Contacter l'auteur / Contact the author

Recherche dans ce site / Search in this site

 

 

 

 

 

Pathologies des patients Covid

Manifestations clés et mécanismes hypothétiques de l'atteinte cardiovasculaire liée au Covid-19. Document T.J. Guzik et al. (2020) adapté par l'auteur.

Les troubles et atteintes cardiaques (III)

Une équipe du Zhongnan Hospital de Wuhan rapporta dans le "JAMA" des complications chez 85 patients hospitalisés pour une pneumonie au Covid-19. Parmi eux, environ 16% ont présenté un trouble du rythme cardiaque et 7% une atteinte cardiaque. Un nombre significatif de ces patients sont décédés de la maladie (cf. R.O. Bonow et al., 2020; B.Yang et al., 2020; M.Madjid et al., 2020).

D'autres données cliniques de patients traités en Chine montrent que sur 41 patients hospitalisés au Jin Yin-Tan Hospital de Wuhan pour une pneumonie au Covid-19, 5 d'entre eux présentaient une atteinte cardiaque aiguë, soit 12% de ce groupe de patients. L'atteinte cardiaque se caractérise par une élévation importante de la concentration dans le sang de la troponine ou la présence d'anomalies à l'électrocardiogramme ou à l'échocardiographie.

Dans une étude publiée dans la revue "The Lancet" le 20 avril 2020, l'équipe de Zsuzsanna Varga de l'Université de Zurich (UZH) a décrit la détection du Covid-19 dans l'endothélium, la couche interne des vaisseaux sanguins en contact avec le sang. Le virus y provoque la mort des cellules, puis celle des tissus et des organes (cf. Z.Varga et al., 2020).

Selon Varga, le Covid-19 attaque le système immunitaire non pas par les poumons, mais directement par les récepteurs ACE2 présents dans l'endothélium, qui perd ainsi sa fonction protectrice. Selon le cardiologue Frank Ruschitzka, coauteur de l'étude, "La maladie au Covid-19 peut toucher les vaisseaux sanguins de tous les organes" et propose de nommer ce tableau clinique le "Covid-endothélite" (Covid-19-endotheliitis). 

Selon les chercheurs, il s'agit d'une inflammation systémique des vaisseaux sanguins pouvant toucher les poumons ou le tube digestif. Elle entraîne de graves micro-perturbations de la circulation sanguine qui peuvent endommager le coeur ou provoquer des embolies pulmonaires.

Selon une étude publiée dans la revue "JAMA Cardiology" le 27 juillet 2020 par les cardiologues C.W.Yancy et G.C.Fonarow, des anomalies cardiaques persistant plus de 2 mois après le diagnostic de Covid-19 apparaissent à l'IRM chez 78% des patients, sans distinction de sévérité de la maladie. Cela suggère que les médecins doivent poursuivre la surveillance des conséquences cardiovasculaires à long terme de cette infection.

L'inflammation peut aussi obstruer des vaisseaux sanguins du cerveau ou le système gastro-intestinal. Les chercheurs soulignent que si l'endothélium des jeunes patients se défend bien, ce n'est pas le cas de celui des groupes à risque souffrant d'hypertension, de diabète ou de maladies cardiovasculaires, dont la caractéristique commune est une fonction endothéliale réduite.

Notons que si en plus de l'infection virale, le patient est allergique (par des allergènes aériens ou alimentaires par exemple), dans ce cas la réaction immunitaire de l'organisme sera explosive et les symptômes seront aggravés conduisant parfois au décès. En général, même si la source de l'allergie n'est pas connue, la prise d'un antihistaminique va rapidement soulager le patient mais elle n'aura aucun effet sur la charge virale.

Effet de l'hypertension et des maladies cardiovasculaires sur l'hyperinflammation

Dans une étude publiée dans la revue "Nature Biotechnology" le 2 décembre 2020, Irina Lehmann de l'Institut de la Santé de Berlin (BIH) et ses collègues ont découvert que "dans la Covid-19, l'hypertension et les maladies cardiovasculaires sont des facteurs de risque majeurs de progression critique de la maladie".

Bien que ces facteurs de comorbités soient connus, les causes sous-jacentes et les effets des principaux traitements antihypertenseurs comme les inhibiteurs de l'enzyme de conversion de l'angiotensine (IECA ou ACEI) et les antagonistes bloquants les récepteurs de l'angiotensine (BRA) restent incertains. Lehmann et ses collègues ont donc approfondi le sujet.

A consulter : Covid-19 Cell Atlas

Cartes UMAP de l'expression des gènes dans les cellules de différents de personnes. A gauche, carte des cellules épithéliales et immunitaires chez des personnes saines et des patients Covid. A droite, carte des lymphocytes matures (plasmablastes) de patients Covid. Données caractérisées à partir du séquençage ARNsn d'échantillons nasopharyngés. Chaque cellule de l'UMAP est représentée par un seul point avec une couleur particulière indiquant leurs similitudes et leur appartenance au même ensemble ou cluster. Par exemple, les cellules T et les macrophages expriment des gènes particuliers et distincts, par lesquels ils peuvent être identifiés. Ils sont donc sur une partie différente de la carte et ont un code couleur différent. Documents I.Lehmann et al. (2020) et C.A. Blish et al. (2020).

En combinant des données cliniques de 144 patients Covid et des données de séquençage ARNsn d'échantillons cellulaires des voies respiratoires de 48 autres patients Covid avec des expériences in vitro, les chercheurs ont observé "une prédisposition inflammatoire distincte des cellules immunitaires chez les patients souffrant d'hypertension qui était en corrélation avec la progression critique de la Covid-19".

Les chercheurs ont constaté que le traitement par ACEI était associé à une hyperinflammation atténuée liée au virus et à une augmentation des réponses antivirales intrinsèques des cellules, tandis que le traitement par BRA était lié à une augmentation des interactions épithéliales-cellules immunitaires. Autrement dit, contrairement au traitement par ACEI, le traitement par BRA n'est pas aussi efficace pour soulager l'hyperinflammation liée à l'hypertension, en particulier dans les macrophages (nrMa) et les neutrophiles (Neu), contribuant peut-être à l'évolution critique de la Covid-19.

Les chercheurs concluent que "Les macrophages et les neutrophiles de patients hypertendus, en particulier sous traitement BRA, ont présenté une expression plus élevée des cytokines pro-inflammatoires CCL3 et CCL4 et du récepteur de chimiokine CCR1. Bien que la taille limitée de notre cohorte ne nous permette pas d'établir l'efficacité clinique, nos données suggèrent que les bénéfices cliniques du traitement par ACEI chez les patients atteints Covid souffrant d'hypertension méritent une enquête plus approfondie".

Fragmentation des sarcomères des cardiomyocytes

Dans un article publié sur "bioRxiv" (non validé) le 25 août 2020, des chercheurs de l'Institut Gladstone de Virologie de l'UCLA ont constaté que le Covid-19 semble capable de couper les fibres du muscle cardiaque, les cardiomyocytes, en petits fragments de taille précise, du moins lorsqu'il infecte des cellules souches pluripotentes induites (iPSC) du muscle cardiaque humain ex vivo (des cultures cellulaires en laboratoire).

À gauche, une microphotographie de cellules musculaires cardiaques saines. On reconnait les longues fibres striées reliées les unes aux autres qui leur permettent de se contracter en cadence. À droite, des cellules musculaires cardiaques contaminées par le Covid-19; les longues fibres sont coupées en petits fragments. Document T.C. McDevitt et al. (2020).

Ces coupures des microfibres musculaires pourraient endommager de façon permanente les cellules cardiaques et c'est une perspective inquiétante, même si elle se déroule dans une boîte de Petri.

Toutefois, d'autres chercheurs ont douté que les cardiomyocytes, bien qu'ils disposent des récepteurs ACE2, puissent être contaminés par le Covid-19 car ce cas n'était pas documenté jusqu'alors. Mais à présent au moins deux autres études confirment qu'une contamination est possible.

Dans un article publié dans le "JAMA" le 27 juillet 2020, des chercheurs de l'Hôpital Universitaire de Frankfort am Main ont constaté que parmi 100 patients Covid convalescents sélectionnés au hasard, sur les images IRM 78% d'entre eux présentaient des cicatrices similaires sur le muscle cardiaque, qu'on retrouve normalement après une crise cardiaque. 60% des patients présentaient également une inflammation myocardiale (du muscle cardiaque), même dans des cas relativement bénins.

