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Pluton, le dieu des Enfers

Géologie (III)

Les premières mesures de brillance de surface de Pluton furent réalisées en 1985 et en 1990 à l'occasion d'éclipses mutuelles entre Charon et Pluton. Selon les dernières mesures, Pluton présente un albedo géométrique variant entre 0.49 et 0.66, ce qui le rend près de 30% plus brillant que Charon.

La surface de Pluton est constituée de silicates offrant un albedo moyen de 0.60, ce qui s'explique par la présence de grandes étendues glacées. Sa surface est composée à 98% d'azote (N2) et contient des traces de méthane (CH4) et de monoxyde de carbone (CO) vraisemblablement précipités de l'atmosphère.

Dans ces contrées reculées du système solaire, le méthane est refroidi à -203°C, 70 K, mais subit de fortes variations en raison de l'excentricité de l'orbite qui conduit Pluton jusqu'à 49 UA du Soleil, dans l'espace glacial de la ceinture intérieure des KBO. Dans des conditions extrêmes la surface de Pluton peut descendre à -240°C soit 33 K !

A consulter : New Horizons - NASA's Mission to Pluto (JHUAPL)

Toutes les photos de Pluton et de ses satellites

Planisphère de Pluton. Document JHUAPL.

Les relevés effectués par la sonde New Horizons et antérieurement par l'étude photométrique des occultations de Pluton par Charon ont révélé la présence de deux calottes polaires. La calotte polaire Nord est plus importante que celle de l'hémisphère Sud mais cette dernière est plus brillante. Leur forme évolue au rythme des cycles orbitaux et saisonniers. La calotte polaire boréale est constituée d'une épaisse couche de glace d'eau diluée dans de l'azote et du méthane.

Selon les modèles, la surface de Pluton est localement couverte de givre composé des sous-produits issus de la précipitation des composés méthano-azotés de l'atmosphère. On reviendra sur la composition du sol.

Les analyses multispectrales en lumière visible et infrarouge (instruments Ralph, MVIC et LESIA) ont montré que certaines zones exposées sont couvertes de glace d'eau et ces surfaces sont plus étendues qu'on l'imaginait. La plus forte concentration se situe sur le pourtour ouest et nord du motif en coeur de la plaine de Tombaugh Regio comme on le voit ci-dessous à droite, en particulier le long de Virgil Fossa, une vallée étroite située à l'ouest du cratère Elliot, dans la région de Viking Terra et Baré Montes, sur les pentes de certains cirques et la plaine avoisinante.

La non détection de glace d'eau dans Tombaugh Regio signifie qu'à cet endroit l'épaisseur de la couche de glace de méthane et d'azote est plus importante qu'ailleurs sur la planète.

Notons que les noms attribués aux reliefs de Pluton par les planétologues du JHUAPL sont informels et n'ont pas encore été validés par l'UAI.

A gauche, dans la partie ouest du "coeur" de Pluton, au bord de la plaine de Sputnik Planitia, on distingue des coulées de glace d'azote au bas des montagnes cratelées. Elles témoignent d'une activité géologique récente. La plaine est couverte de dunes composée de grains de méthane glacés. Voici la version annotée. Au centre, l'analyse de la surface de Pluton en infrarouge par New Horizons a révélé d'importantes concentrations de glace d'eau au pôle Nord et de glace de méthane, en particulier dans la chaîne de montagne équatoriale. Le bleu correspond aux émissions comprises entre 1.62 et 1.70 micron correspondant à la bande d'absorption moyenne de la glace de méthane. Le vert correspond aux émissions de 1.97 à 2.05 microns et aux régions où le méthane n'absorbe pas la lumière. Enfin, le rouge correspond aux émissions entre 2.30 et 2.33 microns où la glace de méthane absorbe fortement la lumière. A droite, les lieux où se concentre la glace d'eau en surface. La plaine en forme de coeur de Tombaugh Regio en est dépourvue, la couche de glace de méthane et d'azote étant probablement trop épaisse pour la révéler. Doc JHUAPL.

Les photographies prises à courte distance par New Horizons présentent une résolution inférieure à 1 km. Elles montrent localement des zones brunes composées d'hydrocarbures y compris de tholines, notamment à hauteur de l'équateur. Visiblement la surface de Pluton a été localement recouverte de plusieurs couches de matériaux différents.

Morphologie des reliefs

L'instrument Ralph a révélé que la partie gauche et centrale du coeur (Tombaugh regio) contient de grandes concentrations de monoxyde de carbone. Comme on le voit ci-dessous à gauche, la région de Sputnik Planitia (anciennement nommée Sputnik Planum) située dans la partie gauche du coeur est extrêment lisse et forme des motifs arrondis entourés de dépressions. Ce bassin d'impact mesure 1300 km de large et sa profondeur atteint 2500 m. La forme irrégulière des reliefs pourrait résulter de la contraction des matériaux superficiels, à l'image de ce qui se produit sur Terre lorsque la boue sèche. Leur forme pourrait également s'expliquer par la convexion dans la couche superficielle composée de monoxyde de carbone, de méthane et d'azote glacés, phénomène entretenu par la faible chaleur remontant de l'intérieur de Pluton.

La plaine de Sputnik Planitia contient localement des puits probablement formés par sublimation (la glace passe directement de l'état solide à l'état gazeux) ainsi que quelques montagnes et des pitons isolés.

