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La Ceinture des astéroïdes

L'astéroïde Vesta (573x557x446 km) photographié par la sonde Dawn en 2012. Document NASA/JPL/Caltech-UCLA.

Composition chimique (II)

Les astéroïdes se divisent tout d’abord en trois grands types selon leur évolution chimique :

- Primitive : formé à l'extérieur de la Ceinture

- Métamorphique : formé au milieu de la Ceinture

- Ignée : formé à l'intérieur d’un astre parent.

Les astéroïdes sont également caractérisés en fonction de leur composition chimique : C, S, M, R, E et V, tandis que quelques objets isolés sont de types D, F, P, G, B, T, A ou Q. Il s'agit de la classification de Tholen proposée en 1984 sur base de l'analyse de 978 astéroïdes, dont voici les principaux types :

- Le type C (carboné) est majoritaire à 75%. Représentant la moitié des astéroïdes vers 2 UA, sa proportion atteint 95% aux alentours de 3 UA. On les retrouve donc principalement dans la région externe de la Ceinture principale. Ces astéroïdes présentent une coloration grise, très peu réfléchissante (albedo de 0.03 à 0.09). Ce sont des chondrites carbonées, c'est-à-dire des agglomérats de chondres ou petits grains de quelques centaines de microns à quelques millimètres de diamètre contenant jusqu'à 5% de matière organique. Ils contiennent également de l'eau et du phosphore. Leur structure est poreuse et par conséquent assez fragile.

- Le type S (silicatés) regroupe 17% des astéroïdes. Ils circulent près de l'orbite de Mars (2.2 à 2.8 UA) et donc dans la région interne de la Ceinture principale. Ils forment les aérosidérolites. Ils sont composés de roche ordinaire, essentiellement des silicates (de la silice) mélangés à des oxydes métalliques comme le silicate de fer ou de magnésium. Ils comprennent également des métaux (nickel, cobalt et un peu d'or, de platine et de rhodium). Ils sont riches en olivine et en pyroxène, deux composants qu'on retrouve dans la lave. Ils présentent une dominante rougeâtre, avec un albedo variant entre 0.10 et 0.22.

- Le type M (métallique) regroupe les astéroïdes restants riches en métaux (10 fois plus de métaux que le type S). Ils représentent 5% des astéroïdes. Relativement brillants, leur albedo varie entre 0.08 et 0.18 et sont légèrement rouges. Leur composition est dominée par le fer. On les retrouve dans la région centrale de la Ceinture principale.

- Le type R (rouge) rassemble dans la Ceinture interne le pourcent d'astéroïdes composés de chondrites pauvres en fer et contenant une proportion significative d'olivine et de pyroxène mêlée de plagioclases (roches silicatées de la famille des feldspaths). Ils sont très rouges et leur albedo varie entre 0.20 et 0.30.

- Le type E (enstatites) rassemble la fraction d'astéroïdes composés de silicates sans métaux (enstatites) mais dont l'éclat est élevé. Leur albedo varie entre 0.30 et 0.38. Ils sont majoritaires vers 2 UA.

- Le type V (Vesta) rassemble les rares astéroïdes qui présentent les propriétés des chondrites basaltiques. Leur albedo est voisin de 0.25.

Les types C et S représentent près de 93% de la masse des astéroïdes, mais ils sont tellement petits que leur masse globale est inférieure à 2x1021 kg, quarante fois inférieure à celle de la Lune. Tous ensembles, les astéroïdes ne représentent donc qu'une masse infime. S'ils avaient pu (ou ont pu) former un corps céleste, il devait avoir la taille de Rhéa, un des nombreux satellites de Saturne de quelque 1500 km de diamètre.

Classification SMASS

La classification chimique des astéroïdes se base sur leur analyse spectrale en lumière visible et en infrarouge (entre 0.2 et 3.6 microns), sur leur albedo et la couleur qu'ils réfléchissent dans ces deux même bandes de fréquences.