Une troisième étude publiée dans la revue "Stem Cell research & Therapy" le 30 novembre 2020 par Sang-Ging Ong du Collège de Médecine de l'Université de l'Illinois et ses collègues confirme que des virus du Covid-19 ont été détectés dans des cellules souches pluripotentes induites (iPSC) des cardiomyocytes humains. Ils notèrent aussi une augmentation des gènes liés à l'inflammation dans les cellules iPSC.

Ces cas sont différents de tout ce que les chercheurs ont vu auparavant. En effet, aucune autre maladie n'est connue pour affecter les cellules cardiaques de cette manière. Selon Todd McDevitt, coauteur de l'étude de l'UCLA, "Ce que nous voyions était complètement anormal". Cette découverte peut expliquer comment le Covid-19 endommage le coeur.

Lors de l'expérience faite ex vivo, les chercheurs ont testé trois types de cellules cardiaques, les cardiomyocytes, les fibroblastes cardiaques et les cellules endothéliales. Ils ont constaté que le Covid-19 ne pouvait contaminer et se reproduire qu'à l'intérieur des cardiomyocytes.

Pour rappel, les cardiomyocytes contiennent des fibres musculaires constituées d'unités simples (mais complexes dans leur structure) appelées sarcomères, qui sont essentielles pour assurer le rythme cardiaque. Ces sarcomères s'alignent généralement dans la même direction pour former de longs filaments. Mais les études ex vivo ont montré que lorsque les cellules étaient contaminées par le Covid-19, les filaments du sarcomère étaient coupés en petits fragments comme on le voit ci-dessus à droite. Selon le Dr Bruce Conklin, coauteur de l'étude de l'UCLA, "les perturbations du sarcomère que nous avons découvertes rendraient impossible le bon fonctionnement des cellules du muscle cardiaque".

Microphotographie optique grossie 400X d'une coupe longitudinale de 10 cm du muscle cardiaque sain montrant les cardiomyocytes. Document SPL.

Mais il faut rester prudent car des découvertes faites dans des cultures de laboratoire ne traduisent pas toujours la réalité. Pour s'assurer que cela se produit également dans des organismes vivants, les chercheurs ont donc analysé des échantillons d'autopsie de tissu cardiaque provenant de trois patients Covid.

Ils ont constaté que les filaments du sarcomère étaient désordonnés et réarrangés et présentaient un motif qui était similaire, mais pas exactement le même, à ce qu'ils avaient observé dans les cultures ex vivo.

Les chercheurs notent que pour faire leur découverte, ils ont dû effectuer un traitement spécial sur les cellules pour voir les sarcomères, qui n'est généralement pas réalisé. Selon les chercheurs, ceci peut expliquer pourquoi cette découverte dans les autopsies est peut-être passée inaperçue jusqu'à présent. Selon McDevitt, "J'espère que notre travail motivera les médecins à examiner les échantillons de leurs patients pour rechercher ces caractéristiques".

D'autres études sont également nécessaires pour vérifier si les changements de sarcomère observés dans les cellules cardiaques sont permanents.

Les chercheurs ont également observé autre chose d'étrange à la fois dans les expériences ex vivo et dans le tissu cardiaque des patients Covid. Pour certaines cellules cardiaques, l'ADN situé à l'intérieur du noyau cellulaire était absent. Autrement dit, ces cellules sans pilote étaient pour ainsi dire "en état de mort cérébrale" et incapables de remplir leurs fonctions normales.

Dans les deux cas, les cellules cardiaques contaminées par le Covid-19 ne jouent plus leur rôle et conduisent à l'arrêt du coeur qui est normalement l'étape qui suit l'infarctus du myocarde (la crise cardiaque). Ici il semble que ce soit un virus qui provoque la crise cardiaque.

Mais il reste encore des énigmes. Les chercheurs sont persuadés que lorsqu'ils auront compris comment le Covid-19 endommage les cellules cardiaques, ils pourraient élaborer des médicaments pour atténuer ces effets. Par exemple, si le virus utilise une enzyme pour couper les sarcomères, on peut développer un médicament qui bloque cette enzyme. Mais pour l'heure, on ignore encore si le virus coupe directement les sarcomères ou s'il incite les cellules à couper les fibres par un autre mécanisme.

Des Covid-19 dans le coeur

Toutes ces études confirment que le Covid-19 peut toucher le coeur. Selon une étude publiée dans la revue "Modern Pathology" le 17 mars 2021 par l'équipe de James R. Stone, pathologiste cardiovasculaire au Massachusetts General Hospital, chez trois quarts des patients décédés de la Covid-19 soit 30 personnes sur 41 cas autopsiés, le virus avait envahi leur tissu cardiaque. Ces personnes présentaient également une probabilité plus élevée que les patients sans invasion cardiaque de présenter un trouble du rythme cardiaque (arythmie). Cette étude offre un aperçu de la façon dont la Covid-19 peut endommager le coeur et des traitements qui peuvent y remédier.

Comme nous l'avons expliqué, les chercheurs ont de nombreuses preuves de lésions cardiaques chez les patients Covid. Certaines personnes présentent par exemple des niveaux élevés de troponine (hsTNI) dans le sang suite à une atteinte cardiaque. D'autres ont connu une inflammation du péricarde, le sac entourant le coeur, et une inflammation du coeur lui-même. Actuellement on ne sait pas encore si ces problèmes sont provoqués par le Covid-19 qui s'attaquerait directement au coeur ou si les dommages sont dus à une réponse immunitaire hyperactive.

Les petites taches violettes foncées sont des cellules inflammatoires envahissant le muscle cardiaque d'un patient décédé de la Covid-19. A comparer avec la microphotographie du muscle cardiaque sain ci-dessus à droite. Document J.Stone (2021).

Une partie du problème vient du fait que les études précédentes n'ont pas toujours pu certifier si le Covid-19 peut ou non envahir le tissu cardiaque. Selon le Dr Stone, beaucoup de chercheurs n'ont pas trouvé le virus en utilisant le test PCR.

Pour rappel, ce test détecte l'ARN viral dans les tissus, puis l'amplifie en en faisant de nombreuses copies sous forme d'ADN. Lorsqu'il y a suffisamment d'ADN, une molécule appelée le label fluorescent peut s'y coller et sa trace révèle la présence du virus. Mais souvent, le tissu cardiaque est traité et préservé à l'aide de produits chimiques comme la paraffine, qui peuvent décomposer l'ARN et empêcher la détection du virus.

L'équipe de Stone a donc utilisé une autre approche : l'hybridation in situ et le profilage transcriptomique de nanoString. Comme la PCR, ces techniques utilisent des molécules spéciales pour se fixer et détecter des fragments d'ARN viral, mais sans passer par les copies d'ADN. Cette méthode peut identifier l'ARN viral même après qu'il a été brisé en petits morceaux. Les chercheurs ont également analysé environ 1000 échantillons de tissu cardiaque (plus de 20 échantillons de chacun des 41 patients examinés, soit le double du nombre d'échantillons par patient généralement utilisé).

Le Covid-19 était présent dans le coeur de 30 patients. Et seuls ces patients ont présenté de nouvelles fibrillations auriculaires, des arythmies cardiaques (rapides et irrégulières) ou des battements cardiaques précoces ou supplémentaires, par rapport aux autres patients étudiés - une corrélation que Stone qualifie "d'assez phénoménale".

Toutefois, on ne sait toujours pas si dans ces cas le virus a attaqué directement le cœur. La plupart des cellules cardiaques infectées étaient des cellules immunitaires que le Covid-19 aurait pu envahir ailleurs dans le corps avant d'atteindre le coeur. On ne sait pas non plus si c'est le virus ou plutôt les cellules immunitaires elles-mêmes qui sont à l’origine des troubles cardiaques.

Quoi qu'il en soit, l'étude peut aider à expliquer pourquoi la dexaméthasone (par ex. le dectancyl) est si utile pour certains patients Covid. L'essai clinique "Recovery" avait en effet montré que ce médicament anti-inflammatoire de la famille des stéroïdes fut l'un des premiers à prévenir les décès lié à des effets graves de la Covid-19, ce que confirma l'OMS (cf. les remèdes contre la Covid-19).

Selon Stone, la dexaméthasone réduit l'inflammation et peut donc avoir freiné la présence de cellules immunitaires contre le Covid-19 dans le coeur. Seuls 50% des patients traités par la dexaméthasone présentaient des Covid-19 dans leur cœur, contre 90% des patients qui ne prenaient pas ce médicament.

