L'univers des galaxies
L'effet de la pression dynamique sur la production d'étoiles (V) Nous avons expliqué à propos de la Voie Lactée qu'un vent interstellaire souffle dans la Galaxie. Ce vent constitué de particules est émis par l'atmosphère supérieure des étoiles actives (cf. le vent solaire) y compris par les supernovae. Il est également parfois généré par des processus non-thermiques (interaction entre un trou noir supermassif et son disque d'accrétion interne, etc.). Ce vent se propage dans le milieu galactique formant le vent interstellaire (MIS ou "ISM wind" en anglais). Tout objet venant à sa rencontre subit une pression dynamique ("ram pressure" en anglais). Lorsque de nombreuses étoiles et notamment des supernovae rassemblées dans une même région - par exemple le coeur d'une galaxie - émettent ces rayonnements et modifient la structure de la galaxie ou le taux de formation des étoiles, on parle de supervent. L'effet de ce supervent est surtout visible dans les galaxies Starburts, c'est-à-dire à sursauts d'étoiles (voir plus bas). On suppose que les supervents galactiques se produisent lorsque les éjecta des supernovae ou des vents stellaires interagissent avec une force suffisante pour que l'énergie cinétique de la matière éjectée soit convertie en énergie thermique. Il en résulte une rafale massive de gaz surchauffé en expansion rapide pouvant s'étendre sur toute la longueur d'un galaxie comme dans le cas de M82 (voir plus bas). La pression dynamique exercée par ce vent interstellaire est proportionnelle au carré de la vitesse relative. Ce vent interstellaire est parfois tellement puissant, surtout lorsqu'il est renforcé par l'explosion des supernovae, qu'il souffle le gaz constitué d'hydrogène atomique et la poussière vers le bord du disque de la galaxie, c'est le processus de balayage (ou d'épluchage) appelé "stripping". Il a pour effet de réduire drastiquement le taux de production d'étoiles; la galaxie perd sa source d'énergie et vieillit précocement. On retrouve ce phénomène de balayage du gaz dans beaucoup de galaxies et notamment dans la spirale barrée M91 (NGC 4548) située dans l'amas de la Vierge présentée à droite, qualifiée de galaxie "anémiée". Décrivons quelques galaxies emblématiques subissant les effets de cette pression dynamique. M94 M94 est un cas intéressant de galaxie dans laquelle on peut facilement observer les effets de la dynamique interne sur la formation des bras spiralés et des étoiles. C'est une galaxie spirale classée (R)SA(r)ab située à environ 16 millions d'années-lumière dans la constellation des Chiens de Chasse. Elle fut cataloguée par Messier en 1783. Cette galaxie est deux fois plus petite que la Voie Lactée. Dans le ciel, elle s'étend sur 11.2' x 9.1' soit ~1/9e de la surface de la Lune (à peine plus que M82 ou M51) et brille à la magnitude 8.99. M94 est le membre le plus important du "Groupe M94" qui comprend entre 16 et 24 galaxies selon les études. En fait, seuls quelques membres seulement sont gravitationnellement liés, les autres suivant le mouvement d'expansion de l'Univers. Ce groupe fait partie du superamas Virgo au même titre que l'Amas Local dont fait partie la Voie Lactée. Comme le montrent les photographies suivantes, à l'inverse de la majorité des galaxies spirales qui présentent un bulbe central sphéroïde constitué de vieilles étoiles, Kormendy et Kennicutt ont montré en 2004 que M94 contient un pseudo-bulbe; son noyau ne présente pas le grand bulbe stellaire classique mais contient une structure centrale brillante où se forment de nombreuses étoiles et qui ressemble à un bulbe quand on la voit de face. Mais dans le cas de M94, ce pseudo-bulbe a la forme d'un anneau entourant une région centrale de forme ovale qui de loin ressemble à une barre nucléaire. Ce qui frappe le plus sur les photographies de M94 est la présente d'un anneau interne d'étoiles bien visible en lumière blanche et UV qui lui valut son surnom de galaxie "Starburst", traduit en français par galaxie "feux d'artifice" ou "scintillante". Cet anneau de 3500 années-lumière de rayon (35") est le lieu d'une forte activité stellaire alimentée par le gaz qui est entraîné dans cette région par la pseudo-barre nucléaire. Cet anneau brillant est principalement constitué de jeunes étoiles bleues et abrite de nombreuses et vastes régions HII.
