Contacter l'auteur / Contact the author

Recherche dans ce site / Search in this site

 

 

 

 

 

Pathologies des patients Covid

Des cellules pulmonaires (bleu) infectées par des Covid-19 (rouge). Document A.Emili et al. (2020).

Premiers dommages cellulaires (II)

Dans une étude publiée dans la revue "Molecular Cell" le 18 novembre 2020, une équipe de 50 chercheurs dirigée par Andrew Emili de l'Université de Boston a découvert que le Covid-19 peut déjà endommager les cellules pulmonaires dès les premières heures suivant la contamination.

Les chercheurs ont voulu savoir s'il existait des médicaments qui perturberaient le processus de réplication du virus avant même qu'il ne soit pleinement opérationnel.

Pour mener leur étude, les chercheurs ont demandé à la Faculté CReM de médecine régénérative spécialisée en bioingénierie et dans les cellules souches de leur fabriquer des organoïdes pulmonaires - des cultures cellulaires vivantes reproduisant in vitro la structure micro-anatomique d'un poumon (cf. A.Bourdin et al., 2020). A partir d'une seule cellule souche pluripotente pulmonaire humaine, celle-ci se réplique pour générer des dizaines de milliers de cellules épithéliales alvéolaires de type 2 induites (iAT2) qui s'assemblent sous formes d'alvéoles comme on le voit ci-dessous à gauche. Le milieu de culture est néanmoins complexe à maintenir en vie et doit être maintenu à 16°C.

Les chercheurs ont contaminé cet organoïde pulmonaire avec le Covid-19 et sont parvenus à cartographier avec précision toutes les activités moléculaires qui se déclenchaient suite à l'infection comme illustré ci-dessous au centre et à droite.

Notons que les résultats d'une étude similaire sur des organoïdes de poumons furent publiés un mois plus tôt par des chercheurs de l'École de Médecine de l'Université de Duke à Durham (cf. P.Rao Tata et al., 2020). Les chercheurs avaient pu observer l'activité des gènes, l'émission des signaux chimiques suivant l'infection, le lancement de la réponse inflammatoire médiée par des interférons, la tempête de cytokines, le signal du suicide cellulaire (apoptose), la production d'interférons par les cellules apoptotiques et le ralentissement de la réplication virale. On reviendra sur ces différentes manifestations.

Les chercheurs de l'Université de Boston ont été un pas plus loin et découvert qu'il existe au moins 18 médicaments approuvés par la FDA (et certains par l'EMA) qui pourraient potentiellement être réutilisés pour lutter contre les infections précoces par le Covid-19. Expérimentalement, cinq de ces médicaments (tubercidine, losmapimod, FRAX486, KN-93 et AZ20) ont réduit la propagation du Covid-19 dans les cellules des organoïdes pulmonaires humains de plus de 90%.

A gauche, des organoïdes pulmonaires (des cellules épithéliales pulmonaires de type 2 induites ou iAT2) en culture in vitro. Document P.Rao Tata et al. (2020). Au centre, cartographie de tous les processus et voies d'infection des iAT2 modifiés par le Covid-19 (en rouge: régulé à la hausse/positive; en bleu: régulé à la baisse/négative), groupés et mis à l'échelle en fonction du partage et du nombre de composants. Les quadrants délimitent les quatre temps de l'infection (1 à 24 heures après les premiers symptômes). Les voies spécifiques aux iAT2 sont encadrées en rouge, tandis que le noir indique des réponses conservées/génériques. A droite, représentation des perturbations virales déclenchées par le Covid-19. La partie supérieure illustre la pathobiologie pulmonaire avec deux coupes histologiques colorées (X200) de biopsies pulmonaires de patients Covid montrant des lésions alvéolaires diffuses, des pneumocytes mouillés et du matériel de membrane hyaline focale. Le schéma inférieur illustre les voies iAT2 dérégulées par le Covid-19, les processus, les protéines, les phosphosites et les médicaments/cibles validés (texte rouge sur fond jaune). Documents A.Emili et al. (2020).

Suite à cet excellent résultat, des laboratoires universitaires et des industriels du monde entier ont pris contact avec les chercheurs pour transformer cette découverte en solution thérapeutique pour les patients Covid. Selon les chercheurs, sachant qu'il faudra probablement attendre un an pour que l'immunité collective soit atteinte suite aux campagnes de vaccination, cette alternative peut s'avérer plus efficace et opportune que le vaccin contre le Covid-19.

A défaut d'une réponse immunitaire ciblée et précoce (voir plus bas) ou d'un traitement tout aussi précoce, c'est-à-dire dans les jours (et non les semaines) qui suivent l'apparition des premiers symptômes, le patient contaminé par le Covid-19 risque de voir sa maladie s'aggraver et de devoir être hospitalisé.

De façon générale, selon les pays, entre 15 et 18% des personnes contaminées par le Covid-19 ont été hospitalisées. La plupart d'entre elles guérissent après une semaine à un mois de traitement et peuvent ensuite rentrer chez elles. Jusqu'à 20% des patients Covid hospitalisés ont besoin de soins intensifs (ils sont en réanimation) et pour les personnes à risque, le pronostic vital peut être engagé.

Des patients contaminés par le Covid-19 hospitalisés en unité de soins intensifs (à gauche, à l'hôpital Vall d'Hebron à Barcelone, en Espagne, le 6 avril 2020). Documents Pau Barrena/AFP et Anne Chaoni/AFP.

Des études sur des patients Covid hospitalisés montrent qu'un ou plusieurs organes sont déjà atteints deux à trois mois après l'infection. En effet, le Covid-19 ne s'attaque pas seulement aux voies respiratoires supérieures ni même aux poumons comme on le pensait dans un premier temps sur base des études effectuées en Chine. Dans certains cas, le virus peut se propager jusqu'aux intestins et dans les vaisseaux sanguins. Si l'inflammation se généralise, il peut infecter l'ensemble des tissus et de nombreux organes. Ces cas sont heureux plus rares. Mais ils montrent qu'il existe une similitude avec la pneumonie "classique" d'origine virale ou microbienne où le patient peut présenter des troubles digestifs, cardiaques, rénaux, des douleurs articulaires, etc (cf. la revue RMR).