Mais par rapport aux grands essais cliniques, le nombre de patients pris en compte dans cette nouvelle étude est faible, ce qui ne permet pas de dire si un médicament protège mieux le coeur qu'un autre. Cette découverte appelle à d'autres actions. Les chercheurs vont à présent explorer cette voie en analysant davantage de tissu cardiaque, non seulement pour voir comment le Covid-19 tue les patients, mais pour comprendre comment il blesse le coeur de ceux qui en réchappent. En effet, la Covid-19 peut par exemple créer un tissu cicatriciel à l'origine de nouveaux problèmes cardiaques. Ce qui se passe durant la convalescences des patients post-Covid n'est toujours pas clair et de nouvelles études doivent éclaircir cette phase. On reviendra sur les séquelles de la Covid-19.

La thrombose et l'AVC

Certains jeunes patients Covid ne présentant pas de signes graves de la maladie font un AVC (accident vasculaire cérébral) alors qu'ils ne présentent aucun facteur de risque classique (cf. B.D. Michael et al., 2020). Cet accident est probablement lié à la formation de caillots de sang dans les artères alimentant le cerveau (cf. H.Killworth, 2020). Malheureusement, un caillot de sang ou thrombus peut se former dans d'autres vaisseaux sanguins et d'autres parties du corps.

En mars 2020, des médecins chinois ont constaté que certains patients décédés des suites de la Covid-19 présentaient une coagulation sanguine excessive et disséminée (cf. F.Wang et al., 2020). Les mêmes symptômes furent observés en Italie (voir ci-dessous), en France (F.Meziani et al., 2020), aux Pays-Bas (F.A.Klok et al., 2020), au Royaume-Uni et en Espagne notamment (cf. B.Bikdeli et al., 2020). Les autopsies réalisées en Chine montrant des caillots dans "non seulement les poumons mais également le cœur, le foie et les reins" furent décrites lors d'un webinar coparrainé par la Chinese Cardiovascular Association et l'American College of Cardiology (cf. ACC).

Concentration des D-dimères chez des patients Covid. Des niveaux élevés sont un indicateur indépendant de mortalité. Document F.Zhou et al. (2020).

Dans un article publié début avril 2020 sur le site "MedPage Today", le Dr Stephan Moll de l'Université de Caroline du Nord à Chapel Hill déclara : "Ce qui est vraiment devenu clair dans les discussions au cours des deux dernières semaines, c'est que la maladie au Covid-19 est associée de près à la thrombose : caillots dans les gros vaisseaux sanguins, TVP/EP [thrombose veineuse profonde/embolie pulmonaire], peut-être des évènements artériels et potentiellement de petits maladies des vaisseaux comme la thrombose microvasculaire". Les médecins proposaient l'injection "d'héparine à faible poids moléculaire à dose prophylactique (HBPM) plutôt que d'anticoagulants oraux, y compris chez les patients prenant normalement un anticoagulant oral direct ou un antagoniste de la vitamine K".

Le Dr Jeffrey Laurence, hématologue au Weill Cornell Medicine de New York a également observé chez trois personnes de minuscules caillots dans les capillaires dans des échantillons de poumon et de peau infectés par le virus. D'autres groupes, dont une équipe dirigée par le chirurgien James O’Donnell du Centre irlandais de biologie vasculaire du Royal College of Surgeons de Dublin ont signalé des résultats similaires et tout à fait inattendus.

Selon les médecins, les anticoagulants n'empêchent pas de manière fiable la coagulation chez les patients Covid, et de ce fait les jeunes infectés peuvent mourir d'un AVC.

Comme illustré à droite, des études des cas cliniques ont montré que de nombreuses personnes hospitalisées pour la Covid ont des niveaux très élevés de D-dimères, des fragments de protéines résultant de la dégradation de la fibrine lors de la dissolution d'un caillot. Des concentrations élevées de D-dimères sont un indicateur indépendant de mortalité (cf. F.Zhou et al., 2020).

Notons qu'en Belgique, les médecins au chevet des patients Covid ont prescrit très tôt des anticoagulants, si bien que le nombre de thrombose est très faible. Ces cas cliniques et ce traitement furent confirmés par une étude réalisée en Italie.

En avril 2020, Giampaolo Palma, directeur de la santé du Centre des maladies cardiovasculaires de Palma, en Italie, déclara : "Je ne veux pas vous paraître excessif, mais je pense qu'aujourd’hui, enfin, la cause de la létalité du Covid-19 est peut-être presque certaine. Mes vingt ans d'expérience en échocardiographie et en cardiologie interventionnelle - échographie doppler vasculaire, en tant que directeur du Centre de thrombose-coagulation, avec des procédures sur plus de 200000 patients cardiopathes et non cardiopathes, me font confirmer ce que certains collègues avaient commencé à spéculer jusqu'à il y a quelques jours sans être certains. Aujourd'hui, nous disposons des premières données issues des découvertes anatomo-pathologiques de tissus pulmonaires prélevés sur les premiers patients décédés".

Des études menées aux Pays-Bas et en France suggèrent que des caillots apparaissent chez 20 à 30% des patients Covid gravement malades, ce que confirme Palma. Avec son équipe, il a montré dans une étude que 25% des malades du Covid sont conduits en réanimation pour une thrombo-embolie veineuse généralisée, en particulier une thrombo-embolie pulmonaire TEP; ils ont des caillots de sang dans les veines.

Un caillot de sang ou thrombus photographié à 2000x au microscope électronique à balayage. Le sang coagulé se compose principalement d'hématies reliées par de la fibrine, une protéine contenue naturellement dans le plasma mais qui dans ce cas ci obstrue le vaisseau sanguin. Si normalement le caillot permet d'éviter l'hémorragie, il peut aussi conduire à la mort par AVC. Document Getty Images.

A l'époque, l'équipe de Palma ignorait pour quelle raison (le comment) cette coagulation se produit. Comme évoqué plus haut, on présume que le Covid-19 attaque directement les cellules endothéliales qui tapissent les vaisseaux sanguins. Les cellules endothéliales abritent le même récepteur ACE2 que le virus utilise pour pénétrer dans les cellules pulmonaires. Et il existe des preuves que les cellules endothéliales peuvent être infectées car on a retrouvé le Covid-19 dans des cellules de reins chez des patients soignés à l'Hôpital Universitaire de Zurich en Suisse et à l'Hôpital de Brigham and Women de Boston, au Massachusetts.

On sait depuis quelques années qu'il existe un lien entre les conditions inflammatoires et les caillots de sang. L'inflammation est également entretenue par les inflammasomes, des complexes multiprotéiques de l'immunité innée très sensibles aux agressions cellulaires associées aux agents pathogènes et au stress. Les inflammasomes activent la réaction inflammatoire et la production de cytokines pro-inflammatoires, telles que les interleukines IL-1β et l'IL-18 et indirectement l'IL-6 via les monocytes, le facteur de nécrose tumorale (TNF) et l'IL-8 (cf. Y.Jamilloux et T.Henry, 2013; J.Bester et E.Pretorius, 2016). Les inflammasomes conduisent aussi à la pyroptose, une forme inflammatoire de mort cellulaire. Mais si on sait pourquoi, jusqu'à présent on ne savait pas comment ces caillots de sang se formaient dans ces conditions.

En 2021, des chercheurs de l'Ecole Médicale d'Harvard de l'Hôpital des Enfants de Boston ont découvert des preuves que le SARS-CoV-2 active directement ou indirectement les inflammasomes et la sécrétion des cytokines, provoquant une inflammation par divers mécanismes, notamment le recrutement de neutrophiles dans les poumons. Ils ont découvert que l'activation de la gasdermine D, une protéine codée par le gène GSDMD situé sur le chromosome 8, dans les neutrophiles conduit à la formation de pièges extracellulaires de neutrophiles ou NET, des réseaux de fibres extracellulaires, principalement composés d'ADN de neutrophiles, qui se lient aux agents pathogènes (cf. V.Brinkmann et al., 2004 et en PDF). Ces NETs peuvent recruter des plaquettes et favoriser l'hypercoagulation. L'IL-1β et l'IL-6 peuvent réguler à la baisse les jonctions adhérentes ou d'ancrages dans les cellules endothéliales, ce qui augmente leur perméabilité et pourrait contribuer à la coagulation dans le système vasculaire pulmonaire. Les vésicules extracellulaires (VE) positives pour le facteur tissulaire libérées par les monocytes pyroptotiques peuvent également activer directement la cascade de coagulation et favoriser la formation de caillots de sang et aggraver l'état des patients Covid (cf. H.Wu et al., 2021).

