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L'univers des galaxies

Le Quintette de Stephan. Documents STScI/Subaru/R.Gendler.

Au-delà de la Voie Lactée (I)

Malgré l'aspect chatoyant des nébuleuses qui peuvent retenir l'attention des astronomes pendant des heures, on ne saurait imaginer la diversité des objets qui se cachent derrière la voûte céleste, par-delà la Voie Lactée.

Que penser en effet de ces petites taches diffuses qu'on observe à l'oculaire d'un télescope par une nuit claire et sans Lune ? En observant le ciel, on constate qu'à mesure qu'on utilise des instruments plus puissants (de plus grand diamètre), non seulement le nombre d'étoiles parsemant le champ de vision augmente exponentiellement mais toute une série de petites nébulosités, des taches claires plus ou moins allongées deviennent apparentes.

Avec des moyens techniques amateur, il est difficile d'identifier ces objets. Leur centre est brillant tandis que leurs formes s'estompent progressivement sur quelques secondes voire quelques minutes d'arc de distance. Fait remarquable, la plupart de ces taches claires sont allongées et des sortes d'extensions courbées sont visibles autour des plus brillantes. Seule la photographie, grâce à l'accumulation de la lumière pendant de longues expositions, permet de révéler leur identité : ce sont des galaxies, des objets tout différent des nébuleuses.

Découvrir ainsi des galaxies à l'oculaire d’un télescope est une révélation pour tous les amateurs d'astronomie, et plus encore si vous avez la chance de les observer dans un télescope d'au moins 30 cm d'ouverture. Pensez donc ! Sous vos yeux, de gigantesques rassemblements d'étoiles vous attendent là, comme suspendus dans le ciel, calmement et silencieusement, à des millions d’années-lumière... En un coup d'oeil vous embrassez des milliards de milliards de milliards de kilomètres cubes ! En même temps, vous faites un prodigieux bond dans le passé puisque la lumière ne parcourt "que" 299792.458 km par seconde.

Plus jeune, nous avons appris que dans un champ de galaxies, toutes les étoiles qu'on voit scintiller dans la turbulence atmosphérique sont en réalité situées à l’avant-plan, elles appartienent à la Voie Lactée. C'est donc à travers cet écran poudré d'étoiles qu'on discerne les autres galaxies perdues dans le vide sidéral, par-delà le voile scintillant de la Voie Lactée.

On a du mal à imaginer de telles distances et des tels volumes. Notre seul point de repère est l'illusion de profondeur qu'on ressent en observant les amas compacts de galaxies dont les différentes magnitudes nous donnent une impression de perspective.

Avec le recul des générations et des découvertes, tout ceci nous paraît aller de soi, mais ce genre d'observation peut encore nous captiver, nous émouvoir par sa beauté et ses implications philosophiques.

A gauche, le ciel profond situé juste au sud-ouest de l'étoile Mérak, alias β de la Grande Ourse, (cf. cette photo générale). Cette photo réalisée le 18 avril 2016 par Bob Franke met en perspective la comète C2014/S2 (PanSTARRS) située à 2.1 UA de la Terre (2.59 UA du Soleil), entourée par le champ d'étoiles de la Voie Lactée situées entre quelques dizaines et quelques milliers d'années-lumière, la nébuleuse M97 située à 12000 années-lumière et la galaxie spirale Sc M108 (NGC 3556) située à 45 millions d'années-lumière. En une image, on a une vue tridimentionnelle et un aperçu des avant-postes du ciel profond. A droite, zoom sur l'amas de galaxies de Persée photographié en 2023 par le télescope spatial Euclid de 1.20 m de diamètre de l'ESA. Voici la version HD (6.6 MB). Cet amas riche contient plus de 1000 galaxies situées entre 230 et 250 millions d'années-lumière plus au moins 100000 galaxies à l'arrière-plan. Cette fois, on prend conscience de la taille astronomique de l'univers où le nombre de galaxies semble infini à tous les grossissements (il contiendrait de l'ordre de 2000 milliards de galaxies semblables à la Voie Lactée (en nomre d'étoiles) uniquement dans l'univers visible, c'est-à-dire causalement lié).