Décrivons quelques cas cliniques très différents découverts chez des patients infectés par le Covid-19.

La trachéite virale

Dans de rares cas, en moins d'une semaine et plus généralement entre le 7e et le 10e jour après l'apparition des premiers symptômes, on peut observer une aggravation des symptômes (modérés ou sévères) avec une inflammation de la trachée, c'est la trachéite qui dans ce cas-ci est d'origine virale.

Résumé de la toux sèche. Document Creapharma.

Le Covid-19 provoque d'abord la libération des cils vibratiles des cellules de la trachée. Pour rappel, ces cils sont plongés dans un mucus, des sécrétions qui assurent l'expulsion des poussières et des polluants afin qu'ils n'endommagent pas les bronches et les alvéoles (cf. le système respiratoire). Ces sécrétions sont ensuite avalées, crachées ou éliminées par la toux. 

Si l'attaque virale se poursuit, les cellules épithéliales meurent et disparaissent. C'est à ce stade qu'on observe une toux sèche dans 68% des cas.

Dans la plupart des cas, la maladie s'arrête à ce stade mais le patient doit endurer les sympômes "grippaux" l'obligeant à rester au lit plusieurs jours avec une intensité variable qui peut se prolonger pendant un mois.

La différence avec une bronchite, dans le cas de la Covid-19 généralement la toux est sèche et la fièvre est plus importante et dure plus longtemps. Le patient a des migraines et des courbatures, ce qui n'est pas le cas dans la bronchite.

La différence avec une angine virale est qu'elle est douloureuse au niveau de la gorge et s'accompagne d'une fièvre importante. Le patient peut parfois avoir le nez bouché ou qui coule, éternuer, être enroué, autant de symptômes rares avec la Covid-19. Si l'angine est bactérienne, le patient peut présenter des ganglions du cou gonflés et douloureux et ne présente pas de toux.

La différence avec la grippe est la période d'incubation (valeur médiane, c'est-à-dire touchant 50% des patients) qui est de 3 jours pour la grippe contre 5 à 6 jours pour la Covid-19 bien que certains patients peuvent excréter des virus 24 à 48 heures avant l’apparition des symptômes. Donc en moyenne, la grippe se propage plus rapidement que la Covid-19. La symptomatologie est similaire pour les deux infections virales. Sur le plan clinique, la proportion de cas sévères et critiques semble plus élevée dans le cas de la Covid-19 que pour la grippe (cf. OMS).

Si un médecin généraliste peut rapidement savoir si le patient présente une bronchite ou une angine, il lui sera impossible de différencier le Covid de la grippe sans test PCR ou sérologique.

A gauche et au centre, images d'immunofluorescence de cellules épithéliales des voies aériennes humaines primaires contaminées par le Covid-19 (en magenta). Images acquises par Joe McKellar au moyen d'un microscope Zeiss LSM880 (mode Airyscan). La barre représente 10 μm. A droite, des cellules embryonnaires humaines du rein 293 (HEK-293T) en culture contaminées par le Covid-19 (en bleu). Documents Caroline Goujon et Leica.

La pneumonie virale

Comment le virus attaque-t-il les poumons et quelles sont les conséquences pathologiques ? Généralement, c'est au bout d'une semaine de lutte contre le virus et constatant que cela ne s'améliore pas que les personnes contactent les urgences au 112 et sont hospitalisées. Après les analyses d'usage, c'est alors qu'on leur annonce généralement qu'elles ont contracté une pneumonie virale (mais parfois simplement une grippe).

Les alvéoles pulmonaires sont normalement remplies d'air (ce qu'on appelle la lumière alvéolaire sur les photos), permettant d'évacuer le dioxyde de carbone et d'oxygéner le sang. Lorsqu'elles sont attaquées par un pathogène, en l'occurrence le Covid-19, celui-ci infecte les cellules formant la couche externe du tissu pulmonaire, les pneumocytes, qui sécrètent un liquide tapissant la surface des alvéoles. Lorsque ces cellules détectent le virus, elles produisent des molécules de signalisation qui vont assurer deux fonctions : inhiber la prolifération des particules virales dans la cellule et avertir les cellules voisines ainsi que le système immunitaire. Celui-ci réagit en provoquant une réaction inflammatoire : il envoie des cellules immunitaires sur le site concerné qui vont produire des molécules spécifiques pour attirer d'autres cellules plus spécialisées en fonction de la cible dans le but de détruire les virus. Expliquons cette réaction en détails.

A voir : Amazing 3D images show the coronavirus infecting cells in our airways

A gauche, microphotographie des cellules ciliées des voies respiratoires contaminées par le Covid-19 (en jaune). Le coronavirus est capable de tronquer les cils, rendant l'élimination des coronavirus plus difficile. A droite, une série de photos montrant les changements pathologiques sur les poumons de macaques cynomolgus inoculés au Covid-19. (A) Deux foyers viraux apparaissent dans le lobe pulmonaire inférieur gauche (pointes de flèches). (B) La zone touchée par la pneumonie virale. (C) Liquide œdémateux dans la lumière alvéolaire. (D) On distingue des neutrophiles, des érythrocytes, la fibrine et des débris cellulaires dans une lumière alvéolaire inondée de liquide œdémateux. (E) Cellules mononucléaires (pneumocytes de type II et macrophages alvéolaires) dans une lumière alvéolaire inondée de liquide œdémateux. (F) Syncytium ou cellule géante dans une lumière alvéolaire observée à 100X. Dans l'encart, le syncytium exprime la kératine, indiquant l'origine des cellules épithéliales (immunohistochimie pour la pankératine AE1/AE3). (G) L'expression de l'antigène du Covid-19 colocalisée avec des zones de lésions alvéolaires diffuses. (H) Les pneumocytes de type I (plats) et de type II (cuboïdes) dans le tissu pulmonaire affecté exprimant l'antigène du Covid-19. (I) Les cellules épithéliales cylindriques ciliées de la muqueuse respiratoire dans la cavité nasale exprimant l'antigène du Covid-19. Documents V.Michel et al./Institut Pasteur (2021) et B.Rockx et al. (2020).

