les mouvements d'autres étoiles de la Galaxie, en particulier des jeunes étoiles plus pâles et donc plus éloignées, grâce auxquelles on pourra confirmer les détails du bras dans lequel nous vivons, ainsi que la structure des autres bras de la Voie Lactée. De la Ceinture de Gould à la Vague de Radcliffe La Ceinture de Gould En 1847, alors qu'il observait le ciel depuis le Cap de Bonne-Espérance en Afrique du Sud, l'astronome britannique John Herschel, le fils du célèbre William Herschel, découvrit "une large bande d'étoiles qui était balisée par la constellation d'Orion, les étoiles brillantes du Grand Chien et pratiquement toutes les étoiles visibles d'Argo [comprenant aujourd'hui la Poupe, les Voiles et le Carène] -- la Croix -- le Centaure, le Loup et le Scorpion" et nota qu'elle était inclinée d'environ 20° par rapport au plan de la Galaxie. En 1879, alors qu'il rédigeait son catalogue "Uranometria Argentina" (le catalogue de Flamsteed pour l'hémisphère sud) l'astronome américain Benjamin A. Gould découvrit que cette ceinture s'étendait dans l'hémisphère nord, formant apparemment une boucle coupant le plan galactique. En 1910, Jacob Halm calcula le mouvement propre des principales étoiles de cette boucle tandis qu'en 1922 Edwin Hubble y ajouta des régions HII et des nuages moléculaires.
Depuis, six boucles ont été découvertes le long de l'écliptique dont les schémas sont présentés ci-dessus. La grande boucle découverte par Herschel et Gould fut appelée la "Ceinture de Gould" et représente la Boucle I (Loop I). Les premiers cirrus galactiques se situent à quelques centaines d'années-lumière au-dessus du plan de la Galaxie. Plus récemment, on découvrit la "superbulle du Cygne" présentée ci-dessous à droite située près les Boucles II et III à environ 2 kpc (6500 années-lumière) en direction de la latitude galactique l = 82°. Elle mesure environ 600 pc x 450 pc (~2000 a.l. x 1500 a.l.) et présente une forme approximative en fer à cheval. Elle comprend quantité d'associations stellaires OB, de nuages de gaz neutre et moléculaire. Cette structure est inclinée d'environ 30° sur le plan galactique. La Ceinture de Gould est plus brillante dans l'hémisphère sud que dans l'hémisphère nord et rassemble des étoiles brillantes, des associations OB, des amas stellaires épars, des régions de formations stellaires ainsi que des nuages moléculaires froids dont la masse globale est estimée à dix millions de masses solaires. Jusqu'en 2020, on pensait qu'elle formait un anneau elliptique pratiquement fermé d'environ 3000 années-lumière de diamètre et légèrement décentré par rapport au Soleil.
Grâce aux nouvelles données enregistrées par le satellite Gaia, on sait aujourd'hui que cette stucture n'a pas la forme d'un anneau en expansion mais qu'il s'agit en réalité d'une longue structure gazeuse monolithique en forme d'onde d'environ 9000 années-lumière de longueur appelée la "Vague de Radcliffe" (voir plus bas). On estime que cette structure est âgée entre 30 et 60 millions d'années mais on ignore son origine. Elle ne semble pas avoir été formée par un processus de choc comme ce serait le cas avec des supernovae comme on le pensait encore dans les années 1980 (cf. D.Iwan, 1980 et C.Salter, 1983). En effet, selon des études réalisées par Ken Croswell en 2005 et Stuart Clark en 2009, on ne retrouve pas de structures similaires autour des supernovae où on observe une compression du gaz interstellaire et des nuages moléculaires dans toutes les directions autour du point d'explosion. Autre observation, les nuages moléculaires et les régions de formations stellaires du Bras Local sont situées "devant nous" dans la rotation galactique (vers la gauche en regardant le bulbe), tandis que les régions plus anciennes où les étoiles sont déjà formées ainsi que les résidus de supernovae se situent "derrière