Nous savons aujourd'hui que l'Univers est excessivement vaste. Pour fixer l'ordre de grandeur, une galaxie type mesure 100000 années-lumière de diamètre. C'est-à-dire qu'en se déplaçant à la vitesse de la lumière soit ~300000 km/s, il faudrait 1000 siècles et 4000 générations humaines pour la traverser !

Ce qu'on appelle la sphère observable, c'est-à-dire le volume d'univers visible accessible aux instruments s'étend dans un rayon d'un peu plus de 13.2 milliards d'années-lumière (2022) et permet d'observer des objets qui se sont formés quelque 500 millions d'années après le Big Bang (cf. les découvertes récentes). Grâce au télescope spatial James Webb (JWST), on peut voir (du moins par photographie) des galaxies jusqu'à 13.5 milliards d'années-lumière, telles qu'elles étaient 200 millions d'années après le Big Bang.

Plus loin ou au-delà de cette époque, les télescopes ne sont pas assez puissants pour distinguer les galaxies les plus pâles et dont la taille est souvent inférieure à la seconde d'arc. Il y a encore quelques années, on estimait que ce volume d'espace contenait environ 200 milliards de galaxies semblables à la Voie Lactée. Or nous verrons à propos des galaxies les plus lointaines qu'on a largement sous-estimé leur nombre. Grâce au sondage GOODS, Christopher Conselice de l'Université de Nottingham et son équipe ont calculé en 2016 que la sphère observable jusqu'à z = 8 soit environ 13 milliards d'années-lumière contiendrait au moins 2000 milliards de galaxies, mais nos moyens actuels ne permettent d'observer que 10% de cette population.

Origine et éthymologie du mot "galaxie"

Historiquement, le mot "galaxie" apparaît pour la première fois dans un poème anglais au XIVe siècle. Le poète Geoffrey Chaucer fait référence à la bande laiteuse qui traverse le ciel nocturne dans son long poème onirique "The House of Fame" écrit peu avant 1385 : 

Se yonder, loo, the Galaxie,

Which men clepeth the Milky Wey, 

For hit is whit.

Ce qui se "traduit" en anglais moderne par "See yonder, lo, the Galaxy, which they call the Milky Way, because it is white" et en français par "Voyez là-bas, la Galaxie, qu'ils appellent la Voie Lactée, parce qu'elle est blanche."

Ensuite parmi les oeuvres remarquables, le poète britannique John Milton utilisera le mot "Galaxie" dans son poème "Le Paradis perdu" publié en 1667 dans lequel il décrit notamment la Voie Lactée (fin ch.VII).

Le mot "galaxie" apparaît en français en 1557 dans les "Discours Philosophiques" de Pontus de Tyard (253a).

Dans les deux cas, la racine du mot provient du latin tardif "galaxias" (également utilisé en anglais au Moyen-Âge entre c.1150 et c.1470), lui-même emprunté au grec "galaxías". Le suffixe "ias" s'applique à un phénomène naturel. "galax" provient du mot grec "galakt" qui contient la racine "gála" signifiant "lait", par référence à la bande laiteuse qu'on voit lors d'une nuit claire dans la ciel. Le mot galaxie prend un G majuscule quand il concerne la Voie Lactée.

Vous comprendrez mieux comment nous sommes arrivés à ces résultats et toute l'importance qu'ils revêtent en cosmologie quand nous aurons décrit en quelques mots quel a été le travail des pionniers en ce domaine.

Nous allons découvrir qu'au-delà de la Voie Lactée, tout un univers de galaxies et d'objets exotiques nous attendent, nous donnant le fol espoir de croire qu'un jour nous irons les contempler in situ.

