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La Ceinture des astéroïdes

Rappel historique (I)

On ne peut discuter des astéroïdes et des problèmes liés à leur détection près de la Terre sans rappeler l'histoire de leurs découvertes. Et on peut même dire que cette histoire est encore d'actualité puisque chaque année plusieurs milliers de membres viennent compléter leurs rangs.

En 1772, l'astronome allemand Johann Bode démontra que les positions des planètes s'accordaient avec une loi empirique découverte par Johann Titius.

La loi de Titius-Bode s'établit comme suit :

Inscrivons la suite des nombres : 0, 3, 6, 12, 24, 48, 96, 192, 384.

Ajoutons 4 à chacun d'eux : 4, 7, 10, 16, 28, 52, 100, 196, 388.

Si nous exprimons les distances des planètes en Unités Astronomiques D, n étant l’ordre de la planète dans le système solaire, nous trouvons une relation étonnante, la loi de Titius-Bode : D = 0.4 + 0.3 (2n).

 

Mercure

Vénus

Terre

Mars

-

Jupiter

Saturne

Uranus

Neptune

Valeur de n

-

0

1

2

3

4

5

6

7

Loi de Titius-Bode

0.4

0.7

1.0

1.6

2.8

5.2

10

19.6

39.8

Distance en UA

0.39

0.72

1.0

1.52

-

5.20

9.55

19.22

30.1

Cette relation qui ne repose sur aucun fondement scientifique "prédit" néanmoins l'existence d'une planète entre Mars et Jupiter. Mais au tournant du XIXe siècle, un grand espace vide s'étendait parmi les relevés pointés sur le papier. C'est donc avec l'intention de découvrir cette éventuelle planète que les astronomes, sous l'instigation de Bode alors directeur de l'Observatoire de Berlin, décidèrent de mettre sur pied un programme de surveillance du ciel.

C'est le 1 janvier 1801 que le père sicilien Guiseppe Piazzi découvrit fortuitement Cérès pendant qu'il dressait un nouveau catalogue d'étoiles. Le mathématicien Karl Gauss calcula son orbite et à la fin de l'année il fut en mesure de prédire sa position. Cette "planète" circulait pratiquement à l'endroit prédit par la loi de Bode. Mais un an plus tard, un autre astronome découvrit une deuxième "planète", Pallas, à peu près à la même distance puis on découvrit Vesta et Junon et les découvertes se succédèrent. Il fallait alors se rendre à l'évidence : l'espace libre laissé entre les orbites de Mars et de Jupiter était occupé par une série de planètes mineures que l'on baptisa astéroïdes[1]. Ces petits corps constituent la Ceinture principale des astéroïdes ou MBA (Minor Belt Asteroids).

A gauche, entre les orbites de Mars et de Jupiter, entre environ 2 et 3.5 UA du Soleil se trouve la Ceinture principale des aséroïdes où gravitent plus de 750000 petits corps (2015) d’une taille moyenne de quelques dizaines de mètres. Cérès est le plus gros avec 950 km de diamètre et représente 25% de la masse de tous les astéroïdes ! On suppose que ces astéroïdes représentent les débris de planétésimaux remontant à l’époque de la formation du système solaire. Comme les planètes, les astéroïdes obéissent à la loi de Newton et évitent les orbites en résonances avec celle de Jupiter (orbites 1/3, 1/2, etc) car la gravité crée des conditions chaotiques qui éjectent n’importe quel corps essayant de s’y maintenir. Baptisées les “lacunes de Kirkwood”, ces zones se sont ajourées sur une période de l’ordre de 100000 ans (les échelles n’ont pas été respectées). A droite, illustration d'un astéroïde typique de quelques centaines de mètres de diamètre : c'est un agglomérat de poussières glacée formant une roche plutôt beige ou grise recouverte de débris (brèches) et de cratères, sans atmosphère, peu dense et offrant une très faible gravité. Selon son origine et son évolution, l'intérieur peut-être homogène ou différencié. Les trois-quarts des astéroïdes de la Ceinture contiennent des silicates composés de petits grains ou chondres. Ils peuvent également contenir des molécules organiques et de la glace d'eau. Certains astéroïdes sont métalliques, très denses, affichant une surface plutôt lisse ou sont composés de mélanges plus complexes (métaux, cristaux, etc). Documents T.Lombry.

Entre les orbites de Mars et de Jupiter se trouve en fait une myriade de petits corps indépendants, regroupés et maintenus par la gravitation. Il s'agit des résidus d'une planète naine qui ne s'est jamais formée.