nous", entre les associations Scorpion-Centaure et d'Orion. Jusqu'en 2020, on pensait que la Ceinture de Gould n'avait pas une origine exceptionnelle et que son inclinaison de 16 à 20° et sa séparation apparente du plan galactique étaient peut-être la conséquence d'une propriété de la Voie Lactée qui force la matière à s'étendre de la sorte. En fait, l'inclinaison est liée à la structure sinusoïdale de la Vague de Radcliffe. De nombreuses théories ont été proposées pour expliquer l'origine des Boucles. Une théorie intéressante fait appel à l'explosion des novae et au phénomène de "cheminée". Si les Boucles résultent de l'explosions de novae, on sait que leurs ondes de choc se propagent préférentiellement perpendiculairement au disque galactique, vers les régions les moins denses du disque mince. Or la région du Soleil se situe justement dans une "Cheminée Locale" orientée approximativement perpendiculairement au plan galactique et traversant entièrement le disque (cf. B.Y. Welsh et al., 1999). Les extrémités ouvertes de cette cheminée montrent que les nuages de gaz ont été soufflés par l'explosion des supernovae et retombent à présent dans le disque mince. La Cheminée Locale correspond à une région très peu dense du disque galactique qui résulte probablement d'un effet de souffle provoqué par des supernovae survenu il y a plusieurs millions d'années. Ce phénomène a créé deux "fenêtres" diamétralement opposées dans les régions des pôles galactiques nord et sud comme on le voit ci-dessous à gauche (les zones sombres). Dans ces zones, l'extinction par la poussière est minimale, y compris dans le rayonnement X de l'hydrogène neutre. Le ciel est tellement clair que les astronomes utilisent ces "fenêtres" pour étudier les objets les plus éloignés de l'univers comme les amas de galaxies (cf. le programme HUDF de Hubble), réaliser des mesures de parallaxe spectroscopique (très sensible à l'extinction interstellaire) ou encore pour mesurer le rayonnement cosmologique et mieux comprendre l'évolution de l'Univers.
Le segment nord de la Boucle I est appelé "l'Eperon Polaire" (Polar Spur ou encore l'Eperon galactique) correspond à une émission synchrotron galactique. Cette extension apparaît le plus clairement à 408 MHz ainsi que sur les cartes de la polarisation du rayonnement cosmologique vue précédemment. L'Eperon Polaire est d'origine non thermique et fortement polarisé. En 2003, Alla Miroshnichenko proposa qu'il s'agissait de l'émission d'un jet par le trou noir supermassif Sgr A* situé au coeur de la Voie Lactée similaire à celui qu'on retrouve dans les quasars. Mais selon une étude publiée dans la revue "Nature" en 2020, il n'est pas certain qu'il y ait une connexion entre la Boucle I et Sgr A*. Dans une autre étude publiée dans les "MNRAS" en 2020, à partir des données de Gaia DR2, João Alves de l'Université de Vienne et ses collègues ont déterminé que cette grande structure se situe à 100 pc ou 326 années-lumière du Soleil. En 2022, on manquait toujours de preuve pour affirmer que l'Eperon Polaire aurait la même origine que les "bulles de Fermi" (voir page suivante). Dans une communication avec l'auteur, Alves déclara que "c'est un débat ouvert, et peut-être que la solution est que les deux sont corrects, et nous assistons à un alignement malheureux des structures (Boucle I à 100 pc et l'activité du Sgr A* à environ 8.3 kpc). Nous verrons ce que diront les futurs travaux." La fenêtre située près du Pôle Nord Galactique se situe dans la Grande Ourse et a été nommée le "Trou de Lockman" en hommage à l'astronome Félix Lockman (cf. G. Hasinger et al., 2001). Elle contient également la "Bande Étendue de Groth" (Extended Groth Strip) qui couvre 70'x10' d'arc présentée ci-dessous. Particulièrement vide de poussière, elle constitue l'une des fenêtres idéales pour étudier le ciel profond.
