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Pathologies des patients Covid

Impacts neuropsychologiques (IV)

Des coronavirus comme le SARS et le MERS ont été associés à des séquelles neuropsychologiques. Dans le cas du SARS par exemple, des études d'autopsies ont montré que les patients souffraient d'un œdème cérébral et une vasodilatation méningée. Au microscope, on pouvait observer une infiltration de monocytes et de lymphocytes dans la paroi vasculaire, des modifications neuronales ischémiques, une démyélinisation, des particules virales du SARS et des séquences génomiques dans leur cerveau (cf. Y.Wu et al., 2020).

Les patients victimes du MERS en 2012 présentaient également des symptômes neuropsychiatriques suite à une réaction immunologique (cf. J.E. Kim et al., 2017; L-K. Tsai et al., 2004).

On observe les mêmes séquelles avec l'Influenzavirus et les Herpesviridae (dont le virus de l'herpès labial) et même avec la bactérie Chlamydia pneumoniae (cf. G.de Chiara et al., 2012). Ce sont donc des effets assez communs provoqués par les microbes.

Symptômes neuropsychiatriques

Une revue systématique et une méta-analyse des manifestations neuropsychiatriques du SARS et du MERS publiée dans "The Lancet" en 2020 par le psychiatre Jonathan P. Rogers de l'University College de Londres et ses collègues a révélé que durant la phase aiguë de la maladie, les symptômes courants comprenaient :

- l'insomnie (41.9%).

- l'anxiété (35.7%)

- les troubles de la mémoire (34.1%)

- l'humeur dépressive (32.6%)

- la confusion (27.9%).

Le SARS-CoV-2 affecte les patients de la même façon car il peut aussi toucher le système nerveux central (SNC) et déclencher des troubles neurologiques (cf. Y-C Li et al., 2020; F.Meziani et al., 2020). Rogers et ses collègues ont montré que même après avoir quitté l'hopital "guéris", les patients post-Covid ou Covid longs présentaient ponctuellement un trouble de stress post-traumatique ou TSPT (2-32%), une dépression (9-14%) et des troubles de l'anxiété (8-14%).

Selon une étude italienne publiée dans le journal "JAMA" le 18 février 2021, le stress post-traumatique affecta environ un tiers des patients Covid gravement atteint. Ce stress post-traumatique n'est pas différent de celui observé chez le personnel de la santé mais diffère de celui observé dans une partie de la population durant le premier confinement en mars-avril 2020. Nous verrons à propos des séquelles de la Covid-19 que 34% des convalescents souffrent encore de troubles neuropsychiatriques 6 mois après avoir été contaminés.

Parmi les complications neurologiques liées au Covid-19, dans une étude publiée dans la revue "Radiology" le 16 juin 2020, des membres de la Société française de neuroradiologie ont analysé les résultats d'imagerie neurologique de 37 patients Covid provenant de 16 centres différents. Pour la première fois, ils sont parvenus à caractériser un grand groupe d'anomalies neurologiques liées au Covid-19, confirmées par IRM cérébrale (à l'exclusion des accidents vasculaires cérébraux).

Selon les chercheurs, la plupart des patients, âgés en moyenne de 61 ans, présentaient les symptômes suivants :

- une altération de la conscience (73%)

- un état de veille pathologique après l'arrêt de la sédation (41%)

- de la confusion (32%)

- de l'agitation (19%). 

Résumé des voies possibles d'infection du cerveau par le Covid-19. Document D.E. Septyaningtrias et R.Susilowati, De Gruyter (2021) adapté par l'auteur.

Les IRM ont le plus souvent révélé des anomalies du signal dans le lobe temporal médian (43%), une zone du cerveau liée aux fonctions cognitives et émotionnelles critiques.

Dans une autre étude publiée dans la revue "The Lancet" le 1 octobre 2020 (voir aussi "Nature") par Benedict D. Michael de l'Université de Liverpool et ses collègues portant sur 125 patients Covid, 62% souffraient de troubles de l'irrigation sanguine du cerveau et 31% présentaient une altération de la conscience (confusion, inconscience prolongée, encéphalite, etc). Dix patients ont développé une psychose, un étal mental altéré déjà constaté chez d'autres patients Covid (cf. R.W. Paterson et al., 2020). Certains patients Covid victimes de psychose ont des hallucinations et sont souvent désorientés et agressifs. Certains patients présentent même les signes d'un délire (cf. K.Kotfis et al., 2020).

Ces atteintes cérébrales nous conduisent à analyser les impacts biologiques de la Covid-19 sur le cerveau.

On signala le premier cas d'encéphalite virale le 4 mars 2020 à l'Hôpital Ditan de Beijing. Les chercheurs ont confirmé la présence du SARS-CoV-2 dans le liquide céphalo-rachidien (cf. P.Xiang et al., 2020). On y reviendra. Par la suite, un autre cas d'encéphalite fut signalé au Japon alors que le test PCR nasopharyngé était négatif. Cela soulève la possibilité d'une infection directe ou d'autres voies de transmission telles que la voie hématogène (cf. T.Moriguchi et al., 2020).

Depuis lors, il y a eu de nombreux cas d'atteintes neurologiques associées au SARS-CoV-2 (cf. La revue du praticien, 2020). En avril 2020, la microscopie électronique à transmission (TEM) du tissu cérébral d'un homme de 74 ans atteint de la Covid-19 montra clairement la nature neuroinvasive du virus et les voies probables de transmission vers le système nerveux central (cf. A.Paniz-Mondolfi et al., 2020).

Comment le SARS-CoV-2 atteint le cerveau ? Le virus utilise une voie directe, la plus simple et la plus rapide étant de pénétrer dans l'organisme par les voies respiratoires, ensuite de rejoindre la circulation sanguine pour remonter vers le cerveau. Mais il y a également la voie indirecte via les cellules immunitaires.

L'équipe de Yeshun Wu précitée ainsi que celle de Anling Xiao ont montré que le SARS-CoV-2 pouvait prendre deux voies pour atteindre le cerveau :

- une voie directe : la route hématogène (via la circulation sanguine) par les cellules endothéliales de la barrière hémato-encéphalique, la migration à travers la cavité nasale et le réseau olfactif, le transport neuronal, le réseau respiratoire et l'axe intestin-cerveau.

- une voie indirecte : via la dérégulation des cytokines, la transmigration des cellules immunitaires périphériques, la neuroinflammation, l'auto-immunité post-infectieuse, la blessure hypoxique et d'autres voies indirectes qui facilitent l'entrée du Covid-19 dans le cerveau comme les traitements immunomodulatoires, l'implication du récepteur ACE2, l'hypercoagulabilité, etc..

Une fois à l'intérieur du cerveau, le virus peut activer les cellules immunitaires cérébrales et déclencher notamment un orage de cytokines.

Voyons en détails de quelles manières le SARS-CoV-2 atteint le cerveau et les conséquences neuropathologiques de la Covid-19.

Impacts neuropathologiques

L'histologie, en particulier l'analyse des tissus cérébraux et l'angiologie ou médecine vasculaire révèlent que le SARS-CoV-2 contamine différents types de cellules cérébrales et affecte les vaisseaux sanguins, provoquant des inflammations et des troubles vasculaires pouvant engendrer des effets neuropathologiques. Si les origines de ces phatologies sont encore parfois inconnues, on a identifié les différents types de tissus ciblés par le virus et les pathologies qu'il provoque.

Les vaisseaux sanguins

Au début de la pandémie, la perte d'odorat (anosmie) suggérait que le Covid-19 pouvait attaquer directement les cellules nerveuses. Certains chercheurs pensaient que le virus pouvait atteindre l'encéphale en remontant le long du nerf olfactif. Parmi les 150 millions de cas de contamination déclarés en mai 2021, ce scénario effrayant n'est pas très fréquent. Même si 15 à 85% des patients Covid présentent une anosmie temporaire, le virus remonte rarement dans le cerveau. Mais quand il y parvient, les dommages au cerveau dont l'inflammation qu'on observe très bien sur les images IRM peuvent provoquer des troubles neurologiques.

A gauche et au centre, les signes des dommages dans le cerveau chez les patients Covid comprennent une inflammation, notamment des cellules immunitaires autour d'un vaisseau sanguin (gauche) et des changements dans les cellules (centre) qui pourraient résulter d'une hypoxie (manque d'oxygène). A droite, dans le cerveau post-mortem d'un patient Covid, la présence d'une protéine de coagulation appelée fibrinogène (rouge) indique que les vaisseaux sanguins sont endommagés et fuient. Documents J.J. Lou et al. (2021) et A.Nath (2021).

Selon le neurologue Avindra Nath du NIH, jusqu'à présent la plupart des études n'ont pas révélé beaucoup de Covid-19 dans le cerveau. Leur relative absence suggère que le virus affecte le cerveau d'autres manières, impliquant peut-être des vaisseaux sanguins. Nath et son équipe ont donc scanné les vaisseaux sanguins dans le cerveau de patients décédés de la Covid avec un IRM si puissant qu'il aurait été interdit de l'utiliser chez des personnes vivantes. Pour la première fois, ils ont pu observer des détails inaccessibles jusqu'alors.

Schéma de la circulation sanguine. Sans oxygénation et sans évacuation des déchets et autres substances nocives, les cellules sont condamnées. Or c'est justement des effets observés lors d'une infection du cerveau par le Covid-19. Document Merck.

Dans un article publié dans le journal "NEJM" le 4 février 2021, Nath et ses collègues confirment que "Les dégâts abondent. De petits caillots se trouvaient dans les vaisseaux sanguins. Les parois de certains vaisseaux étaient inhabituellement épaisses et enflammées. Le sang s'échappait des vaisseaux vers les tissus cérébraux environnants". Bref, les chercheurs pouvaient observer les trois évènements en même temps. Ces résultats suggèrent que les caillots, les parois enflammées et les fuites à travers les barrières qui empêchent normalement le sang et d'autres substances nocives de s'écouler dans le cerveau peuvent tous contribuer aux lésions cérébrales liées au Covid-19.

Mais plusieurs inconnues empêchent toute conclusion définitive sur la relation entre les lésions aux vaisseaux sanguins, les symptômes et les patients. En effet, il n'existe pas beaucoup de données cliniques sur les personnes ayant participé à l'étude de Nath. Certaines sont probablement décédées de causes autres que la Covid-19 et personne ne sait comment le virus les aurait affectées si elles avaient survécu.

D'autres études ont montré que les vaisseaux sanguins qui irriguent le cerveau peuvent être endommagés par l'activation des cellules endothéliales et la coagulopathie (un trouble de la coagulation), entraînant divers dysfonctionnements dont des microhémorragies ou des accidents vasculaires cérébraux (AVC).

