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Les sondages du ciel profond

 Edwin Hubble observant dans la lunette-guide de la chambre de Schmidt du Mont Palomar en 1949. Document Caltech Archives.

Introduction (I)

Nous avons décrit dans l'article consacré aux outils pour sonder l'univers quels sont les divers moyens dont disposent les astronomes pour étudier l'univers, du télescope optique aux moyens informatiques en passant par le radiotélescope et le spectrographe à champ intégral.

Nous allons à présent décrire chronologiquement les différents sondages astronomiques dédiés au ciel profond auxquels certains de ces télescopes ont participé. Nous verrons dans un autre article les résultats majeurs de ces sondages, en particulier la découverte des galaxies les plus lointaines et autres "Petits Points Rouges".

Les sondages POSS, SERC et POSS-II

Le premier sondage du ciel profond comprend en fait 10 sondages dans les deux hémisphères du ciel réalisés dans les principales bandes spectrales (bleu-vert, rouge et proche infrarouge) correspondant aux différentes plaques d'émulsion Eastman Kodak dont les 103a et IIIa utilisées à l'époque (cf. DSS et E.B. Holmberg et al., 2005).

Les plaques photographiques mesuraient 14x14" (36 cm) et étaient utilisées sur deux chambres de Schmidt de 1.2 m de diamètre couvrant un champ de 6.5° x 6.5° du ciel.

L'émulsion à grains d'AgBr le plus fin était la 103a-O (bleue) d'une sensibilité équivalente à 200 ISO tandis que la 103a-E (rouge) présentait le grain le plus apparent. L'émulsion 103a-F était panchromatique, d'une sensibilité équivalente à 400 ISO et d'une résolution de 200 paires de lignes/mm. Ces émulsions furent également commercialisées sous forme de films de 35 mm pour le grand public jusqu'à ce qu'elles soient détrônées par le TP 2415 hypersensibilisé dans les années 1980.

Pour couvrir l'hémisphère nord, entre fin 1949 et 1958 les astronomes réalisèrent deux sondages identiques du ciel dans deux bandes spectrales différentes afin de pouvoir déterminer la couleur des objets à l'aide de la chambre Schmidt du télescope Samuel Oschin de 1.22 m (48") de l'Observatoire du Mont Palomar, en Californie (voici la coupole de l'observatoire). Au total, 1872 plaques photographiques furent enregistrées dans les bandes du système photométrique Johnson–Kron–Cousins O (bleu) et E (rouge) :

- POSS-IE : bande rouge, code de plaque XE, sur plaque 103a-J avec une magnitude limite de 20.0, couvre les déclinaisons +90 à -30° (936 plaques entre 1949-58).

- POSS-IO : bande bleue, code de plaque XO, sur plaque 103a-O avec une magnitude limite de 21.0, couvre les déclinaisons +90 à -30°  (936 plaques entre 1949-58).

Ce travail majeur donna le célèbre "NGS - Palomar Observatory Sky Survey" ou POSS (ou POSS-I) qui, comme son nom l'indique fut financé par la National Geographic Society.

A visiter : Oschin Inspection Room, Palomar Obs.

A gauche, la courbe de sensibilité spectrale des principales émulsions dites spectroscopiques Eastman Kodak 103a. A droite, la salle d'inspection (inspection room) située au rez-de-chaussée de la chambre Schmidt du télescope Samuel Oschin de 1.22 m (48") de l'Observatoire du Mont Palomar. Cette salle était historiquement utilisée par les observateurs pour étudier les plaques photographiques prises avec le télescope Oschin et fut réarrangée dans sa configuration actuelle pour le deuxième sondage du Palomar Sky Survey (POSS II). Les plaques photographiques étaient soumises à un contrôle de qualité avant d'être incluses dans le sondage. Cette salle était également utilisée pour l'analyse visuelle y compris au comparateur d'images des objets transitoires, notamment les comètes, les astéroïdes et les supernovae. Aujourd'hui, cette salle est conservé dans sa configuration "époque argentique" pour rendre hommage à l'héritage scientifique du télescope Oschin.