Malgré les apparences, tous les objets qui peuplent l'Univers ont en commun d'appliquer strictement les mêmes lois de la physique. C'est une chance pour nous car, à quelques exceptions près sur lesquelles nous reviendrons, cela nous permet de comprendre leur évolution à partir de modèles standards, qu'ils soient situés à deux pas et minuscules ou géants et perdus aux confins du cosmos.

Cet article s'étant étoffé au fil du temps et des découvertes, il a été divisé en plusieurs thèmes :

- L'énigme de la Grande Nébuleuse d'Andromède, p1 (cette page-ci)

- La classification des galaxies, p2

- Classifications complémentaires, l'étude des galaxies en infrarouge, p3

- Les interactions entre galaxies, Milkomedia, les fusions de galaxies (la théorie des mergeurs), p4

- Effet de la pression dynamique sur la production d'étoiles, les galaxies Starbursts (à sursauts d'étoiles), effet de la pression dynamique externe, p5

- Les galaxies bleues, profil HI des galaxies, structure et effet du champ magnétique, p6

- La formation des galaxies elliptiques, la signification de la couleur des galaxies, la métamorphose des galaxies, p7

- Evolution des galaxies, modèle de la formation et de l'évolution galactique, des galaxies atypiques, p8.

Voyons pour commencer comment les premiers astronomes ont découvert les galaxies.

L'énigme de la Grande Nébuleuse d'Andromède

En 1750, l'astronome, mathématicien et architecte britannique Thomas Wright avait suggéré dans son livre "Une Théorie Originale ou une Nouvelle Hypothèse sur l'Univers" (pp.83-84 et planches XXXI, XXXII en fin de volume) que les nuages diffus qui parsemaient le ciel représentaient des structures stellaires distinctes mais trop éloignées pour être visibles dans un télescope. Cette conception inspira le philosophe allemand Emmanuel Kant qui  imagina en 1755 dans son "Histoire Naturelle Générale et la Théorie de Ciel" qu'il existait d'autres "univers" semblables à la Voie Lactée et prodigieusement éloignés.

Emmanuel Kant.

Les galaxies, décrites par Maupertuis[1] en 1732 comme étant "les petites places un peu plus lumineuses que l'obscurité de l'espace vide du ciel [...] qui ont toutes en commun de représenter des ellipses plus ou moins ouvertes" étaient considérées jusqu'alors comme des ouvertures dans le firmament laissant voir le "ciel de feu".

Kant[2] considéra que cette explication ne pouvait plus être admise. Dans son esprit, ces "sortes de nébuleuses sont des systèmes de nombreuses étoiles que leur distance dispose en un espace si étroit que leur lumière, imperceptible pour chacune prise en particulier, nous parvient grâce à leur foule innombrable en une pâle lueur uniforme. [...] La faiblesse de leur lumière nous oblige à supposer une distance infinie, [...] tout concorde pour que nous considérions ces figures elliptiques comme [...] des Voies Lactées dont nous venons de développer la constitution. [...] L'attention des observateurs du ciel a désormais des motifs suffisants pour s'occuper de ce sujet".

Son argumentation sera retenue et cette idée se renforça au cours du siècle suivant, notamment grâce aux observations minutieuses de Herschel, Messier et Lord Rosse.

C'est en 1845 que l'Irlandais William Parsons, troisième comte de Rosse, équipé de son "Leviathan" - un télescope de 1.83 m d'ouverture - parvint à résoudre la galaxie spirale M51 des Chiens de Chasse en étoiles. A l'évidence notre Galaxie n'était pas unique et il semblait exister d'autres structures équivalentes dans l'Univers. Mais à quelle distance se situaient-elles ? A cette époque les observations étaient basées sur la magnitude apparente des étoiles, leur éclat vu de la Terre, mais cette méthode "intuitive" ne permettait pas aux astronomes de connaître la répartition spatiale de ces astres ni leur distance véritable.