Rappelons qu'en 1997 (et confirmé en 2020) les astronomes ont découvert dans cette région du ciel située entre la Grande Ourse et la Petite Ourse, un nouvel SNR nommé "l'Arc de la Grande Ourse" qui forme une bulle ionisée large de 30° (le "cercle UMa") qui résulte vraisemblablement de l'onde de choc d'une supernova remontant à environ 100000 ans. Grâce aux données de Gaia, une équipe d'astronomes de l'Université de Harvard a découvert dans la Voie Lactée la plus grande structure gazeuse monolithique. En forme d'onde, elle est composée de pépinières d'étoiles interconnectées. En l'honneur du Radcliffe Institute for Advanced Study à la base de cette étude, cette structure ondulée fut appelée la "Vague de Radcliffe". Cette découverte met un terme à la vision vieille de près de 150 ans de la fameuse soi-disant "Ceinture de Gould". Les résultats de cette étude furent publiés dans la revue "Nature" en 2020 par João Alves précité et ses collègues.
La Vague de Radcliffe est une structure longue et mince : elle s'étend sur environ 9000 années-lumière (2.7 kpc) pour une largeur de 400 années-lumière et présente une amplitude de 500 années-lumière par rapport au plan médian du disque de la Voie Lactée. Elle forme un filament composé de gaz et de poussière dans lequel se trouvent de nombreuses pépinières d'étoiles. Elle représente ce qu'on appelait la "Ceinture de Gould", une bande densément peuplée d'étoiles inclinée d'environ 20° sur le plan galactique et formant apparemment un anneau presque centré sur le Soleil. On sait aujourd'hui qu'il s'agissait d'une interprétation erronée. Le plus bel exemple est la "superbulle du Cygne" décrite plus haut. Elle ressemble à une demi-bulle mais on peut aussi l'imaginer comme une demi-sinusoïde vue de bout, ce qu'elle est peut-être. Alves doit approfondir la question mais déclara : "Ma première impression est que dans le Cygne, nous voyons à travers une série de régions massives de formations stellaires, donc le chevauchement entre différentes régions est très probable, et nous pourrions voir un "tunnel" d'émissions H-alpha, plus qu'une bulle arrondie." Selon l'astrophysicienne Alyssa Goodman de l'Université de Harvard, chercheuse associée à l'Institut Smithsonian et coauteure de cet article, "Aucun astronome ne s'attendait à ce que nous vivions à côté d'une collection géante de vagues de gaz - ou qu'elle forme le bras local de la Voie Lactée". Les chercheurs furent très étonnés d'apprendre à quel point la Vague de Radcliffe était rectiligne vue du haut et en 3D, mais aussi à quel point elle était sinusoïdale vue de la Terre. Selon Goodman, "L'existence même de la Vague nous oblige à repenser notre compréhension de la structure 3D de la Voie Lactée." Selon Alves, "Gould et Herschel ont tous deux observé des étoiles brillantes en formation dans un arc projeté sur le ciel, donc depuis longtemps, les gens tentent de déterminer si ces nuages moléculaires forment réellement un anneau en 3D. A la place, ce que nous avons observé est la plus grande structure de gaz monolithique que nous connaissons dans la Galaxie, organisée non pas dans un anneau mais dans un filament massif et ondulant." La nouvelle carte tridimensionnelle offre aux chercheurs une vue révisée de la Voie Lactée ouvrant la porte à d'autres découvertes majeures. Selon Alves, "Nous ne savons pas ce qui provoque cette forme, mais cela pourrait être comme une ondulation dans un étang, comme si quelque chose d'extraordinairement massif atterrissait dans notre Galaxie. Ce que nous savons, c'est que le Soleil interagit avec cette structure. Il est passé par un festival de supernovae en traversant [le bras d']Orion il y a 13 millions d'année et dans 13 millions d'années, il traversera à nouveau la structure, un peu comme si nous "surfions sur la vague"." Identifier correctement les structures dans le voisinage poussiéreux du Soleil est un défi de longue date en astronomie. Dans des études antérieures, des chercheurs de l'Université de Harvard (cf. les travaux de Douglas Finkbeiner) avaient déjà essayé de cartographier la distribution tridimensionnelle de la poussière à l'aide de sondages statistiques sur les couleurs des étoiles. Grâce à Gaia, d'autres chercheurs ont récemment complété ces données (cf. Catherine Zucker et al., 2019), améliorant