Pour le ciel austral, on utilisa le télescope UK Schmidt de 1.24 m (48.82") de l'Observatoire de Siding Spring (SSO) en Australie qui créa le catalogue "ESO/SERC Atlas of the Southern Sky". 1788 plaques photographiques furent enregistrées dans les bandes J, E (bleu) et F, R (rouge) :

- SERC-J* : bande bleue sous filtre GG395, code de plaque S, sur plaque IIIa-J avec une magnitude limite de 23.0, couvre les déclinaisons -20 à -90° (606 plaques entre 1975-87)

- SERC-EJ : bande bleue sous filtre GG395, code de plaque S, sur plaque IIIa-J avec une magnitude limite de 23.0, couvre les déclinaisons -00 à -15° (288 plaques entre 1979-88)

- SERC-ER : bande rouge sous filtre OG590, code de plaque ER, sur plaque IIIa-F avec une magnitude limite de 22.0, couvre les déclinaisons -00 à -15° (288 plaques entre 1984-98)

- AAO-SES : bande rouge sous filtre OG590, code de plaque XS, sur plaque IIIa-F avec une magnitude limite de 22.0, couvre les déclinaisons -20 à -90° (606 plaques entre 1975-87).

Des images spécifiques des champs de la galaxie d'Andromède (M31), du Grand et du Petit Nuage de Magellan (LMC et SMC) avec des temps d'exposition plus courts furent également prises sur trois plaques supplémentaires dans la bande V des relevés de Palomar ou du SERC (code de plaque "XX").

Au début des années 1980, la chambre Schmidt de Palomar fut modernisée. Entre 1986 et le milieu des années 1990, elle permit de réaliser un deuxième sondage photographique de l'ensemble du ciel boréal appelé "Palomar Optical Sky Survey" qui donna le POSS-II. 3295 plaques photographiques furent enregistrées dans les bandes J (bleu), F (rouge) et N (proche infrarouge) :

- Pal-QV :  bande bleue sous filtre W12, code de plaque N, sur plaque IIa-D avec une magnitude limite de 19.5, couvre les déclinaisons +90 à +06°  (611 plaques entre 1983-85).

- POSS-II F : bande rouge sous filtre RG610, code de plaque XP, sur plaque 103a-F avec une magnitude limite de 20.8, couvre les déclinaisons +90 à +00° (897 plaques entre 1987-98)

- POSS-II J : bande bleue sous filtre GG395, code de plaque XJ, sur plaque IIIa-J avec une magnitude limite de 22.5, couvre les déclinaisons +90 à +00° (897 plaques entre 1987-98)

- POSS-II N : proche infrarouge sous filtre RG9, code de plaque XI, sur plaque IV-N avec une magnitude limite de 19.5, couvre les déclinaisons +90 à +00° (890 plaques entre 1987-2002).

Les plaques des POSS-I et POSS-II furent copiées par contact sur des émulsions grands format conservées précieusement. Dans les années 1970, on en tira des photos (négatives et positives) au format 14x17". De multiples exemplaires de cette collection furent distribués dans le monde que possèdent encore sous forme plus ou moins complète certains observatoires et d'anciens astronomes ou des amateurs passionnés. Au début des années 2000, on pouvait acheter la collection du POSS en tirages contacts de 14x17" auprès du Caltech pour environ 5500$ plus 1650$ pour les pochettes de protection.

Les photographies du POSS-I puis du POSS-II servirent d'atlas de référence et illustrèrent de nombreux livres d'astronomie et d'articles scientifiques jusqu'aux années 1990 où les nouveaux grands télescopes y compris spatiaux prirent la relève et cette fois avec des photos en couleurs (RGB) réalisées avec des moyens CCD bien plus performants.

La numérisation des collections POSS-I et POSS-II donna le DPOSS (Digital Palomar Observatory Sky Survey). Il représente environ 3 TB d'images numériques complétées par des catalogues de sources spécifiques (étoiles, galaxies, quasars, etc.)

Aujourd'hui, le catalogue DPOSS est disponible en ligne dans le catalogue VizieR du Centre de Données de Strasbourg (CDS).

A voir : The 48-inch Samuel Oschin Telescope, Palomar Obs.