Avec le temps et l'utilisation de filtres plus sélectifs, la classification de Tholen a été divisée en sous-groupes désignés par des lettres afin de préciser des affinités spectrales prédominantes ou des sous-groupes, ce qui donna naissance à la classification SMASS (Small Main-Belt Asteroid Spectroscopic Survey) présentée ci-dessous proposée en 2002 par Schelte J. Bus et Richard P. Binzel sur base de l'étude de 1447 astéroïdes. Ce système de classification permet également de plus facilement établir la correspondance entre les différentes types d'astéroïdes et de météorites. Parmi les autres systèmes de classification, citons ceux de Barucci et Howell.

A lire : La croissance des grains de poussière et des planétésimaux

Classification SMASS des astéroïdes

Type

Sous-groupe

Minéraux de surface

Météorites associées

D

D

Ogranique + silicates amorphes (+ glace ?)

Aucune (possière cosmique ?)

X

Xe, Xc, Xk

Métaux + transitions entre P, M, E

Métalliques, achondrites enstatites

X

P

Silicates anhydres + organique ? (+ glace ?)

Aucune (possière cosmique ?)

X

M

Métaux, enstatite

Métalliques (+ chondrites EH, EL ?)

X

E

Mg-pyroxène

Achondrites enstatites

G

Cg, Cgh

Argiles, carbone, organique

Chondrites C avec argile ou mica

C

Ch, Cb

Sèche: Olivine, pyroxène, carbone (+ glace ?)

Humide: argiles, carbone, organique

Chondrites CM3, riches en gaz

C

B

Argiles, carbone, organiques

Aucune (CI1, CM2 très altérées ?)

C

F

Carbonées anhydres

Chondrites C

S

Sa, Sq, Sr, Sk, Sl

Olivine, pyroxène, métaux

Roches métalliques, IAB, lodranites, winonites, sidérophyres, uréilites, chondrites H, L, LL

S

K

Olivine, orthopyroxène

Chondrites CV3, CO3

S

Ld

Silicates standards

 

S

Q

Olivine, pyroxène, métal

Chondrites H, L, LL

S

R

Olivine, pyroxène

Aucune (achondrites riches en olivine ?)

S

A

Olivine 

Brachinites, pallasites

V

-

Pyroxène, feldspath

Achondrites basaltique

T

-

Troilite ?

Métalliques riches en troilite (Mundrabila) ?

O

-

Olivine, pyroxène, métaux

Chondrites ordinaires L6, LL6

W

-

Argiles, (sels ?)

Aucune (CI1 pauvres, CM2?)

En résumé, comme l'expliqua l'équipe de Pierre Vernazza du Laboratoire d'Astrophysique de Marseille dans la revue "Astonomy & Astrophysics" en 2021, il existe deux populations d'astéroïdes dans la Ceinture principale :

- les astéroïdes pauvres en eau, relativement denses (densité > 3.5)

- les astéroïdes riches en eau et de faible densité (densité ~1.3), proches du charbon.

Ces deux populations réunies au même endroit est très improbable. Les modélisations montrent que ces objets se sont formés dans des régions distinctes avant d'être réunis. Ils ont donc subi une migration importante, non pas seuls, mais sous l'effet des planètes géantes (cf. le Grand Tack). A l'origine, il existait une population d'astéroïdes au niveau des planètes internes, formées à minima sous l'orbite de Jupiter (< 5 UA), et une deuxième population formée aux confins du système solaire, au-delà de Jupiter.

Galerie de portraits de tous les astéroïdes (42) de plus de 210 km de diamètre prises par l'instrument SPHERE du VLT de l'ESO. Les tailles relatives sont respectées. Document P.Vernazza et al. (2021).

Pour expliquer la présence de ces deux populations d'astéroïdes et, à petite échelle leurs compositions très différentes, on considère la Ceinture principale comme une série d'unités géologiques zonales concentriques dont l'emplacement dépend de la composition de la nébuleuse primitive, de la température et de la force de la gravitation.