Photographies de Pluton transmises par la sonde spatiale New Horizons le 14 juillet 2015 et colorisés à partir des données de l'instrument Ralph/MVIC (IR+R+B). A gauche, un gros-plan sur la région sud de Sputnik Planitia (la partie gauche du motif en "coeur" de Pluton) montrant une quantité impressionnante de puits d'origine est inconnue, probablement formés par sublimation. L'image fut prise à 15400 km de distance et couvre une surface de 80x80 km. A droite, la région de Cthlhu Macula et d'Elcano Montes située dans la zone équatoriale, à l'ouest de Sputnik Planitia. La résolution est de 680 m/pixel. L'agrandissement montre des crêtes couvertes de givre de méthane. Documents JHUAPL et adapté de T.Bertrand et al. (2020). 

Comme on le voit ci-dessus à droite, la région de Cthlhu Macula et d'Elcano Montes située dans la zone équatoriale, à l'ouest de Sputnik Planitia présente de grandes étendues brunes et des chaînes de montagnes qui ressemblent à nos Alpes. En fait, le gaz méthane se condense directement sur la surface froide; il ne neige donc pas sur Pluton. L'analyse au spectromètre de masse indique que les zones brunes sont couvertes de glace de méthane riche en azote. La brillance des sommets indique probablement que seule la phase riche en méthane est présente. La couleur brune-rougeâtre pourrait provenir de la glace qui s'est formée au cours des saisons précédentes et qui a ensuite protégé la surface des montagnes des rayons cosmiques.

Selon le géologue Jeff Moore du centre Ames de la NASA et membre de l'équipe de géologie de la mission New Horizons, les montagnes peu élevées photographiées sur le terminateur de Pluton, dans la région de Norgay Montes présentée ci-dessus à droite, sont vraisemblablement composées de roches mêlées de glace de méthane et d'azote, des matériaux qui ne sont pas assez résistants pour former de hautes montagnes. En revanche, la glace d'eau peut former des pics comme on le voit sur l'image. Ces pics de glace culminent à 3500 mètres d'altitude.

Photographies de Pluton transmises par la sonde spatiale New Horizons le 14 juillet 2015 et colorisés à partir des données de l'instrument Ralph/MVIC (IR+R+B). A gauche, les plaines lisses de glace d'azote de Sputnik Planitia offrent un indice clé de la présence possible d'un océan souterrain sur Pluton. Du fait qu'elle se trouve en face de la grande lune Charon, les scientifiques pensent qu'il pourrait s'agir d'une concentration masse située au-dessus d'un océan. A droite, sous une lumière rasante, la plaine claire située au nord-ouest de Sputnik Planitia révèlent des "rainures" de quelques kilomètres alignées dans la même direction suggérant qu'elles ont été creusées par le vent soufflant dans la plaine. Ce sont le spremières dunes de glace découverte dans le système solaire. Cette région se serait formée il y a moins de 50000 ans. Documents JHUAPL.

Parmi les formations étonnantes, comme on le voit ci-dessus, les gros-plans de la surface pris en juillet 2015 de la plaine claire située au nord-ouest de Sputnik Planitia révélèrent des "rainures" de quelques kilomètres alignées dans la même direction suggérant qu'elles ont été creusées par le vent soufflant dans la plaine. Ces dunes couvrent une surface d'à peine 75 km de largeur. Il s'agit d'une zone a priori relativement jeune qui se serait formée il y a moins de 50000 ans. C'est la première fois qu'on découvre des dunes de glace sur une autre planète.

A priori, les astronomes ne comprenaient pas comment des dunes pouvaient se former sous une faible gravité et une faible pression atmosphérique. Les planétologues de l'Université de Plymouth et de l'Université de Cologne ont finalement compris que la faible pression régnant sur Pluton signifie que des vents beaucoup plus faibles que sur Terre suffisent à produire la saltation sur Pluton, c'est-à-dire l'accumulation de "sables" fins (et de limons sur Terre) qui peuvent se déplacer au-dessus du sol et retomber un peu plus loin (sur Terre, ce mécanisme déplace le sable de plusieurs dizaines de centimètres et laisse les limons quelque temps en suspension dans l'air). Selon les chercheurs, les gradients de température dans la glace induits par le rayonnement solaire pourraient également stimuler ce processus. Combinés ensemble, sur Pluton ces mécanismes peuvent former des dunes dans des conditions de vent normales (un vent soufflant à 40 km/h) et de manière quotidienne. Ces dunes sont composées de grains de la taille du sable constitués de méthane glacé comme l'expliqua Alexander G. Hayes de l'Université Cornell dans un article publié dans la revue "Science" en 2018.

Photographies de Pluton transmises par la sonde spatiale New Horizons le 14 juillet 2015 et colorisés à partir des données de l'instrument Ralph/MVIC (IR+R+B). La région se situe au nord-ouest de Sputnik Planitia et fut photographiée à 17000 km de distance. L'image ci-dessus s'étend sur 80 km de longueur et la résolution varie entre 77-85 mètres par pixel sur l'original. On distingue des montagnes principalement composées de blocs de glace d'azote tombant sur la plaine glacée. On distingue également des petits puits d'origine inconnue aux intersections des zones polygonales et quelques cratères sur la partie gauche montagneuse et enneigée ainsi que des dépôts sombres d'hydrocarbures. Ci-dessous, agrandissement de la partie droite de l'image précédente tournée de 90° dans le sens horloger afin de rendre correctement la perspective. La plaine est couverte de dunes constituées de fins grains de méthane glacés formées par un vent soufflant à 40 km/h. C'est la première fois qu'on observe des dunes de glace sur une autre planète. Documents JHUAPL.