Réactions infllammatoires : le choc cytokinique

En plus des pathologies associées qui compliquent leur situation cliniques (en excluant les comorbidités), environ une semaine après l'apparition des symptômes, l'état respiratoire peut s'aggraver sans nécessairement être lié à l'activité du virus. On observe une réponse immunitaire exagérée, un choc cytokinique ou "orage de cytokines" (cytokine storm); c'est le syndrome de libération des cytokines (SLC). L'organisme produit exagérément ces médiateurs de l'inflammation dont l'interleukine-6 (IL-6) alors que d'autres médiateurs comme les interférons (IFN) diminuent dans les formes graves de la maladie (cf. Merad et Martin, 2020; J.Manson et al., 2020). On y reviendra (voir plus bas).

On observe la même réaction inflammatoire à un stade avancé de l'infection, lorsque le virus envahit d'autres organes comme le coeur, le foie ou les reins. Lorsque l'infection devient multi-organique, la réponse inflammatoire du système immunitaire devient explosive et novice pour l'organisme.

On avait déjà observé cet "orage" de cytokines lors des précédentes maladies respiratoires provoquées par le MERS et le SARS et on soupçonne qu'elle était aussi active durant la pandémie de grippe espagnole en 1918.

A gauche, résumé des différents stades d'une infection pulmonaire par le Covid-19. A droite, le cycle de la mort cellulaire (panoptose) et de la tempête de cytokines lors d'une infection par le Covid-19. L'induction de la signalisation immunitaire innée au cours de l'infection conduit à la production de cytokines pro-inflammatoires. Les cytokines TNF (facteur de nécrose tumoral) et IFN-γ (interféron gamma) induisent une forme de mort cellulaire inflammatoire appelée la panoptose, qui est médiée par la formation d'un complexe multiprotéique appelé panoptosome. La panoptose peut conduire à une boucle de tempête de cytokines, avec une libération supplémentaire de cytokines pathogènes qui peuvent prolonger la panoptose et conduire à une inflammation systémique, une défaillance multiorganique et finalement au décès du patient. Légende: iNOS=production de NO via la forme inductible de l'oxyde nitrique synthase, MLKL=kinase de lignée mixte de type pseudokinase. Documents Avesta Rastan adapté par l'auteur et M.S. Diamond et T.-D. Kanneganti (2022).

Bonne nouvelle, on sait aujourd'hui comment apaiser cet orage cytokinique en ciblant certaines cytokines (TNF et IFN) et on a identifié deux gènes, TYK2 et CCR2, qui expriment des protéines impliquées dans la réponse inflammatoire (cf. K.Baillie et al., 2020). Dans les deux cas, il existe des médicaments comme le tocilizumab (ou RoActemra) qui module la réaction immunitaire grâce à des inhibiteurs des Janus kinases (JAK).Ce médicament permet de diminuer la réaction immunitaire et donc la gravité de la maladie.

Comment se déroule cette réaction inflammatoire ? Dans une première phase, le système immunitaire inné, celui d'origine génétique, déclenche une réponse non spécifique. Les globules blancs également appelés leucocytes, dont des macrophages alvéolaires spécialisés sont chargés de détruire les particules virales par phagocytose dans les alvéoles.

Tant que le porteur est en bonne santé, la réaction inflammatoire n'est pas un problème car l'organisme dispose d'une deuxième stratégie, le système immunitaire adaptatif, ciblé, qui est capable d'apprendre et de mémoriser les caractéristiques antigéniques du virus.

Si le virus n'est pas éliminé par la réponse innée, certaines des molécules de signalisation libérées lors de la première réaction inflammatoire vont avertir le système immunitaire adaptatif qui prend la relève. Il commence par libérer des substances messagères qui vont inciter les cellules à présenter des fragments du virus aux lymphocytes ou cellules T qui portent différents récepteurs d'antigènes à leur surface (cf. l'immunité face au Covid-19).

A lire : Immunité anti-virale (PDF), B.Autran

A gauche, la réponse immunitaire adaptative face au Covid-19. A droite, les mécanismes par lesquels l'inflammasome produit une hyperinflammation et une hypercoagulabilité. La cytokine pro-inflammatoire IL-1ß libérée par les inflammasomes signalants active les monocytes qui secrètent l'IL-6, le facteur de nécrose tumorale (TNF) et l'IL-8. Ces cytokines provoquent l'inflammation à travers plusieurs mécanismes dont le recrutement de neutrophiles dans les poumons. L'activation de la Gasdermine D (GSDMD) dans les neutrophiles conduit à la formation de NETs (Neutrophil Extracellular Traps) qui peuvent recruter des plaquettes sanguines et entraîner une hypercoagulabilité. Les cytokines IL-1ß et IL-6 peuvent dérégler les jonctions d'adhérence dans les cellules endothéliales, augmentant leur perméabilité et contribuer à la coagulation du sang dans le réseau vasculaire pulmonaire. Les tissus à facteur positif des vésicules extracellulaires libérés par les monocytes pyroptotiques peuvent également directement déclencher la coagulation et une cascade de caillots de sang. Documents Immunitrack et Science adaptés par l'auteur.

Les premiers à intervenir sont les lymphocytes T cytotoxiques également appelés T killer. Ces cellules T portent à leur surface un marqueur protéique CD8 (d'où l'acronyme T CD8+) qui va leur permettre d'attaquer et de détruire les cellules pulmonaires infectées. Il produit aussi des granulocytes qui libèrent des molécules antivirales.