En 2020, Palma précité averti ses collègues : "le Covid-19 endommage d'abord les vaisseaux, le système cardiovasculaire, et ce n'est qu'ensuite qu’il atteint les poumons ! C'est la micro-thrombose veineuse, et non la pneumonie, qui est à l'origine du décès ! Et pourquoi se forme-t-il des caillots ? Car l'inflammation, comme décrit dans les manuels scolaires, induit une thrombose par un mécanisme physiopathologique complexe mais bien connu. Ce que la littérature scientifique, en particulier la littérature chinoise, disait jusqu'à la mi-mars, c'est qu'il ne fallait pas utiliser d'anti-inflammatoires. Aujourd'hui, en Italie, les anti-inflammatoires et les antibiotiques sont utilisés dans la phase 1 de la maladie (comme pour la grippe) et le nombre de personnes hospitalisées est en baisse. De nombreux patients morts, même âgés de 40 ans, ont eu des antécédents de forte fièvre pendant 10 à 15 jours sans traitement adéquat. Ici, l'inflammation a tout détruit et a préparé le terrain pour la formation de caillots. Car le problème principal n'est pas le virus, bien que différent des autres, mais la réaction immunitaire qui détruit les cellules dans lesquelles le virus entre".

"Les anti-inflammatoires tels que Brufen, Naproxen, [Gambaran et autre] aspirine qui inhibent la Cox 1 ainsi que la Cox 2 ne devraient pas être utilisés, alors que le Celecoxib (un inhibiteur sélectif de la Cox 2) semble donner de bons résultats ; cependant, il faut attendre les résultats des études".

"En résumé, il apparaît que la mort soit déterminée par un DIC (Coagulation Intravasculaire Disséminée) déclenché par le virus. La pneumonie interstitielle n'aurait donc rien à voir avec elle, ce ne serait que la phase 3 la plus grave de la maladie à laquelle nous n'arriverons peut-être plus si nous apprenons à guérir la maladie dans les phases 1 virale et 2 intermédiaire. Ce n'était peut-être qu'une erreur de diagnostic".

Anémie et ferritine dans le sang

On a également découvert chez des patients décédés de la Covid-19, de grandes quantités de ferritine dans le sang. Or en principe, le fer n'est pas libre mais fixé dans l'hémoglobine (sur l'hème) des globules rouges. Une étude "in silico" a montré que parmi les protéines non structurales du Covid-19, les protéines orf1ab, ORF10 et ORF3a peuvent attaquer la molécule d'hémoglobine, dissociant le fer pour former la porphyrine (cf. Liu et Hualan, 2020). Or ce fer est indispensable au transport de l'oxygène vers les cellules. En cas d'anémie (un déficit en hémoglobine fonctionnelle) l'organisme réagit par une forte production de cytokines produisant des réactions inflammatoires importantes. Pour l'instant cette étude reste théorique mais ouvre la voie à des tests précliniques.

A gauche, structure de l'hémoglobine du sang et emplacement de l'hème sur lequel se fixe le fer et le dioxygène. Le sang contient environ 35% d'hémoglobine en poids. 1 gramme d'hémoglobine peut transporter environ 1.36 ml d’oxygène. Un adulte au repos consomme environ 1.5 g d’oxygène par minute.

Toutefois, des chercheurs pensent avoit trouvé un remède contre l'attaque de l'hémoglobine grâce à l'EPO, l'érythropoïétine. Il s'agit d'une hormone naturelle produite par les reins qui favorise la production de globules rouges dans la moelle osseuse (et qui permet aussi de doper les sportifs). Son injection chez les patients présentant une anémie ou de la ferritine dans le sang permet de contrôler la production de cytokines afin de réduire l'inflamation, diminuer sensiblement le syndrome de détresse respiratoire aigu et remonter le taux d'hémoglobine dans le sang, donc que des avantages bien qu'il faille encore rester prudent (cf. M. Mortezazadeh et al., 2020).

Ceci dit, on ignore encore si les effets observés sur le sang sont le résultat direct de l'attaque virale contre les vaisseaux sanguins ou la conséquence de l'orage de cytokines résultant de l'infection.

Thrombophilie et maladie auto-immune

Dans une étude publiée dans la revue "Science Translational Medicine" le 2 novembre 2020, Jason S. Knight du NIH et ses collègues ont réalisé des histopathologies pulmonaires (diagnotics sur des tissus vivants observés au microscope) et découvert que les patients Covid ayant succombé à la maladie présentaient souvent des occlusions à base de fibrine dans les petits vaisseaux sanguins, c'est-à-dire des caillots de sang. Une analyse approfondie de leurs tissus montra que ces patients furent victimes d'une prédisposition innée aux thromboses aggravée par une réaction auto-immune.

Les chercheurs rappellent que "le syndrome des antiphospholipides est une thrombophilie acquise et potentiellement mortelle dans laquelle les patients développent des auto-anticorps pathogènes ciblant les phospholipides et les protéines de liaison aux phospholipides (anticorps aPL). Des séries de cas ont récemment détecté des anticorps aPL chez des patients Covid". Autrement dit, ces patients Covid furent victimes d'une maladie auto-immune appelée le syndrome des antiphospholipides (SAPL) qui se manifeste par la formation de caillots de sang suite à la présence d'anticoagulant, les anticorps antiphospholipides (aPL).

En résumé, les chercheurs ont mesuré 8 types d'anticorps aPL dont IgG, IgM, IgA et autre IgM anti-phosphatidylsérine/prothrombine (aPS/PT) dans des échantillons de sérum de 172 patients Covid. Selon le type d'anticorps, ils ont détecté leur présence dans 18 à 24% des échantillons de sérum. Des auto-anticorps antiphospholipides étaient également présents dans 52% des échantillons de sérum et dans 30% en utilisant un seuil plus sévère au test ELISA.

Dans leurs conclusions, les chercheurs "suggèrent que la moitié des patients Covid deviennent au moins transitoirement positifs pour les anticorps aPL et que ces auto-anticorps sont potentiellement pathogènes".

Schéma des réponses immunitaire (gauche) et auto-immune (droite) associées aux maladies inflammatoires. Documents AboutKidsHealth.

Maladie auto-immune

Même en l'absence de caillots de sang comme dans les cas décrits ci-dessus, des convalescents de la Covid peuvent être victimes d'une maladie auto-immune.

Dans une étude publiée sur "medRxiv" (non validée) le 28 octobre 2020, le rhumatologue Ignacio Sanz de l'Université Emory d'Atlanta, aux Etats-Unis, et ses collègues ont observé que certains convalescents de la Covid portaient des auto-anticorps, des signes inquiétants que leur système immunitaire a déclenché une maladie auto-immune. Cette réaction rappelle des maladies potentiellement débilitantes comme le lupus et la polyarthrite rhumatoïde. Les patients peuvent heureusement bénéficier de traitements pour ces maladies.

Les convalescents sont sortis en septembre 2020 d'un hôpital temporaire installé à Lima, au Pérou. À un moment donné, le système de défense de l'organisme de ces patients s'est retourné contre eux; il a produit des auto-anticorps qui ciblent le matériel génétique des cellules humaines plutôt que le virus.

Cette réponse immunitaire malavisée peut déclencher une Covid sévère. Cela peut également expliquer pourquoi des convalescents de longue durée présentent des symptômes persistants des mois après la fin de la contamination initiale et la disparition du virus de leur corps (voir plus bas).

Ces résultats ont des implications importantes pour le traitement : en utilisant les tests existants qui peuvent détecter les auto-anticorps, les médecins pourraient identifier les patients qui pourraient bénéficier des traitements utilisés pour le lupus et la polyarthrite rhumatoïde. Bien qu'il n'existe pas de remède pour ces maladies, certains traitements diminuent la fréquence et la gravité des poussées.

Les immunologistes connaissent bien cette réactivité. Dans ce cas-ci, il est intéressant sur le plan clinique de comprendre comment cela se passe chez les patients Covid. Selon l'immunologiste Akiko Iwasaki de l'Université de Yale, "Il est possible que même une maladie bénigne ou modérée induise ce type de réponse des anticorps".