La surface de Pluton comprend également des grands cirques de plusieurs centaines de kilomètres de diamètre dont certains présentent un piton central, on y trouve des formations complexes et localement polygonales, de nombreux pics, des réseaux de failles et des crêtes de plusieurs centaines de kilomètres et une chaîne de montagne parcourt la région équatoriale. Certains régions rappellent la surface glacée de Triton ou d'Europe mais leur formation est différente.

En se basant sur l'absence de cratères sur les photographies rapprochées, Moore et ses collègues estiment que ces reliefs se sont formés il y a plus de 100 millions d'années. Ils sont donc relativement jeunes par rapport aux 4.56 milliards d'années du système solaire. En effet, comme on le constate ailleurs sur Pluton, en quelques milliards d'années Pluton aurait dû être criblée de cratères, à l'image de la Lune. Leur absence et la présences de plusieurs couches superposées dans les plaines indiquent que la surface a récemment été remodelée par un phénomène probablement géologique qui effaça les anciennes traces. Selon Moore, Pluton ne pouvant pas compter sur la chaleur des interactions gravitationnelles pour modeler sa surface, un autre processus a oeuvré pour former ces paysages montagneux. Il faut à présent trouver son origine et des traces de son activité.

Photographies de Pluton transmises par la sonde spatiale New Horizons. A gauche, une photo prise le 12 juillet 2014 à 2.5 millions de kilomètres de distance. Notez la chaîne de montagne dans la partie équatoriale et les failles, les formes polygonales et les grandes taches sombres formées de dépôts métano-azotés sous l'équateur. Le grand coeur clair se profile sur la gauche du limbe. Ensuite deux photos prises le 11 juillet 2015 à 4 millions de kilomètres de distance et enfin une photo prise le 9 juillet 2015 à 5.4 millions de km de distance (longitude de 19°). Documents JHUAPL.

Le processus le plus probable est une activité cryovolcanique, à l'image de celle qu'on observe sur d'autres corps célestes qui n'est pas sans rappeler l'activité volcanique terrestre dans les régions polaires. Ceci dit, il faut encore examiner beaucoup de photos, analyser beaucoup de données et les confronter aux modèles avant d'établir une théorie conforme aux observations.

Modélisations

Formation de Pluton : la "comète géante"

Suite aux données recueillies par les sondes spatiales New Horizons de la NASA et Rosetta de l'ESA, le planétologue Christopher R. Glein du SwRI et son collègue J.Hunter Waite ont proposé en 2018 dans la revue "Icarus" (en PDF sur arXiv) un nouveau modèle cosmochimique de Pluton appelé la "comète géante".

Cartes de Pluton assemblées à partir des données de l'instrument Ralph de New Horizons. L'azote (N2) est abondant dans la région équatoriale de Sputnik Planitia. Document NASA/JHUAPL/SwRI.

Les chercheurs voulaient comprendre l'origine de la composition particulière de la grande dépression claire de Sputnik Planitia, une région glaciaire dont la partie équatoriale est riche en glace d'azote (N2) comme on le voit à droite (en jaune).

Ils ont découvert un lien intriguant entre la quantité estimée d'azote à l'intérieur du glacier et la quantité prédite si Pluton s'était formée par l'agglomération d'environ un milliard de comètes ou d'autres objets similaires à la composition chimique de la comète 67P "Choury" explorée par la sonde Rosetta.

Les scientifiques devaient comprendre non seulement pourquoi de l'azote est présent sur Pluton, dans son atmosphère et dans les glaciers, mais aussi comment de grandes quantités d'éléments volatils auraient pu s'échapper de son atmosphère et se répandre dans l'espace au fil des éons. Ils devaient ensuite trouver un scénario global pour expliquer leurs proportions ainsi que celle du monoxyde de carbone (CO, en vert sur la carte). Enfin, la faible abondance de monoxyde de carbone semblait être le signe qu'il était soit enfoui dans les glaces de surface soit qu'il fut détruit lors de la disparition de l'eau à l'état liquide.

Les chercheurs sont arrivés à la conclusion que le modèle de la "comète géante" est le plus adapté pour expliquer ces phénomènes. En plus de ce modèle, les scientifiques ont également étudié un modèle solaire dans lequel Pluton serait formé de glaces très froides dont la composition chimique serait plus proche de celle du Soleil.

Dans leurs conclusions, les chercheurs ont suggéré que la composition chimique initiale de Pluton fut héritée de blocs de construction cométaires et fut ensuite chimiquement modifiée par l'eau liquide, peut-être même dans un océan souterrain (voir plus bas), mais le modèle solaire satisfait certaines contraintes bien qu'il reste de nombreuses questions en suspens.

Évolution de la surface de Pluton

En 2016, Tanguy Bertrand et François Forget du CNRS ont publié dans la revue "Nature" les résultats d'une modélisation de Pluton sur une période de plus de 50000 ans qui apporte quelques indices sur la nature et l'évolution de sa surface dont la persistance de la plaine en forme de coeur de Tombaugh Regio, en particulier de son lobe ouest, le glacier de Sputnik Planitia de 1000 km de large.