Dans une étude européenne publiée dans la revue "Nature Neuroscience" le 21 octobre 2021 par l'équipe de Markus Schwaninger du Centre du Cerveau, du Comportement et du Métabolisme (CBBM) de l' Université de Lübeck en Allemagne et ses collègues, les chercheurs ont découvert un effet direct de SARS-CoV-2 sur les vaisseaux sanguins du cerveau. Les cellules du système vasculaire cérébral - les cellules endothéliales qui sont des composantes essentielles de la barrière hémato-encéphalique qui protège le cerveau - sont affectées par un phénomène de mort cellulaire.

Lors d'une infection du parenchyme cérébral par le Covid-19, les microhémorragies qui se produisent dans le SNC sont très néfastes pour les cellules nerveuses. Une fois que les cellules sont mortes et que le sang ne circule plus à travers ces vaisseaux, il se crée des vaisseaux fantômes.

A gauche, image fluorescente de tissu cérébral humain post-mortem montrant des noyaux cellulaires (bleu) qui révèlent un vaisseau sanguin dans lequel les cellules endothéliales vasculaires expriment le matériel génétique du SARS-CoV-2 (rouge). A droite, résumé des lésions et dysfonctionnement cérébraux liés au Covid-19. En A, le virus envahit les cellules endothéliales via le récepteur cellulaire ACE2 activé par la protéase transmembranaire, la sérine 2 (TMPRSS2). En B, l'augmentation des cytokines et l'activation de la microglie (les macrophages) entraînent une augmentation de la kynurénine, de l'acide quinolinique et du glutamate, ainsi qu'une chute des neurotransmetteurs. En C, la cascade de coagulation et l'élévation du facteur von Willebrand (vWF) entraînent des thromboses. En D, une neurotransmission altérée, une excitotoxicité par augmentation du glutamate et une lésion hypoxique contribuent au dysfonctionnement et à la perte de neurones. En E, les symptômes neuropsychiatriques diffèrent selon la zone de Brodmann impliquée. Légende: IL, interleukine; NMDA, N-méthyl-d-aspartate; TNF, facteur de nécrose tumorale. Documents Vincent Prévot/Inserm et M.Boldrini et al. (2021).

Les chercheurs ont montré que le fantôme du vaisseau sanguin reste dans le cerveau, mais il n'assure plus la circulation du sang. Les neurones ne seront donc plus oxygénés et ne recevront plus les nutriments dont ils ont besoin pour leur métabolisme.

Heureusement, le phénomène est réversible. En effet, les vaisseaux fantômes disparaissent d'eux-mêmes, mais les zones concernées du cerveau restent fragilisées. Il est possible que cela explique les migraines, la fatigue ou encore le brouillard cérébral dont souffrent les Covid longs.

Des neurones privés d'oxygène

Dans une étude publiée dans le journal "JEM" le 12 janvier 2021, Akiko Iwasaki de l'École de Médecine de l'Université de Yale et ses collègues ont confirmé que le Covid-19 peut perturber la vascularisation du cerveau en privant certaines régions cérébrales d'oxygène. Or nous savons que lorsque le cerveau est privé d'oxygène, ne fut-ce que quelques minutes (cf. ce schéma), cela peut provoquer un AVC entraînant des lésions cérébrales et une invalidité. Ceci confirme les résultats des deux études précitées sur les vaisseaux sanguins cérébraux.

Pour parvenir à cette conclusion autour d'un sujet toujours discuté, les chercheurs ont utilisé trois approches indépendantes pour sonder la capacité du virus à infecter le cerveau.

D'abord des organoïdes du cerveau humain (des amas de cellules cérébrales cultivées en laboratoire) et des souris surexprimant l'ACE2 humain et purent démontrer que le virus infecta les organoïdes, provoquant la mort d'un nombre important de neurones.

A gauche, schéma des conséquences potentielles de l'invasion du Covid-19 dans le cerveau. A droite, comparaison entre les AVC ischémique et hémorragique. Dans le premier cas, les cellules, en particulier les neurones touchés ne reçoivent plus suffisamment d’oxygène (hypoxie) et de sucre normalement apportés par la circulation sanguine. Documents A.Iwasaki et al. (2021) adapté par l'auteur et D.R.

Ensuite, ils ont effectué des autopsies de patients Covid décédés et découvert grâce au microscope que des particules virales avaient bourgeonné à l'intérieur des neurones corticaux.

Finalement, les chercheurs sont parvenus à caractériser les pathologiques associées à l'infection. Ils ont découvert que les neurones infectés peuvent affecter leur environnement en privant leurs voisins d'oxygène. En réaction, un infarctus cérébral (accident ischémique) résultat de la rupture de la barrière hémato-encéphalique pourrait accélérer l'infection virale des neurones. Ainsi, une hypoxie locale pourrait renforcer la détérioration des tissus cérébraux souffrant déjà d'un manque d'oxygène, comme ils l'ont observé dans les cerveaux de trois patients Covid décédés.

Les chercheurs concluent que "ces résultats fournissent des preuves de la capacité neuroinvasive du SARS-CoV-2 et d'une conséquence inattendue de l'infection directe des neurones par le SARS-CoV-2".

Inflammation de l'encéphale

L'inflammation généralisée des organes (cf. page 2) par le Covid-19 peut également atteindre le cerveau. Les signaux inflammatoires libérés après une blessure peuvent en effet modifier la façon dont le cerveau fabrique et utilise les neurotransmetteurs, des molécules de signalisation chimiques qui assurent la communication entre les cellules du cerveau. Ces molécules telles que la sérotonine, la noradrénaline et la dopamine peuvent être brouillées lors d'une forte inflammation (cf. M.Boldrini et al., 2021; L.Attademo et F.Bernardini, 2021; V.Montalvan et al., 2020).

On sait que la communication neuronale peut être interrompue chez les personnes souffrant par exemple de traumatismes crâniens; les chercheurs ont trouvé une relation entre l'inflammation et la maladie mentale chez des joueurs de football américain et d'autres personnes ayant subi des coups à la tête.

Des preuves similaires ont été trouvées chez des personnes souffrant de dépression qui présentent des niveaux élevés d'inflammation. Selon la psychiatre Emily Troyer de l'Université de Californie à San Diego (UCSD), "Nous ne savons pas vraiment ce qui se passe avec le Covid-19. Nous savons juste que le virus provoque une inflammation et que l'inflammation peut potentiellement perturber la neurotransmission, en particulier dans le cas de la dépression".

Parmi les cellules qui libèrent des protéines inflammatoires dans le cerveau se trouvent la microglie (les microgliocytes ou cellules de Hortega, voir ci-dessous), des cellules immunitaires du système nerveux central comparables aux macrophages (cf. J.Bouayed et T.Bohn, 2021).

Des études ont montré que les cellules de la microglie sont prêtes à agir dans le cerveau de nombreux patients Covid en réponse à une infection sévère, le pourcentage variant entre 43% parmi 184 patients Covid et 93% parmi 41 patients Covid (cf. J.J. Lou et al., 2021; P.Canoll et al., 2021).

Infiltration typique de cellules de la microglie et de cellules T CD8 dans le parenchyme du tissu cérébral (neurones) d'un patient Covid avec formation d'un nodule microglial. Document B.Bengsch et al. (2021).

Dans un article prépublié dans la revue "Immunity" en 3 juin 2021, Bertram Bengsch, chef de section d'immunologie translationnelle des systèmes en hépato-gastroentérologie au Centre Médical de l'Université de Fribourg, en Allemagne, et ses collègues ont analysé la réaction inflammatoire dans le cerveau de patients Covid.

À l'aide d'un nouveau système d'imagerie par cytométrie de masse, les chercheurs ont pu caractériser les différents types de cellules et déterminer leurs interactions spatiales avec les cellules infectées par le Covid-19 avec beaucoup de détails.

Les chercheurs ont montré qu'une réponse inflammatoire sévère peut se développer, impliquant différentes cellules immunitaires autour du système vasculaire et dans le tissu cérébral.

Selon Henrike Salié, coauteur de cette étude, "Même s'il y avait déjà des preuves d'une implication du système nerveux central dans la Covid-19, l'étendue de l'inflammation dans le cerveau nous a surpris", en particulier les nombreux nodules microgliaux détectés qu'on ne trouve généralement pas dans un cerveau sain. 

Selon Marco Prinz, coauteur de cette étude et qui reçut le prix Leibniz en 2020 pour ses recherches, "Jusqu'à présent, le schéma inflammatoire de la Covid-19 était mal compris. Même par rapport à d'autres maladies inflammatoires du cerveau, les réponses inflammatoires déclenchées par le Covid-19 sont uniques et indiquent une grave perturbation de la réponse immunitaire du cerveau. En particulier, la défense essentielle assurée par les cellules microgliales sont fortement activées, et nous avons également observé la migration des cellules T tueuses et le développement d'une neuroinflammation prononcée dans le tronc cérébral".

Comme expliqué plus haut, les changements immunitaires sont particulièrement détectables à proximité des petits vaisseaux cérébraux. Selon Bengsch, " Dans ces zones, le récepteur cellulaire ACE2 est exprimé et le virus y était également directement détectable. Il semble plausible que le système immunitaire y reconnait les cellules infectées et que l'inflammation se propage ensuite au tissu nerveux, provoquant des symptômes. Il est possible qu'un traitement immunomodulateur ou immunosuppresseur précoce réduise l'inflammation".

Robert Thimme, coauteur de cette étude confirme que si "une forte réponse immunitaire est nécessaire pour se remettre d'une infection à coronavirus, une réponse immunitaire mal dirigée peut apparemment causer de graves dommages".

Contamination des astrocytes

Le Covid-19 peut également s'infiltrer dans les astrocytes, également appelés cellules gliales, des cellules en forme d'étoiles du système nerveux central et aussi nombreuses que les neurones.

Selon une étude publiée sur "medRxiv" (non validée) le 7 février 2021 par l'équipe de Daniel Martins-de-Souza de l'Université de Sao Paulo, au Brésil, le virus peut infecter les astrocytes et provoquer la mort des neurones.

La relation étroite entre neurone et astrocyte (cellule gliale). Document Freepng.

Les chercheurs ont effecté des tests sur base de données provenant de trois sources différentes : des cellules de culture, des tissus cérébraux de patients décédés de la Covid-19 et des scintigraphies cérébrales de patients vivants convalescents ayant eu une forme bénigne de la maladie.

L'étude porta sur 81 patients Covid présentant des formes légères de la maladie (symptomatiques mais sans nécessité d'hospitalisation ou prise d'oxygène) et 145 volontaires sains, sans antécédent de Covid-19. Tous ont subi des examens IRM de leur cerveau et les résultats furent ensuite comparés. Les chercheurs ont découvert que certaines régions du cortex présentaient des différences d'épaisseur significatives entre les deux groupes.

Selon Clarissa Lin Yasuda, coauteure de cet étude, "chez les patients Covid, les régions du cortex situées juste au-dessus du nez étaient sensiblement plus minces, suggérant que le nez et les nerfs sensoriels associés pourraient être une voie d'accès privilégiée du virus vers le cerveau".