Evolution de l'imagerie du Quintette de Stephan entre 1958 et 2022. A gauche, une photo du POSS-I sur plaque IIIa-O et numérisée par le STScI. Au centre, une photo composite prise par les télescopes Hubble et Subaru en 2014. A droite, une photo composite proche et moyen infrarouge prise par le JWST en 2022. Documents I.N. Reid et al. (1991)/STScI/POSS, STScI/Subaru/R.Gendle et Webb Telescope.

Le sondage DSS

Le sondage DSS (Digitized Sky Survey) fait référence à la version numérisée des sondages POSS-I, SERC, Pal-QV (Palomar Quick-V) et POSS-II réalisée par le STScI (Space Telescope Science Institute) entre 1983 et 2006. Les plaques furent numérisées à l'aide d'un microdensitomètre PDS modifié à une échelle d'environ 1.7" par pixel pour les sondages POSS, SERC et Palomar Quick-V, et à environ 1.0" par pixel pour le sondage POSS-II.

Les images du DSS de 1" de résolution furent prises sous trois filtres à large bande couvrant environ 395 à 900 nm tandis que le catalogue DSS a une résolution de 0.39" par pixel et utilise des filtres plus étroits dans cinq bandes entre 355.1 et 893.1 nm. Par comparaison, le catalogue 2MASS présente une résolution de 1" par pixel et utilise trois bandes dansle proche infrarouge entre 1.24 et 2.16 μm.

La première publication date de 1994 (DSS-1). C'est un atlas photographique de l'ensemble du ciel qui fut utilisé pour produire la première version du "Guide Star Catalog" (cf. B.M. Lasker et al., 1990), à ne pas confondre avec le catalogue du même nom compilé par le Télescope Spatial Hubble publié en 1989 et très connu des astronomes amateurs (cf. GSC-I). Ensuite, d'autres numérisations furent réalisées à l'aide de sondages photographiques plus récents et furent publiées sous le nom de DSS-2.

Aucun des sous-ensembles de données du catalogue DSS ne couvre tout le ciel. En fait, il est composé de plusieurs ensembles d'images prises à des moments différents à l'aide de différents instruments et il existe un certain chevauchement. Par exemple, le sous-ensemble SERC-J qui couvre une grande partie de l'hémisphère sud est utilisé dans les deux sondages GSC-1 et DSS-2B.

Ces images furent ensuite mises à disposition de la communauté astronomique et du public au format FITS ou GIF. Elles furent ensuite disponibles sur DVD puis sur 102 CD d'abord disponibles en ligne puis commercialisés dans une version compressée dont on trouve encore des copies en vente sur ebay.

En 1996, une version encore plus compressée sur 120 CD appelée RealSky fut commercialisée par l'Astronomical Society of the Pacific (l'article est épuisé depuis quelques années) et est accessible à partir de différents logiciels de planétarium.

En 2001, un catalogue identifiant plus de 89 millions d'objets du POSS-I fut mis en ligne dans le cadre du catalogue "Minnesota Automated Plate Scanner" (MAPS). Le catalogue fut également proposé sur 4 DVD. Ce catalogue contient des positions précises d'objets célestes et des mesures de luminosité pour tous ces objets ainsi que des paramètres tels que l'ellipticité, l'angle de position et l'indice de concentration.

Notons que depuis cette époque, les images des plus anciens sondages et catalogues du ciel accessibles en ligne ont été supprimées car elles sont intégrées dans des bases de données accessibles en ligne (voir page 2).

Le sondage SDSS

Le sondage SDSS (Sloan Digital Sky Survey) fut le premier sondage d'envergure de l'histoire de l'astronomie. Il fut imaginé vers 1984 par un consortium d'experts des universités de Washington, Princeton et du Nouveau Mexique. Le projet obtint son financement en 1991 et les premières sessions débutèrent en 2000 au télescope de 2.5 m de l'Observatoire d'Apache Point installé au Nouveau-Mexique. Ce premier projet fut divisé en deux sondages : SDSS-I entre 2000-2005 et SDSS-II entre 2005-2008.

Au cours de ses 8 années d'exploitation, le SDSS cartographiera en détail plus de 25% de la voûte céleste, en se concentrant sur l'hémisphère nord. Il enregistra des images multispectrales représentant 140 TB d'images et des redshifts photométriques et spectroscopiques et créa des cartes tridimensionnelles contenant plus de 930000 galaxies et plus de 120000 quasars. Ces Big Data furent rassemblées dans la distribution DR7 qui couvre 11663 deg2 du ciel.