Selon Bertrand, "la surface de Pluton est un étonnant cocktail de différents types de glaces qui n'existent pas à l'état naturel sur Terre. Nous avons développé un modèle thermique de la surface de Pluton afin de mieux comprendre les mécanismes de condensation/sublimation de la glace à l'échelle de la planète. Ce modèle nous permet aussi d'explorer différents scénarii climatiques qui pourraient expliquer la distribution de la glace sur Pluton."

Les simulations montrent que la forme en coeur est en grande partie créée par de la glace d'azote hautement volatile qui s'accumule dans le bassin où elle forme un réservoir permanent de glace comme l'ont montré les photos prises par New Horizons. Ce phénomène se produit en raison de la phase solide-gaz en équilibre de l'azote. Au fond du bassin, la pression de l'atmosphère et donc du gaz d'azote est plus élevée et donc la température de solidification est plus élevée qu'à l'extérieur. Par conséquent, l'azote se condense préférentiellement en glace à cet endroit. La glace de monoxyde de carbone qui est aussi volatile de celle d'azote est également séquestrée dans ce bassin.

Quant à la glace de méthane qui est beaucoup moins volatile aux températures régnant sur Pluton, comme le montre la simulation ci-dessous, elle ne se concentre pas uniquement dans le glacier de Sputnik Planitia comme l'azote et le monoxyde de carbone. Selon ce modèle et comme l'a montré New Horizons, du givre de méthane pur recouvre les deux hémipshères de manière saisonnière.

A gauche, modélisation de la surface pendant une année de Pluton révélant l'existence d'un cycle de dépôts saisonniers apportés par la brume (en brun) et la persistance de la plaine de Sputnik Planitia (blanc). Cliquer sur l'image pour lancer l'animation (GIF de 2.2 MB). A droite, la distribution des glaces à la surface de Pluton. Documents T.Bertrand et F.Forget/CNRS/JHUAPL (2016) adaptés par l'auteur.

Comme évoqué précédemment, le modèle prédit aussi que la pression atmosphérique qui est actuellement au maximum saisonnier va diminuer au cours des prochaines décennies tandis que le givre de méthane disparaîtra.

Selon Bertrand, "ce modèle montre qu'un réservoir interne de glace d'azote ne doit pas nécessairement exister pour expliquer la formation de Sputnik Planitia, comme l'ont suggéré les études précédentes. A la place, des principes physiques bien connus peuvent l'expliquer." C'est ce que confirma également l'analyse des occultations de Pluton par l'équipe de Eli Meza en 2019.

Si ce modèle semble fonctionner, il est peu supporté du côté américain. Fin 2016, Richard Binzel spécialiste des sciences planétaires au MIT publia une étude dans la revue "Nature" fondée sur les données transmises par la sonde New Horizons concernant la composition de Sputnik Planitia. Dans cette étude, il suggère l'existence d'un océan d'eau glacée de consistance visqueuse sous le bassin formant le "coeur" de Pluton. La nouvelle modélisation de la "comète géante" publiée en 2018 supporte également l'hypothèse de l'existence d'un océan souterrain mais ne l'affirme pas faute de preuves.

Les indices qu'il existerait un océan sur Pluton

Au moins trois indices suggèrent l'existence d'un océan sous la surface de Pluton. D'abord, il y a les observations géologiques. Il est frappant de constater le grand nombre de failles et de grandes fissures à travers sa surface. Ces failles dont certaines traversent des cratères d'impacts plus anciens comme la faille de Virgil Fossae présentée ci-dessous à gauche, indiquent que Pluton a subi un certain degré d'expansion globale. Une manière de créer ce "gonflement" planétaire est qu'un océan souterrain ait gelé. Au fur et à mesure que l'eau s'est transformée en glace, celle-ci aurait poussé la surface vers l'extérieur. La couche de glace en expansion appuierait également sur l'eau située plus profondément, la pressurisant. Si la pression augmente suffisamment, l'eau peut jaillir à la surface lors d'éruptions de cryovolcans.

La petite lune Encélade de Saturne présente des éruptions cryovolcaniques actives, mais rien de tel n'a été observé sur Pluton. En revanche, les montagnes de Norgay Montes présentées ci-dessous à droite pourraient être des cryovolcans, bien que toute l'équipe de New Horizons n'en est pas convaincue. Certaines grandes fractures comme celle de Virgil Fossae présentée ci-dessous présentent des couleurs et des composition inhabituelles qui pourraient être le signe d'une éruption de matière, bien qu'encore une fois, tout le monde n'accepte pas cette interprétation. Bien que ces preuves géologiques soient ambiguës, la fracturation et les éventuels cryovolcans sont des effets tout à fait compatibles avec ce que les scientifiques attendraient d'un océan qui se recongèle lentement.

A gauche, la longue fracture de Virgil Fossae traverse la surface de Pluton et s'étend même dans le grand cratère d'impact Elliot. La couleur rougeâtre de cette fracture et d'autres représente de la glace d'eau propre, suggérant qu'elles se sont formées relativement récemment. A droite, cette photo prise à 770000 km de distance couvre une surface d'environ 360x177 km de Norgay Montes avec une résolution inférieure à 1 km. On distingue un terrain mixte, remodelé sur la partie gauche avec plusieurs couches superposées et des montagnes à droite présentant de nombreux pics. Ces montagnes isolées sont composées de glace d'eau et s'élèvent à 3500 m d'altitude. La dépression centrale et des flancs festonnés suggèrent qu'il pourrait s'agir d'un cryovolcan. Les taches sombres autour du sommet de certains cones pourraient être des éjecta. Documents JHUAPL.