Comme on le voit ci-dessous, les photographies à longues poses de M94 révèlent également la présence d'un anneau externe plus diffus et moins lumineux situé à 18000 années-lumière du centre (300"). Une étude publiée en 2009 a montré que ce second anneau n'est pas fermé et est oval. Il s'agit en fait d'une structure complexe formée à partir des bras spiralés qui apparaît principalement en proche IR et UV. Cette même étude a montré que cet anneau externe est actif. Il contient environ 23% de la masse stellaire totale de M94 et contribue à environ 10% des jeunes étoiles. Malgré les apparences, le taux de formation stellaire dans la partie externe du disque et donc dans cet anneau externe est environ deux fois supérieur à celui de l'anneau interne car cette région périphérique présente un meilleur rendement par unité de masse stellaire. Ce second anneau contient de nombreuses régions HII, des rémanents de supernovae et des étoiles jeunes âgées d'environ 10 millions d'années. Plusieurs hypothèses ont été évoquées pour expliquer la présence de cet anneau externe parmi lesquelles l'accrétion d'une galaxie satellite ou l'interaction gravitationnelle avec un système stellaire proche. Toutefois, des analyses ultérieures contredisent ces scénarii et ont conclu que l'anneau interne de M94 représente une distorsion ovale qui est à l'origine de la formation de l'anneau externe. En effet, en tournant sur elle-même, la pseudo-barre nucléaire génère un couple qui altère la dynamique de la distribution de la matière qui se répartit dans les deux anneaux représentant des zones de résonances du disque. La théorie du chaos et des phénomènes turbulents trouvent ici une magnifique application à grande échelle. On retrouve une dynamique similaire dans les barres principale et secondaires de la Voie Lactée.
Sur le plan chimique, M94 est classée parmi les LINER (Low Ionization Nuclear Emission Region), c'est-à-dire dont le noyau présente une faible émission ionisée. L'analyse spectral révèle bien la présence de gaz ionisé mais à un niveau d'ionisation très faible, les atomes ayant perdu peu d'électrons. C'est également l'un des LINER de type 1 (à raies d'émission larges) le moins lumineux recensé à ce jour. M94
est également classée parmi les AGN
(Active Galactic Nucleus), c'est-à-dire qu'il s'agit d'une
galaxie à noyau actif. En effet, son noyau présente des raies de l'hydrogène
alpha élargies dont Constantin
et Seth ont montré en 2011 qu'il s'agit de la signature de sources UV,
radio et X qui seraient associées à un trou noir d'au moins 100000 M Enfin, M94 est l'une des rares galaxies présentant très peu voire pas du tout de matière sombre. Une étude publiée en 2008 par Joanna Jalocha et ses collègues a montré qu'à partir des mesures de luminosité faites dans la bande infrarouge, le rapport masse-luminosité M/L = 1.2 alors que dans M31 par exemple le rapport M/L varie entre 20 et 60 et dépasse largement la centaine dans les amas de galaxies. La masse totale de M94 a été estimée à 3.43x1010
M Ce résultat est inhabituel et reste controversé car les modèles actuels des galaxies n'expliquent pas comment une galaxie pourrait se former sans présence d'un halo de matière sombre ou comment une galaxie pourrait perdre sa matière sombre. Quant à la théorie alternative de MOND qui tient compte d'une variation de la force de gravité, elle fut invalidée. Pour l'heure, ce faible rapport M/L doit être vérifié par d'autres astronomes et retesté dans les modèles de formation des galaxies. NGC 4921 En 2015, l'astronome Jeffrey D.P. Kenney de l'Université de Yale et ses collègues ont publié dans "The Astronomical Journal" un article sur la galaxie spirale NGC 4921 dont on voit une photographie ci-dessous, décrivant les effets de la pression dynamique (ram pressure) engendrés par les vents intergalactiques sur sa composition et son évolution.