Par la suite ce sondage fut complété par le SDSS-III entre 2008 et 2013 qui publia la DR10 qui comprend des spectres infrarouges et couvre 35% du ciel. Le SDSS-III continua à rassembler des données jusqu'en 2014 puis le sondage SDSS-IV prit la relève jusqu'en 2021, aboutissant à la distribution DR17. Elle comprend notamment un retraitement des photos et spectres du SDSS Legacy Survey (le SDSS-I et une partie du SDSS-II).

A voir : Largest Sky Map Revealed: An Animated Flight Through the Universe

A flight through the Universe by SDSS 3D (version 3D anaglyphe)

A consulter : SDSS SkyServer - Sky-Map (Wikisky)

Le ciel profond du sondage SDSS centré sur l'amas de la Vierge tel qu'il est accessible en ligne dans Sky-Map.

C'est en juillet 2020 et après 20 ans de travail que les astrophysiciens du SDSS publièrent la première carte 3D détaillée de l'univers, permettant d'explorer 11 milliards d'années de l'histoire de l'univers.

Le SDSS atteint la magnitude +23.3 sous filtre g (483 nm). Les objets enregistrés présentent un redshift moyen de z = 0.1 soit une distance propre de 1.3 milliard d'années-lumière mais il comprend également des galaxies rouges lumineuses jusqu'à z = 0.7 et des quasars au-delà de z = 6 soit une distance propre de 12.78 milliard d'années-lumière.

On reviendra sur les résultats du SDSS à propos des amas de galaxies, des quasars et de la structure de l'univers.

Le sondage MACS

Le sondage MACS (MAssive Cluster Survey) a pour objectif de compiler et caractériser un échantillon statistiquement complet d'amas de galaxies lointains très lumineux en rayons X. Il débuta vers 1999 et permit d'augmenter le nombre d'amas massifs connus à z > 0.3 d'une poignée à plus d'une centaine (cf. H.Ebeling et al., 2001).

Pour atteindre cet objectif, les chercheurs ont appliqué une coupure de flux de rayons X et de rapport de dureté des rayons X pour sélectionner les amas éloignés candidats à partir du catalogue ROSAT dont les données de sources lumineuses remontent entre 1990-1999. Ensuite, pour affiner l'échantillon à étudier, les chercheurs ont dressé une liste de plus de 5000 sources de rayons X dans la zone d'étude de 22735 deg2. Pour chaque source, les chercheurs ont établi des corrélations croisées de position avec des catalogues publics d'objets galactiques et extragalactiques, une référence aux couleurs APM (cf. APM Facility), une inspection visuelle des images du sondage DSS (Digitized Sky Survey), une imagerie CCD étendue et enfin des observations spectroscopiques avec les télescopes de 2.2 m et de 10 m de l'Université d'Hawaï pour compiler l'échantillon final des amas de galaxies. La phase principale de catalogage et d'analyse fut en grande partie achevée au début des années 2000.

À gauche, une photo prise par le JWST des milliers de galaxies distribuées dans l'amas MACS J1423.8+2404 (MACS J1423 en abégé) situé dans la constellation du Bouvier. Voici l'image sans annotations. Au centre de l'image, la galaxie elliptique géante lumineuse est située z = 0.545 soit 5.4 milliards d'années-lumière. A droite, en bordure de cet amas, l'effet d'une lentille gravitationnelle a déformé et amplifié plus de 20 fois la lumière d'une galaxie lointaine surnommée "Firefly Sparkle" (le scintillement de luciole) située à z = 8.296 ±0.001; elle évolue dans un Univers âgé de seulement 600 millions d'années. Grâce au JWST, les chercheurs ont pu estimer sa masse et identifier 10 amas d’étoiles distincts qu'ils ont pu étudier individuellement (cf. L.Mowla et al., 2024). Document NASA/ESA/CSA/STSci et al. (2024).