A gauche, le graphique du haut indique la fréquence de test pour les anticorps antinucléaires (ANA, en haut), le facteur rhumatoïde (RF, au milieu) ou les deux (en bas) regroupés par niveaux de sérum bas (à gauche) ou élevés (à droite). Le graphique du bas indique les titres de CRP (la protéine C-réactive indiquant une inflammation) et d'ANA pour 7 patients Covid relevés au test initial (point temporel 1) et après deux semaines (point temporel 2). Au centre, représentation symboliquement d'un anticorps par un Y par référence à la forme de la molécule (document Design cells/Shutterstock). A droite, les tissus corporels affectés par les maladies auto-immunes. Dans le cas de la Covid-19, la maladie auto-immune touche le sang et les poumons mais on peut craindre des impacts dans d'autres tissus. Documents I.Sanz et al. (2020), xen32 et iStock adapté par l'auteur.

Rappelons que les maladies virales peuvent provoquer la mort des cellules humaines infectées. Les cellules meurent soit normalement soit par nécrose mais parfois, et en particulier lors d'une infection grave, elles peuvent littéralement se suicider, une autodestruction programmée génétiquement dans l'intérêt de l'organisme, c'est l'apoptose. Au cours de ce processus, la cellule se fragmente et répand son contenu dans l'organisme. Lorsque cela se produit, l'ADN normalement enroulé et compacté à l'intérieur du noyau cellulaire, est soudainement dispersé et détectable, notamment par les macrophages du système immunitaire.

Les cellules immunitaires comme les lymphocytes B fabriquent des anticorps qui reconnaissent les fragments d'ARN viral et s'y fixent. Mais en présence d'un lupus par exemple, certaines cellules B naïves n'apprennent jamais à reconnaîtres les virus et produisent à la place des auto-anticorps qui vont capturer et détruire les débris d'ADN de cellules humaines mortes, les prenant pour des intrus. Selon Sanz et ses collègues, c'est une réaction similaire qui peut se produire chez les patients Covid. Chaque fois qu'il a cette combinaison d'inflammation et de mort cellulaire, il existe potentiellement le risque d'émergence de maladies auto-immunes et d'auto-anticorps, en nombre important.

Dans un article publié dans la revue "Nature" le 7 octobre 2020, Ignacio Sanz précité et ses collègues ont rapporté que certaines personnes atteintes de Covid-19 sévère présentent ces lymphocytes B naïfs. La découverte les a incités à explorer si ces cellules B fabriquent des auto-anticorps.

Dans le nouvel article, les chercheurs ont examiné 52 patients Covid hospitalisés à Emory présentant des symptômes sévères ou critiques mais qui n'avaient aucun antécédent de maladie auto-immune. Ils ont trouvé des auto-anticorps qui reconnaissent l'ADN chez près de la moitié des patients, comme ANA (anticorps antinucléaire) qui est associé aux maladies auto-immunes, aux infections virales et aux maladies inflammatoires notamment. Ils ont également trouvé des anticorps contre une protéine appelée le facteur rhumatoïde (RF) et d'autres qui aident à la coagulation du sang. Parmi la moitié des patients les plus gravement malades, plus de 70% avaient des auto-anticorps contre l'une des cibles testées.

Fait intéressant pour les chercheurs, non seulement les patients ont une réponse auto-immune, mais ces réponses immunitaires sont associées à des auto-réactivités cliniques testables. En effet, certains des auto-anticorps identifiés par les chercheurs sont associés à des problèmes de circulation sanguine. Selon l'immunologiste Ann Marshak-Rothstein, spécialiste du lupus à l'Université du Massachusetts à Worcester, "Il est très possible que certains des problèmes de coagulation qu'on constate chez les patients Covid soient dus à ce type de complexes immuns".

Si les auto-anticorps s'avèrent durables, ils peuvent entraîner des problèmes persistants, voire permanents, pour les convalescents. Selon Marshak-Rothstein, "On ne guérit jamais vraiment le lupus - les malades ont des poussées puis vont mieux, et ont à nouveau des poussées. Cela pourrait être une conséquence de la mémoire des auto-anticorps".

Les chercheurs précités et des dizaines d'autres équipes étudient de près la réponse immunitaire face au Covid-19. Compte tenu de la facilité de dépister les auto-anticorps, ils espèrent bientôt découvrir si les anticorps ont été identifiés uniquement parce que les chercheurs sont allés les chercher ou s'ils représentent une altération plus durable du système immunitaire. Actuellement, personne ne connaît la réponse. Il faudra donc encore quelques mois pour comprendre si cette réactivité conduit à une pathologie en aval.

Troubles de la thyroïde

Selon une étude publiée dans "The Lancet" le 30 juillet 2020 par Illaria Muller de la Polyclinique de Milan et ses collègues, le Covid-19 provoque aussi une inflammation de la thyroïde ou thyroïdite. Ce symptôme apparaît chez des patients atteints par la forme sévère de la maladie.

Selon les chercheurs, 20% des patients examinés présentaient une thyréotoxicose, c'est-à-dire des troubles dus à la présence excessive d'hormones thyroïdiennes dans l'organisme. Sachant que la thyroïde joue un rôle clé dans notre organisme, son dysfonctionnement peut entraîner des troubles importants dans la vie des patients.

Infections rénales

Selon les études, l'insuffisance rénale aiguë est l'une des complications communes touchant entre 1 et 25% des patients Covid et qui impose une dialyse. C'est un facteur majeur de mortalité pour les patients. Si au début, les médecins pensaient que ces cas étaient dus au mauvais état général des patients en réanimation ou une conséquence de la tempête cytokinique qui attaque les organes, on sait aujourd'hui que le virus s'attaque aussi directement aux cellules rénales via les récepteurs ACE2 (cf. M.E.Sise et al., 2021).

Dans une autre étude américaine publiée dans le journal "JASN" en novembre 2021, les chercheurs ont signalé un déclin fonctionnel des reins chez plus de 90000 convalescents du Covid-19 avec la formation de cicatrices dans les tissus rénaux comme illustré ci-dessous à droite.

Biopsies de reins infectés par le Covid-19. Le virus pénètre dans les cellules tubulaires des reins par l'intermédiaire de l'ACE2. Les patients Covid souffrent d'inflammation provoquant une insuffisance rénale aiguë. A gauche, cette microphotographie grossie 400x montre un effondrement global des boucles capillaires glomérulaires accompagné d'une hyperplasie des cellules épithéliales glomérulaires sus-jacentes, dont beaucoup contiennent d'abondantes gouttelettes de protéines intracytoplasmiques éosinophiles. Les lésions tubulaires aiguës impliquent de nombreux tubules corticaux, accompagnées d'un œdème interstitiel et d'infiltrats inflammatoires mononucléaires interstitiels légers. A droite, sections rénales d'un témoin sain (à gauche) et d'un patient Covid (à droite). Le tissu cicatriciel apparait est bleu. Documents P.Canetta et al. (2020) et R.Kramann et al., (2021).

Les patients atteints d'insuffisance rénale terminale représentent un groupe vulnérable avec de multiples facteurs de risque associés à de mauvais résultats après une infection par le Covid-19. Toutefois, les patients en attente de transplantation rénale et séroconvertis présentent une activité neutralisante durable et fonctionnelle contre le Covid-19. En effet, une étude britannique portant sur 164 patients a montré que la séroprévalence globale (IgG anti-S1 et/ou anti-N) était de 36% et était plus élevée chez les patients hémodialysés (44.2 %). Au total, 35.6 % des personnes séroconverties étaient asymptomatiques. Une séroconversion en l'absence de titre en anticorps neutralisants (nAb) a également été observée chez 10% des patients, tous asymptomatiques. Après 93 jours, la plupart des personnes conservaient des réponses détectables bien qu'une baisse significative des titres de S1, N et nAb (cf. R.Motallebzadeh et al., 2021).

Troubles gastro-intestinaux

Le Covid-19 peut affecter le microbiote intestinal (cf. L.Rong et al., 2020; W.Guan et al., 2020; J.J.Y. Sung et al., 2020). Au fil du temps, on a constaté qu'une majorité de patients (jusqu'à 61%, cf. S.Ding et al., 2020; W.W. Chan et al., 2020) présentent des symptômes gastro-intestinaux (diarrhées, vomissements, ...). Cette infection confirme des études précédentes réalisées en Chine montrant qu'on avait retrouvé le virus dans des selles, et même des virus dont la charge virale était toujours active (cf. Y.Liu et al., 2020; W.Bu et al., 2020).