Selon Yasuda, les examens IRM ont été effectués en moyenne 54 jours après le diagnostic de Covid-19, mais "en deux mois, je ne m'attendrais pas à de tels changements" par rapport au cerveau de personnes saines. "Habituellement, seules les attaques virales persistantes à long terme provoquent des changements d'épaisseur du cortex". On sait par exemple que le stress chronique, l'abus de drogues et de médicaments ainsi que les infections comme le SIDA ont été associés à des changements d'épaisseur corticale.

Les chercheurs ont accompagné leur article d'images IRM 3T de dernière génération ("3T" pour 3 Tesla, l'unité de densité du champ magnétique) et de graphiques de l'épaisseur des circonvolutions ou gyri des patients Covid comme on le voit ci-dessous.

L'image IRM 3T présentée ci-dessous à gauche montre les zones des circonvolutions cérébrales (gyri) où l'épaisseur corticale a été modifiée. En jaune figurent les zones qui se sont amincies : dans le gyrus lingual gauche, le sulcus calcarine (et cuneus) et le sulcus olfactif (et le rectus gyrus). En bleu figurent les zones où l'épaisseur corticale augmenta : dans le sulcus central (gyrus précentral et postcentral) et le gyrus occipital supérieur.

A droite, sont représentées en A) les corrélations entre les scores d'anxiété (BAI) en fonction de l'épaisseur du gyrus orbitaire droit et en B) la corrélation entre les scores de performance (TRAIL B) et l'épaisseur du gyrus droit. On constate que lorsque le gyrus s'amincit, le niveau d'anxiété augmente et les performances diminuent.

A gauche, morphométrie de surface par IRM 3T à haute résolution du cortex de patients Covid. A droite, corrélations entre les scores d'anxiété (A) et de performance (B) et l'épaisseur du gyrus. Les données illustrent le coefficient de corrélation de Pearson. Voir le texte pour les explications. Documents D.Martins-de-Souza et al. (2021).

Ceci dit, il est difficile de comparer les effets d'une maladie bénigne à ceux d'une malade grave. En effet, les changements cérébraux observés dans une infection bénigne peuvent être dus à des mécanismes différents de ceux observés dans les tissus de personnes décédées de la Covid-19.

Pour mieux comprendre à quelle fréquence et dans quelle mesure le Covid-19 envahit le cerveau, les chercheurs ont collecté des échantillons de cerveau de 26 patients décédés de la Covid-19 et découvert que 5 d'entre eux présentaient des lésions cérébrales. Les dommages comprenaient des plaques de tissu cérébral mort et des marqueurs d'inflammation. L'équipe a également détecté du matériel génétique du Covid-19 et la protéine S dans les cinq cerveaux des patients décédés. Ces découvertes indiquent que leurs cellules cérébrales ont été directement infectées par le virus.

Ceci dit, le virus n'envahit probablement pas chaque fois le cerveau. Toutefois, même chez les malades qui ne présentent pas une infection cérébrale directe, les réponses immunitaires comme l'inflammation peuvent parfois endommager le cerveau et amincir le cortex.

Selon Martins-de-Souza, une analyse détaillée montra que la majorité des cellules infectées étaient des astrocytes, suivis des neurones. Les astrocytes n'ayant pas de récepteur ACE2, la contamination cellulaire se fait via le récepteur NRP1. En effet, lorsque les chercheurs bloquaient NRP1, des expériences in vitro ont montré que le virus ne peut plus contaminer les astrocytes (cf. M.Glatzel et al., 2020), ce que l'étude de l'équipe de Martins-de-Souza a également confirmé.

Illustration d'un astrocyte connecté à un vaisseau sanguin où il va puiser le glucose qu'il transformera en lactate qui servira de source d'énergie aux neurones. Document Getty Images.

 Les astrocytes contaminés par le Covid-19 ont cessé de produire de l'énergie pour les neurones et ont sécrété une substance "non identifiée" qui empoisonna les neurones alentour. Cela suggère que lorsque le Covid-19 atteint le cerveau, les astrocytes peuvent être plus sensibles aux infections que les neurones.

Rappelons que si les astrocytes ne jouent plus leur rôle, ils peuvent être à l'origine de symptômes neurologiques et notamment de la maladie de Huntington.

Selon les auteurs, bien qu'il s'agisse de données préliminaires d'expériences in vitro, si les astrocytes contaminés font de même dans le cerveau des patients, cela pourrait expliquer certains des changements structurels observés ainsi que certains des "brouillards cérébraux" et des problèmes psychiatriques qui semblent accompagner certains cas de Covid-19.

Cependant, cette étude ne peut pas démontrer si l'infection directe ou l'inflammation conduisit à ces changements; elle montre seulement qu'il existe une corrélation entre le Covid-19 et l'épaisseur du cortex.

Pour l'avenir, Martins-de-Souza et ses collègues vont étudier comment le métabolisme du glucose évolue dans les astrocytes contaminés et si le virus détourne d'une manière ou d'une autre cette énergie pour alimenter sa propre réplication. Ils vont également étudier la substance non identifiée provoquant la mort des neurones. L'équipe effectuera également un suivi des patients ayant fait l'objet de l'étude, en collectant davantage d'IRM pour vérifier comment évolue l'épaisseur du cortex cérébral au fil du temps.

Selon Martins-de-Souza, le message à retenir est que le Covid-19 pourrait bel et bien se retrouver dans le cerveau : "Il n'y arrive pas à chaque fois, mais il peut y arriver", confirmant les études précitées.

Malgré ces résultats, il n'est pas établi que le Covid-19 affecte le cerveau des patients différemment des autres virus. En effet la plupart des symptômes évoqués (fatigue, maux de tête, engourdissements, étourdissements) sont communs à d'autres infections virales.

En résumé, il est impossible de savoir avec certitude comment le Covid-19 affecte une personne donnée. Des symptômes comme la dépression et l'anxiété ont été en hausse pendant la pandémie. Mais cette augmentation pourrait aussi être plus marquée chez les personnes qui ont subi des diagnostics stressants, des maladies et un confinement.

Rappelons que d'autres chercheurs ont mis au point un cocktail de médicaments permettant de transformer des astrocytes foetaux humains en nouveaux neurones qui développent des structures complexes après quatre mois (cf. G.Chen et al., 2019). Ce remède est toujours en phase de test.

Trouble cognitif et démence

Images IRM du cerveau avec le rythme cardiaque en incrustation. Voir l'animation sur Shutterstock.

Selon une étude publiée dans la revue "NEJM" en 2013, de manière générale le simple fait d'être dans une unité de soins intensifs peut développer une démence (ou délire). Ce trouble concerna 606 adultes (âge et sexe non précisés) sur 821 soit 74% d'entre eux traités aux États-Unis pour insuffisance respiratoire et d'autres urgences graves.

Sur les 821 patients, 6% présentaient également un trouble cognitif au début de leur prise en charge. Après 3 mois, 40% des patients avaient des résultats cognitifs globaux inférieurs aux moyennes de la population (similaires aux résultats des patients atteints d'un traumatisme crânien modéré) et 26% avaient des résultats bien inférieurs aux moyennes de la population (similaires aux résultats des patients atteints d'une forme légère de la maladie d'Alzheimer). Un an plus tard, des déficiences persistantes sont encore apparues chez 34% des patients les plus âgés et 24% des plus jeunes, avec les mêmes résultats cognitifs qu'à 3 mois.

Plus récemment, dans une étude publiée dans la revue "BMC" le 8 août 2020, des chercheurs avaient constaté que 84% parmi 140 patients Covid d'un âge moyen de 62 ans admis aux soins intensifs développaient une démence. Les chercheurs avaient conclu que la "démence et les symptômes neurologiques pouvaient être des effets secondaires d'une réaction inflammatoire systémique liée au Covid-19".

En conclusion, les patients en unités de soins intensifs médicales et chirurgicales présentent un risque élevé de troubles cognitifs à long terme.

Quels sont les effets de la démence ? Selon une étude américaine de l'Université Case Western publiée dans revue "Alzeheimer's & Dementia" le 9 février 2021, les personnes atteintes de démence risquent 2 fois plus d'attraper le Covid-19 et 4 fois plus de mourir de la maladie.

Les chercheurs ont analysé 62 millions de dossiers de santé électroniques de personnes âgées de plus de 18 ans résidant aux États-Unis. Parmi les dossiers examinés entre le 1er février et le 21 août 2020, les chercheurs ont trouvé 15770 cas de Covid-19. Parmi ceux-ci, 810 avaient également la maladie d'Alzheimer ou une autre forme de démence. La démence à elle seule a doublé le risque d'attraper le Covid-19 et la combinaison de la démence et d'autres facteurs comme résider dans une maison de retraite médicalisée où on trouve régulièrement des foyers de contamination a triplé le risque !

Les spécialistes soupçonnaient que le taux de létalité lié au Covid-19 serait plus élevé chez les personnes atteintes de maladie cognitive. Ce qui c'est confirmé. Les chiffres montrent que les personnes atteintes de démence étaient 2.6 fois plus souvent hospitalisées pour le Covid-19 et 4.4 fois plus susceptibles d'en mourir que les autres patients.

De plus, les patients afro-américains atteints de démence avaient deux fois plus de probabilité de contracter le Covid-19 que les personnes blanches souffrant de perte de mémoire. Toutefois, la différence entre les taux de létalité des patients noirs et des blancs n'était pas statistiquement significative, les chercheurs soupçonnant que cela peut être dû à la petite taille de l'échantillon.

Les personnes atteintes de démence sont confrontées à une multitude de facteurs de risque simples mais profonds : elles risquent plus que les autres personnes de mal porter le masque de protection ou vivent généralement dans des maisons de retraite médicalisées où le Covid-19 est plus souvent détecté que dans les autres établissements et elles dépendent fortement du personnel soignant et des aidants.

Les scientifiques craignent que les patients atteints de la maladie d'Alzheimer et de démence apparentée (MADA, ou ADRD en anglais) soient particulièrement exposés au virus et risque de mourir s'ils attrapent le Covid-19 car leur perte de mémoire combinée à l'infection virale risque de déclencher une inflammation fatale. Nous verrons à propos du taux de létalité (page 5), que ce fut malheureusement ce qu'on a observé chez les plus de 65 ans atteint de MADA (cf. L.Gilstrap et al., 2022).

Aux Etats-Unis, bien qu'ils représentent 1% de la population américaine, les résidents des maisons de retraite médicalisées ou des foyers de soins comptent pour 36% des décès liés au Covid-19. Les chercheurs soulignent donc la nécessité de protéger ces patients en les vaccinant en priorité, une stratégie qui fut également adoptée en Europe.

Troubles neurologiques et psychiatriques

Dans une nouvelle étude publiée dans "The Lancet Psychiatry" le 17 août 2022, des chercheurs de l'Université d'Oxford et de l'Institut National de Recherche sur la Santé et les Soins (NIHR) ont analysé les diagnostics neurologiques et psychiatriques de plus de 1.25 million de patients Covid-19 enregistrés dans la base du réseau TriNetX américain.