Situés entre 310 et 520 millions de kilomètres du Soleil (2 et 3.5 UA), ces astéroïdes sont rassemblés dans un anneau relativement stable, faiblement excentrique, de quelque 200 millions de kilomètres de large soit 1.3 UA, ce qui est relativement étroit comparé à d'autres agglomérations (KBO, SDO). En revanche c'est l'anneau le plus dense du système solaire. Les orbites sont souvent inclinées sur le plan de l'écliptique, formant en moyenne un angle de 10°.

Délaissés du champ d'investigation des professionnels jusqu'au XXe siècle, ces petits corps nous permettront peut-être de connaître les origines du système solaire. En effet, en-dehors de toute influence physico-chimique, situés dans une région glacée de l'espace, ils ont préservé intacts leurs constituants originels et leur aspect extérieur est resté figé. En les analysant, les planétologues peuvent mieux comprendre les mécanismes (collision-fusion) qui conduisirent à former le système solaire à partir de la nébuleuse protosolaire[2].

Cérès mesure 950 km de diamètre et est sphérique comme on le voit ci-dessous à gauche. Il fut toutefois détrôné de son rang de plus petite planète naine du système solaire par Hygiéa qui mesure 430 km de diamètre et qui est également sphérique comme on le voit ci-dessous à droite.

A voir : Flight Over Dwarf Planet Ceres, NASA/JPL, 2016

The Bright Stuff: New NASA Dawn Findings at Ceres, NASA/JPL

Dawn Image Gallery

En raison de leur petite taille, il est très rare que les astéroïdes soient sphériques. Leur découverte est donc précieuse. A gauche, l'astéroïde Cérès photographié par la sonde spatiale Dawn en avril 2018 et représenté en fausses couleurs (sa couleur naturelle étant beige). Par comparaison, voici la première image couleur de Cérès obtenue par le Télescope Spatial Hubble en lumière blanche et UV entre décembre 2003 et janvier 2004. Cérès mesure 950 km de diamètre et gravite à 2.5 UA. Il brille à la magnitude visuelle 7.4. Les traces blanches sont des dépôts riches en sels signifiant que cette matière fut un jour en contact avec de l'eau. A droite, image de l'astéroïde Hygiéa de 430 km de diamètre obtenu par l'instrument SPHERE du VLT de l'ESO. Documents NASA/JPL, Hubblesite et ESO.

A part ces deux cas particuliers, jusqu'à ce jour tous les astéroïdes identifiés ont une forme irrégulière, communément appelée en forme de "patate". Pourquoi les astéroïdes ont-ils une forme irrégulière ? Il faut savoir qu'à l'échelle de l'atome, la force de la gravitation est 4.17 x 1042 fois plus faible que la orce électromagnétique. Pour agir efficacement la gravité doit compter sur l'effet de groupe d'un grand nombre d'individus et donc sur leur masse. C'est pourquoi il faut qu’un objet massif fasse au moins ~400 km de diamètre pour que les forces cumulées de la gravitation lui donne une forme sphérique, seule structure capable de supporter sa masse. En deçà, la force électromagnétique domine et c’est la raison pour laquelle les petits astéroïdes ont une forme de "patatoïde". En fait, à cette échelle, c'est la combinaison des collisions successives et des éclats qui les façonne, à l'image d'un sculpteur qui façonne un objet en glaise en ajoutant et en retirant de la matière.

Ceci dit, un petit astéroïde peut tout de même attirer la matière par gravitation et acquérir ainsi de la masse. En effet, il suffit qu'un petit corps atteigne 200-300 m de longueur soit la taille d'une colline pour que sa masse soit suffisante pour attirer les petits corps alentour pesant jusqu'à quelques centaines de kilos. Ainsi, un cosmonaute qui serait à proximité d'un petit astéroïde de cette taille serait inexorablement attiré vers lui.

Grâce à des mesures par interférométrie, on a constaté que tous les astéroïdes avaient une forme particulière, jamais sphérique, aplatie pour les uns, elliptique pour la plupart. On a également découvert que certains avaient été formés suite à la collision de deux corps, tels Toutatis, Hector ou Cléopatre, ce qui tend à confirmer l'hypothèse selon laquelle les planètes ont également été formées par un mécanisme d'accrétion par collision. On y reviendra à propos de la formation du système solaire.

Des observations photométriques ont également montré que la course des astéroïdes s'accompagne d'un mouvement de rotation. Ceci explique les variations régulières de leur éclat. Ainsi Vesta et Icare tournent sur eux-mêmes respectivement en 5h20m et 2h16m. La période la plus longue est celle de Némésis qui atteint 39h. Cette rotation fut soit induite au stade initial de sa formation (lors de son éjection d'un astre parent) soit après une collision avec un autre petit corps.