Les leucocytes sont capables de fabriquer des anticorps spécifiques pour lutter contre le virus. Notre corps possède une bibliothèque de milliards de globules blancs, dont chacun ne peut produire qu'une seule forme d'anticorps. Seuls quelques-uns de ces anticorps correspondent au Covid-19. La production d'anticorps de la forme spécifique peut prendre plusieurs jours (cf. les courbes d'immoglobulines IgM et IgG). Entre-temps, il peut déjà y avoir des milliards de virus pathogènes dans l'organisme.

Si un composant du virus correspond à l'un de ces récepteurs, le lymphocyte réagit en se multipliant. Les cellules-filles deviennent des lymphocytes ou cellules T auxiliaires, également appelées T CD4+ ou T helper dont la fonction est de stimuler les lymphocytes B afin qu'ils produisent des anticorps pour empêcher le virus de se multiplier. Si le nombre de T CD4+ vient à chuter, cela signifie que les défenses immunitaires du patient ne peuvent plus combattre l'infection et le pronostic vital est engagé.

Evolution schématique des réponses du système immunitaire en présence d'une charge virale. Selon le porteur (son âge, la maturité ou l'état de son système immunitaire, ses facteurs de risque, etc), il présenta ou non des symptômes qui seront bénins ou sévères. A droite, un  exemple de réinfection. Les cellules T auxiliaires (T CD4+) et les cellules T cytotoxiques (CTL) sont détectables dans le sang 1 à 2 semaines avant les anticorps (respectivement au terme de la première et de la deuxièmesemaine de la réponse immunitaire) et suivent à peu près les mêmes courbes mais à des titrages différents. Documents The New York Times adapté par l'auteur et B.Autran.

Ainsi, au cours d'une étude conduite en Chine sur 39 patients Covid, 20 d'entre eux soit 51.3% avaient un résultat au test PCR négatif dans les 14 jours suivant les premiers symptômes. Mais jusqu'à la fin du suivi, les lymphocytes T (CTL), T CD4+ et T CD8+ étaient tous statistiquement plus élevés chez les patients qui avaient une infection bénigne qui ont rapidement récupéré. Ces patients présentaient des niveaux plus élevés de cellules T et B. On en déduit que les mesures de la concentration des cellules T CD4+ et T CD8+ chez les patients représentent de bons indicateurs de la sévérité de l'infection par le Covid-19 et de son évolution (cf. L.Guo et al., 2020).

C'est cette chaîne de réactions inflammatoires qui provoque de la fièvre et parfois des rougeurs cutanées et des douleurs. La réaction inflammatoire envoie aussi des signaux vers la cellule attaquée qui réagit en libérant du liquide œdémateux, l'empêchant d'assurer les échanges gazeux avec le sang. Mais en trop grand nombre, ces cellules spécialisées détruisent également les tissus pulmonaires sains.

À ce stade avancé de la maladie, le patient Covid présente des difficultés respiratoires, il est essoufflé ou pire, il présente des signes d'étouffement, c'est la détresse respiratoire aiguë (SDRA). Le patient peut rester conscient et être capable de discuter, il peut aussi marcher quelques mètres mais sera épuisé, ou il peut perdre connaissance. Si le patient n'est pas encore hospitalisé, il doit d'urgence appeler le SAMU au 112. Le personnel médical va devoir à la fois traiter la maladie grâce à des médicaments tout en permettant au malade de continuer à respirer. C'est durant cette phase que l'état du patient peut s'aggraver très rapidement, en quelques heures, rendant le travail des soignants très difficile, surtout quand leur effectif est réduit.

Ci-dessus, résumés des phases clés (gauche) et des différentes pathologies (droite) liées à une infection par le Covid-19. Documents M.J. Matheson et al. (2020) et M.Wadman et al. (2020) illustrés par V.Altounian/Science et adaptés par l'auteur. Ci-dessous, les principaux traitements recommandés selon la sévérité de l'infection par le Covid-19. Document N.Desa/Science adapté par l'auteur.

Paradoxalement, on observe la même réaction immunitaire explosive chez les personnes dont le système immunitaire est optimal et qui ne souffrent d'aucune autre maladie. Cet emballement de la réponse inflammatoire ne ne produit pas chez les personnes dont le système immunitaire est affaibli ou immature (personnes âgés et enfants) ainsi que chez les patients souffrant d'immunodéficiences (SIDA, etc).

Une autre étude a permis de comprendre pour quelle raison se produit l'orage de cytokines.

Le contrôle du génome cellulaire

Dans une étude publiée dans la revue "Cell" le 28 mai 2020, Benjamin R. tenOever du Département de Microbiologie, de l'Ecole de médecine Icahn de Mt. Sinai et ses collègues ont étudié en détails la façon dont le Covid-19 infecte les cellules. Comme évoqué précédemment à propos de l'anosmie, ils ont constaté que le virus organise littéralement une prise de contrôle hostile des gènes contrairement aux autres virus, entraînant des changements "uniques" et "aberrants" pour reprendre l'expression de tenOever.

En prenant le contrôle du génome cellulaire, le virus modifie la façon dont les segments d'ADN sont lus, ce qui pourrait expliquer pourquoi les personnes âgées ont plus de risques de succomber au Covid-19 et pourquoi les médicaments antiviraux peuvent non seulement sauver la vie des patients malades, mais également éviter des symptômes sévères si le patient est pris en charge avant l'infection.

Les membres de l'équipe dont certains sont virologues depuis 20 ans, n'ont jamais vu une telle chose. Le "quelque chose" que les chercheurs ont découvert, c'est la façon dont le Covid-19 bloque un ensemble de gènes dont les protéines combattent les virus mais permet à un autre ensemble de répondre à l'envahisseur, un comportement jamais vu avec d'autres virus. Ainsi, dans le cas des virus grippaux et du SARS, ces coronavirus interfèrent avec les deux agents de la réponse immunitaire.