C'est alors qu'une polémique surgit autour de la source du rayonnement de celle qu'on appelait la "Grande Nébuleuse d'Andromède", M31, la seule galaxie de l’hémisphère nord visible à l’oeil nu tel un petit nuage diffus, non loin de la Voie Lactée, à quelques degrés du W de Cassiopée. Cette nébulosité que les Anciens connaissaient certainement depuis l'an 964 de notre ère demeurait un objet insolite du ciel. A la fin du XIXe siècle encore, les astronomes débattaient la question de savoir s'il s'agissait d’une nébuleuse semblable à la nébuleuse d'Orion, un système planétaire ou autre chose ?

A gauche, une photo composite réalisée avec un objectif grand angle. M31 semble perdue en bordure de la Voie Lactée (la tache floue à gauche). Au centre, M31 photographiée au moyen d'un téléobjectif Samyang de 135 mm f/2.8 fixé sur une caméra CCD ZWO ASI 1600MM montée en parallèle sur un télescope de 250 mm de diamètre (empilement RGB totalisant 10 heures d'intégration). A droite, M31 photographiée au foyer d'un télescope Ritchey-Chrétien RCOS de 500 mm f/8 (empilement LRGB totalisant 90 heures d'intégration). On voit clairement sa structure en spirale, son noyau, les amas d'étoiles, les bandes de poussières et ses deux satellites, M32 et NGC 205. Documents Axel Mellinger, Bram Goossens et Robert Gendler.

Dans leur excellente biographie consacrée à Hubble, les astronomes A.Sharov et I.Novikov[3] précisent que le facteur décisif ayant pu clarifier le problème de la nature de la "nébuleuse d’Andromède" et des autres objets similaires peuplant la voûte céleste aurait été de mesurer leur distance. Mais en 1885 toutes les tentatives visant à mesurer la parallaxe trigonométrique de ces objets se soldèrent par des échecs; les astronomes ne constataient aucun déplacement par rapport aux étoiles. L’astronome suédois Karl Bolin essaya de l'évaluer par voie photographique et trouva une distance de 19 années-lumière pour M31, un résultat tout à fait erroné qui prête à sourire aujourd'hui.

On n'attendait pas réellement de progrès de ce côté là jusqu'au jour où, en 1885, Ernst Hartwig découvrit depuis l'Observatoire de Dorpat en Estonie une nova dans le coeur de M31. Nous savons aujourd’hui que le terme était inapproprié, il s'agissait en fait d’une supernova, SN 1885A. Nommée à l'époque S Andromedae, elle n'atteignit que la magnitude 9.2, ce qui était très faible pour une "nova". Par comparaison, en 1901 Nova Persei avait atteint la magnitude 0. Le rémanent (SNR) de l'explosion de S Andromeda ne sera découvert qu'un siècle plus tard grâce au télescope de l'Observatoire Mayall du Kit Peak (cf. R.A. Fesen et al., 1989) comme le montre cette photo.

Quelques années plus tard, un riche astronome amateur anglais, Isaac Roberts, prit d'excellents clichés de M31 avec un télescope de 50 cm d'ouverture qui révélèrent les bras spiralés de cette nébuleuse et permirent d'identifier les étoiles comme des points individuels. Les analyses spectrales démontrèrent que cet objet nébuleux n'était pas un nuage de gaz.

William Huggins, un autre astronome amateur anglais observa également des étoiles individuelles dans M31. En revanche, il fut incapable d'observer dans son spectroscope optique les brillantes raies d'émission qu'il retrouvait d'habitude dans les autres objets diffus qu'il observait dans la Voie Lactée. En 1899, Julius Scheiner à Potsdam ne parvint pas non plus à photographier le spectre de cette nébuleuse. Aucune raie d’émission n'était apparente et Scheiner conclut que la "nébuleuse d’Andromède" (en fait sa partie centrale, la plus brillante) était un système stellaire. En revanche, il prit des photos de M31 révélant des étoiles individuelles, confirmant les observations visuelles d'Huggins.