Au final, l'échantillon du sondage MACS comprend 124 amas de galaxies confirmés par spectroscopie entre 0.3 < z < 0.7 soit une distance comobile entre 3.45 et 6.38 milliards d'années-lumière, sachant que derrière eux il y a des galaxies situées dans l'Univers primitif à z > 8 soit plus de 13 milliards d'années-lumière. Cet échantillon est plus de 20 fois plus grand que celui du sondage EMSS (Einstein Extended Medium Sensitivity Survey) dans la même gamme de décalage vers le rouge et de luminosité des rayons X. Plus des deux tiers des amas MACS sont de nouvelles découvertes.

Des observations de suivi complètes des amas MACS ont été lancées au fur et à mesure de l'avancement du sondage. Ces efforts de suivi comprennent l'imagerie des bandes V, R, I avec le télescope de 2.2 m de l'Université d'Hawaï, des mesures de masse des lentilles gravitationnelles faibles utilisant des données d'imagerie à grand champ obtenues avec le télescope Subaru de 8.20 m, des estimations de masse virielle basées sur les dispersions de vitesse des galaxies d'amas mesurées avec les télescopes CFHT de 3.6 m et le Keck-I de 10 m, des observations de l'effet SZ (Sunyaev-Zeldovich) avec l'interféromètre radio millimétrique BIMA, des mesures en rayons X de la distribution du gaz et de la température de l'amas avec l'instrument ACIS de l'observatoire orbital Chandra, complétées par des images du ciel profond multispectrales prises avec le Télescope Spatial Hubble.

Plus récemment le sondage MACS a été complété par le sondage SMACS (Southern MAssive Cluster Survey) dédié à l'hémisphère sud.

L'échantillon final d'amas MACS a permit aux astronomes d'augmenter leur capacité à étudier quantitativement les paramètres physiques et cosmologiques qui déterminent l'évolution des amas de galaxies à des décalages vers le rouge et des luminosités mal échantillonnés par toutes les études d'amas précédentes.

Le sondage MACS n'a pas de date de clôture précise car les données recueillies continuent d'être utilisées pour la recherche et les études de suivi, en particulier avec les télescopes spatiaux Hubble et James Webb et par les grands télescopes terrestres. De nombreux résultats importants ont été publiés dans les années 2000. Mais preuve que le suivi est toujours d'actualité, en 2024 les astronomes avaient réussi à identifier 10 amas stellaires et à estimer la masse d'une galaxie primitive surnommée "Firefly Sparkle" située à zspec = 8.296 ±0.001 derrière l'amas de galaxies MACS J1423.8+2404 (cf. les découvertes récentes).

Le sondage GOODS

Le sondage GOODS (Great Observatories Origins Deep Survey) combine les moyens des plus grands télescopes spatiaux Hubble, Spitzer, Chandra, Herschel et XMM-Newton, aux outils des grands observatoires terrestres tels ceux de l'ESO (VLT/ISAAC en bandes J, H, K, VIMOS en bande U, R, IR moyen et visible) et de la NOAO dans le but de sonder l'univers profond à la recherche des émissions les plus faibles à travers le spectre électromagnétique.

Pour faire un jeu de mots, l'astrophysicien Mauro Giavalisco de l'Université du Massachusetts à Amherts déclara que l'acronyme GOODS (les marchandises ou les biens) fut également choisi parce que "we wanted to deliver the goods" (nous voulions livrer les marchandises, c'est-à-dire les enregistrements obtenus par ces instruments) afin d'obtenir l'image la plus compréhensive du passé de l'Univers.

Une petite région du ciel profond de l'hémisphère sud photographiée par le Télescope Spatial Hubble dans le cadre du sondage GOODS. A gauche, une mosaïque d'images HD (le fichier de 18 mégapixels occupe 8 MB) prises avec la caméra ACS en 2004 et WFC3 en 2010. Le champ s'étend sur 10' soit un tiers du diamètre apparent de la Lune. L'image comprend environ 7500 galaxies identifiables dont les plus rouges se situent à environ 13 milliards d'années-lumière. A droite, une mosaïque de trois panneaux (la partie gauche est dans le tiers supérieur) publiée en 2016 (fichier de 16 MB). Documents NASA/ESA/STScI et al. et NASA/ESA/GOODS et al.