Les chercheurs ont identifié 14 diagnostics neurologiques et psychiatriques sur une période de 2 ans et ont comparé leur fréquence avec un groupe de convalescents se remettant d'autres infections respiratoires. Ils ont également rapporté séparément les données chez les enfants et les personnes âgées et ont comparé les données de trois vagues épidémiques liées à trois variants du SARS-CoV-2. Ce sont les premières données détaillées abordant ces questions importantes.

A gauche, incidence cumulée des diagnostics neurologiques et psychiatriques 2 ans après le Covid-19 vs. une autre infection respiratoire, dans différents groupes d'âge, par statut de mortalité à 2 ans (ou date de censure), dans les cohortes appariées. A droite, risque de conséquences neurologiques et psychiatriques après vs. avant l'émergence de différentes variants du SARS-CoV-2 aux États-Unis. Documents P.J. Harrison et al. (2022).

Les chercheurs confirment les études précédentes sur le Covid long. Notamment, le risque accru d'anxiété et de dépression disparaît dans les deux mois suivant la rémission de la Covid-19. Le risque n'est pas plus susceptible de se produire qu'après d'autres infections respiratoires.

En revanche, les diagnostics de nombreux troubles neurologiques (tels que la démence et les convulsions) ainsi que les troubles psychotiques et le "brouillard cérébral" continuent d'être observé après la Covid-19, et tout au long des deux années analysées.

Les résultats chez les enfants de moins de 18 ans ont montré des similitudes et des différences avec les adultes. La probabilité de Covid-long était plus faible que chez les adultes, et ils n'étaient pas plus à risque d'anxiété ou de dépression que les enfants qui présentaient d'autres infections respiratoires. Cependant, comme les adultes, les enfants qui se remettent de la Covid-19 étaient plus susceptibles d'être diagnostiqués avec certaines conditions, notamment des convulsions et des troubles psychotiques.

A propos de l'effet des variants du SARS-CoV-2 sur les Covid-longs, un plus grand nombre de troubles neurologiques et psychiatriques ont été observés pendant la vague du variant Delta qu'avec le variante Alpha précédent. La vague Omicron est associée à des risques neurologiques et psychiatriques similaires à ceux du Delta.

L'étude comporte plusieurs limites. On ne sait pas à quel point ces troubles sont graves ou durables. On ne sait pas non plus quand ils ont commencé, car les problèmes peuvent être présents pendant un certain temps avant qu'un diagnostic ne soit posé. Les cas non enregistrés de Covid-19 et les vaccinations non enregistrées introduisent aussi une certaine incertitude dans les résultats.

Analyse du fluide cérébrospinal

Les neurologues Avindra Nath précité du NIH et Serena Spudich de l'Ecole de Médecine de Yale ont publié début 2022 dans la revue "Science" un bilan de nos connaissances des impacts de la Covid-19 sur le système nerveux. Voici en résumé ce qu'il faut en retenir.

Comme l'analyse ou bilan sanguin permet de suivre l'évolution de la formule sanguine, d'y déceler d'éventuelles pathologies et de proposer un traitement, l'analyse du liquide céphalo-rachidien (LCR) dans lequel baigne le cerveau et la moelle épinière et qui assure un rôle de protection à la fois mécanique et biologique est précieuse pour suivre l'évolution d'une maladie neurologique.

Chez les patients Covid atteints de troubles neuropsychiatriques, l'analyse du LCR a presque toujours échoué à détecter l'ARN viral lors des tests RT-PCR. En revanche, les preuves provenant du LCR et du tissu cérébral suggèrent que l'activation immunitaire et l'inflammation dans le système nerveux central sont le principal moteur des formes neurologiques aiguës de la Covid-19. En effet, les études histopathologiques des tissus cérébraux de patients décédés de la Covid-19 aiguë ne révèlent qu'une détection limitée de l'acide nucléique ou de la protéine S du SARS-CoV-2 dans le cerveau (cf. J.Matschke et al., 2020; M.H. Lee et al., 2021)), ce qui correspond aux résultats observés dans le LCR de patients vivants.

Résumé des potentiels effets neuropathogéniques du SARS-CoV-2. Document V.Altounian/Science (2022) adapté par l'auteur.

Mais comme souvent en médecine, il faut être prudent avant de conclure. L'examen direct des tissus cérébraux d'autopsie montre que les patients décédés d'une Covid-19 aiguë avaient une maladie grave qui peut ne pas être représentative de la majorité des patients Covid.

Dans beaucoup de cas on avait observé des troubles systémiques ou métaboliques avant le décès qui peuvent contribuer à la pathologie de manière non spécifique (cf. les facteurs de risque). Cependant, dans les rares cas où elles sont détectées, les cellules infectées du cerveau manquent de grappes de cellules inflammatoires, ce qui suggère que la présence du SARS-CoV-2 dans le SNC n'est pas à l'origine de l'encéphalite virale classique.

Dans les formes aiguës de la Covid-19, l'examen d'échantillons de LCR de patients vivants révèle une neuroinflammation (voir plus haut) et des réponses neuro-immunitaires aberrantes. Le LCR montre une activation ou régulation positive de l'expression des gènes régulés par l'interféron dans les cellules dendritiques, ainsi que des lymphocytes T activés et des lymphocytes NK (les cellules tueuses naturelles). Cela s'accompagne d'une augmentation des sécrétion d'interleukine-1 (IL-1) et IL-12, qui n'est pas observée dans le plasma sanguin (cf. E.Song et al., 2021).

De plus, l'expansion par clonage spécifique au LCR des lymphocytes T et des anticorps qui reconnaissent les épitopes de la protéine S du SARS-CoV-2 qui réagissent de manière croisée avec les antigènes neuronaux suggère une compartimentation de la réponse immunitaire (cf. E.Song et al., 2021; C.Franke et al., 2021), bien que la possibilité d'une infection persistante par une réplication virale restreinte ne peut être totalement exclue. Au cours de cette phase aiguë, d'autres marqueurs d'activation des monocytes et de lésions neuronales peuvent également être détectés dans le LCR (cf. E.Edén et al., 2021). Dans la phase subaiguë suivante, les patients présentant des manifestations sévères accusent une diminution des réponses à l'interféron et des marqueurs d'épuisement des lymphocytes T dans le LCR (cf. M.Heming et al., 2021).

Les études d'autopsie de patients Covid aigus montrent une infiltration de macrophages, de lymphocytes T CD8+ dans les régions périvasculaires et une activation microgliale généralisée dans tout le cerveau (cf. J.Matschke et al., 2020). L'analyse unicellulaire du tissu cérébral a également confirmé l'infiltration des lymphocytes T CD8+ et l'activation microgliale sans trace détectable de l'ARN du SARS-CoV-2 dans les cellules du parenchyme cérébral, c'est-à-dire les tissus ayant une activité fonctionnelle (cf. J.F. Fullard et al., 2021).

Les chercheurs se sont demandés si le dysfonctionnement vasculaire généralisé pouvait contribuer aux complications neurologiques liées à la Covid-19. On sait que la forme aiguë de la Covid-19 est associée à un risque accru d'AVC par rapport à une grippe de gravité similaire, même après correction des facteurs de risque d'AVC (cf. A.E. Merkler et al., 2020).

Les évènements cérébrovasculaires manifestes au cours de la Covid-19 aiguë surviennent souvent chez les personnes vulnérables aux maladies vasculaires (telles que l'âge avancé et les maladies cardiaques). Des augmentations des marqueurs sanguins de l'inflammation vasculaire ainsi que de la thrombose et de l'infarctus dans d'autres tissus peuvent également être observées chez les patients atteints de Covid-19 et d'AVC, ce qui suggère que l'inflammation endothéliale et la coagulopathie contribuent à ces évènements (cf. L.S. McAlpine et al., 2021). En effet, un dysfonctionnement vasculaire à l'échelle du système peut caractériser la Covid-19 aiguë sévère et provoquer une défaillance du système organique avec une inflammation systémique chez les personnes les plus gravement malades (cf. L.-A. Teuwen et al., 2020) y compris chez les enfants (cf. M.M. Kim et al., 2021).

Il est probable que des formes subtiles de dysfonctionnement vasculaire généralisé, y compris une microangiopathie thrombotique (des caillots sanguins microscopiques) dans le cerveau, puissent entraîner des symptômes neurologiques même en l'absence d'AVC cliniquement apparent. De plus, l'imagerie par IRM à haut champ (7T et plus) des tissus cérébraux démontre que les dommages microvasculaires dans les structures sont vraisemblablement liés aux manifestations neurologiques du SARS-CoV-2. Ils sont compatibles avec l'activation endothéliale et les lésions vasculaires généralisées observées dans d'autres organes (cf. M.H. Lee et al., 2021).

Impacts des troubles bénins sur le cerveau

A priori on a tendance à croire qu'une personne présentant des symptômes bénins de la Covid-19 ne risque pas grand chose. Erreur. Dans une étude publiée dans la revue "Brain" le 8 juillet 2020, Michael S. Zandi de l'University College de Londres (UCL) et ses collègues ont montré que les formes bénignes de la Covid-19 peuvent avoir des impacts importants, mais heureusement temporaires, sur le cerveau.

Les chercheurs ont étudié 43 patients Covid et constaté qu'il y avait 10 cas de dysfonctionnement cérébral temporaire, 12 cas d'inflammation cérébrale, 8 cas d'accidents vasculaires cérébraux (AVC) et 8 cas de lésions nerveuses.

Image IRM du cerveau. Document NIH.

La plupart de ces patients atteints d'inflammation présentaient une encéphalomyélite aiguë disséminée (ADEM, également appelée encéphalite post-infectieuse), une maladie rare généralement observée chez les enfants après des infections virales.

Aucun des patients présentant des troubles neurologiques n'avait de Covid-19 dans le liquide céphalorachidien, ce qui suggère que le virus n'a pas infecté directement leur cerveau. Soulignons que si l'infection avait été associée à une inflammation ou à des lésions des terminaisons nerveuses elles-mêmes, les patients Covid peuvent développer des brûlures et des engourdissements, ainsi qu'une faiblesse et une paralysie. Souvent, il est difficile de savoir si ce sont les effets d'une maladie grave sur les nerfs eux-mêmes ou s'il y a une atteinte du cerveau et de la colonne vertébrale.

Tous ces effets sur le cerveau et le système nerveux peuvent causer des dommages à long terme et peuvent se cumuler chez un individu. Mais les chercheurs doivent en savoir plus sur ce qui se passe dans le système nerveux des patients avant de pouvoir prédire avec précision les effets à long terme.

Une façon d'en savoir plus est de jeter un œil à l'intérieur de la tête des patients à l’aide de techniques de neuroimagerie, comme l'IRM.