Le deuxième indice concerne une caractéristique que paradoxalement Pluton ne possède pas. Certains corps, comme la Lune de la Terre et le satellite Japet de Saturne, sont légèrement plus renflés au niveau de l'équateur que prévu. Ces renflements équatoriaux se sont formés tôt dans leur histoire, lorsque les lunes tournaient beaucoup plus vite. Par la suite, ces anciens renflements se sont figés. Ainsi, notre Lune et Japet ont conservé le souvenir d'un état de rotation antérieur plus rapide.

Pluton semblait être un candidat probable à un tel renflement car il a dû considérablement ralentir son taux de rotation au fil du temps en raison de l'influence gravitationnelle de sa grande lune Charon. Or, New Horizons n'a pas réussi à détecter un tel renflement. Bien que les scientifiques aient proposé plusieurs explications possibles, un moyen certain d'éliminer un tel renflement consiste à développer un océan souterrain. Mais dans le cas de Pluton la couche de glace superficielle est trop mince pour résister à la pression excercée par un renflement et s'effondrerait.

Le troisième indice est le plus compliqué mais aussi le plus intrigant. Pluton affiche dans son hémisphère sud l'immense bassin ou plaine de Sputnik Planitia en forme de coeur. Cette région est plus claire parce qu'elle est couverte de glace d'azote alimentée par les glaciers d'azote qui descendent des hautes terres environnantes.

Un autre élément clé de Sputnik Planitia est son emplacement. Ce bassin se trouve presque en face de Charon (Charon présente une rotation synchrone, présentant toujours la même face à Pluton, et vice versa). Si vous pouviez placer une masse supplémentaire, comme une montagne très massive sur la surface de Pluton, la planète basculerait sur son axe jusqu'à ce que la montagne atteigne l'emplacement de Sputnik Planitia. Les scientifiques appellent ce mécanisme la "dérive vrai du pôle", TPW en abrégé (true polar wander), qui existe également sur la Terre, sur Mars et sur Encélade (cf. D.A. Evans, 1998; J.T. Keane et al., 2016).

Une conséquence du TPW est que la surface de Pluton se déforme en réponse aux déplacements des concentrations de masse. Ceci, combiné à l'expansion de la surface, produit des fractures, leurs orientations correspondant assez bien à celles prédites par les modèles informatiques. Ainsi, l'emplacement de Sputnik Planitia est parfaitement logique s'il représente une zone de concentration de masse.

Mais comment Sputnik Planitia a-t-elle pu devenir aussi massive ? Après tout, c'est une dépression dans le sol. On pourrait imaginer que c'est en raison de la présence de glace d'azote qui est légèrement plus dense que la glace d'eau et a rempli le bassin, le rendant plus lourd. Sauf que dans ce cas-ci, il faudrait une épaisseur de glace d'azote très importante. Par conséquent, cette contribution à elle seule ne suffit pas. Une autre explication propose que la couche de glace située sous la surface s'est amincie. Une couche plus mince signifie que l'eau plus dense a remplacé la glace plus légère, provoquant une concentration de masse. Cette combinaison de chargement d'azote par le haut et d'une couche de glace amincie en dessous peut facilement produire une concentration de masse et provoquer un TPW.

Bien que ce scénario semble construit de manière ad hoc, nous savons qu'un mécanisme similaire s'est produit sur la Lune. En effet, les mesures gravimétriques montrent que de nombreux bassins d'impact remplis de lave présentent des concentrations de masse ou "mascons", même s'il s'agit toujours de dépression dans le sol. L'équipage d'Apollo 11 en subit leur effet lors de l'alunissage du LEM en 1969 au cours duquel l'équipage dépassa la zone d'alunissage prévue car le calculateur n'avait apparemment pas tenu compte d'un mascon (cf. le rapport du CSIRO, p299).

Sur la Lune, la croûte sous-jacente s'est amincie et un manteau plus dense a remplacé la croûte plus légère. Les modèles informatiques montrent que l'amincissement de la croûte correspond exactement à la réponse suite à un impact à grande vitesse avec un astéroïde massif ou un KBO. Bien que nous ne sachions pas avec certitude si Sputnik Planitia s'est formé de cette façon, les grands bassins d'impact elliptiques sont courants sur les astres rocheux du système solaire. Si un impact avait formé cette dépression, il aurait provoqué un amincissement de la croûte.

A gauche, l'hypothétique océan souterrain de Pluton est situé ~100 km sous les couches de glace et de roche. Au centre, schéma possible de l'intérieur de Pluton sous Sputnik Planitia. La croûte de glace au-dessus de l'eau est plus mince dans cette région. A droite, topographie de Pluton mesurée par la sonde spatiale New Horizon. Les zones codées en violet et bleu sont les plus basses et en rouge les plus hautes. La dépression de Sputnik Planitia large de 1300 km et profonde de 2500 m est un bassin d'impact. Sous le fond du bassin rempli de glace d'azote se trouverait un océan d'eau dense, salée et riche en ammoniac. Document DailyMail/NASA/JUAPL/ SwRI adapté par l'auteur, J.T. Keane via Medium et P.M. Schenk/LPI/JHUAPL/SwRI/NASA.