Comme expliqué précédemment, le premier groupe de gènes produit des interférons. Ces protéines que les cellules infectées libèrent, sont des sémaphores biologiques, signalant aux cellules voisines d'activer quelque 500 de leurs propres gènes afin de ralentir la capacité du virus à se répliquer s'il les envahit. Cette phase dure de 7 à 10 jours durant lesquels la réplication du virus est sous contrôle et permet à l'organisme de gagner du temps pour que le deuxième groupe de gènes s'exprime et agisse.

Ce deuxième ensemble de gènes produit ses propres protéines, les chimiokines, qui émettent un signal biochimique d'alarme. Lorsque les cellules B produisant les anticorps et les cellules T tueuses de virus détectent l'alarme, elles se précipitent vers sa source. Si tout se passe bien, le premier ensemble de gènes permet de tenir le virus à distance assez longtemps pour que les cellules T tueuses arrivent et commencent à éradiquer les virus.

Selon tenOever, "La plupart des autres virus interfèrent avec certains aspects des deux types de gènes. Si ce n'était pas le cas, personne n'aurait jamais une maladie virale" car cette double attaque frapperait toute infection naissante.

A gauche, clairance (épuration) inefficace lors d'une infection par le Covid-19 du système respiratoire d'une personne âgée par rapport à celui d'une personne jeune. A droite, détection des lymphocytes ou cellules T porteuses du marqueur CD8 et CD4 chez les patients Covid contaminés mais également chez les convalescents. C'est de très bonne augure pour les vaccins. Documents A.L. Mueller et al. (2020) et Immunitrack adaptés par l'auteur.

Toutefois, le Covid-19 bloque uniquement une défense cellulaire mais active l'autre comme l'ont constaté les chercheurs en étudiant des cellules pulmonaires humaines saines cultivées dans des boîtes de Petri, des furets (que le virus infecte facilement) et des cellules pulmonaires de patients Covid. Dans les trois cas, ils ont découvert que dans les trois jours suivant l'infection, le virus incite les gènes à produire les molécules appelées en renfort, les cytokines, mais il bloque leurs gènes qui induisent la fabrication des interférons qui freinent la réplication du virus. Le résultat est que le virus a une liberté totale pour se répliquer avec pour conséquence un orage cytokinique dans les poumons qui peut être fatal.

Peut-on éviter ou réduire l'orage cytokinique ? Si on ne peut pas répondre par l'affirmative, on peut renforcer le système immunitaire afin de l'aider à combattre les infections. Face au risque d'orage cytokinique lors d'une infection, les nutritionnistes ne recommandent pas les régimes boostant le système immunitaire à coups de pilules en tous genres qui risquent de suractiver nos défenses immunitaires et d'amplifier l'orage de cytokines. Ils recommandent plutôt de manger sain et équilibré, y compris des pylophénols (des fruits) et de pratiquer régulièrement une activité sportive.

Ensuite, la réponse de l'organisme va dépendre de la santé générale du patient et de son âge, en particulier de son état immunitaire dont le nombre de lymphocytes T naïfs capables de reconnaître la menace.

L'effet délétère des cellules Th17 mémoire

Dans une étude publiée dans la revue "Science" le 17 juillet 2020, Akbar et Gilroy de l'University College de Londres ont montré que le dénominateur commun de la fragilité liée à l'âge est une inflammation de base accrue, appelée "inflammaging". Comme nous l'avons expliqué, le déclenchement de l'orage cytokinique peut inhiber l'immunité chez les animaux et les humains. On peut l'éviter en bloquant les processus inflammatoires. Cette découverte a des implications importantes pour l'immunité des patients Covid âgés où un orage cytokinique peut s'avérer mortel. La réduction de l'inflammation compte parmi les stratégies thérapeutiques pour renforcer l'immunité chez les personnes âgées.

On sait à présent que les personnes qui souffrent le plus de la Covid-19 ont une réponse immunitaire désynchronisée. En effet, selon une étude publiée dans la revue "Cell" le 16 septembre 2020 (en résumé dans "Science"), les chercheurs ont montré que chez ces patients la réponse des anticorps et des lymphocytes T face au virus ne se produit pas en harmonie, ce qui explique pourquoi de nombreuses personnes âgées notamment présentent des formes sévères de la maladie.

A gauche, l'ARN (en vert) du Covid-19 en train de prendre le contrôle des cellules qu'il infecte. A droite, si l'intervention des anticorps et des cellules T du système immunitaire adaptatif est précoce - dans les 2 à 5 jours suivant l'apparition des premiers symptômes, le patient Covid peut éviter une forme modérée ou sévère de la maladie. Documents ICAHN/MSSM et A.Bertoletti et al. (2021) adapté par l'auteur.

Dans deux autres études publiées dans la revue "Nature" le 15 juillet 2020 et dans "Cell Reports" le 21 janvier 2021, des chercheurs de l'École de Médecine Duke-NUS ont apporté la preuve qu'une présence précoce de cellules T spécifiques contre le Covid-19, le patient peut éviter la forme modérée ou sévère de la maladie comme illustré dans les graphiques présentés ci-dessus à droite.

Selon Anthony T. Tan, chercheur principal au programme des maladies infectieuses émergentes (EID) au Duke-NUS et coauteur des ces études, "Nous avons constaté que les patients qui contrôlent l'infection par le Covid-19 en présentant uniquement des symptômes bénins sont caractérisés par une induction précoce de lymphocytes T spécifiques contre le Covid-19 sécrétant l'IFN-γ. La quantité de réponse adaptative humorale ne permet cependant pas de déterminer le niveau de gravité de la Covid-19". Selon son collègue Martin Linster, "Nos données soutiennent l'idée que les cellules T spécifiques contre le Covid-19 jouent un rôle important dans le contrôle rapide de l'infection virale et l'élimination éventuelle de la maladie."

Selon son collègue Antonio Bertoletti du programme EID au Duke-NUS et auteur principal de ces études, "Il est temps que la surveillance des lymphocytes T soit envisagée pour fournir une compréhension globale de la réponse immunitaire contre le Covid-19. Cela signifierait également qu'un vaccin sera probablement plus efficace si une induction holistique des anticorps et des lymphocytes T se produit."