La première ébauche de GOODS remonte à 2001. Les astronomes avaient découvert depuis quelques années une petite zone dans la constellation de la Petite Ourse où le ciel est particulièrement dépourvu d'étoiles ou de galaxies proéminentes. Une zone similaire se trouve dans le ciel de l'hémisphère sud en direction du Fourneau et connue sous le nom de "champ ultra profond" ou UDF (Ultra Deep Field). Ces deux régions furent nommées les champs GOODS North (GOODS-N) et GOODS South (GOODS-S). Malgré leur insignifiance apparente observée à faible grossissement, leur exploration allait redéfinir notre compréhension du jeune Univers.

Le sondage GOODS débuta en 2004 avec l'observation des lentilles gravitationnelles. Mais ce n'est qu'à partir de 2008 ou 2009 selon les télescopes que les astronomes eurent réellement accès aux données réduites (pouvant directement servir à l'analyse) des différents télescopes.

GOODS recherche toutes les traces de la formation et de l'évolution des galaxies à travers les temps cosmiques et cartographie l'histoire de l'expansion de l'Univers grâce à la spectroscopie des supernovae à haut décalage Doppler.

Le sondage GOODS couvre un champ d'environ 320 minutes d'arc carré réparties entre l'hémisphère nord (HST) et l'hémisphère sud (Chandra). Le télescope spatial infrarouge Spitzer de 85 cm de diamètre apporte toute sa finesse pour l'observation des objets les plus lointains entre 3.6 et 24 microns, tandis que le Télescope Spatial Hubble se focalise sur les images optiques (visibles) en haute résolution, l'observatoire Herschel étant dédié à l'observation du ciel profond dans l'infrarouge lointain entre 100 et 500 microns. Enfin, les télescopes terrestres complètent ces données par l'imagerie et la spectroscopie.

A gauche, une photo du champ ultra profond (UDF) de la constellation du Fourneau photographié en 2003 par le HST dans laquelle les chercheurs ont identifié cinq galaxies situées entre z = 4.00 et z = 5.76 soit à des distances propres comprises entre respectivement 12.16 et 12.72 milliards d'années-lumière. Document NASA/ESA. A droite, le même champ avec à gauche, l'image (plus floue) obtenue par l'amateur Rolf Olsen après ~60 heures d'expositions cumulées au foyer d'un télescope de 317 mm de diamètre, à droite celle du HST. Environ 190 galaxies ont été identifiées par Olsen à partir de la base de données VizieR. Leurs magnitudes sont comprises entre ~20 et 25, les plus éloignées étant à une distance propre proche de 12 milliards d'années-lumière. Chaque agrandissement comprend le numéro de catalogue HUDF, le décalage vers le rouge et la distance propre.

C'est notamment grâce au sondage GOODS qu'on découvrit la première galaxie massive à z = 6.5 en 2005 et la première galaxie à z = 11 en 2016 (GN-z11, mais qui s'avéra finalement un peu plus proche).

L'une des photos du champ ultra profond du Fourneau photographié en 2006 par le HST ou HUDF (Hubble Ultra Deep Field) est présentée ci-dessus. Si on extrapole le nombre de galaxies visibles dans ce champ, la seule zone UDF du Fourneau contient 23000 galaxies et l'ensemble du ciel contiendrait plus de 2.5 milliards de galaxies visibles. Mais ce nombre est encore très sous-estimé.

Grâce à GOODS, Christopher Conselice de l'Université de Nottingham et son équipe ont calculé en 2016 que la sphère observable jusqu'à z = 8 soit une distance propre de 13 milliards d'années-lumière contiendrait au moins 2000 milliards de galaxies - 10 fois plus que la précédente estimation - mais du fait que la majorité d'entre elles sont très pâles, nos moyens actuels ne permettent d'observer que 10% de cette population. Il reste donc assez de travail pour que le JWST et les futurs très grands télescopes spatiaux essayent de les débusquer.

Le sondage CANDELS

Le sondage CANDELS (Cosmic Assembly Near-infrared Deep Extragalactic Legacy Survey) est le plus vaste projet d'imagerie de l'univers lointain réalisé par le Télescope Spatial Hubble. Réalisé entre 2010 et 2013, il occupa le HST durant 902 orbites soit environ 60 jours continus de temps d'observation.

L'objectif principal de CANDELS consistait à étudier l'évolution du jeune Univers dans le proche infrarouge au moyen de la caméra WFC3 et en optique par la caméra ACS.