Mais comment le Covid-19 se retrouve dans les intestins ? Dans une longue étude (63 pages) publiée dans la revue "Cell" en 2020, Alex K. Shalek du MIT et ses collègues ont montré que le Covid-19 tire avantage de l'interféron, une protéine antivirale de la famille des cytokines produite par le système immunitaire qu'il détourne pour infecter les cellules saines.

Lorsque l'infection est aiguë, grâce à certains gènes, le système immunitaire produit différents types d'interférons (IFNα, IFNβ, IFNγ et IFNλ) qui vont renforcer la résistance des cellules au virus. Les chercheurs ont notamment découvert que l'interféron-alpha ou IFNα stimule l'expression du récepteur ACE2. Or nous avons expliqué que le Covid-19 utilise justement ce récepteur pour infecter les cellules. Autrement dit, le système immunitaire qui normalement doit combattre le virus, lui signale où se trouve la porte d'entrée !

Cependant, il n'est pas clair si le Covid-19 se réplique dans l'intestin humain et contribue à une éventuelle transmission fécale-orale. Dans une étude publiée dans la revue "Science Immunology" le 13 mai 2020, Siyuan Ding de l'Université de Washington et ses collèges ont décrit comment une infection au Covid-19 peut se développer grâce aux récepteurs ACE2 des entérocytes matures dans les petits entéroïdes intestinaux (les cellules digestives). Comme on le voit ci-dessous à droite, l'expression de deux sérines protéases spécifiques de la muqueuse, TMPRSS2 et TMPRSS4 favorise l'entrée du Covid-19 dans les cellules hôtes.

Le Covid-19 s'attaque aussi au microbiote intestinal, provoquant notamment des diarrhées. Au centre, structure et détail des villosités de l'intestin grêle. A droite, gros-plan d'une coupe transversale des villosités intestinales montrant la manière dont le Covid-19 peut se développer dans les entéroïdes (les cellules digestives) grâce aux récepteurs ACE2 des entérocytes matures. Documents Nobeastsofierce/Shutterstock, maquette et adaptation de T.Lombry et S.Ding et al. (2020).

Par conséquent, on retrouve le Covid-19 dans les intestins parce qu'à l'instar des cellules du système respiratoire, le récepteur ACE2 (parfois en association avec TMPRSS2 et TMPRSS4) est également présent dans les cellules du tube digestif dont les entérocytes de toutes les parties de l'intestin grêle, y compris le duodénum, le jéjunum et l'iléon, et dans une moindre mesure dans le colon et le foie (cf. A.K. Shalek et al., 2020; W.Timens et al., 2004) Ce récepteur est en fait présent dans les cellules de la plupart des organes, d'où le risque qu'ils soient également infectés.

En revanche, les chercheurs n'ont pas constaté de changement significatif de l'expression de l'ACE2 dans des cellules immunitaires comme les lymphocytes T CD4 et les macrophages stimulées par l'interféron, où leur quantité fut même parfois diminuée. On reviendra sur le rôle des T CD4.

Les chercheurs ont également montré que les virus libérés dans la lumière intestinale ont été inactivés par le liquide colique humain simulé, et aucun virus infectieux n'a été récupéré à partir des échantillons de selles des patients Covid. Selon les chercheurs, "Ces résultats démontrent que l'intestin est un site potentiel de réplication du Covid-19, ce qui peut contribuer à la maladie locale et systémique et à la progression globale de la maladie". Conclusion, la stratégie thérapeutique consistant à bloquer ou leurrer le récepteur ACE2 compte parmi les objectifs prioritaires des médecins-chercheurs.

Le combat des interférons

Le manque d'interféron évoqué plus haut chez certains patients Covid en phase aiguë est un signal inquiétant car ces protéines régulent la réponse du système immunitaire. En effet, dès les premiers mois de la pandémie, les chercheurs furent surpris par l'absence d'interféron de type I (IFNα) chez certains patients Covid en phase aiguë, suspicion qui fut confirmée dans deux études publiées dans la revue "Science" en septembre 2020.

Exemple de récepteurs immunitaires. Les protéines du système immunitaire (en rouge) sont codées par des gènes de base. Des variantes génétiques délétères peuvent engendrer une pneumonie grippale sévère. Des variantes délétères de gènes codant pour des molécules apparentées (en bleu) sous-tendent d'autres maladies virales (ISG=gènes stimulés par l'interféron). Document JL.Casanova et al. (2020) adapté par l'auteur.

Les interférons de type I sont fabriqués par chaque cellule du corps et comptent parmi les "combattants" essentiels dans le combat antiviral au début d'une infection. Comme nous venons de l'expliquer, les IFNs lancent une réponse locale immédiate et intense lorsqu'un virus envahit une cellule, incitant les cellules infectées à produire des protéines qui vont attaquer le virus. Ces protéines sont également des messagers qui vont appeler des cellules immunitaires sur le site et alerter les cellules voisines non infectées pour qu'elles préparent leurs propres défenses.

Selon les résultats de la première étude, dans des échantillons sanguins de 659 patients gravement atteints par la Covid-19, les chercheurs ont découvert une variante génétique sur 13 loci occasionnant une perte de fonction immunitaire chez 3.5% d'entre eux (cf. JL. Casanova et al., 2020).

Selon la deuxième étude, sur des échantillons sanguins de 987 autres patients Covid également gravement atteints, les chercheurs ont découvert chez plus de 10% des patients que des anticorps "voyoux" (rogue) attaquaient leur propre système immunitaire et neutralisaient leur interféron de type I (cf. JL. Casanova et al., 2020).

Au total, 14% des patients Covid en phase aiguë suivis dans ces deux études présentaient une faiblesse immunitaire cachée.

La présence d'anticorps anti-interférons (anti-Covid) chez certains patients gravement malades est un fait nouveau. Jusqu'à présent il n'y a jamais eu de maladie infectieuse expliquée à ce niveau par un facteur présent dans le corps humain et valable pour toutes les ethnies. De plus, les chercheurs ont découvert que 94% des patients porteurs d'anticorps anti-Covid étaient des hommes, ce qui permet également d'expliquer pourquoi les hommes courent un risque plus élevé de développer une forme grave de la Covid-19. On reviendra plus bas sur l'influence du genre sur la maladie.

En principe, si les patients survivent à la maladie, certains devront recevoir à vie de l'interféron pour aider leur système immunitaire à combattre une nouvelle infection éventuelle. Mais selon l'essai européen Solidarity, ce remède présente peu ou pas d'effet sur les patients Covid. De plus, les interférons synthétiques n'aideront pas les patients porteurs de mutations ou ceux ayant des anticorps anti-Covid.

A lire : Les interférons de type I et III

des effecteurs de l’immunité innée antivirale, ENS

Bien que certains chercheurs estiment que les anticorps neutralisant l'interféron se développent au cours de la maladie (cf. l'immunologiste Miriam Merad de l'École de médecine Icahn du mont Sinaï de New York), Casanova précité rappelle que des échantillons sanguins préexistants d'une poignée de patients ont montré qu'ils avaient les anticorps dans leur sang avant de contracter le Covid-19. Par conséquent, en réponse à une infection, il est peu probable que le corps puisse générer rapidement les niveaux élevés d'anticorps anti-interférons que son équipe a constaté.

Ces résultats soulèvent toutefois une inquiétude concernant les dons de plasma de convalescence. Du fait qu'il peut être riche en anticorps contre le virus, il est administré à certains patients Covid pour combattre l'infection. Mais certains échantillons de ce plasma pourraient contenir des anticorps neutralisant l'interféron. Il faut donc dorénavant exclure ces personnes du pool de donneurs pour ne pas mettre les patients Covid à risque.

Taux de cholestérol et diabète

Effet du cholestérol

Les personnes ayant un faible taux de cholestérol pourraient plus facilement échapper au Covid-19. Aujourd'hui on croit savoir pourquoi : le virus compte sur des molécules de graisse pour pénétrer la membrane cellulaire.

Selon une étude publiée sur "bioRxiv" (non validée) le 14 décembre 2020, le biophysicien Clifford P. Brangwynne de l'Université de Princeton et ses collègues confirment des études antérieures (cf. Garg et Khanna, 2020; S.B. Hansen et al., 2020) selon lesquelles le Covid-19 a besoin de cholestérol pour entrer dans les cellules cibles. Selon les auteurs, "sans cholestérol, le virus ne peut pas se faufiler au-delà de la barrière protectrice de la cellule et provoquer une infection".