Ainsi, New Horizons a fourni trois indices selon lesquels un océan pourrait exister sous la surface de Pluton : les fractures de surface et d'éventuels cryovolcans; l'absence d'un renflement équatorial fossile; et le fait que Sputnik Planitia représente une concentration de masse. Aucun des indices n'est à l'abri des critiques, mais les chances semblent favoriser l'existence d'un tel océan.

Comment peut-on confirmer l'existence d'un océan ? Depuis le début des années 2000, les planétologues ont utilisé plusieurs techniques pour identifier des océans cachés notamment sous la surface des lunes glacés des planètes géantes. Malheureusement, aucune des deux meilleures méthodes ne fonctionne sur Pluton. La première méthode nécessite que l'astre présente un champ magnétique important, qui induit des courants dans l'océan salé électriquement conducteur. Les chercheurs se sont alors reportés sur la présence d'un champ magnétique secondaire généré par ces courants. La technique a bien fonctionné sur les lunes de Jupiter, mais pas sur Pluton puisqu'il ne présente pas de champ magnétique suffisamment important pour produire un tel signal. L'autre méthode repose sur la mesure de la taille des marées, les grandes marées indiquant un intérieur pouvant être liquide. Mais les faces de Pluton et Charon étant verrouillées gravitationnellement, les deux astres ne produisent aucun signal de marée.

Une sonde spatiale en orbite autour de Pluton serait certainement en mesure de vérifier si Sputnik Planitia représente un mascon, bien qu'en soi, cela ne prouverait pas l'existence d'un océan souterrain. Mais une analyse plus détaillée devrait le prouver avec certitude. En effet, l'excès de masse que représente l'éventuel océan se situe en profondeur et le déficit de masse (le bassin) est en surface, de sorte que leurs contributions s'opposent à la gravité et ne s'annulent donc pas tout à fait. En mesurant les anomalies de gravité, en particulier comment la gravité modifie la trajectoire orbitale d'une sonde spatiale, les scientifiques devraient pouvoir déterminer s'il existe un océan et déduire l'épaisseur de la couche de glace.

Avec ces trois indices, on peut non seulement soutenir l'hypothèse qu'un océan existerait sous la surface de Pluton mais également que cet astre glacé serait habitable. On reviendra sur l'habitabilité de Pluton dans l'article consacré à la contamination extraterrestre.

Les spéculations

Par spéculations, entendons des hypothèses proposées par certains chercheurs qui n'ont pas encore été validées. Soit elles reposent uniquement sur des concepts et des modélisations soit elles sont supportées par des indices découverts sur site mais pour lesquels il manque encore ces fameuses preuves pour valider la théorie. C'est en particulier le cas de l'hypothétique cryovolcanisme de Pluton et de la présence d'une couche liquide sous sa surface. Si au lendemain de la mission New Horizons en 2015 peu de chercheurs supportaient ces deux théories, au fil du temps les résultats de nouvelles analyses soutiennent de plus en plus ces deux hypothèses.

A. Le cryovolcanisme

New Horizons n'a pas photographié ni détecté de cryovolcans actifs, aucune éruption de vapeur d'eau, d'ammoniaque ou de méthane sur Pluton. Si c'était le cas, ce serait une découverte majeure, signe d'une activité interne.

Illustration d'un cryovolcan qui fut actif dans le passé récent de Pluton. Document T.Lombry.

Les volcans que nous connaissons sur Terre crachent de la roche en fusion. Sur un astre froid comme Pluton, un phénomène similaire se produit lorsque la glace est chauffée dans la croûte et dégèle suffisamment pour remonter à travers les fissures de la surface.

Le cryovolcanisme est actif sur les lunes d'Europe (Jupiter), Encélade (Saturne) et Triton (Neptune) et semble actif sur Charon (voir page suivante) et sur la planète naine Cérès. Au fur et à mesure que la neige fondue tombe sur la surface froide et durcit, elle peut s'accumuler en monticules ou recouvrir le sol pour former des plaines et des dômes.

Si les scientifiques ont observé peu de changements dans la haute atmosphère de Pluton entre 1988 et 2013, en revanche la basse atmosphère s'est épaissie et sa pression a augmenté ainsi que la couche de brume en surface. Ces changements extrêmes peuvent être provoqués par le cryovolcanisme.

Dans un article publié dans la revue "Icarus" en 2015, Marc Neveu de l'Université d'Arizona et ses collègues, ont déclaré qu'une atmosphère propice au cryovolcanisme doit contenir du monoxyde de carbone, des molécules d'azote, de méthane et de l'hydrogène moléculaire. Si l'astre contient l'un de ces éléments en abondance et à condition que le monoxyde de carbone ne soit pas dissout dans l'eau et que l'azote moléculaire ou les gaz réducteurs comme le méthane soient produits en masse via les évents hydrothermiques, alors l'astre développe un cryovolcanisme en surface.

Si c'est le cas, Pluton pourrait alors cacher une étendue liquide sous sa surface glacée sur une épaisseur d'environ 200 km. Le même phénomène pourrait exister sur Charon. Mais à ce jour, ce phénomène n'a pas été observé.

Dans une étude publiée dans la revue "Nature Communications" en 2022, Kelsi N. Singer du SwRI et ses collègues ont analysé les images de la surface de Pluton montrant des terrains allant de zones relativement anciennes et fortement cratérisées à de très jeunes surfaces présentant peu ou pas de cratères d'impacts.