Dans une étude publiée dans la revue "Radiology" en juin 2020, les modèles trouvés comprenaient des signes d'inflammation et une pluie de petites taches de saignement, souvent dans les parties les plus profondes du cerveau. Certains de ces résultats sont similaires à ceux observés chez les plongeurs ou dans le mal de l'altitude. Comme expliqué précédemment, un grave manque d'oxygène du cerveau peut donc expliquer l'état de gravité de certains patients Covid.

Notons que ces inflammations peuvent affecter la mémoire mais ce trouble provoqué par un dysfonctionnement du système immunitaire n'est pas spécifique au Covid-19 (cf. Tchessalova et Tronson, 2020 et 2019).

Selon Zandi, "Des complications du Covid-19 touchant le cerveau, certaines potentiellement mortelles, comme un accident vasculaire cérébral, un délire, des hallucinations ou des lésions nerveuses, pourraient être plus courantes qu’on ne le pensait initialement. Et ce sans corrélation avec la gravité des symptômes respiratoires".

Impacts sur la matière grise

Selon une étude publiée dans la revue "Nature" le 7 mars 2022 par Gwenaëlle Douaud du Centre FMRIB et du Centre Wellcome pour la neuroimagerie intégrative (WIN) de l'Université d'Oxford et ses collègues, le SARS-CoV-2 peut réduire la matière grise du cerveau, principalement dans les zones impliquées dans le traitement de la perception olfactive et de la mémoire. Ces changements distincts dans la structure cérébrale surviennent à la fois chez les personnes présentant des symptômes graves mais aussi bénins. Selon les chercheurs, la perte et les dommages tissulaires observés chez ces participants étaient "au-delà" des changements structurels du cerveau qui se produisent normalement avec l'âge comme le montrent les deux graphiques présentés ci-dessous.

L'étude portait sur 785 adultes âgées de 51 à 81 ans. Tous avaient passé des IRM cérébrales avant la pandémie, dans le cadre d'un projet de recherche appelé UK Biobank, un référentiel de données d'imagerie cérébrale de plus de 45000 résidents britanniques. L'intérêt de la biobanque britannique est qu'elle dispose d'une imagerie pré et post-infection, ce qui signifie qu'elle dispose d'instantanés "avant" et "après" du cerveau des participants. Dans le groupe de participants, 401 personnes ont contracté la Covid-19 entre mars 2020 et avril 2021. Parmi celles-ci, 15 adultes soit environ 4% présentaient une forme grave et furent hospitalisés, les 96% présentant des symptômes bénins.

Les 384 participants du groupe de contrôle n'avaient pas contracté la Covid-19 mais correspondaient étroitement aux participants contaminés en termes d'âge, de sexe et de facteurs de risque de Covid-19, comme s'ils fumaient ou souffraient de diabète, par exemple. Tous les participants ont subi une deuxième IRM cérébrale en moyenne 4.5 mois après le début de leur maladie afin que les chercheurs puissent déterminer comment et dans quelques zones leur cerveau différait de leurs analyses initiales faites environ trois ans auparavant.

A gauche, deux exemples parmi les plus significatifs de changements internes montrant des différences longitudinales entre les groupes de contrôle et les patients Covid. Tous les patients Covid montrent soit une réduction plus importante du volume total soit de l'épaisseur locale du cerveau. Les changements sont exprimés en pourcentage par rapport à l'âge, sur base de 785 analyses. L'augmentation contre-intuitive de l'épaisseur du cortex cingulaire antérieur rostral chez le groupe de contrôle plus âgé a régulièrement été rapporté dans des études sur le vieillissement. A droite, coupe sagittale médiane du cerveau montrant le cortex cingulaire antérieur (en jaune). Documents G.Douad et al. (2022) et C.Roger (2009).

Comparé au groupe de contrôle, le groupe Covid a montré une plus grande perte de tissu dans des régions spécifiques du cortex cérébral - la surface externe du cerveau - liées à l'odorat. Une région, appelée le cortex orbitofrontal, qui se trouve juste au-dessus des orbites, reçoit des signaux des zones cérébrales impliquées dans la sensation, l'émotion et la mémoire et joue un rôle important dans la prise de décision. L'autre, connue sous le nom de gyrus parahippocampique, entoure l'hippocampe, situé au milieu du cerveau qui est impliquée dans la mémorisation de nouveaux souvenirs.

Rappelons que les aires cérébrales impliquées dans la perception olfactive sont assez vastes : elles concernent le cortex piriforme, le gyrus entorhinal et parahippocampique, l'amygdale, l'hippocampe, le cortex orbitofrontal, le gyrus cingulaire et le cervelet (cf. ce schéma et B.Cerf-Ducastel et C.Murphy, 2001).

En moyenne, le groupe Covid a montré une plus grande perte de tissus dans ces zones mais également une plus grande réduction de la taille globale du cerveau. En moyenne, le groupe Covid montra une perte et des dommages tissulaires supérieurs de 0.2 à 2% sur une période d'environ trois ans, par rapport au groupe de contrôle. Pour mettre cela en contexte, les estimations suggèrent que les adultes vieillissants perdent environ 0.2 à 0.3% de leur matière grise chaque année dans les régions liées à la mémoire (cf. M.A. Fraser et al., 2021); les patients Covid accusaient donc une perte supplémentaire par rapport à la normale. Les chercheurs ont également découvert des lésions tissulaires dans les zones cérébrales connectées au cortex olfactif primaire, une structure bulbeuse qui reçoit des informations sensorielles des neurones spécialisés dans la détection des odeurs du nez (cf. ce schéma et ce schéma).

IRM du cerveau. Document SWDIC/Getty Images.

Selon les chercheurs, la perte d'odorat ou anosmie (voir page 1) pourrait expliquer les changements dans les aires cérébrales liées à l'olfaction. Alternativement, il est possible que le coronavirus infecte directement le cerveau (mais cela semble rare) ou que le virus déclenche une réponse immunitaire inflammatoire qui endommage indirectement le cerveau. Mais lors de cette étude, ils ne savaient pas si les participants avaient perdu l'odorat. Ils ne pouvaient donc pas rechercher de corrélations entre ces symptômes et les changements cérébraux.

Une étude publiée dans la revue "Cell" le 1 février 2022, soutient cette idée. Les chercheurs suggèrent que le SARS-CoV-2 n'infecte pas directement les neurones olfactifs du nez, qui pourraient théoriquement servir d'autoroute vers le cerveau. Au lieu de cela, le virus infecte les cellules qui se trouvent près des neurones olfactifs, intégrés dans la muqueuse de la cavité nasale. Cette infection déclenche alors une inflammation qui perturbe la fonction des neurones olfactifs voisins, les obligeant par exemple à produire moins de récepteurs olfactifs. La conséquence directe est une perte d'odorat.

Les chercheurs ont également examiné les performances des participants à certains tests cognitifs standards. Le groupe Covid a montré en général une baisse plus importante que le groupe de contrôle. La différence était la plus marquée chez les adultes les plus âgés : les personnes dans la soixantaine qui avaient eu la Covid-19 présentaient des symptômes qui se sont aggravés de 30% en moyenne contre 5% dans le groupe de contrôle.

Les chercheurs ont prouvé que le déclin des performances était corrélé au rétrécissement d'une structure cérébrale impliquée dans la réflexion et d'autres capacités mentales.

Quelle que soit la cause du rétrécissement du cerveau observé, il est possible que le mécanisme diffère légèrement entre les variants du SARS-CoV-2. L'étude n'a inclus que des personnes infectées par la souche originale de Wuhan ou par le variant Alpha. Les auteurs confirment que de futures études pourraient se concentrer sur la façon dont des variants plus récents, tels que Delta et Omicron, affectent le cerveau. D'autres études pourraient se concentrer sur la question de savoir si ces découvertes s'étendent aux personnes atteintes de Covid long, dont beaucoup signalent des problèmes de mémoire et un "brouillard cérébral".

De plus, étant donné qu'il existe à présent des vaccins contre le Covid-19 et que des études suggèrent que la vaccination réduit le risque de développer un Covid long, on ignore encore comment la vaccination pourrait influencer les changements cérébraux. De nouvelles études devraient le vérifier.

Selon Douaud, il est possible que les changements cérébraux associés au Covid-19 se résolvent avec le temps : "La meilleure façon de le savoir serait de scanner à nouveau ces participants dans un ou deux ans".

Au-delà du Royaume-Uni, de nombreux autres groupes de recherche s'attaquent à ces questions. Jessica Frontera par exemple de la NUY et ses collègues ont lancé en 2021 une étude pour évaluer les marqueurs de la maladie neurodégénérative, à savoir la maladie d'Alzheimer (les patients perdent ~5% de matière grise chaque année), chez les convalescents de la Covid-19; les participants subiront également des IRM et des évaluations cognitives.

Prévalence des atteintes neurologiques

Combien de patients Covid souffrent d'atteintes neurologiques ? Jusqu'à l'automne 2020 les cliniciens ignoraient la fréquence des effets neurologiques du Covid-19. Une étude a donc été réalisée par l'équipe du neurologue Tom Solomon de l'Université de Liverpool dont les résultats furent publiés dans la revue "The Lancet" le 1 septembre 2020.

Les chercheurs ont utilisé les données d'autres coronavirus comme le SARS et le MERS. Les symptômes affectant le système nerveux central affectent respectivement 0.04% et 0.2% des patients SARS et MERS. Sur base de 36 millions de cas confirmés de Covid-19 dans le monde (6/10/2020), on en déduit qu'entre 15000 et 70000 personnes auraient des complications neurologiques.

Le neurologue Arvind Chandratheva identifiant des lésions cérébrales sur un scanner. Document BBC.

Contrairement à ce qu'estimaient certains chercheurs, ces infections ne sont pas "relativement rares", au contraire ! Selon une étude publiée dans les "Annals of Clinical and Translational Neurology" le 5 octobre 2020 par Igor J. Koralnik de l'Université Northwestern de Chicago et ses collègues, les chercheurs ont déclaré que près d'un tiers des patients Covid hospitalisés et souvent des adultes développent des symptômes encéphalopathiques (une inflammation du cerveau). Ceux-ci peuvent aller de l'altération de la conscience à la démence jusqu'aux convulsions chez certains patients. Les causes sont cependant plus difficiles à identifier car l'origine est souvent complexe.

Les patients dont l'état mental est altéré sont hospitalisés trois fois plus longtemps et après leur sortie de l'hôpital, les deux tiers sont incapables de gérer les activités quotidiennes. On reviendra sur les séquelles de la Covid-19.

Selon une étude publiée dans "The Lancet" le 1 mai 2021 par l'équipe de Paul J. Harrison de l'Université d'Oxford, en Angleterre, 6 mois après leur contamination, entre 33 et 62% des patients Covid présentaient des symptômes psychiatriques ou neurologiques, avec un total de 14 troubles diagnostiqués. C'est un pourcentage élevé qui fait craindre le pire. 