En réponse à cette suggestion, pour comprendre les mécanismes impliqués dans la pathologie pulmonaire, dans une étude publiée dans la revue "Science Immunology" le 23 février 2021, Yu Zhao du Département de Médecine du Centre Médical de l'Université de Hamburg-Eppendorf et ses collègues ont étudié le rôle de la réponse immunitaire spécifique des poumons chez les patients Covid atteints d'une forme sévère de la maladie et chez des patients souffrant d'une pneumonie bactérienne, en se concentrant sur les lymphocytes ou cellules Th17.

Pour rappel, les lymphocytes Th17 représentent un des sous-types majeurs des lymphocytes T auxiliaires CD4+ (cf. S. Leung-Theung-Long et S.Guerder, 2008; V.Soumelis et E. Volpe, 2008). Ils produisent plusieurs cytokines pro-inflammatoires, dont les interleukines IL-17, IL-21, IL-22 et IL-26 et peuvent contribuer aux effets délétères qui caractérisent des maladies inflammatoires, y compris auto-immunes.

A gauche, interactome - les interactions moléculaires protéine-protéine au sein des cellules particulières - des cellules T et des cellules myéloïdes MΦ extraites du lavage bronchoalvéolaire (BAL) des poumons de huit patients Covid (MΦ = macrophage, MAIT = cellules T invariantes associées à la muqueuse, IFIT = protéine induite par l'interféron). A droite, immunofluorescence (coloration nucléaire DAPI en bleu) de respectivement (les 2 de gauche) des sous-ensembles de cellules CD4+ (vert) et CCR6+ (rouge) des cellules Th17 mémoire (Trm17) dans les poumons d'un patient décédé de la Covid-19 et la combinaison des CCR6 et IL-17A (extrême droite) d'échantillons pulmonaires d'un patient Covid. Documents Y.Zhao et al. (2021) adaptés par l'auteur.

Les chercheurs ont profilé les cellules immunitaires dans le liquide de lavage bronchoalvéolaire (BAL) et le sang des malades Covid. En suivant les clones de cellules T à travers les tissus, ils ont découvert la présence de cellules Th17 mémoire (cellules Trm17) dans les poumons, même après la clairance virale. Ces cellules Trm17 peuvent potentiellement exprimer les cytokines potentiellement pathogènes de l'interleukine IL-17A et de la CSF2 (GM-CSF).

Les auteurs postulent que les cellules Trm17 participent à l'intensification de l'inflammation et sont un des éléments de la tempête de cytokines. Selon les chercheurs, "l'analyse des interactomes suggère que les cellules Trm17 peuvent interagir avec les macrophages pulmonaires et les cellules T CD8+ cytotoxiques, qui ont été associées à la gravité de la maladie et aux lésions pulmonaires. Des taux élevés de protéines IL-17A et GM-CSF dans le sérum des patients Covid ont été associés à une évolution clinique plus sévère. Notre étude suggère que les cellules pulmonaires Trm17 sont un orchestrateur potentiel de l'hyperinflammation dans la forme sévère de la Covid-19."

Zhao et ses collègues vont à présent valider leurs découvertes sur base d'une plus grande cohorte de patients.

Le dysfonctionnement des cellules NK impliqué dans les formes sévères de Covid-19

Jusqu'à présent, on ne savait pas dans quelle mesure les lymphocytes T Natural Killer (NK) contribuent au développement des formes graves de la Covid-19. Différentes études (cf. Littera et al. (2021), Björkström et al. (2021), Ahmed et al. (2020), Osman et al., (2020), Tervaert et al. (2020), L.Angka et al. (2020), etc) avaient déjà décrit le rôle parfois délétère des cellules NK mais avec des niveaux de détails très variables et en laissant souvent beaucoup de questions sans réponses.

Dans un article publié dans la revue "Immunity" le 4 septembre 2021, une équipe internationale de chercheurs dirigée par Jacob Nattermann du Département de Médecine Interne de l'Hôpital Universitaire de Bonn, en Allemagne, apporta les preuves que le dysfonctionnement des cellules NK explique la progression des formes sévères de la Covid-19.

Résumé du rôle des cellules NK dans la pathogenèse de la Covid-19. Document L.Angka et al. (2020).

Les spécialistes des maladies infectieuses savent depuis longtemps que tout au début d'une maladie grave, les cellules NK présentent une empreinte moléculaire spécifique liée à l'activité des interférons de type I qui normalement régulent l'activité du système immunitaire. Mais dans ces conditions, cela s'accompagne d'un dysfonctionnement important mais généralement temporaire qui persiste pendant plusieurs semaines.

Les chercheurs ont examiné des échantillons sanguins de 205 patients Covid pendant 6 semaines à partir de l'apparition des symptômes. Cela leur a permis de caractériser les moléculaires impliquées et les fonctions des cellules au fil du temps.

Selon Joachim Schultze, du Centre Allemand de Neurodégénérescence (DZNE) et co-auteur de cette étude, "Les cellules NK de patients Covid-19 présentant des symptômes modérés ont également montré une fonction altérée au début de la maladie, mais cela s'est normalisé après une courte période."

Étant donné que la forme sévère de Covid-19 s'accompagne généralement d'une fibrose pulmonaire et que les cellules NK sont connues pour leurs propriétés antifibrotiques, cet aspect fut également étudié.

Selon Anna Aschenbrenner, de l'Institut des sciences de la vie et de la médecine (LIMES) de l'Université de Bonn, chercheuse au DZNE et coautrice de cet article, "Trois semaines après l'infection et dans les formes sévères, des schémas moléculaires ressemblant à ceux observés dans d'autres cellules immunitaires dans le contexte de la formation de fibrose étaient évidents dans les cellules NK. Conformément à ces observations, ces cellules NK ont considérablement perdu leur capacité antifibrosante, ce qui peut avoir une impact dans le remodelage fibrotique du poumon."