Vue en perspective de la région cryovolcanique de Wright Mons. Les brumes de surface et atmosphériques de Pluton sont représentées en niveaux de gris, avec une interprétation (en bleu) de la façon dont les anciens processus volcaniques ont formé les reliefs. Document NASA/JHU/K.N. Singer et al. (2022).

L'une des régions peu cratérisée mais très accidentée à toutes les échelles se trouve au sud-ouest de la pointe de la plaine en forme de coeur de Sputnik Planitia et couvre une superficie d'environ 300 km x 600 km autour de Wright Mons (~170°E, ~20°S). Comme illustré à gauche et ci-dessous, elle est dominée par des collines interconnectées et de nombreux reliefs très élevés dont les flancs et les sommets de la plupart d'entre eux sont couverts de dépressions leur valant le surnom de terrains bosselés. La dénivélation dépasse localement 5000 m.

La région est parsemée de monticules et de dômes dont le plus élevé nommé Colemans Mons (voir plus bas) culmine à près de 7 km d'altitude et mesure 30 km x 100 km. Il présente un volume similaire à celui du volcan Mauna Loa d'Hawaï. Certains dômes ont fusionné pour former des structures plus complexes. Les chercheurs ont également identifié des dômes qui semblent s'être formés sur des reliefs plus anciens, indiquant que plusieurs épisodes volcaniques se sont produits.

L'escarpement de Ride Rupes (voir plus bas) est l'une des falaises les plus élevées et les plus longues de Pluton. Elle indique qu'il pourrait y avoir de profondes failles dans la zone qui pourraient permettre à la cryolave de remonter du sous-sol.

Peu ou pas de cratères existent dans cette zone, ce qui indique qu'elle est géologiquement jeune.

Pour Singer et ses collègues, "Ces caractéristiques n'existent nulle part ailleurs dans le système solaire. Sur base de la géomorphologie et de la composition de cette région, la surface a été modelée par des processus cryovolcaniques, d'un type et d'une échelle uniques à Pluton, du moins jusqu'à présent."

Plutôt que l'érosion ou d'autres processus géologiques, l'activité cryovolcanique semble avoir extrudé de grandes quantités de matériaux et remodelé la surface sur une région entière de l'hémisphère que New Horizons photographia. Selon Singer et ses collègues, "La région a connu plusieurs périodes d'activité cryovolcanique avec des éruptions qui ont déplacé un grand volume de matériaux (> 10000 km3). Cette activité remonterait aux 100 ou 200 derniers millions d'années."

Selon Singer, "Nous ne pouvons pas exclure que cela se poursuive mais il pourrait y avoir plus d'épisodes à venir", rappelant que les volcans terrestres peuvent rester inactifs pendant des milliers d'années entre les éruptions.

Les chercheurs ont également déterminé que les sites cryovolcaniques sont principalement composés de glace d'eau avec de petites quantités d'azote congelé et d'autres composés comme le méthane. Du fait que ces différents types de glace ont leur propre point de fusion et des propriétés spécifiques, cela aurait influencé la formation des structures.

Singer et ses collègues ont utilisé des modèles informatiques pour simuler comment le cryovolcanisme aurait pu créer les dômes. Le processus ne fut probablement pas explosif comme dans de nombreuses éruptions terrestres. Au contraire, cela aurait pu ressembler à la lente formation par percolation de structures en coussins appelées "pillow lavas mais à une échelle géante" (cf. les pillows de lave de Boatman Harbour en Nouvelle Zélande).

Selon les chercheurs, étant donné le froid régnant à cette distance du Soleil, pour rester mobile les fluides émis par les cryovolcans de Pluton devaient probablement contenir des sels qui agissaient comme de l'antigel. Mais par -240°C, la texture de la glace était probablement très visqueuse voire presque solide et coulait de la même manière qu'un glacier. Selon Singer, "Nous l'imaginons davantage comme une pâte semblable à du dentifrice ou à du mastic qui n'est pas complètement fluide".

A gauche, a) et b) topographie de la région de Wright Mons de Pluton par ~163-182°E et ~16-28°S (a) et ~166-177°E et ~17-24°S (b). La résolution est de 315 m/pixel. c) Zoom sur la région de Coleman Mons (D, par ~164-179°E et ~16-25°S) contenant un dôme, des terrains vallonnés et bosselés sur les flancs de Wright Mons et des crêtes ou des rochers accidentés à plus petite échelle (1-2 km). d) Profil topographique de Wright Mons et élévation le long la ligne A-A' de l'image a). La flèche jaune indique la direction de la lumière du Soleil. Sur toutes les images, le nord est en haut. Au centre, composition de la surface dérivée des données spectrales LEISA superposées sur une carte de base panchromatique en niveaux de gris. Les couleurs plus rouges indiquent une plus grande profondeur d'absorption et une présence plus forte du matériau. En d) il s'agit de matière organique rouge. Le méthane domine une grande partie de la région, mais la glace d'eau (mélangée à un matériau rouge foncé) est apparente dans les zones sombres/à faible albédo, qui sont vraisemblablement des zones plus chaudes où la glace de méthane n'est pas stable. A droite, topographie de la région de l'escarpement de Ride Rupes et du dôme de Coleman Mons. Les dépressions sont en magenta/blanc, les reliefs les plus élevés en vert/orange. Documents NASA/JHU/K.N. Singer et al. (2022) et JHUAPL.