Selon Maxime Taquet de l'Université d'Oxford, en Angleterre, et coauteur de cette étude, "Nous ne nous attendions pas à ce que ce chiffre soit aussi élevé. Une personne sur trois peut sembler effrayant". Mais il faut approfondir la question car il n'est pas prouvé que tous les troubles sont directement liés au Covid-19.

Cette étude a également montré que 1 patient Covid sur 50 soit 2% font un AVC et parmi les malades victimes de démence ou d'autres troubles mentaux, l'incidence de l'AVC atteint 1 patient sur 11.

Toutefois, les résultats de cette étude doivent être nuancés. Certaines données proviennent d'un réexamen des diagnostics souvent dressés par des cliniciens pressés. Celles-ci ne sont pas toujours fiables. Si l'étude trouve une relation, elle ne peut pas toujours prouver le lien avec le Covid-19. Malgré cela, les résultats suggèrent que le Covid-19 affecte le cerveau. Notons qu'une étude antérieure avait indiqué qu'entre 1 et 5% des patients Covid hospitalisés développaient un AVC (cf. A.Nath et B.Smith, 2021).

Mais sachant que les études cliniques se concentrent généralement sur les patients Covid hospitalisés, et souvent en soins intensifs, la prévalence des symptômes neurologiques dans ce groupe pourraient dépasser 50% ! En revanche, nous n'avons aucune donnée pour les patients présentant des symptômes légers ou asymptomatiques. Il est donc difficile de connaître les causes de ces symptômes neurologiques.

A gauche, images IRM 3D du cerveau de patients Covid présentant des changements cérébraux micro-structurels susceptibles d'être le résultat de neuroinvasion du SARS-CoV-2. La cartographie met en évidence les régions présentant des différences statistiquement significatives dans les volumes et les indices de diffusion par rapport au groupe témoin. Les régions de valeurs moyennes relativement plus élevées sont en rouge, celles de valeurs relativement plus faibles en bleu. GMV=volume de matière grise; MD GM= diffusivité moyenne de la matière grise; MD WM=diffusivité moyenne de la matière blanche; AD WM=diffusivité axiale de la matière blanche. A droite, de haut en bas, images 18FDG-PET/CT (couleur) et IRM (N/B) de perfusion et séquence FLAIR du cerveau de 3 hommes de 64 (A-C), 49 (D-F) et 56 ans (G-I) atteints de Covid aigüe et présentant une hyperactivation. Hyperperfusion de leurs colliculi ou tubercules quadrijumeaux (B, C, E, G), séquence de perfusion hyperperfusée (F), hyperintensités diffuses (hd) de la substance blanche (H) ou de multiples microhémorragies du corps calleux (I). En revanche, les séquences FLAIR (A, D) montrent leurs limites et ne révèlent pas d'hyperintensité ou d'anomalie. Documents B.Yin et al. (2020) et A.Chammas et al. (2021) adapté par l'auteur.

Ce manque d'informations pose un souci aux médecins. En effet, pour soigner un patient Covid souffrant de troubles neurologiques il faut savoir pourquoi le cerveau est affecté. Si les processus d'infections sont cohérents, les mécanismes sous-jacents le sont beaucoup moins. Or le traitement dépend de la réponse médicale. En effet, on ne soigne pas une infection virale du système nerveux central (avec du remdesivir par exemple) si le virus ne s'y trouve pas. Dans ce cas, il faut un traitement anti-inflammatoire. Inversement, on ne prescrit pas d'anti-inflammatoires à un patient qui a un virus dans le cerveau car ils présentent des risques parfois aussi dangereux que le virus ou des effets secondaires indésirables.

Une chose est certaine, le Covid-19 peut infecter les neurones, du moins si on se base sur les résultats des expériences faites sur des organoïdes représentatifs du cerveau (cf. K.Takayama, 2020; A. Muotri et al., 2020) ou l'autopsie de cerveaux humains et de souris contaminés. Le Covid-19 infecte les neurones, en tue certains et réduit parfois la formation de synapses (cf. A.Iwasaki et al., 2020).

Mais le virus reste difficile à localiser dans le cerveau. Les tests PCR qui normalement sont suffisamment sensibles donnent souvent des résultats négatifs. Des études ont montré qu'il n'était pas possible de détecter les particules virales dans le liquide céphalorachidien qui entoure le cerveau et la moelle épinière. Les chercheurs estiment que l'une des raisons serait que le récepteur ACE2 est peu exprimé dans les cellules du cerveau (cf. F.Al Saiegh et al., 2020).

Toutefois, même l'autopsie du cerveau de personnes décédées du Covid révèle des taux de virus faible voire quasi nuls au microscope électronique. Même chose quand le virus infecte le nerf olfactif; il n'apparait pas sur les images du bulbe olfactif (cf. M.Fowkes et al., 2020). En revanche, quand le virus pénètre dans le cerveau, les zones infectées ont tendance à se regrouper autour des vaisseaux sanguins comme expliqué en début de page.

Si le manque de virus dans le cerveau est lié au combat que mêne le système immunitaire, on ne peut pas encore généraliser cette hypothèse. En revanche, les chercheurs peuvent utiliser des biomarqueurs pour distinguer l'infection virale d'une activité immunitaire. Mais cela demande des études cliniques et des autopsies. On peut espérer avoir les premiers résultats au second semestre 2021.

La maladie de Parkinson résultant de la Covid-19 ?

Dans une étude publiée dans la revue "The Lancet" le 1 octobre 2020, le neurologue Mikhal E. Cohen du Centre Médical Sharre Zedek de Jérusalem, en Israël, et ses collègues ont suggéré que le Covid-19 serait capable de déclencher la maladie de Parkinson.

Cohen et ses collègues citent l'observation d'un seul cas. "Un homme juif ashkénaze de 45 ans a été hospitalisé à l'hôpital universitaire Samson Assuta Ashdod (Ashdod, Israël) le 17 mars 2020, en raison d'une toux sèche et de douleurs musculaires. Quelques jours avant son admission, il avait également remarqué une perte d'odorat. Ses symptômes avaient commencé le 11 mars, 2 jours après son retour en Israël d'un voyage d'une semaine aux États-Unis. Il a peut-être été exposé au virus lors du vol de retour vers Israël, car il s'est rappelé qu'un passager assis derrière lui toussait à plusieurs reprises. Ses antécédents médicaux comprenaient de l'hypertension et de l'asthme [tous deux traités]. Il a été trouvé positif pour le SARS-CoV-2 au test RT-PCR en temps réel après un prélèvement nasopharyngé le jour de l'admission. Sa formule sanguine complète et ses mesures de CRP étaient normales (CRP 1.5 mg/L)".

Image PET scan F-FDOPA d'un patient Covid traité en Israël présentant des symptômes de la maladie de Parkinson. Les deux putamènes sont affectés. Document M.E. Cohen et al. (2020).

"Lors de son hospitalisation dans le service COVID-19, le patient présentait des signes de fatigue, un essoufflement et des douleurs thoraciques sans fièvre, et fut traité pendant 3 jours [...] sans médicaments systémiques, supplément en oxygène ou ventilation mécanique. Le patient a ensuite été isolé le 20 mars dans un établissement COVID-19. Il fut testé négativement sur des prélèvements nasopharyngés effectués les 25 et 30 mars. Cependant, pendant la période d'isolement de 3 semaines, il a remarqué que son écriture avait changé et était devenue plus petite et moins lisible qu'auparavant. Il a commencé à avoir des difficultés à parler et à écrire des SMS sur son téléphone portable. Il a également eu des épisodes de tremblements dans sa main droite. Après être rentré chez lui, il a continué à présenter ces symptômes et a finalement été admis au département de neurologie [...] environ 2 mois après avoir été initialement testé positif au Covid-19".

Les analyses neurologues ont révélé des symptômes suspects : "Une tomodensitométrie cérébrale, des séquences de récupération par diffusion et inversion atténuée par les fluides à l'IRM et un EEG étaient tous normaux. Mais un PET scan au 18F-fluorodopa (18F-FDOPA) a montré une diminution de l'absorption du 18F-FDOPA (un acide aminé indicateur de l'activité fonctionnelle des terminaisons des neurones dopaminergiques dans le striatum dont la diminution peut être le signe de la maladie de Parkinson) dans les deux putamènes (une zone située dans le néostriatum, au centre du cerveau), plus apparente du côté gauche. De plus, une légère diminution de l'absorption dans le caudé gauche a également été suspectée [...]. Les tests génétiques pour les mutations dans les points chauds communs du gène LRRK2 (un gène majeur de la maladie de Parkinson) et le séquençage complet du gène des variants de GBA (un gène mutant qui intervient aussi dans la maladie de Parkinson) ont été négatifs. La recherche d'autres gènes liés à la maladie de Parkinson [...] furent également négatifs".

Les auteurs concluent : "L'association temporelle entre l'épisode d'infection par le SARS-CoV-2 et les symptômes parkinsoniens, apparus lors de l'infection aiguë, est intrigante. Avant son admission au département de neurologie, le patient avait été testé négatif pour le SARS-CoV-2 sur RT-PCR en temps réel à deux reprises; cependant, il a ensuite été trouvé positif pour les anticorps IgG anti-SARS-CoV-2 dans le sérum, mais négatif pour ces anticorps dans le LCR. Néanmoins, nous ne pouvons pas exclure la possibilité que le SARS-CoV-2 pénètre dans le système nerveux central, notamment en raison de l'atteinte olfactive et de la pléocytose limite".

Dans une autre étude publiée dans le "Journal of Pakinson's Disease" le 22 septembre 2020, Kevin J. Barnham de l'Institut Florey de Neurosciences et de Santé Mentale de Parkville, en Australie, et ses collègues ont déclaré à propos des patients Covid : "Il y a un nombre toujours croissant de rapports de symptômes neurologiques chez les patients, de sévères (encéphalite) à légères (hyposmie), suggérant un neurotropisme potentiel du SARS-CoV-2". Autrement dit, ils estiment que le Covid-19 aurait des affinités pour le système nerveux où y déclencherait des maladies spécifiques comme le Parkinson.

Les auteurs ne présentent pas de cas de Parkinson avérés liés au Covid-19 mais posent la question : "Le monde a été pris au dépourvu par la première vague de Covid-19, serons-nous prêts pour la troisième vague de séquelles neurologiques comme le parkinsonisme ?".

Un lien possible avec la SAVI

Fait intéressant pour les médecins-chercheurs prenant les patients Covid en charge, la réponse inflammatoire explosive de l'organisme ressemble à celle observée dans une autre maladie pulmonaire virale appelée SAVI (STING Associated Vasculopathy with Onset in Infancy ou Vasculopathie de l'enfant associée à STING). Les patients atteints par cette maladie génétique très rare (29 patients dans le monde en 2018, cf. FAI2R) présentent une mutation du gène STING (Stimulator of Interferon Genes ou Stimulateur des Gènes de l'Interféron) également appelé MITA ou MPYS. Lors d'une infection, cette mutation conduit à une suractivité auto-inflammatoire suite à la production excessive de cytokines comme l'IL-6 et, à l'inverse du Covid-19, à une forte production d'interférons (cf. F.Rieux-Laucat et al., 2020; F.Rieux-Laucat et al., 2014). On reviendra sur la protéine STING à propos de l'échappement des variants du Covid-19 des défenses immunitaires.