La Ceinture extérieure est dominée par les astéroïdes de types D et P de faible albedo. Les corps associés sont généralement considérés comme la poussière cosmique ou les chondrites carbonées de type CI qui ont été enrichies en matière organique comme la météorite du lac Tagish (Canada, 2000). On ne retrouve pas leur signature spectrale dans les corps situés dans la partie interne de la Ceinture. On suppose que les astéroïdes des types D et P sont composés de matériaux primitifs ayant subi une évolution géochimique différente de celle de la poussière cosmique ou des chondrites CI. Leur spectre indique une augmentation de la quantité de molécules organiques à mesure que la distance au Soleil augmente. Ces corps ce sont formés à basse température et sont donc probablement très riche en composés volatils, y compris en glace d'eau.

La Ceinture interne dite sombre comprend les astéroïdes de type C et les sous-groupes B, F et G (Cg et Cgh) associés aux météorites de la famille des chondrites carbonées de type CI et CM. Les différences spectrales entre ces types s'expliquerait par l'évolution différente des altérations aqueuses ou par un métamorphisme thermique. Les chondrites carbonées CI, riches en eau, minéraux argileux, composants volatils et carbone représentent la matière primitive qui fut doucement réchauffée et altérée par l'action de l'eau. Les astéroïdes 2 Pallas, 379 Huenna et 101955 Bennu appartiennent au type B, 1 Cérès appartient au type G et plusieurs membres des familles Polana et Nysa-Polana appartiennent au type F.

Vers 3 UA du Soleil, la différenciation des astéroïdes brillants devient de plus en plus commune. Cette région fut fortement affectée par le chaleur à l'époque de la genèse du système solaire et contient des astéroïdes dont les météorites différenciés et métamorphosés. La meilleure correspondance entre le spectre des astéroïdes et des météorites serait ceux de type V comme l'astéroïde Vesta comprenant notamment les météorites achondrites basaltiques. Les météorites de type V sont considérées comme des assemblages différenciés d'orthopyroxène mélangé à différentes proportions de plagioclase (des silicates minéraux de la famille des feldspaths), les rendant analogues aux associations de météorites howardite-eucrite-diogénite (HED). Ces météorites présentent des basaltes partiellement fondus liés à des flots de laves superficiels et des inclusions proches de la surface provenant d'astéroïdes ayant subit une chaleur intense, puis ayant fondu et dont la masse s'est différenciée qui furent ensuite violemment percutés par un autre astéroïde, provoquant l'éjection de débris dans l'espace.

A gauche, la taille de quelques astéroïdes comparée à Vesta (560 x 544 x 454 km) photographiés par la sonde spatiale Dawn. A droite, la structure interne de Vesta qui est différencié et possède un noyau métallique. Documents NASA/JPL et EPFL/Jamani Caillet, Harold Clenet, adaptés par l'auteur.

Vesta est très particulier car c'est l'un des rares grands astéroïdes différencié. Gravitant vers 2.36 UA, Vesta mesure environ 560 x 544 x 454 km pour un masse de 2.7x1020 kg et une densité d'environ 3.7. D'un albedo de 0.42 (voisin du calcaire ou de la neige matte tassée), il possède une croûte plutonique (magmatique) et basaltique primitive sous laquelle se trouve un manteau et un noyau métallique de fer-nickel. C'est aussi l'un des rares astéroïdes ayant présenté un léger champ magnétique dont il est même possible qu'il ait conservé des traces de nos jours comme le suggéra l'analyse de la météorite (eucrite) de Bereba. Étonnamment, le noyau et le manteau de silicate de Vesta furent fractionnés dès le premier stade de sa formation. On y reviendra car cela apporte des indices sur la formation de la Terre.