considérablement la capacité des astronomes à mesurer les distances qui nous séparent des régions de formations stellaires. A voir : The Radcliffe Wave, WWT Structure spatiale de la Vague de Radcliffe. Document J.Alves et al. (2020) adapté par l'auteur. Selon Zucker de l'Université de Harvard, "Nous pensions qu'il pourrait y avoir des structures plus grandes que nous ne pouvions tout simplement pas mettre en contexte. Ainsi, pour créer une carte précise de notre voisinage solaire, nous avons combiné les observations des télescopes spatiaux comme Gaia avec l'astrostatistique, la visualisation des données et les simulations numériques. Le Soleil se trouve à seulement 500 années-lumière du point le plus proche de la Vague. Il était toujours devant nos yeux, mais nous ne pouvions pas le voir jusqu'à présent." Finkbeiner précise que "L'étude des naissances stellaires est compliquée en raison de données imparfaites. Nous risquons de nous tromper sur les détails, car si vous êtes imprécis au sujet de la distance, vous êtes imprécis au sujet de la taille." Goodman le confirme également : "Toutes les étoiles de l'Univers, y compris notre Soleil, sont formées dans des nuages de gaz et de poussière dynamiques et effondrés. Mais il a été difficile de déterminer la masse et la taille des nuages, car ces propriétés dépendent de l'éloignement du nuage." Grâce a Gaia et l'utilisation de nouvelles méthodes statistiques innovantes, les astronomes ont pu cartographier l'emplacement des nuages de poussière proches en 3D, révélant la forme des pépinières stellaires locales et leur connexion à la structure galactique de la Voie Lactée. Sans Gaia, les astronomes n'auraient jamais découvert la Vague de Radcliffe. L'équipe dirigée par l'astrophysicienne indienne V.S. Veena de l'Université de Cologne en Allemagne a découvert un long et mince filament de gaz froid et dense près du centre galactique, reliant deux bras spiraux de la Voie Lactée. Cette découverte fit l'objet d'un article publié dans "The Astrophysical Journal Letters" en 2021.
Les chercheurs ont surnommé cette structure la "Vague de Gangotri", du nom du glacier qui est la source du plus long fleuve de l'Inde, le Gange. En hindi et dans d'autres langues indiennes, la Voie Lactée s'appelle "Akasha Ganga", c'est-à-dire "le Gange du ciel". Veena et ses collègues ont découvert la "Vague de Gangotri" en recherchant des nuages de gaz de monoxyde de carbone froid (13C et 12C), dense et facile à détecter, dans les données du radiotélescope millimétrique APEX de l'ESO, une parabole de 12 m de diamètre installée à San Pedro de Atacama, au Chili. Ils ont remarqué des concentrations de gaz qui n'avaient jamais été détectées auparavant, et après avoir regardé de plus près, ils ont découvert qu'elles faisaient partie d'une grande structure de gaz. Selon les chercheurs, la structure moléculaire s'étend sur au moins 2 kpc soit 6500 années-lumière, mais compte tenu des incertitudes sur les distances cinématiques, elle pourrait être deux fois plus étendue et atteindre ~13000 années-lumière. Elle se situe entre 14300 et 21200 années-lumière du Soleil et s'étend entre 6000 et 13000 années-lumière à partir du bras de la Règle (Norma) en direction d'un bras mineur situé près du centre galactique appelé le "Bras 3 kpc éloigné" (cf. cette carte de la Voie Lactée). Ils ont également estimé sa masse à environ 9 millions de masses solaires. Cette structure ressemble aux barbures d'une plume. Il s'agirait soit d'une sous-branche du bras de la Règle (similaire à l'Eperon d'Orion) soit d'un filament moléculaire géant inter-bras. Jusqu'à présent, tous les autres filaments de gaz connus dans la Voie Lactée s'alignent avec les bras spiraux. C'est la première structure de ce type qu'on découvre dans la Voie Lactée. La Vague de Gangotri présente une autre particularité : elle ondule. Comme le montrent les cartes ci-dessous, le filament semble zigzager ou osciller de haut en bas comme une onde sinusoïdale sur des milliers d'années-lumière. Les astronomes avouent que "les mécanismes exacts responsables d'un tel filament et de sa morphologie ondulée restent flous." Selon les auteurs, "la Vague de Gangotri est l'une des structures les plus importantes et les plus intriguantes identifiées dans la Voie Lactée."