Que pouvait-on conclure de ces observations ? Les astronomes étaient partagés sur plusieurs points. Pour les uns, les novae brillaient avec la même luminosité maximale; cela signifiait que S Andromedae était très éloignée de la Terre, peut-être à 1500 a.l. Pour d'autres il était impossible qu'un système planétaire brille à cette distance avec un tel éclat; il devait avoir une taille astronomique.

M31 en perspective. La galaxie d'Andromède se situe à 2.5 millions d'années-lumière et est 3 fois plus grande que la Voie Lactée (782000 a.l. de rayon contre 260000 a.l) mais aussi massive (masse virielle de ~800 milliards de masses solaires). Malgré sa distance, M31 occupe une place importante dans le ciel équivalente à 12 fois la surface apparente de la Lune (~2° contre 0.5° de diamètre). La carte est extraite d'une simulation du ciel pour le 25 novembre 2020 à 4h16 TU, lat. 50°N, horizon NO, champ horizontal de 45°. Documents T.Lombry.

A partir de 1917, l'astronome Herbert Curtis de l'Observatoire de Lick étudia M31 en détail car il pensait que la différence de magnitude entre Nova Persei et S Andromedae était liée à leur éloignement respectif. Dans les années qui suivirent il découvrit effectivement de nombreuses explosions de novae dans M31. Toutes demeuraient invisibles à l'oeil nu.

Curtis finit par découvrir qu'il y avait plus de novae dans M31 que dans toute la Voie Lactée ! Ces dizaines d'explosions avaient bien lieu dans un endroit précis du ciel et nulle part ailleurs. Ces novae devaient donc bien appartenir à M31. Cette "nébuleuse" contenait par ailleurs un très grand nombre de petites taches brillantes et laiteuses. Curtis supposa qu'il s'agissait également de nébuleuses comme la Voie Lactée en contenait. La seule explication était de considérer M31 comme une galaxie semblable à la Voie Lactée.

Entre-temps, Van Maanen et Roberts calculèrent la vitesse de rotation de M31. Nous savons aujourd'hui que leurs valeurs étaient incorrectes, fortement influencées par les défauts de leurs instruments. En outre les observateurs travaillaient à la limite des capacités instrumentales. Mais à l'époque, la conclusion était qu'étant donné le mouvement bien apparent de la nébuleuse, celle-ci ne pouvait pas se situer très loin, certainement pas en dehors de la Voie Lactée. Shapley, qui avait antérieurement déterminé la forme de la Voie Lactée et la position du système solaire, partageait cette idée, considérant que seuls les Nuages de Magellan étaient situés au-delà de la Galaxie. M31, comme toutes les autres nébuleuses devait se situer à l'intérieur de la Voie Lactée.

Les instruments de la fin du XIXe siècle et du XXe siècle qui ont donné naissance à l'astrophysique moderne et permis de découvrir l'immensité de l'univers. A gauche, la lunette de 102 cm (40") de l'Observatoire de Yerkes construite en 1897. C'est la plus grande du monde. Les astronomes l'utilisent encore pour étudier la Voie Lactée et les astéroïdes géocroiseurs (EGA et NEO). Au centre, le télescope Hooker de 2.5 m (100") du Mont Wilson construit entre 1896-1904 et utilisé par Edwin Hubble. Fermé en 1986, il fut équipé d'une optique adaptative en 1992 et est toujours utilisé. Son pouvoir de résolution atteint 0.05". A droite, le télescope Hale de 5.08 m (200") du Mont Palomar opérationnel depuis 1948. Il est aujourd'hui équipé d'une optique adaptative PALM-3000 portant sa résolution à 16 mas soit 0.016". Documents Josef Salgado, Tom Bejgrowicz et Palomar/Caltech.

La véritable explication viendra de nouvelles photographies et de mesures spectrales réalisées avec le télescope le plus puissant du monde à cette époque, le télescope Hooker de 2.50 m du Mont Wilson, en Californie. Ses découvertes allaient cependant révolutionner notre vision de l'univers.