CANDELS s'est concentré sur deux époques critiques de l'évolution cosmique. D'une part "l'Aube Cosmique" qui se produisit moins d'un milliard d'années après le Big Bang, c'est-à-dire aux décalages Doppler compris entre 1.5 > z < 8, lorsque les premiers germes de la structure cosmique se formèrent. D'autre part, sur ce qu'on surnomma le "Midi Cosmique" (Cosmic High Noon) situé entre 2 et 4 milliards d'années après le Big Bang, lorsque les galaxies ont connu leur plus forte croissance lorsque des rivières de gaz entraînées par la gravité s'y déversaient le long de la "toile cosmique". CANDELS photographia plus de 250000 galaxies. En complément, la composante UV du sondage GOODS North (GOOD-N) fut ajouté à CANDELS.

Un autre objectif fut de découvrir des supernovae de Type Ia au-delà de z > 1.5 car elles servent de "chandelles standards" pour calculer le taux d'expansion de l'Univers.

A gauche,  une photographie du champ ultra profond (UDF) prise par le HST dans le cadre du sondage CANDELS. L'image contient environ 30000 galaxies répartie sur 6 milliards d'années dans le temps et dans l'espace, soit la moitié de l'âge de l'Univers. A droite, une photo prise par le HST dans le cadre du sondage UVCANDELS. Elle contient environ 5000 galaxies situées à plusieurs milliards d'années-lumière. La région est située dans le champ "Extended Groth Strip" (cf. cette photo couvrant 70'x10' et contenant 50000 galaxies jusqu'à z~1 soit ~8 milliards d'années-lumière), l'un des cinq champs du ciel profond étudiés en détails en infrarouge dans le cadre du sondage CANDELS. Il s'agit d'une photo RGB en fausses couleurs. La lumière bleue est représentée en bleu, la rouge en vert et la proche infrarouge en rouge. La région illustrée couvre 9'x9' soit 10% de la taille apparente de la pleine Lune. Documents NASA/STScI et NASA/STScI/ Harry Teplitz (Caltech/IPAC

Le sondage UVCANDELS

Le sondage UVCANDELS vient en complément du sondage CANDELS et se déroula entre le 12 avril 2019 et le 21 mai 2020. Il réalisa des photographies UV au moyen des caméras WFC3/F275W et ACS/F435W des objets extragalactiques dans les quatre principaux champs d'étude du ciel profond (UDF) du HST les mieux adaptés aux observations du JWST. UVCANDELS occupa le HST durant 164 orbites soit environ 10 jours continus de son temps d'observation.

Le but était d'étudier les processus clés de l'évolution structurelle des galaxies situées entre 0.5 < z < 3, c'est-à-dire à des distances propres comprises entre 5 et 11.5 milliards d'années-lumière en utilisant les données UV et bleues à haute résolution spatiale (700 pc à z ~ 1 ou une distance propre de 7.8 milliards d'années-lumière) et créer des cartes en 2D de l'histoire de leurs formations stellaires. Ensuite, ces données furent combinées à celles héritées du télescope spatial Herschel de l'ESA qui fut opérationnel entre 2009 et 2013 afin de tracer l'évolution de la teneur en poussière des galaxies situées à des décalages vers le rouge modérés (z < 1).

Parmi les autres missions, UVCANDELS étudia le rôle de l'environnement dans l'évolution des galaxies formant des étoiles de faible masse, il étudia la décroissance du taux de formation stellaire (SFR) dans les galaxies massives de type précoce et le rôle des fusions mineures. Enfin, il étudia la fraction d'échappement du rayonnement ionisant des galaxies à z ~ 2.5 soit ~2.6 milliards d'années après le Big Bang afin de mieux comprendre comment les galaxies à taux élevé de formation d'étoiles ont réionisé l'Univers à z > 6 soit moins d'un milliard d'années après le Big Bang.

UVCANDELS complète d'autres observations du ciel profond en UV (HDUV, UVUDF, ERS et Frontier Fields) et couvre une surface du ciel de ~430' carrées équivalente à environ 50% de la taille apparente de la pleine Lune. Au total, UVCANDELS photographia environ 140000 galaxies.

Deuxième partie

Le programme CLASH

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