D'autres galaxies présentent des structures gazeux similaires comme M31, mais selon Veena, en ce qui concerne la Voie Lactée, "il est très, très difficile" de cartographier la structure de la Galaxie de l'intérieur vers l'extérieur en raison de l'omniprésence de la poussière et de nuages obscurs denses. Elle espère néanmoins trouver d'autres filaments associés à la structure de notre Galaxie. Selon Veena, "Un par un, nous pourrons cartographier la Voie Lactée". Une équipe internationale de 16 astronomes dirigée par des chercheurs de l'Institut Max Planck d'Astronomie (MPIA) en Allemagne a découvert un filament massif d'hydrogène de l'autre côté de la Voie Lactée. S'étendant sur des milliers d'années-lumière, ce filament nommé "Maggie" (Margaret) est l'une des plus grandes structures découvertes dans la Galaxie, et les chercheurs pensent qu'il pourrait y en avoir d'autres du même genre. Cette découverte qui remonte en fait à 2020 (cf. J.D. Soler et al., 2020) fit l'objet d'un article publié dans la revue "Astronomy & Astrophysics" en 2022. Le filament Maggie fut découvert dans le cadre du sondage THOR (HI/OH/Recombination line survey) du milieu interstellaire de la Voie Lactée réalisé à 21 cm, dans quatre raies OH et 19 raies de recombinaison H-alpha/radio grâce réseau radiointerférométrique Karl Jansky (ex-VLA) en configuration C (base de 2.11 miles ou 3.37 km) installé au Nouveau Mexique.
Ce
filament de gaz se situe à 17 kpc soit 55420 années-lumière du Soleil entre
le bras du Sagittaire et celui de l'Ecu-Centaure, entre les constellations
de l'Aigle et du Petit Renard. Il est composé presque entièrement d'hydrogène
atomique (HI) et mesure 3900 années-lumière de long sur 130 années-lumière de large.
Jusqu'à présent, les plus grands nuages de gaz moléculaire connus s'étendaient
généralement sur ~800 années-lumière. Ce filament se déplace à une vitesse moyenne
de -54 km/s dans la ligne de visée et suit le bras extérieur à 5-10 km/s dans
l'espace longitude-vitesse. Sa masse est estimée à ~720000 M Sur la base de données antérieures, ce filament contient 8% d'hydrogène moléculaire par fraction massique, ce qui sous-entend que le milieu interstellaire contient déjà des poussières métalliques. En y regardant de plus près, l'équipe a constaté que le gaz converge à divers points le long du filament, ce qui les a amenés à conclure que l'hydrogène gazeux s'accumule dans de gros nuages à ces endroits. Ils spéculent également qu'en ces endroits particuliers le gaz atomique se condensera progressivement pour former des nuages moléculaires, les métaux présents accélérant le processus de refroidissement. Selon Jonas Syed, doctorant au MPIA et auteur principal de cet article, "l'emplacement de ce filament a contribué à ce succès... nous ne savons pas encore exactement comment il est arrivé là. Mais le filament s'étend à environ 1600 années-lumière sous le plan de la Voie Lactée." Cet emplacement sous la bande de poussière obscure et parallèlement à la Voie Lactée permet aux chercheurs de distinguer clairement les émissions des nuages d'hydrogène. A
voir : The “Maggie” filament: Physical properties of a giant atomic cloud,
MPIA