Autrement dit, les chercheurs ont pu donner une analyse détaillée du rôle des cellules NK dans l'immunopathogenèse de la Covid-19.

De nouvelles études devraient montrer si cela peut conduire au développement de nouvelles approches thérapeutiques.

Analyse des poumons

Selon une étude britannique publiée le 19 octobre 2020 portant sur 58 patients Covid hospitalisés, 60% présentaient des anomalies pulmonaires (et 29% dans les reins, 26% dans le coeur, 10% dans le foie ainsi que des changements dans le tissu cérébral) trois mois après le début de l'infection.

Dans une étude publiée dans le journal "NEJM" en mai 2020 (lire aussi l'éditorial de L.Hariri et al.), des chercheurs ont examiné les poumons de sept patients Covid décédés et les ont comparés à ceux de patients décédés en 2009 de pneumonie causée par le virus de la grippe H1N1 ainsi qu'à 10 autres patients sains dont les poumons n'avaient finalement pas été utilisés pour des transplantations et qui ont donc servi d'échantillons de contrôle. En utilisant différents systèmes d'imagerie médicales dont le microscope électronique à balayage couplé à la technique du "corrosion casting" (qui permet d'examiner la micro-vascularisation des tissus sur une réplique), des microscannographies et des moulages vasculaires, les chercheurs ont obtenu des détails tridimensionnels impressionnants des capillaires pulmonaires et observé des phénomènes tout à fait inattendus.

A gauche, altérations microvasculaires des poumons de patients décédés du Covid-19. Les images A et B montrent des microphotographies électroniques à balayage de moulages de corrosion microvasculaire du plexus alvéolaire à paroi mince d'un poumon sain (A) et la distorsion architecturale substantielle observée dans les poumons endommagés par le Covid-19 (B). La perte de hiérarchie des vaisseaux clairement visible dans le plexus alvéolaire est le résultat de la formation de nouveaux vaisseaux sanguins par angiogenèse intussusceptive. L'image C montre les localisations du "pilier" ou tunnel intussusceptif (les flèches) à un grossissement plus élevé. L'image D est une microphotographie électronique à transmission montrant les caractéristiques ultrastructurales de la destruction des cellules endothéliales et du Covid-19 visibles à l'intérieur de la membrane cellulaire (les flèches). La barre d'échelle correspond à 5 μm. RC désigne un globule rouge. Documents M.Ackermann et al. (2020). A droite, schéma d'une angiogenèse par intussusception dans un capillaire alvéolaire. Cela correspond à la pathologie des flèches sur la photo C. Cliquer sur l'image pour lancer l'animation (GIF de 3 MB). Document V.Djonov et al. (2003).

Outre les symptômes typiques de la pneumonie virale (nécrose des petites cellules bordant les alvéoles, dépôts de fibrine dans la cavité alvéolaire, infiltrats de lymphocytes T CD4+), ils furent surpris de constater que les capillaires pulmonaires ne formaient pas un réseau entrecroisé régulier mais était tortueux avec des capillaires déformés, ce qu'on appelle une angiogenèse, comme on le voit sur les images A et B ci-dessus.

L'angiogenèse est un mécanisme de génération cellulaire normal qui permet d'alimenter les tissus et cellules en oxygène et nutriments nécessaires à leur métabolisme. Ce mécanisme est parfaitement régulé, principalement en fonction de la quantité d'oxygène disponible dans les tissus. Il intervient dans tout l'organisme, y compris malheureusement pour assurer le développement des tumeurs (cf. J-M. Guinebretiere, 2004). Dans le contexte du Covid-19, on observe un dysfonctionnement spectaculaire et dramatique de l'angiogenèse.

Les chercheurs ont notamment découvert une angiogenèse d'un deuxième type, qui procède non pas par bourgeonnement (ou sprouting) des capillaires mais par intussusception, un mécanisme qui réarrange les structures vasculaires existantes en créant un "pilier" ou plutôt un tunnel de jonction à travers un capillaire alvéolaire comme le montre l'animation ci-dessus à droite (et la photo C de gauche).

Ce mécanisme découvert en 2003 repose sur la prolifération de cellules endothéliales à l'intérieur même du capillaire. Les tunnels ou ponts ainsi formés à travers les capillaires donnent naissance à un ou plusieurs nouveaux capillaires, rendant l'architecture du réseau tout à fait anarchique.

A lire : Guide du Bon Usage des Examens Radiologiques, SFR

A gauche, un scanner (à rayons X) utilisé pour le diagnostic des patients Covid hospitalisés au Royaume-Uni. L'usage de la radiologie n'est jamais un acte anodin. L'avantage est que l'image donne beaucoup plus d'informations qu'un test RT-PCR ou une prise de sang; le résultat d'un scanner est immédiat alors qu'une analyse sérologique prend 15 à 20 minutes. De plus, dans certains cas, la maladie peut être détectée au stade précoce, alors même que le dépistage est négatif. Document U.Oxford. A droite, grâce à l'intelligence artificielle, le logiciel InferVISION permet aux médecins de l'hôpital de Zhongnan à Wuhan en Chine de diagnostiquer rapidement les patients potentiellement atteints par le Covid-19

Selon les chercheurs, la proportion d'angiogenèse par intussusception augmente significativement avec la durée d'hospitalisation des patients Covid, phénomène qu'on n'observe pas dans les poumons des patients décédés de la grippe.

Les chercheurs ignorent encore si le degré de l'atteinte endothéliale ou endothélite et l'importance des thromboses concourent à une plus grande fréquence des phénomènes d'angiogenèse par bourgeonnement et par intussusception chez les patients Covid et si ces mécanismes dépendent du stade de la maladie. Des études complémentaires sont en cours.

Enfin, les chercheurs ont constaté une atteinte sévère des cellules endothéliales qui tapissent la paroi interne des vaisseaux sanguins (endothélium), celles qui sont en contact direct avec le sang. Normalement, leur forme aplatie et leur surface glissante empêche la coagulation. Or chez les patients Covid, on observe des microcaillots ou microthrombus dans les capillaires alvéolaires (voir les scanners ci-dessous).