Juste après le type V vient le type A qui comprend des astéroïdes situés dans une région plus profonde de la Ceinture. Constitués pratiquement d'olivine pur, ils auraient dérivés depuis le manteau d'un astre parent fortement différencié. Le manteau de la Terre est dominé par l'olivine et des études théoriques montrent qu'une différentiation des astéroïdes similaires aux chondrites ordinaires pourrait produire des manteaux riches en olivine. Une autre source possible sont les astéroïdes de type R dont l'astéroïde 349 Dembowska est un exemple typique. Son spectre suggère qu'il comprend de l'olivine et du pyroxène, deux composés de la lave, et pourrait présenter des traces de fusion partielle ou de différenciation incomplète.

L'abondance en matériaux des différents types d'astéroïdes est corrélée avec leur distance. Cette répartition correspond à la variation de la composition de la nébuleuse primitive. Document J.F. Bell et al. (1989). Extrait de "Asteroids II", R.P.Binzel et al., U.Az Press, 1989, p925.

Des astéroïdes plus communs bien que peu nombreux (5%) sont les métalliques de type M dont la signature spectrale est typique d'un mélange de fer et de nickel et dont la signature radar est très réfléchissante, compatible avec leur nature métallique. Ces corps seraient issus du noyau d'astéroïdes différenciés. 

Des études isotopiques et chimiques montrent que les météorites de type M proviendraient d'au moins 60 corps parents différents indiquant la grande variété de corps différenciés dans la Ceinture des astéroïdes. Toutefois, quelques astéroïdes métalliques présentent des minéraux hydratés en surface. On peut également caractériser les astéroïdes de type M par leur teneur en minéraux argileux (phyllosilicates et autres argilites) qui laisse supposer que le type M "humide" est constitué d'assemblages d'argiles comme les chondrites carbonées CI, mais sans les inclusions riches en carbone des CI. Le type W (wet ou humide) pourrait rassembler ces objets inhabituels. Le plus grand astéroïde de type M est 16 Psyché qui mesure environ 240 km de longueur. On y reviendra à propos des métaux et de l'or qu'il renferme.

Les astéroïdes de type E sont un autre exemple des risques d'extrapolation à partir de données limitées et de les associer à des météorites. Les astéroïdes 44 Nysa, 64 Angelina, 2867 Šteins et les membres du groupe Hungaria appartiennent à ce type. A priori ces objets ressemblent aux achondrites enstatites, c'est-à-dire aux météorites pauvres en fer formées dans le manteau très réduit d'un astre parent. Seul problème, ces météorites sont anhydres alors que Nysa est fortement hydratée. En fait, la moitié des membres de type E sont hydratés et ne peuvent pas être composés d'enstatite anhydre. Aussi, les astéroïdes E "humides" comme Nysa seraient plutôt apparentés aux astéroïdes de type W dont la surface est riche en argiles de silicates hydratés.

L'un des cas les plus complexes est probablement celui des astéroïdes de type S dont le spectre témoigne généralement d'une grande quantité d'olivine et de pyroxène mélangée à des composés métalliques mais dont la minéralogie varie de l'olivine quasiment pur au pyroxène quasiment pur en passant par un mélange de ces deux substances. Ce large éventail de compositions suggère un tout aussi vaste éventail de météorites et de scénarii de formations.

L'abondance déterminée à partir des trois principaux processus de formation des astéroïdes est correlée avec leur distance. Les éléments igneux sont plus abondants près du Soleil (< 2.5 UA) tandis que les éléments primitifs sont plus abondants vers l'extérieur du système solaire (entre 3-5 UA). Document J.F. Bell et al. (1989). Extrait de "Asteroids II", R.P.Binzel et al. (1989).

Les astéroïdes de type S représentent probablement des corps ayant été formés à la limite entre le noyau et le manteau, dans le manteau ou dans les niveaux inférieurs de la croûte d'astéroïdes parents différenciés. Ils comprennent également des astéroïdes non différenciés mais métamorphosés qui sont les astres parents des chondrites ordinaires.