Pour imiter un Covid-19 infectant une cellule et démontrer ce mécanisme, Brangwynne qui dispose de son propre laboratoire de recherche et son équipe ont fabriqué de telles cellules portant l'une des deux molécules, soit la protéine S virale soit la protéine ACE2 humaine comme on le voit ci-dessous.

A voir : SARS-CoV-2 Needs Cholesterol to Invade Cells

Des chercheurs ont préparé des cellules pour transporter une protéine S (verte) du Covid-19 ou sa cible humaine, le récepteur ACE2 (magenta). Lorsqu'elles sont proches l'une de l'autre, les membranes des cellules fusionnent. Les chercheurs estiment qu'un processus similaire permet au virus de pénétrer dans les cellules, un phénomène déjà observé avec le SARS notamment. Document C.P. Brangwynne et al., (2020).

Les chercheurs ont observé l'interaction de cellules cultivées en laboratoire avec ces protéines. Comme le montre la vidéo ci-dessus, au début du processus de minuscules tentacules émergées des cellules affichant l'ACE2 se fixent sur les protéines S. À ces endroits, les deux membranes cellulaires fusionnent et des ouvertures se forment, permettant au contenu des cellules de se mélanger. Finalement, les deux cellules sont fusionnées - de la même manière que les scientifiques s'attendent à ce que le virus fusionne avec une cellule pour l'infecter.

L'équipe de Brangwynne a ensuite tenté de perturber cette fusion cellulaire. À l'aide d'un système automatisé, ils ont testé les effets d'environ 6000 composés ainsi que plus de 30 modifications apportées à la protéine S. Ces expériences et d'autres suggèrent que si la membrane du Covid-19 manque de cholestérol, le virus ne peut pas pénétrer dans sa cellule cible.

Une étude précédente (cf. T.M. Rana et al., 2020) avait également montré que la réponse immunitaire de l'organisme face au virus produit un composé qui épuise le cholestérol - mais dans ce cas, à partir de la membrane de la cellule, pas du virus.

De nombreuses cellules peuvent fusionner ensemble, produisant des méga cellules (vertes) ou syncyties, similaires à celles trouvées dans les poumons des patients Covid. Cliquer sur l'image pour lancer la vidéo (.MP4 de 12 MB). Document C.P. Brangwynne et al., (2020).

On avait déjà observé ce lien chez le SARS (cf. G-M. Li et al., 2007; C.Jiang et al., 2008) et chez le bacille de Kock (tuberculose) qui pénètrent plus facilement les cellules en présence de cholestérol et plus difficilement en présence de statines qui abaissent la cholestérolémie (cf. F.Tahir et al., 2020). On soupçonne le même effet chez l'Influenzavirus.

En résumé, l'infectiosité des coronavirus dont le Covid-19 dépend du cholestérol membranaire des cellules cibles, une substance essentielle pour la physiologie cellulaire, en particulier au moment de la fusion membranaire ou de l'endocytose (le transport de particules virales vers l'intérieur de la cellule). Durant ces phases, le virus a besoin d'une intégrité parfaite des microdomaines membranaires riches en cholestérol (radeaux lipidiques, cavéoles, domaines à tétraspanines, etc) de la membrane plasmique des cellules infectées (cf. G-M. Li et al., 2007; H.Guo et al., 2008).

Bien que les scientifiques n'aient pas encore établi le mécanisme responsable, cette étude et une autre publiée peu avant (cf. Buschman et Vazquez, 2020) suggèrent que les médicaments réduisant le taux de cholestérol (par exemple l'atorvastatin) empêchent le Covid-19 de pénétrer dans les cellules.

En revanche, jusqu'à présent il n'y a pas de lien entre le risque d'infection par le Covid-19 et les concentrations sanguines de cholestérol.

Au cours de leurs expériences, les chercheurs ont découvert des méga cellules appelées "syncytia" ou syncyties comme celle présentée à gauche (en vert); elles grandissent et fusionnent comme des taches d'huile. Ces méga cellules composées ressemblent à celles trouvées dans les tissus sains, tels que les muscles et le placenta, et dans certaines maladies virales.

Les chercheurs savaient déjà que le Covid-19 crée des syncyties, mais cette fois les chercheurs ont pu visualiser ce mécanisme. Ce type de fusion cellule-cellule est un domaine encore très peu étudié en biologie.

Les expériences de l'équipe de Brangwynne illustrent probablement comment se forment les syncyties découvertes dans les poumons des patients Covid et qui leur sont néfastes car elles détruisent les tissus pulmonaires et entraînent le décès du patient.

L'équipe de Brangwynne ignore encore si la syncytie joue ou non un rôle majeur dans la progression de la Covid-19. Mais la découverte de la contribution du cholestérol pourrait aider les scientifiques à lutter contre la maladie. Selon Brangwynne, "cette découverte de l'importance du cholestérol pourrait aider les chercheurs à développer de nouvelles mesures palliatives pour traiter le Covid-19 jusqu’à ce que la population soit vaccinée. Nos résultats soulignent l'utilité potentielle des statines et d'autres traitements similaires".

Infection du pancréas et effet sur le diabète

Le pancréas est la deuxième plus grosse glande endocrine du corps humain. Il joue un rôle essentiel dans la digestion des graisses et la régulation de la glycémie (grâce à la sécrétion d'insuline, de glucagon et de somatostatine). Son dysfonctionnement peut provoquer différentes maladies comme la pancréatite (une inflammation), le diabète pancréatique et le cancer du pancréas. Une infection par le Covid-19 peut déclencher les deux premières formes qui heureusement peuvent être traitées.

Les personnes présentant un diabète de type 1 ont dans leur sang des marqueurs d'auto-immunité spécifiques à cette affection tels que des anticorps dirigés contre les cellules β des îlots pancréatiques (qui produisent l'insuline), des enzymes glutamate décarboxylase 65 (GAD65) et de la tyrosine phosphatase (qui agit sur le récepteur à l'insuline et permet à cette hormone d'exercer son action au niveau cellulaire), de l'insuline et le transporteur de zinc ZnT8 (une protéine présente sur la membrane des granules de sécrétion des cellules β pancréatiques).

En revanche, on a découvert que lors d'une contamination par le Covid-19, des patients ne présentaient pas ces marqueurs tout en développant un diabète de type 1 alors que génétiquement, ils présentaient peu de risque de développer ce type de diabète.

Localisation du pancréas derrière l'estomac. Document WebMD, LLC adapté par l'auteur.

Nous allons examiner trois cas confirmant l'infection virale du pancréas, un cas clinique traité en Allemagne, une étude américaine sur les cellules endocrines pancréatiques et une étude ex vivo et in vitro de cellules pancréatiques.

Selon la première étude publiée dans la revue "Nature Metabolism" le 2 septembre 2020, l'équipe de Matthias Laudes du Centre Médical Universitaire Schleswig-Holstein de Kiel, en Allemagne, a traité le cas d'un jeune patient allemand âgé de 19 ans contaminé par le Covid-19 cinq à sept semaines auparavant.

Lorsqu'il est arrivé en urgence à l'hôpital, le patient présentait une soif excessive (il buvait environ 6 litres par jour) et devait uriner la nuit. À la polydipsie et la nycturie s'ajoutaient des douleurs intermittentes au flanc gauche après les repas. Les analyses sérologiques ont révélé qu'il souffrait d'une acidocétose diabétique, une complication métabolique aiguë du diabète surtout observée au cours du diabète de type 1 et qui se manifeste notamment par des douleurs abdominales. L'acidocétose diabétique apparaît lorsque les taux d'insuline sont insuffisants pour satisfaire les besoins métaboliques essentiels.

Sur le plan biologique, le récepteur ACE2 est exprimé (activé) par les cellules sécrétrices d'insuline. Il est aussi exprimé par les cellules β humaines adultes et par les cellules α (qui sécrètent la glucagon qui, à l'inverse de l'insuline, augmente le taux de glucose dans le sang).

Selon les chercheurs, "Étant donné que ACE2 est exprimé sur les cellules β du pancréas humain et qu'il s’agit du principal récepteur du SARS-CoV-2, nous estimons que, chez ce patient, les lésions cytolytiques directes des cellules β dues à l’infection par le SARS-CoV-2 ont entraîné un diabète insulinodépendant en l'absence de pathologie classique auto-immune évidente".