Sur la piste génétique. Document Phanie.

Selon l'immunogénéticien Frédéric Rieux-Laucat de l'Institut des Maladies Génétiques (IMAGINE), "La mutation conduit aussi à une infiltration des cellules immunitaires, dont des lymphocytes B, dans les poumons, mimant en quelque sorte une infection virale respiratoire constante. Sur le plan clinique, cette maladie se caractérise par des atteintes pulmonaires ou cutanées, telles que des engelures ou, dans les formes extrêmes, une gangrène des extrémités" (cf. Inserm). Or comme nous l'avons évoqué, selon les dermatologues certaines malades du Covid-19 peuvent présenter des pseudo-engelures, des rougeurs et d'autres symptômes cutanés.

Notons qu'à l'inverse du Covid-19 où les radiographies des poumons des patients présentent des zones claires diffuses, celles des patients SAVI présentent des opacités interstitielles (cf. Y.Liu et al., 2014).

Les chercheurs soupçonnent l'existence d'un lien entre les réponses antivirales au Covid-19 et celles au SAVI. Il pourrait même y avoir des prédispositions génétiques chez les malades atteints de formes sévères de la Covid-19. Pour en avoir la confirmation d'autres études sont nécessaires, notamment pour caractériser les cellules immunitaires impliquées dans la réponse de l'organisme. Ils pourront ensuite identifier les mécanismes à l'oeuvre et envisager des remèdes ciblant les molécules transportées par les cytokines, comme l'IFN ou l'IL-6.

Cette voie de recherche est familière des chercheurs qui ont déjà identifié une centaine de mutations modifiant la réponse immunitaire suite à une infection virale comme c'est le cas pour la tuberculose, l'herpès ou la grippe. Il faut à présent que les généticiens identifient dans le génome du Covid-19 les séquences qui aggravent l'infection et celles qui suppriment les symptômes comme chez les personnes asymptomatiques.

Syndrome MISC (PIMS) chez l'enfant

Depuis le début de la pandémie au Covid-19, des enfants ont été hospitalisés pour des inflammations multiples. Les diagnostics confirment que ces enfants ont développé un MIS-C (Multisystem inflammatory syndrome in children) ou syndrome inflammatoire multisystémique chez l'enfant (PIMS) (cf. Science, 2020). Fin avril 2020, le Royaume-Uni publia une alerte établissant un lien avec le Covid-19.

Signes cliniques

S'il est rare que les enfants développent une forme aiguë de la Covid-19, les symptômes du MIS-C chez l'enfant semblent différents de ceux d'une infection aiguë par le Covid-19. Contrairement aux premiers soupçons, ils semblent distincts de ceux de la maladie de Kawasaki (cf. M.J. Carter et al., 2020), une réaction inflammatoire rare qui frappe les jeunes enfants généralement âgés de moins de 5 ans après des infections inconnues (cf. Henderson et Yeung, 2020; R.S.M. Yeung et al., 2020). La maladie de Kawasaki se manifeste par une vasculite touchant les artères de taille moyenne. Sur le plan immunitaire, la maladie de Kawasaki et le MIS-C peuvent partager des profils de protéines plasmatiques mais diffèrents dans les cibles d'auto-anticorps.

Les signes cliniques d'un MIS-C apparaissent généralement 4 à 5 semaines après l'infection et l'élimination du virus. Ils sont très variables sur le plan de la gravité et sont regroupés en trois catégories :

- malaises, éruption cutanée,  altération de l'état général, troubles gastrointestinaux (diarrhées et douleurs abdominales sévères), fièvre suivie d'un choc inflammatoire.

- des cellules immunitaires en nombre inférieur à la normale - lymphopénie, neutrophilie, thrombopénie, une hyponatrémie (une concentration en sodium dans le plasma sanguin inférieur à la normale) et une hypoalbuminémie (taux d'albumine dans le sang inférieur à la normale).

- un dysfonctionnement des organes,y compris cardiaque et des symptômes neurologiques et/ou rénaux.

Document Freepik.

En résumé, chez les enfants atteints par le MIS-C, leur organisme cherche à combattre les anticorps qu'il a lui-même fabriqué pour neutraliser le Covid-19, ce qui provoque des inflammations à de multiples endroits du corps simultanément.

La phase aiguë du MIS-C est caractérisée par un choc infammatoire signalé par une élévation sensible des protéines C réactives (CRP), des cellules immunitaires innées activées, une lymphopénie à cellules T et à cellules B et des réponses des anticorps spécifiques au Covid-19. La réaction immunitaire se normalise pendant la récupération.

Un suivi attentif des cas a montré que le MIS-C est rare, mais toujours effrayant pour les parents. En mars 2021, le CDC américain avait enregistré plus de 2600 cas de MIS-C, dont 33 décès. Mais la plupart des jeunes se rétablissent après un séjour d'environ une semaine à l'hôpital.

La clarification des symptômes pourrait aider les médecins à diagnostiquer rapidement le MIS-C (cf. JAMA, 2020). A l'heure actuelle, cela nécessite des analyses sérologiques sophistiquées et des spécialistes dont ne bénéficient pas tous les centres de santé. Un diagnostic et un traitement précoces pourraient améliorer les résultats.

Pour explorer sa relation avec le Covid-19, les chercheurs ont comparé des échantillons de sang de 14 enfants atteints de MIS-C à ceux de 16 enfants et de plus de 100 adultes hospitalisés pour une forme sévère de Covid-19.

D'un point de vue immunitaire, les patients Covid présentaient des niveaux élevés d'inflammation et d'activation immunitaire, dans lesquels les cellules immunitaires étaient stimulées pour cibler les dommages potentiels alors que chez les patients MIS-C, le degré d'activation dépassait parfois celui des patients Covid adultes les plus malades.

Un sous-groupe de cellules immunitaires se démarque : les cellules T dites de la "patrouille vasculaire". Leur activation élevée, suggérant qu'elles ciblaient les vaisseaux sanguins, pourrait expliquer l'inflammation cardiaque et les anévrismes chez certains patients.

Les spécialistes ont fini par reconnaître le profil unique d'hyperactivité du système immunitaire. Les patients MIS-C américains ont été traités avec des immunoglobulines administrées en intraveineuse pour neutraliser le système immunitaire. Les chercheurs ont noté que malgré l'inflammation persistante, elle s'est rapidement atténuée avec le traitement. Les résultats immunologiques concordent avec ce que les médecins ont constaté : l'état de santé de la plupart des enfants atteints de MIS-C s'est amélioré rapidement avec ce traitement. Mais il n'est pas toujours disponible dans les pays pauvres.

Pour cette raison, une vaste étude appelée PRISM (Pediatric Research Immune Network on SARS-CoV-2 and MIS-C) financée par le National Institutes of Health (NIH) tente de déchiffrer les causes et les effets à long terme du MIS-C. Dans ce cadre, PRISM a recruté plus de 100 patients depuis novembre 2020 et espère en inclure au moins 250 au total.

En parallèle, des médecins recherchent des indices sur les raisons du développement du MIS-C, 4 à 6 semaines après l'infection par le Covid-19, et comment le repérer plus tôt.

En septembre 2020, l'essai clinique britannique "Recovery" testa notamment des traitements contre le MIS-C sur des enfants. Différentes stratégies ont été testées car il faut savoir si les enfants peuvent être traités uniquement avec des stéroïdes ou simplement avec des soins de soutien, par exemple des médicaments pour stabiliser la tension artérielle. Toutefois un traitement peut modifier un nombre considérable de types de cellules. Finalement, un traitement efficace a été identifié (cf. NIH).

Dans un article publié dans "The Lancet Child & Adolescent Health" le 9 mars 2021, des chercheurs ont identifié des facteurs liés à une aggravation de la maladie chez 1080 jeunes atteints de MIS-C. Ils présentaient un taux de protéine CRP élevé et donc un marqueur de l'inflammation signalant un risque accru, combiné à un âge plus avancé.

Selon l'étude, les enfants noirs avaient une plus grande probabilité de se retrouver aux soins intensifs : environ 77% des enfants suivis étaient noirs ou hispaniques - les groupes les plus durement touchés par la Covid-19. Il reste toutefois un mystère concernant l'âge des patients. Les adolescents peuvent être gravement touchés par le MIS-C, alors que les personnes dans la vingtaine ne le sont presque jamais, même si sur le plan immunologique, les deux groupes sont presque identiques. On se demande si des différences hormonales ou d'exposition à d'autres virus pourraient l'expliquer. Les chercheurs espèrent donc que les études en cours apporteront des diagnostics rapides et précis et un traitement plus ciblé.

Atteintes neurologiques

Dans un article publié dans la revue "Pediatric Neurology" le 28 décembre 2021, Ericka L. Fink de l'Hopital pour Enfants UPMC de l'Université de Pittsburgh et ses collègues ont mis en évidence que les symptômes neurologiques les plus courants chez les enfants étaient les maux de tête et l'état mental altéré, connu sous le nom d'encéphalopathie aiguë. Il s'agit de résultats préliminaires de la branche pédiatrique du GCS-NeuroCOVID, un consortium international multicentrique visant à comprendre comment le SARS-CoV-2 affecte le cerveau et le système nerveux.

Plaquette d'information de l'association nationale des familles de victimes du PIMS (F) alertant la population et les médecins sur les symptômes à repérer.

Selon Fink, "Le SARS-CoV-2 peut affecter les patients pédiatriques de différentes manières : il peut provoquer une maladie aiguë, où une maladie symptomatique apparaît peu de temps après l'infection, ou les enfants peuvent développer une maladie inflammatoire appelée MIS-C des semaines après avoir éliminé le virus. L'une des grandes questions du consortium était de savoir si les manifestations neurologiques sont similaires ou différentes chez les patients pédiatriques, selon laquelle de ces deux conditions ils présentent".

Pour répondre à cette question, les chercheurs ont recruté 30 centres de soins intensifs pédiatriques à travers le monde. Sur 1493 enfants hospitalisés, 1278 soit 86%, ont reçu un diagnostic de SARS-CoV-2 aigu ; 215 enfants soit 14%, ont reçu un diagnostic de MIS-C.

Les manifestations neurologiques les plus courantes liées à la Covid-19 aiguë étaient les maux de tête, l'encéphalopathie aiguë et les convulsions, tandis que les jeunes atteints du MIS-C souffraient le plus souvent de maux de tête, d'encéphalopathie aiguë et de vertiges. Les symptômes plus rares des deux affections comprenaient la perte de l'odorat, les troubles de la vision, les accidents vasculaires cérébraux et la psychose.