Les météorite qui en résultent (achondrites des groupes des sidérites, des pallasites, etc) est de loin le plus abondant et représente environ 80% des chutes observées car étant en grande partie composé de fer, ce sont les plus robustes.

Parmi les astéroïdes du type S et du rare sous-groupe Q, citons 433 Eros, 951 Gaspra et 15 Eunomia.

Les astéroïdes de type S présentent des bandes d'absorption assez similaires à celles des chondrites ordinaires bien que les astéroïdes S affichent un spectre (et une couleur) rougeâtre que ne présentent pas les chondrites ordinaires. Toutefois, des expériences de laboratoire ont montré que la matière des chondrites ordinaires peut "rougir" sous l'effet des conditions de l'espace, en particulier suite au bombardement micrométéoritique. Ainsi les petites et jeunes chondrites ne présentent pas cette couleur, ce qui témoigne que l'astre parent n'a pas eu le temps de subir ce traitement, contrairement aux grosses chondrites âgées dont l'astre parent présente des surfaces rougies par le temps.

En général, les astéroïdes différenciés des types V, A, R, S et M représentent autant d'exemples de coupes géologiques entre la croûte jusqu'au noyau d'astéroïdes différenciés et peuvent nous apprendre énormément de choses sur l'évolution géochimique d'un tel corps.

Dans ce scénario, les astéroïdes de type V représentent le matériau de surface et de la croûte de l'astre parent. Ceux de type A proviendraient d'un manteau totalement différencié tandis que ceux de type R proviendraient du manteau partiellement différencié d'un astre parent. Les astéroïdes de type S riches en olivine proviendraient soit de la région du manteau soit de la limite entre le noyau et le manteau de l'astre parent. Enfin, ceux de type M et T représentent des échantillons du noyau métallique d'un astre parent.

Comme expliqué plus haut, ce système de classification montre clairement que les types d'astéroïdes ne sont pas uniformément distribués dans la Ceinture d'astéroïdes. Le type S est surtout présent dans la partie interne tandis que le type C se rassemble dans la partie externe. Les types les plus populaires (types E, S, C, P et D) présentent des pics d'abondance à différentes distances héliocentriques comme indiqué dans le diagramme présenté ci-dessus à gauche.

Enfin, les astéroïdes de type T sont des astres très sombres présentant un albedo compris entre 0.04 et 0.11 avec un spectre plutôt rouge et des raies d'absorptions modérées dans le spectre visible (sous 850 nm). Ils présentent probablement une structure anhydre proche des types P et D. Cette catégorie comprend les astéroïdes 114 Kassendra et 233 Astérope. Aucune météorite n'a été associée à ce type.

Une chimie et une dynamique complexes

Selon les modèles traditionnels de formation du système solaire, des matériaux réfractaires contenant des silicates ou des oxydes métalliques supportant des températures élevées à modérées auraient été majoritaires dans la région interne du système solaire, tandis que les matériaux volatils contenant des minéraux carbonés et beaucoup de gaz auraient été majoritaires dans les régions froides et extérieures du système solaire. La zone de transition entre les températures modérées et basses correspondrait à la Ceinture des astéroïdes. Ainsi, le type E très abondant vers 2 UA est composé de silicates d'enstatites typiques d'une formation à haute température. Le type S contenant de l'olivine et du pyroxène est typique de température modérées, tandis que le type C très abondant vers 3 UA est typique d'une formation dans des régions froides.

A gauche, l'astéroïde Lutetia (~121 x 101 x 75 km) photographié par la sonde spatiale Rosetta en 2010. Au centre, l'astéroïde Ryugu d'environ 400 m de rayon et à peu près cubique photographié par la sonde spatiale japonaise Hayabusa 2 le 16 juin 2018 à 20 km de distance. Il fut découvert en 1999 dans le cadre du programme LINEAR. La sonde spatiale devrait ramener des échantillons de trois sites différents en 2020. Documents ESA et JAXA. A droite, un fragment de l'astéroïde Vesta tombé en Australie en 1960. Il est presque uniquement composé de pyroxène, un composant de la lave. Il mesure 10 cm et pèse 631 g. Document R.Kemton/New England Meteoritical Services.