Pour les chercheurs, mieux comprendre l'origine de "Maggie" et des autres structures similaires est une étape majeure vers une meilleure compréhension de la formation des étoiles, car l'hydrogène est le principal combustible des étoiles. Selon les chercheurs, "Bien que l'origine de Maggie reste incertaine, nous émettons l'hypothèse que Maggie pourrait être la première d'une classe de nuages atomiques précurseurs de filaments moléculaires géants." Mais il reste beaucoup de questions en suspens concernant cet immense filament, comme le fait de savoir d'où il provient et comment il se maintient à cet endroit. Selon les chercheurs, cette découverte pourrait en amener d'autres. Ils annoncent déjà que ce filament sera scruté par le télescope spatial James Webb et par le réseau radioastronomique SKA. La structure géante de Cattail En août 2019, des chercheurs chinois ont utilisé le radiotélescope FAST de 500 m de diamètre pour rechercher des nuages d'hydrogène neutre (HI) à plus de 1.4 kpc soit plus de 4564 années-lumière du Soleil. A cette occasion ils ont détecté une grande structure filamenteuse qu'ils ont surnommée "Cattail" (la quenouille). Lorsqu'ils ont calculé sa vitesse de déplacement, elle était conforme à celle qu'on attend d'une structure gravitant à une distance d'environ 71750 années-lumière du centre galactique, c'est-à-dire dans les régions extérieures de la Galaxie (cf. C.Li et al., 2021 et en PDF sur arXiv). Cette
structure mesure 3590 années-lumière de longueur et 675 années-lumière de largeur soit
un rapport de 5:1. Sa masse représente 65000 M Ensuite, lorsque les chercheurs ont combiné leurs résultats avec les données du sondage "HI4PI all-sky HI survey" (HI4PI), ils ont découvert que la structure s'étendrait sur environ 16300 années-lumière. Ce serait la structure gazeuse la plus grande découverte dans la Voie Lactée, plus grande que la Vague de Radcliffe longue de 9000 années-lumière. Comme illustré ci-dessous au centre, la structure de Cattail se situe au-delà du bras extérieur de l'Ecu-Sagittaire (ou Outer Scutum-Centaurus, OSC).
La structure de Cattail soulève des questions intéressantes. La plupart des filaments de gaz sont situés beaucoup plus près du centre galactique et sont associés à des bras spiraux. S'il s'agit d'un bras spiral, il est particulier. Comme nous l'avons expliqué en première page, le disque mince galactique est gauchi suite à une rencontre avec une autre galaxie il y a très longtemps. Or, la structure de Cattail ne suit pas complètement ce gauchissement, ce qu'elle devrait faire s'il s'agissait d'un véritable bras spiralé. En revanche, s'il s'agit d'un filament, il faut comprendre comment il a pu se former et se maintenir au-delà des bras spiraux connus de la Voie Lactée. La découverte de ce filament de gaz n'est pas étonnante en soi car il est difficile de cartographier la Voie Lactée en trois dimensions pour deux raisons. La première est qu'il est très difficile de calculer les distances des astres. Ensuite, le milieu est très riche et il est donc difficile de savoir si on détecte un groupe d'objets ou s'il s'agit simplement d'une succession aléatoire d'objets répartis le long de la ligne de visée. C'est donc une prouesse d'avoir isolé cette nouvelle structure. Nous verrons que grâce au satellite Gaia les astronomes ont découvert d'autres zones de surdensités dans la Voie Lactée. Au cours du sondage VVV de la Voie Lactée en infrarouge proche et moyen (900-2500 nm) réalisé entre 2010 et 2014 au moyen du télescope VISTA de 4.10 m de l'ESO, une équipe internationale d'astronomes dirigée par Dante Minniti du département de Physique de l'Université Andrés Bello du Chili découvrit une vaste bande de poussière sombre s'étirant entre le Soleil et le bulbe central qu'ils ont appelée la "Great Dark Lane". La Grande Bande Sombre fut découverte après l'analyse du diagramme couleur-magnitude (CMD) de 157 millions d'étoiles présentes dans le bulbe de la Voie Lactée qui mit en évidence une différence de couleur (Z-Ks) de 0.55 magnitude dont la seule explication est liée à la présence d'une bande de poussière optiquement épaisse comprise entre les latitudes galactiques de +10° et -10°.