Jusqu'en mai 2001, le plus grand astéroïde était Cérès dont la masse atteint 1.17x1021 kg soit un millième du poids de la Terre. Il représente à lui seul 25% de la masse de tous les astéroïdes. Cérès est suivi de Pallas (572 km), Vesta (542 km) qui est aussi le plus brillant (Mv : 6.6), Hygiéa (430 km) et Junon (250 km). Tous les cinq appartiennent à la famille Apollo, sur laquelle nous reviendrons.

Mais alors que les astronomes pensaient avoir découvert depuis longtemps les plus gros astres du système solaire, aussi étonnant qu'il paraît, une équipe de chercheurs découvrit le 22 mai 2001 un astéroïde à plus de 6.5 milliards de kilomètres du Soleil (43 UA) mesurant environ 1200 km de diamètre et brillant à la magnitude 20. Baptisé Ixion alias 2001 KX76, il s'agit en fait d'un TNO de la famille des Plutinos qui vient ainsi détrôner Cérès et même Charon, le plus grand satellite de Pluton, par ses dimensions.

A voir : Impact simulation explaining the origin of Hygiea’s round shape

L'os et autres espèces de patatoïdes. A gauche, sondé par le radiotélescope d'Arecibo l'astéroïde 216 Cléopatre (217x94x81 km) doit vraisemblablement sa forme particulière à l'accrétion de deux objets, renforçant encore un peu plus ladite théorie. Cliquez ici pour lancer une séquence montrant sa rotation sur lui-même en l'espace de 5 heures (GIF). A sa droite, Toutatis (4.5x2.4x1.9 km) photographié en 2012 par la sonde spatiale chinoise Chang'e 2 du CNSA. Cliquez ici sur l'image pour lancer une séquence montrant son auto-rotation (MPEG de 281 KB). A droite du centre, une image composite de Eros (33x13x13 km) photographié le 29 février 2000 par la sonde NEAR à environ 200 km d'altitude. A l'extrême droite, l'astéroïde Gaspra (19x12x11 km) photographié par la sonde Galileo le 29 octobre 1991 à 5300 km de distance. Documents CFH, CNSA, JHUAPL/Laurel/U.Maryland et NASA/JPL/USGS

L'astronome américain Walter Baade qui découvrit les astéroïdes Hidalgo et Icare estimait que par voie photographique avec les télescopes géants de l'astronomie, nous pouvions repérer 40000 astéroïdes de plus de 100 m de diamètre. Selon les estimations des astronomes du mont Palomar il existerait 500000 astéroïdes visibles jusqu'à la magnitude 21.2 et mesurant plus de 2 km, et environ 25 millions d'astéroïdes de plus de 100 m de longueur. Aussi, chaque année le catalogue se voit-il compléter de quelques milliers de nouveaux membres. Sur chaque cliché, le petit objet apparaît tel un trait fin de quelques secondes d'arc tracé sur le fond étoilé statique. Leur vitesse comprise entre 20 et 30 km/s leur permet de parcourir près de 2 millions de kilomètres par jour. Sur chaque cliché, le petit objet apparaît tel un trait fin de quelques secondes d'arc tracé sur le fond étoilé statique. Leur vitesse comprise entre 20 et 30 km/s leur permet de parcourir près de 2 millions de kilomètres par jour. Il faut ensuite les carastériser.

En 2016 par exemple, une équipe de neuf astronomes dirigée par Marcel Popescu du CNRS utilisa le télescope infrarouge VISTA de 4.1 m de l'ESO et identifia près de 40000 astéroïdes dont près de 90% appartiennent à la Ceinture principale dont ils ont obtenu les mesures de positions et de brillance ainsi que la couleur de près 90% d'entre eux.

En 2006, nous avions identifié plus de 134000 astéroïdes. En 2015, le catalogue comprenait plus de 750000 astéroïdes de plus de 1 km de diamètre et il s'étoffe tous les jours grâce au travail conjoint des professionnels et des amateurs. On y reviendra.

Prochain chapitre

Composition chimique

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[1] T.Gehrels eds, “Asteroids”, University of Arizona Press, 1979 ; “Asteroids II”, University of Arizona Press, 1990; "Scanning with CCDs", Space Science Revue, 58, 347-375, 1991.

[2] P.Farinella, Icarus, 59, 1984, p261 - D.Davies et al, Icarus, 62, 1985, p30.


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