Toutefois, de nouveaux modèles en 2D montrent qu'en réalité la situation fut plus complexe. Une étude publiée en 2016 dans les "MNRAS" par Francesco Pignatale de l'ENS de Lyon et une équipe internationale d'astronomes montre que des matériaux réfractaires furent également présents à la surface du disque à grande distance du Soleil, tandis que des matériaux volatils furent également présents dans le disque interne, à des distances équivalentes à 0.1 et 0.8 UA du Soleil, c'est-à-dire jusqu'à l'orbite de Mercure où on ne s'attend pas à trouver ce genre de matériaux.

Ces simulations rendent compte des observations des disques protoplanétaires en infrarouge où des émissions générées par des poussières d'enstatites ont été découvertes dans la surface interne des disques. Elles sont également compatibles avec la découverte de nombreuses exoplanètes géantes gravitant tout près de leur étoile, parfois à quelques dizaines de millions de kilomètres seulement, comme si Uranus ou Neptune par exemple gravitait sur l'orbite de Mercure. Selon Pignatale, cette chimie et cette dynamique suggèrent que la formation de chondrites d'enstatites à partir du fractionnement du gaz se produit dans la couche superficielle du disque protoplanétaire interne, en deça de 0.4 UA, une nouvelle donnée qu'il faut dorénavant inclure dans les modèles protoplanétaires. On y reviendra.

L'origine secrète des astéroïdes et des météorites

Dans une étude publiée dans la revue "Nature Astronomy" en 2018, l'équipe de Stanley F. Dermott de l'Université de Londres annonça qu'elle avait analysé les paramètres orbitaux et physiques de 200000 astéroïdes de la Ceinture principale intérieure, c'est-à-dire ceux situés entre 2.1 et 2.5 UA du Soleil et dont la magnitude absolue H < 16.5 (ce qui correspond à un diamètre d'environ 2-3 km et dont l'impact sur Terre ferait plus de dégâts qu'une bombe atomique). Les chercheurs ont découvert qu'au moins 85% de ces astéroïdes provenaient de 5 ou 6 anciennes planètes mineures. Les 15% restants peuvent également être tracés jusqu'au même groupe de corps parents.

A voir : The Secret Origins of Asteroids and Meteorites, U.Florida

Répartition de ~200000 astéroïdes de la Ceinture principale interne (2.1-2.5 UA) présentant une magnitude absolue H < 16.5. Au moins 85% de ces astéroïdes partagent des paramètres similaires et proviennent de 5 ou 6 planètes mineures selon les résultats d'une étude conduite par l'équipe de S.F. Dermott en 2018. Dans le diagramme de gauche, les lettrres M et A correspondent aux mouvements moyens de respectivement Mars et d'un astéroïde. La zone vert pâle comprend les astéroïdes croisant l'orbite de Mars (tel que 1221 Amor) tandis que la courbe pointillée représente la résonance séculaire.

Cette découverte est importante car elle permet de comprendre l'origine des matériaux qui ont façonné la Terre. Elle apporte également des renseignements sur l'histoire des astéroïdes et des matériaux qui les composent, des données essentielles à l'heure où les astronomes cherchent les meilleures méthodes pour protéger la Terre d'un éventuel impact avec un géocroiseur. On y reviendra.

Les chercheurs ont découvert que le type d'orbite d'un astéroïde dépend de la taille de l'astéroïde. Cette découverte suggère que les différences chimiques observées dans les météorites récoltées sur Terre représentent des changements évolutifs qui se sont produits à l'intérieur de quelques grandes planètes mineures à une époque remontant à plus de 4 milliards d'années.