Cette bande de poussière se situe globalement à environ 15000 années-lumière du Soleil et réside à l'extérieur du bulbe. Si cette bande de poussière traversait le bulbe, la distribution des étoiles aurait été plus fragmentée avec des amas d'étoiles rouges devant et derrière les nuages de poussière, alors que la bande de poussière observée présente des limites bien marquées, les amas d'étoiles rouges étant localisés dans le bulbe, derrière la bande de poussière. Cette découverte permet d'affiner la nature et la structure de la Voie Lactée, elle apporte un indice sur les contraintes des modèles du bulbe barré de la Voie Lactée et permet de comparer notre Galaxie avec les autres spirales barrées dans lesquelles ce phénomène est très important pour citer M83, NGC 1300, NGC 4921 ou encore NGC 1672 parmi beaucoup d'autres galaxies de ce type. J1124+4535, une étoile venue de l'extérieur de la Voie Lactée Qian-Fan Xing de l'Académie des Sciences Chinoise et ses collègues ont découvert une étoile chimiquement particulière démontrant qu'elle provient d’une galaxie naine ayant été en interaction avec la Voie Lactée. Cette découverte fut publiée dans la revue "Nature Astronomy" en 2019.
Rappelons que les étoiles conservent les informations chimiques de leur lieu de naissance. On peut distinguer les étoiles formées dans la Voie Lactée des étoiles formées dans les galaxies naines en fonction de leur abondance chimique. Selon les résultats obtenus avec le télescope LAMOST (Large Sky Area Multi-Object Fiber Spectroscopic Telescope) et le télescope Subaru, l'étoile J1124+4535 située dans la constellation de la Grande Ourse présente une couleur et une luminosité typiques d'une géante rouge ordinaire. En revanche, elle contient une quantité inhabituellement faible de magnésium, qui est le huitième élément le plus abondant dans l'univers. En même temps, elle présente une quantité très importante d'éléments lourds tels que l'europium, l'or et l'uranium. Sa composition ne correspond à aucune étoile connue de la Voie Lactée, ce qui indique qu'elle s'est vraisemblablement formée ailleurs. Jusqu'à présent, LAMOST a enregistré plus de 8 millions de spectres stellaires dans le but de conduire des recherches sur la formation de la Voie Lactée. Cet ensemble de spectres offre aux astronomes une excellente occasion de trouver des étoiles chimiquement particulières. Selon Xing, "Cette étoile récemment découverte avec de grands excès d’éléments lourds fournit une fenêtre pour explorer l’évolution chimique des galaxies naines perturbées. La formation d’étoiles dans les galaxies naines est relativement lente comparée aux grandes galaxies, ce qui entraîne des différences chimiques entre leurs populations stellaires. Par exemple, les rapports d'abondance Mg/Fe dans les étoiles des galaxies naines qui se trouvent actuellement autour de la Voie lactée sont beaucoup plus petits que ceux de la majorité des étoiles de la Voie lactée." Dans l'étoile J1124+4535, le rapport d'abondance de l'europium par rapport au fer est supérieur d'un ordre de grandeur au Soleil et présente 1/20e de la métallicité du Soleil. Selon Li Hai-Ning, coauteur de cette étude, "C'est la première fois qu'on découvre une étoile ayant une très faible quantité de magnésium et une quantité excessive d'éléments lourds." L'augmentation extrême des éléments lourds de cette étoile suggère que les étoiles de cette galaxie naine étaient dans une phase de nucléosynthèse dominée par la capture de neutrons rapides et très denses par des noyaux atomiques à haute température, le fameux "processus r", au cours duquel se forment des éléments plus lourds que le fer. Un tel processus a pu se produire lors de la fusion d'étoiles à neutrons binaires dans la galaxie naine dans laquelle naquit par la suite cette étoile. Selon Gang Zhao, également coauteur de cette étude, "La découverte de cette étoile chimiquement particulière est un bon début pour l'identification chimique des étoiles capturées par les galaxies naines. De telles étoiles seront de bons traceurs pour explorer l'histoire de la Voie lactée." Prochain chapitre
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