A l'inverse des patients malades de la grippe, chez les patients Covid, on observe un plus grand nombre de cellules endothéliales contenant des récepteurs ACE2 propices à la pénétration du Covid dans ces cellules et donc au développement de la maladie. Comme le montre la photo D ci-dessus, normalement les cellules endothéliales ont des jonctions serrées. Au cours de la maladie, elles ne le sont plus car leur volume augmente et elles perdent le contact avec la membrane basale sur laquelle elles reposent habituellement.

Tomodensitogrammes ou scanners (CT scans) en coupes axiales et sagittales de poumons de patients Covid. Les cellules infectées sont indiquées par les zones plus claires. A gauche, les poumons d'une femme de 33 ans et la situation qui s'est aggravée 3 jours plus tard. A droite, les poumons d''un homme de 44 ans qui malheureusement décéda une semaine plus tard après l'échec des mesures de soutien. Documents J.Lei et al. (2020) et L.Qian al. (2020).

Concernant l'infection pulmonaire elle-même, comme on le voit sur les images scanners ci-dessus, on peut identifier les cellules infectées sur les scanners des poumons sous forme de zones blanchâtres diffuses. Dans le pire des cas, les cellule sont détruites.

Au stade sévère de la maladie, certains patients arrivent à l'hôpital en ayant perdu connaissance et doivent être réanimés. Ces personnes inconscientes et celles présentant un syndrome de détresse respiratoire aiguë sont traitées prioritairement. La plupart des patients en phase sévère ou critique sont soit endormies (on leur injecte du curare pour relaxer les muscles) soit plongés dans un coma artificiel (coma pharmacologique).

A voir : Scanners thoraciques de patient Covid, Hôpital HCM

Coupes axiales du thorax, IMAIOS

Tomodensitogrammes ou scanners (CT scans) en coupes axiales et sagittales de poumons de patients Covid. Les cellules infectées sont indiquées par les zones plus claires. A gauche, les poumons infectés d'un homme de 35 ans ayant une fièvre depuis 1 jour. A droite, les poumons d'un homme de 47 ans ayant une fièvre depuis 7 jours. Documents B.Song et al. (2020).

Cet état sous sédation paralyse temporairement le patient et l'empêche également après son rétablissement de se souvenir de cette période. Il peut donc être utile que ses proches prennent note régulièrement les actions qui ont été faites durant cette période afin que le patient puisse reconstruire une partie de ses souvenirs et ne souffre pas de cette "période manquante" dans sa vie. 

Ce coma artificiel est une phase critique des soins mais indispensable pour éviter des souffrances physiques au patient provoquées par le système de ventilation artificielle. Le patient (si possible) et ses proches doivent être informés au préalable que durant ce coma le patient peut y laisser la vie, raison pour laquelle le personnel lui dit au revoir en sachant que parfois il ne se réveillera plus. Soulignons que même si le médecin en charge du patient évoque la possibilité d'un décès aux proches, ces derniers ne retiendront toujours que les bonnes nouvelles, la possibilité qu'il se rétablisse et rentre chez lui.

Patient Covid aux soins intensifs sous ventilateur. Document Halfpoint/Adobe Stock.

Pendant ce coma artificiel, la première action du personnel de réanimation consiste à rétablir l'oxygénation des poumons du patient. La respiration est assurée grâce à une assistance respiratoire artificielle ou ventilation mécanique (le recours à un ventilateur), invasive si on intube le patient ou non invasive si on utilise un respirateur (un masque facial étanche ou nasal non invasif) qui va forcer l'entrée d'oxygène dans les poumons au rythme normal de la respiration (~15 fois par minute chez l'adulte). La respiration est facilitée lorsque le patient est placé sur le ventre. Combiné à des médicaments qui détendent les muscles respiratoires, il permet au patient de mieux combattre l'infection et de récupérer. 

A force d'être utilisé et même sursollicité, un respirateur artificiel peut tomber en panne en réanimation ou dans l'ambulance. Un respirateur coûte plusieurs milliers d'euros. En cas de rupture de stock, il peut être remplacé par un masque à oxygène de fortune relié à une bouteille d'oxygène. Pour la Covid-19, ce traitement peut durer entre une et deux semaines.

Durant cette phase critique, le patient est pris en charge en réanimation puis en soins intensifs jusqu'à ce qu'il se rétablisse, généralement durant la 3e semaine d'hospitalisation. Une longue réanimation peut toutefois entraîner des séquelles. En se basant sur les autres maladies à coronavirus, il arrive que le rétablissement prenne 6 mois selon une étude de l'Harvard Medicine School et probablement plus longtemps si la réanimation fut très longue. On reviendra sur les séquelles de la maladie.

Si ce traitement ne suffit pas à sauver le patient, il faut assurer une respiration extracorporelle (Ecmo). C'est l'ultime recours. Dans de très rares cas, il peut arriver que le patient doive d'urgence subir une double transplantation pulmonaire, comme ce fut le cas pour un jeune patient Covid de 24 ans hospitalisé aux Etats-Unis (cf. CNN, 2021).

Si le patient a des antécédents médicaux et souffre par exemple d'une maladie chronique (atteinte des voies respiratoires, maladie cardiaque, rénale, obésité, hypertension, diabète, mucoviscidose, etc), il peut être plus vulnérable et plus fragile et développer une forme sévère de la maladie (cf. les facteurs de risque). A ce stade, le virus est présent dans le sang, suggérant que l'organisme n'a plus le contrôle de l'infection. Comme nous l'avons expliqué, le pronostic vital est alors engagé.

La plupart du temps le patient n'a plus la force de combattre la maladie et le traitement très lourd en réanimation, et succombe au bout de quelques heures.

Prochain chapitre

Les troubles et atteintes cardiaques

Page 1 - 2 - 3 - 4 - 5 -


Back to:

HOME

Copyright & FAQ