La découverte de l'expansion de l'Univers

Il fallut attendre 1919 et la construction du télescope américain de 2.50 m du Mont Wilson pour vérifier l'hypothèse d'Herbert Curtis. L'astronome américain Edwin Hubble commença par photographier M31 en haute résolution. Ses clichés révélèrent bientôt des étoiles individuelles dans les bras de ce qu'il dénommait encore une nébuleuse.

Portrait artistique d'Edwin Hubble. Document T.Lombry.

En étudiant la luminosité de ces étoiles, à la fin de l'année 1924 Hubble avait découvert 36 étoiles de la famille des Céphéides et 46 novae. Mais il ne pouvait pas concevoir qu'autant d'étoiles variables soient situées dans la même ligne de visée sans être prodigieusement éloignées.

Hubble conclut bientôt que M31 se situait à des centaines de milliers d'années-lumière, bien au-delà de la Voie Lactée ! Son éloignement expliquait facilement le faible éclat des novae découvertes par Curtis.

M31 devenait une "nébuleuse extragalactique", terme ambigu qui sera bientôt remplacé par celui de "galaxie". La galaxie d'Andromède était ainsi semblable à la nôtre et ne fut plus considérée depuis ce jour comme une nébuleuse perdue à la périphérie de la Voie Lactée.

C'est ainsi qu'à la Noël de 1924 la légende attribua ces paroles au jeune Edwin Hubble qui, regardant des clichés d'amas stellaires obtenus au télescope de 2.5 m du Mont Wilson aurait dit : "ces faibles nuages nébuleux sont en fait des amas d'étoiles semblables à notre Voie Lactée, des univers-îles". L'expression nous est restée depuis.

Travaillant inlassablement pratiquement jours et nuits, après avoir photographié, analysé et mesuré les spectres de 46 galaxies, en 1929 Hubble découvrit "un corrélation linéaire entre les distances et les vitesses [des galaxies], K représentant la vitesse par unité de distance due à cet effet". Par la suite K sera baptisée improprement la "constante de Hubble" symbolisée par H, et il l'estima valoir +500 km/s/Mpc.

Cette fameuse loi s'écrivait :

r H = v

En théorie, H n'est pas une constante mais correspond au "paramètre de Hubble". La constante de Hubble notée Ho désigne la valeur de ce paramètre à l'époque actuelle.

Suite à cette découverte, Hubble[4] publia un article dans les "Proceedings of the National Academy of Sciences" (PNAS) dans lequel figure également un graphique qui, pour la première fois, apportait la preuve de l'expansion de l'Univers. On reviendra en détail sur la découverte de Hubble dans l'article consacré à la loi de Hubble-Lemaître.

A lire : La loi de Hubble-Lemaître

Notons que Hubble ne cite ni Vesto Slipher dont il emprunta les données ni Alexandre Friedmann et encore moins Georges Lemaître qui pourtant avaient découvert avant lui l'expansion de l'Univers. En effet, rappelons qu'en 1927 Georges Lemaître avait déjà trouvé le même résultat avec la même valeur de la constante puisque les deux auteurs avaient utilisé les mêmes données de Slipher.

La deuxième grande contribution de Hubble à l'astronomie est d'avoir réussi à classifier les galaxies selon leur morphologie en une série temporelle a priori logique mais qu'il fallut tout de même valider et donc expliquer par la suite sur des bases formelles, à la fois astrophysiques et cinématiques.

Prochain chapitre

La classification des galaxies

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[1] P.de Maupertuis, "Discours sur les différentes figures des astres", 1732. Le texte cité apparaît dans un résumé des "Acta Eruditorum" de l'année 1745.

[2] E.Kant, "Histoire générale de la nature et Théorie du ciel", Vrin, 1984, p95.

[3] A.Sharov/I.Novikov, “Edwin Hubble, the discoverer of the Big Bang universe”, Cambridge University Press, 1993, p28.

[4] E.Hubble, Proceedings of the National Academy of Sciences (USA), 15, 1929, p168.


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