Diagnostic : le patient fut contaminé par le Covid-19 qui déclencha un diabète insulinodépendant en l'absence d'auto-anticorps. Selon les chercheurs, c'est une situation déjà documentée et qui ne serait pas rare. Après avoir été contaminé, ce patient a donc présenté durant plusieurs semaines une acidocétose sévère provoquée par une perte de fonction des cellules β pancréatiques sécrétrices d'insuline.

Les signes cliniques et les résultats des examens biologiques confirmèrent le diagnostic de pancréatite aiguë qui nécessita une admission d'urgence aux soins intensifs où le patient reçut de l'insuline par voie intraveineuse. Quatre jours plus tard, il fut transféré en endocrinologie où il fut traité par insulinothérapie. Sa glycémie se stabilisant, l'adolescent put sortir de l'hôpital 10 jours plus tard.

Ce cas clinique s'ajoute à une étude américaine publiée dans la revue "Cell Stem Cell" le 2 juillet 2020 par l'équipe de Robert E. Schwartz de l'Université de Cornell qui montra que l'infection des cellules endocrines (sécrétrices d'hormones et d'enzymes) du tissu pancréatique par le Covid-9 s'accompagne d'une production accrue de chimiokines (des molécules produites par les cellules immunitaires), similaire à ce qu'on observe dans les échantillons d'autopsies des patients Covid.

Selon les chercheurs allemands " la Covid-19 pourrait avoir entraîné un diabète de type 1 chez notre patient" mais soulignent que le lien de causalité entre l'infection virale et le diabète de type 1 n'est pas formellement établi et que d'autres études sont nécessaires pour mieux déterminer l'effet direct du Covid-19 sur les cellules des îlots pancréatiques.

A gauche, coupe de pancréas grossie 40X centrée sur un îlot de Langerhans. Voici l'image annotée. Au centre, effet du remdesivir de Gilead sur la contamination du Covid-19 dans les cellules β des îlots pancréatiques qui synthétisent et secrètent l'insuline. A droite, différenciation des cellules pancréatiques endocrines et exocrines (au-dessus) et les facteurs de transcription et les hormones impliquées dans les deux étapes (en dessous). Documents William L. Todt via Histology World, A.Kleger et al. (2021) et A.Grapin-Botton (2002) adaptés par l'auteur.

Dans la troisième étude publiée dans la revue "Nature Metabolism" le 3 février 2021, Alexander Kleger de l'Hôpital Universtaire de Ulm, en Allemagne, et ses collègues ont étudié en laboratoire le mécanisme d'infection du tissu pancréatique par le Covid-19 et quel médicament pouvait l'empêcher.

Les chercheurs ont découvert que le Covid-19 infecte les cellules du pancréas exocrines et endocrines humaines ex vivo (dans des cultures cellulaires) et in vivo (sur des organismes vivants). Ils ont constaté que les cellules β humaines expriment des protéines du gène ACE2 et que le virus infecte et se réplique dans des îlots pancréatiques humains en culture. Plus précisément, l'infection virale est associée à des changements morphologiques, transcriptionnels et fonctionnels, notamment une réduction du nombre de granules sécréteurs d'insuline dans les cellules β et une altération de la sécrétion d'insuline stimulée par le glucose. Chez les quatre patients qui ont fait l'objet de l'étude, la protéine N de la nucléocapside du Covid-19 fut également détectée dans les cellules exocrines du pancréas et dans les cellules β où Nkx6.1 est activé et qui sont à proximité des îlots de Langerhans (endocrine).

Les chercheurs concluent que "Nos données identifient le pancréas humain comme une cible de l'infection par le SARS-CoV-2 et suggèrent que l'infection des cellules β pourrait contribuer à la dérégulation métabolique observée chez les patients atteints de Covid-19". Un traitement à base de remdesivir jusqu'ici utilisé contre Ebola a permis d'éliminer toute trace du Covid-19.

Insuffisance de spermatozoïdes

Selon une étudie italienne publiée dans la revue "Human Reproduction" le 1 février 2021, les hommes qui se sont rétablis de la Covid-19 présentent un risque de présenter un nombre insuffisant de spermatozoïdes, du moins à court terme. C'est un nouvel effet de la Covid-19 qu'on ignorait jusqu'ici.

Le Dr Mauro Gacci de l'Hôpital universitaire Careggi de l'Université de Florence et ses collègues ont collecté des échantillons de salive, d'urine et de sperme de 43 hommes âgés de 30 à 65 ans environ 30 jours après leur rétablissement qui a été défini lorsque ils présentaient deux tests Covid négatifs consécutifs.

Selon les chercheurs, "25% des hommes avaient un faible nombre de spermatozoïdes ou oligospermie, et près de 20% avaient une azoospermie, une absence totale de spermatozoïdes dans le sperme" (cf. Eugin.fr). C'est beaucoup plus élevé que la prévalence de l'azoospermie dans la population générale qui est d'environ 1% (cf. JHM) mais cette proportion peut augmenter jusqu'à 12% chez les hommes ayant une tumeur maligne (cf. G.R. Dohle, 2010).

Selon les auteurs, le Covid-19 fut détecté dans le sperme d'un seul participant, ce qui suggère que "l'installation de virus dans le sperme est un évènement rare" après la guérison.

Une oligospermie ou un faible nombre de spermatozoïdes est définie lorsque l'éjaculat contient moins de 20 millions de spermatozoïdes par millilitre de sperme.

Les chercheurs ont également constaté que les trois quarts des participants et tous les participants admis aux soins intensifs possédaient des niveaux élevés d'interleukine 8 (IL-8), une molécule du système immunitaire et un marqueur de l'inflammation, dans leur sperme. De ce fait, ces patients ont fait l'objet d'un suivi attentif de la fonction reproductrice et des paramètres du sperme.

De plus, les participants gravement affectés par la Covid-19, ceux qui ont été hospitalisés (26 sur les 43) ou admis aux soins intensifs (5 sur les 43), avaient une probabilité plus élevée d'avoir une azoospermie après leur infection, par rapport à ceux présentant une infection moins grave.

Les chercheurs soulignent toutefois que leur étude ne prouve pas que le Covid-19 affecte les spermatozoïdes. Ils ne savent pas quel était le nombre de spermatozoïdes des hommes avant leur contamination, de sorte que les auteurs ne peuvent pas affirmer que le nombre de spermatozoïdes diminua après l'infection. Tous les hommes atteints d'azoospermie avaient déjà eu des enfants, ce qui signifie qu'ils avaient du sperme viable dans le passé. Enfin, selon les chercheurs, il est possible que certains médicaments administrés pour traiter la Covid-19, tels que les antiviraux, les antibiotiques et les corticostéroïdes, affectent le nombre de spermatozoïdes.

Pour évaluer l'effet à long terme, ces hommes devront être suivis pendant au moins 90 jours pour déterminer si l'effet est durable. Cette étude aura donc une suite.

Les urologues et les andrologues estiment qu'il y a de bonnes raisons de penser que le Covid-19 pourrait affecter la production de sperme. En effet, les cellules testiculaires ont beaucoup de récepteurs ACE2 qui permettent au virus de pénétrer à l'intérieur des cellules.

Cependant, très peu d'études ont recherché le Covid-19 dans le sperme d'hommes testés positifs et celles qui ont étudié le sujet n'ont pas toujours détecté cette anomalie. Au moins une étude réalisée en Chine, publiée le 23 octobre 2020 dans la revue "EClinicalMedicine" qui dépend de Lancet, confirma une diminution du nombre de spermatozoïdes chez les hommes positifs au Covid-19, mais cette étude n'inclut que 23 patients Covid.

Selon ces études, il semble y avoir un effet temporaire de la Covid-19 sur les testicules et le sperme. Cependant, la grande question est de savoir si le nombre de spermatozoïdes des hommes augmentera avec le temps. Actuellement, personne ne le sait et des études plus importantes sont donc nécessaires pour confirmer les résultats.

Rappelons que certaines maladies virales sont connues pour avoir un effet durable sur la fertilité. En particulier, les oreillons qui peuvent entraîner une inflammation des testicules ou orchite, qui peut entraîner une infertilité dans certains cas. Les spécialistes ont déjà noté que certains rapports cliniques mentionnent des hommes atteints de la Covid-19 éprouvant des douleurs testiculaires similaires à celles observées dans les oreillons.

Prochain chapitre

Impacts neuropsychologiques

Page 1 - 2 - 3 - 4 - 5 -


Back to:

HOME

Copyright & FAQ