Selon Fink, "Heureusement, les taux de mortalité chez les enfants sont faibles pour la Covid-19 aiguë et le MIS-C.Mais cette étude montre que la fréquence des manifestations neurologiques est élevée - et elle peut en fait être plus élevée que ce que nous avons trouvé parce que ces symptômes ne sont pas toujours documentés dans le dossier médical ou évaluables. Par exemple, nous ne pouvons pas savoir si un bébé est avoir mal à la tête".

L'analyse a montré que les manifestations neurologiques étaient plus fréquentes chez les enfants atteints de MIS-C que chez ceux atteints d'une Covid-19 aiguë, les enfants atteints de MIS-C étant plus susceptibles d'avoir au moins deux manifestations neurologiques que ceux atteints d'une maladie aiguë.

Statistiques

Aux Etats-Unis et en Allemagne, sur 10000 enfants infectés par le Covid-19, 2 à 5 ont été diagnostiqués pour un MIS-C. Selon une analyse belge rassemblant 68 études publiée dans l'"European Journal of Pediatrics" le 18 février 2021, le MIS-C toucherait davantage les garçons, adolescents et les minorités raciales et ethniques (origine africaine, hispanique...). Selon les chercheurs, le taux de létalité lié au MIS-C est de 1.9% donc plus faible que pour les autres conditions, tout en soulignant une "évolution à court terme favorable". Le pronostic global est "bon avec une absence de complications à court terme malgré des interventions fréquentes en soins intensifs".

En France, au 22 janvier 2022, 932 cas de MIS-C en relation avec la Covid-19 avaient été signalés par les pédiatres hospitaliers. L'âge moyen était de 7 ans et 60% des cas ont concerné des garçons. Les trois quarts des enfants souffrent d'une myocardite. Près de la moitié nécessitent des soins en réanimation et un quart en unité de soins intensifs. Un enfant âgé de 9 ans est décédé. (cf. Santé Publique, Top-Santé). L'incidence cumulée des MIS-C en lien avec la Covid-19 est de 5.9 cas pour 100000 habitants dans la population des moins de 18 ans avec un maximum de 6.9 pour 100000 habitants dans la tranche 6-10 ans.

Au Luxembourg, au 18 février 2022, selon le Ministère de la Santé plus de 145 enfants avaient été hospitalisés après avoir développé une forme aiguë de la Covid-19. Plus de la moitié d'eux étaient des nourrissons ou des nouveau-nés. 15 enfants en âge d'être scolarisés ont été admis à l'hôpital pour un diagnostic de MIS-C (cf. Wort). Proportionnellement à la population, il y a 1.7 fois plus de MIS-C au Luxembourg qu'en France.

En Belgique, depuis le début de la pandémie, 135 enfants entre 5 et 11 ans ont été hospitalisés pour cause de Covid-19. Aucun décès n'a été recensé chez ces enfants.

Dans la plupart des cas, le MIS-C est facile à traiter. Fin 2021, l'équipe de Fink précitée lança une étude de suivi pour déterminer si la Covid-19 aiguë et le MIS-C - avec ou sans manifestations neurologiques - laissent des séquelles sur la santé et la qualité de vie des enfants après leur sortie de l'hôpital. Depuis, on a constaté des cas de Covid long ches les enfants mais on ne sait pas exactement à quelle fréquence et pendant combien de temps les symptômes persistent.

Guérison

Insistons que chaque personne réagit différemment face à une attaque virale en fonction de son état de santé. Si une personne ayant une maladie chronique ou un système immunitaire affaibli voire ne fut-ce qu'un grand âge aura généralement plus de difficultés pour combattre le virus, il y a beaucoup de personnes présentant des comorbidités qui fabriquent suffsamment d'anticorps pour s'auto-immuniser contre le virus sans l'appui d'un vaccin.

Selon l'OMS, environ 80% des patients présentent des symptômes légers à modérés et guérissent sans avoir besoin de soins hospitaliers. 15% des patients Covid développent une forme sévère de la maladie et pour environ 5% le pronostic vital est engagé. A mesure qu'on connaît mieux le virus et la maladie, les 5% de patients critiques finissent souvent par vaincre la maladie sans pour autant pouvoir écarter tous les décès qui restent importants chez les personnes à risque et vulnérables. Heureusement la grande majorité des patients Covid ont gagné leur combat contre la maladie et près de 80% n'ont aucune séquelle.

Sur le plan immunologique, selon une étude américaine publiée dans la revue "Cell" le 14 mai 2020 portant sur 40 patients Covid, Alessandro Sette de l'Institut d'Immunologie de La Jola (LJI) en Californie et ses collègues ont détecté des cellules T CD8+ (cytotoxiques) et T CD4+ (auxiliaires) respectivement chez 70 et 100% des patients Covid convalescents. Les réponses des cellules T se concentrent non seulement sur la protéine S mais aussi sur les protéines M, N et autre ORF. La réactivité des cellules T aux épitopes (déterminants antigéniques) du Covid-19 est également détectée chez les individus non exposés, ce qui est de bonne augure pour la vaccination (cf. aussi J.Braun et al., 2020; Immunitrack, 2020).

Jusqu'à la fin de son hospitalisation, le patient Covid reste contagieux et ne sera guéri et libre de sortir que lorsque les tests ne détecteront plus aucune trace du virus dans son organisme. Mais tous ne seront pas quittes des effets secondaires ou des séquelles pour autant. On y reviendra.

La résistance des centenaires

Bonne nouvelle. Pour rassurer les personnes très âgées et leurs proches, la presse a cité les cas de dizaines de personnes centenaires contaminées par le virus ayant vaincu la maladie. Elles ont pu rentrer chez elles deux à trois semaines après les premiers symptômes.

Un Chinois de 100 ans souffrait notamment de la maladie d'Alzheimer, d'hypertension et d'insuffisance cardiaque. Il guérit après 13 jours d'un traitement combinant un antiviral, une thérapie de plasma de convalescence et la médecine traditionnelle chinoise (cf. Daily Mail).

Un Italien de 101 ans né pendant la grippe espagnole (cf. La Stampa) et une Iranienne de 103 ans (cf. IRNA) vainquirent la maladie.

Une Chinoise de 103 ans guérit en 6 jours de traitement à l'hôpital de Wuhan du fait qu'elle ne présentait aucun autre problème de santé (cf. China Daily).

Une Belge de 102 ans habitant en Wallonie a vaincu la maladie. 

Une Belge de 103 ans hospitalisée à l'hôpital Koningin Elisabeth Instituut (KEI) à Oostduinkerke (Flandre occidentale) à la fin du mois de mars 2020 a quitté l'unité de soins intensifs le 21 avril 2020 et est à présent en rééducation. (cf. La Libre).

A gauche, Maria Branyas âgée de 113 ans est la doyenne d'Espagne. Non seulement elle vainquit la grippe espagnole en 1918 mais gagna son combat contre le Covid-19. A droite, Soeur André, âgée de 117 ans et doyenne d'Europe. Résidant dans un EPHAD à Toulon, elle fut contaminée par le Covid-19 en janvier 2021 et vainquit la maladie. Documents La Vanguardia et Nicolas Tucat/AFP.

Une américaine de 103 ans du Massachusetts qui avait contracté le virus fin avril mais sans présenter de symptômes avait cessé de s'alimenter, présageant le pire auprès de ses proches. Toutefois, début mai elle fut testée négative et s'est remis à manger et à boire, y compris une bière pour fêter sa guérison (cf. CNN).

Un vétéran américain de 104 ans résidant dans une maison pour vétérans fut contaminé ainsi que d'autres résidents parmi lesquels 15 sont décédés. Le 19 mars 2020, il présentait des pics de fièvre et avait du mal à respirer. Il fut soigné en isolement dans un hôpital local et sortit guéri et en bonne forme le 1 avril, le jour de ses 104 ans, assis dans en chaise roulante et portant un masque de protection (cf. Oregon Live).

Une Française de 105 ans résidant dans un EHPAD à Maurepas a contracté le virus et fut hospitalisée pendant 17 jours et guérit de la maladie (cf. Le Parisien).

Une Française de 106 ans résidant dans un EHPAD des Yvelines a été testée positive au Covid-19 le 15 avril 2020. Malgré des symptômes inquiétants (fatigue, fièvre), la centenaire a réussi à combattre le virus sans être hospitalisée. Elle est désormais en bonne santé, et son état est jugé stable par les médecins (cf. Le Parisien).

Une Belge âgée de 106 ans vivant à Woluwé-St-Lambert fut testée positive au Covid-19 début mai 2020 et a vaincu la maladie. Elle se porte aujourd’hui comme un charme (cf. RTBF).

Une Britannique de 106 ans hospitalisée à l'hôpital de Birmingham a guéri de la Covid-19 en mai 2020. Elle s'est battue pendant trois semaines contre la maladie.

Une Espagnole de 107 ans vivant dans une résidence pour personnes âgées à Cadix, en Andalousie a guéri de la maladie. En 1918, elle avait contracté la grippe espagnole (cf. La Vanguardia).

Une femme de 113 ans, Maria Branyas, présentée comme la doyenne d'Espagne a guéri de la maladie. Elle avait contracté la Covid-19 sous une forme bénigne au mois d'avril 2020, dans la maison de retraite où elle vit depuis vingt ans, dans la ville d'Olot, en Catalogne. Les symptômes furent discrets, limités à une infection urinaire et un peu de fièvre. Selon la responsable de communication, "Maintenant, elle se sent bien, et elle a passé la semaine dernière un test dont le résultat a été négatif". Par sécurité, la centenaire est restée confinée plusieurs semaines dans sa chambre de la Résidence Santa Maria del Tura (cf. Nius Diaro, RTBF).

Une femme de 117 ans, Soeur André, la doyenne d'Europe qui connut la pandémie de grippe espagnole de 1918 et les deux guerres mondiales, a vaincu la Covid-19. Résidant dans un EHPAD à Toulon, en France, elle fut contaminée par le Covid-19 en janvier 2021, l'institut étant au coeur d'un cluster comptabilisant 81 cas positifs et une dizaine de décès. Se sentant fatiguée, Soeur André est restée couchée et fut confinée. Selon David Tavella, le chargé de communication de l'EHPAD Sainte-Catherine-Labouré, ce cluster éprouva tout le monde. Confinée, "elle a vécu un triple enfermement: dans son fauteuil roulant, dans sa chambre et sans visite [...]. Alors son anniversaire, ça nous revigore, on va s'en servir pour redonner la vie". Pour fêter sa guérison, le cuisinier de l'établissement prépara un repas à la hauteur de l'évènement : Porto, foie gras, filet de chapon aux cèpes et bien sûr une omelette norvégienne, le dessert préféré de Soeur André (cf. Le Point).

On rapporte également d'autres cas de personnes âgées d'au moins 90 ans qui ont vaincu la maladie.

Pour ne pas alourdir cet article, nous décrirons séparément les séquelles de la Covid-19.

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