Reste à étendre cette étude à l'ensemble des astéroïdes. Dermott déclara qu'il ne serait pas surpris si un jour les astronomes parviennent à retracer l'origine de tous les astéroïdes de la Ceinture principale (et pas seulement de la Ceinture interne) jusqu'à un petit nombre de corps parents connus.

Les comètes dormantes

Citons à part les astéroïdes qui présentent une queue diffuse comme les comètes. Selon l'astronome américain Brian Marsden du Minor Planet Center et des spécialistes de l'ESO, il existe beaucoup d'astéroïdes qui se comportent comme des comètes à l'approche du Soleil, présentant occasionnellement une coma comme ce fut le cas pour Chiron (160 x 80 km) observé en 1989. Il s'agit en fait d'une comète "dormante", capable de sursauts sporadiques. Inversement, certaines comètes disparaissent après avoir probablement perdu tous leurs composants volatils. A ce titre il fut également catalogué 95P/Chiron. On reviendra sur Chiron car, fait très rare, il est entouré d'un anneau de poussière.

A gauche, l'astéroïde 6478 Gault de 4 km de longueur gravite à 1.4 UA, entre les orbites de Mars et de Jupiter. Photographié en janvier 2019 par le Télescope Spatial Hubble, il présentait alors deux queues étroites de débris lui donnant l'aspect d'une comète. Cette activité inhabituelle indique que soit suite à sa rotation plus rapide que par le passé l'astéroïde s'est débarrassé d'une couche de poussière soit qu'il était en train de se désagréger. Document NASA/ESA, K.Meech, J.Kleyna (U.Hawaï) et O.Hainaut (ESO). A droite, Chiron présente toutes les caractéristiques d'une comète dormante. Ce graphique représente la signature de l'eau découverte dans sa coma.

On suppose que si le noyau d'une telle comète éteinte reste visible il ne pourra être différencié d'un astéroïde. Tel fut vraisemblablement le cas pour l'astéroïde 4015 qui fut redécouvert en 1979 au télescope du Mont Palomar, 30 ans après l'observation de la comète Wilson-Harrington. Des simulations de ses trajectoires antérieures ont permis d'extrapoler sa position en 1949 et de le retrouver sous l'aspect d'une comète.

A ce jour (2021), les astronomes ont identifié 8 astéroïdes affichant une queue de poussière sur les 20 candidats existants, dont le dernier est 2005 QN173 alias Main-Belt Comet (248370) qui évolue entre 3.07 et 2.37 UA du Soleil. Le noyau de ce petit corps de ~3.6 km de diamètre est entouré d'un nuage de poussière de 3.2 km de diamètre et, comme on le voit ci-dessous à gauche, sa queue s'étendait sur plus de 720000 km en juillet 2021 pour une largeur de seulement 1400 km (cf. H.H. Hsieh et al., 2021).

Ces petits corps libérant énormément de la poussière sont à la fois des astéroïdes et des comètes.

A gauche, image composite de l'astéroïde Main-Belt Comet (248370) 2005 QN173 de ~3.6 km de diamètre prise avec le télescope Hale du Mont Palomar le 12 juillet 2021. La queue de poussière s'étirent vers le bas et vers la droite sur plus de 720000 km. A droite, l'orbite de l'astéroïde 248370. Documents H.H. Hsieh et al. (2021) et Jana Chesley-Pittichová/NASA-JPL adapté par l'auteur.

Après avoir décrit les astéroïdes de la Ceinture principale, nous pouvons également les décrire en fonction de leur localisation car tous n'évoluent pas entre Mars et Jupiter. Beaucoup gravitent sur des orbites assez proches de celle de la Terre tandis que d'autres se sont regroupés dans des zones de stabilité gravitationnelle proches de l'une ou l'autre planète tandis que des millions d'autres gravitent au-delà de l'orbite de Neptune. Ce sont ces différentes familles et groupes d'astéroïdes que nous allons à présent décrire.

Prochain chapitre

La répartition des astéroïdes

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