Comme il s'agit de terrains géologiquement jeunes et que de grandes quantités de matériaux furent nécessaires pour les créer, les chercheurs concluent qu'il est possible que "la structure intérieure et l'évolution de Pluton retiennent de la chaleur, soit que Pluton génère plus de chaleur que prévu, ce qui a permis la formation de matériaux riches en glace d'eau au cours du passé récent de Pluton."

D'autres processus géologiques sont peu probables. Par exemple, la région de Wright Mons présente des changements importants dans les terres élevées et les basses terres qui n'auraient pas pu être créés par l'érosion. Les chercheurs n'ont également aucune preuve d'érosion glaciaire ou de sublimation importante dans le terrain bosselé entourant les plus grandes structures.

Singer conclut que "L'un des avantages d'explorer de nouveaux endroits dans le système solaire est que nous trouvons des choses auxquelles nous ne nous attendions pas. Ces cryovolcans géants et étranges observés par New Horizons sont un excellent exemple de la façon dont nous élargissons nos connaissances sur les processus volcaniques et l'activité géologique sur les mondes glacés."

B. Structure interne

Concernant sa structure interne, avec une densité moyenne de 2.03, on en déduit que Pluton est constitué d'environ 70% de roches et de 30% de glace. Selon les modèles calculés au Caltech et au JPL à partir des observations du Télescope Spatial Hubble, son noyau occuperait 75% du volume et serait rocheux. Le reste est plus spéculatif.

Au moins trois modèles géologiques coexistent. Les deux principaux modèles considèrent que Pluton contiendrait un noyau rocheux qui s'étendrait dans un rayon d'au moins 928 km. Concernant les 257 km restant jusqu'en surface, dans le premier modèle, il serait recouvert par un océan d'une profondeur d'environ 200 km sur lequel flotterait une épaisse couche de glace de 50 à 60 km d'épaisseur. Les mouvements de cette glace formeraient des crêtes et des failles en surface. Dans ce cas, des débordements visqueux et des éjections de vapeur et de matière sont envisageables.

Dans le second modèle, il n'existerait pas d'océan mais uniquement une enveloppe glacée de 257 km d'épaisseur.

Selon les modèles, cette couche de glace serait soit constituée de méthane soit d'azote mélangé à un peu de méthane.

Enfin, un dernier modèle moins probable considère que l'intérieur de Pluton présenterait une densité homogène du centre jusqu'à la surface. Mais cela ne semble pas compatible avec l'évolution différenciée des planétoïdes ni avec les reliefs cryovolcaniques.

Les résultats de Singer et ses collègues suggèrent que l'intérieur de Pluton serait suffisamment chaud pour contenir de l'eau liquide. Les chercheurs appuyent l'hypothèse selon laquelle un océan existe peut-être entre 100-200 km de profondeur, là où la couche de glace rencontre le noyau rocheux. Cependant, pour alimenter l'activité cryovolcanique, Pluton pourrait également abriter "de petites poches de zones plus chaudes" d'eau ou de neige partiellement fondue plus près de la surface.

Si on peut prouver l'activité cryovolcanique de Pluton, cela confirmerait l'existence d'une étendue liquide souterraine et cela validerait les modèles développés depuis le début des années 2000. De plus, si Pluton dispose d'une couche liquide souterraine, c'est également probablement le cas de beaucoup d'objets de la Ceinture de Kuiper, et cela aura donc beaucoup d'implications en planétologie.

Selon Alan Stern, chercheur principal de la mission New Horizons au SwRI, "L'étude récemment publiée par Singer et ses collègues est vraiment historique, montrant une fois de plus la personnalité géologique d'une planète naine comme Pluton et à quel point elle fut incroyablement active sur de longues périodes. Même des années après le survol, ces nouveaux résultats montrent qu'il y a beaucoup plus à apprendre sur les merveilles de Pluton que ce que nous imaginions avant qu'elle ne soit explorée de près."

Ionosphère et magnétosphère

A l'image du satellite Ganymède de Jupiter, il se peut que Pluton ait conservé un champ magnétique en raison des forces de marées engendrées par son satellite Charon. Mais actuellement rien ne l'indique.

Grâce à l'instrument REX, New Horizons pourrait détecter l'ionosphère de Pluton qui se situerait vers 1100 km d'altitude (cf. aussi le champ magnétique de la Terre).

Si Pluton dispose d'un champ magnétique - et donc d'une magnétosphère - SWAP et PEPSSI pourraient le détecter. Ce champ magnétique pourrait être entretenu par une interaction avec le vent interplanétaire, un peu comme le font les comètes; il s'agirait alors plutôt d'une "cométosphère" comme le suppose Alan Stern dans son livre "Pluto and Charon" (1997).

Si on découvre ces structures, alors il y a des chances qu'on puisse observer des aurores sur Pluton, même si elles seraient très pâles et la probabilité très faible (cf. les aurores). En effet, la présence d'aurores exige que le champ magnétique de Pluton oriente et focalise les particules chargées dans une toute petite région de la haute atmosphère et que le vent solaire puisse être détectable et dévié à environ 10 rayons de Pluton. A ce jour, aucune trace de champ magnétique ni d'ionosphère n'ont été détectées.

Enfin, Pluton est escorté par 5 satellites naturels. C'est l'objet du dernier chapitre.

Dernier chapitre

Charon, le passeur des Enfers

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