NGC 4921 est une belle galaxie spirale vue de face de magnitude apparente +13 qui se situe à 310 millions d'années-lumière dans l'amas de Coma. Cette galaxie spirale présente des bras serrés autour d'un bulbe stellaire barré (SB(rs)ab). Comme dans toutes les galaxies saines, les nouvelles étoiles se forment à partir du gaz et des poussières présentes dans le milieu interstellaire, représentés par les bras bleutés plus denses contenant énormement de nuages d'hydrogène neutre, le principal carburant des étoiles. En parallèle, la trajectoire orbitale de cette galaxie dans l'amas de Coma la conduit près du centre de l'amas, l'attirant à travers le gaz chaud ionisé (plasma) du milieu intra-amas. Ce que Kenney et son équipe ont démontré, c'est que cette galaxie subit une pression dynamique interne et surtout externe très importante suite à son déplacement. Comme on le voit ci-dessous, un gros-plan sur NGC 4921 montre tout autour du noyau une structure complexe de poussière qui semble avoir été soufflée vers l'extérieur comme une vague subissant l'assaut du vent. Et l'analogie est tout à fait justifiée. La partie inférieure de la photo (encadrée en jaune) présente des structures intéressantes. Selon Kenney, "le côté [supérieur] de la galaxie paraît peu influencé par la pression dynamique du vent intra-amas, la poussière présente étant probablement protégée des vents par le reste de la galaxie." En revanche, "le côté opposé [et inférieur] de l'image qui est le bord d'attaque, révèle des détails sans précédent sur les effets des vents intergalactiques", fait remarquer Kenney. "La pression dynamique repousse les nuages de poussière jusqu'à ce qu'ils forment un front épais de matière sombre qui s'accumule", à l'image de débris que l'on pousse devant soi, "les zones les plus denses formant d'immenses piliers" qui s'étendent localement sur près de 2 kpc soit 6500 années-lumière. Comme on le voit à gauche, ces formations rappellent celles de la célèbre photo des "Piliers de la Création" de la nébuleuse M16 prise par le Télescope Spatial Hubble en 1995, mais dont le mode de formation est différent (cf. cet article) et la taille des milliers de fois plus petite malgré les apparences. On observe également dans la région tumultueuse de NGC 4921 de remarquables structures très fines. Certains nodules sombres sont précédés par des zones brillantes bleues claires qui émergent du front de poussière. Selon Kenney, "ces formations seraient le résultat de la séparation des nuages de gaz denses des zones de plus faible densité sous l'effet du vent intergalactique." La cohésion de ces régions denses et sombres serait assurée par des champs magnétiques dont les lignes de force peuvent influencer la forme des nuages. En effet, sans ces champs magnétiques, les zones situées en bordure extérieure du front de poussière s'organiseraient uniquement en fonction de la densité du milieu interstellaire; elles formeraient une crête crenelée continue composée d'une succession de pics et de creux. Or ce n'est pas ce qu'on observe dans cette galaxie. Les piliers s'élèvent à partir d'une surface inférieure apparemment lisse. Selon Kenney, "ils sont le résultat d'une forme de matière de faible densité qui serait "collée" à la matière plus épaisse; cela correspond au comportement d'un gaz sous l'influence de champs magnétiques." On reviendra sur cet effet en dernière page car il explique l'aspect de certaines galaxies, notamment vues de profil.
L'étude de Kenney et ses collègues a également montré que l'effacité du processus de balayage du gaz des galaxies peut être réduite par la présence de champs magnétiques. En effet, comme un aimant, les lignes de force du champ magnétique peuvent retenir le gaz et les fronts de poussière, évitant la formation de "trous" dans ce front par la force du vent intra-amas. Les trous qui se formeraient éventuellement dans ce front de matière augmenteraient la surface de la poussière exposée au vent dominant, accélérant le processus de balayage et la perte du gaz au détriment des futures étoiles et de la bonne santé de la galaxie. On estime qu'à travers le processus de balayage, une galaxie peut perdre jusqu'à 90% de son gaz. On peut donc déjà prédire que cette belle galaxie va donc vieillir très rapidement et probablement se transformer en galaxie lenticulaire puis devenir elliptique. NGC 4921 est l'une des rares galaxies où il est possible de voir clairement la manière dont la matière interstellaire du disque est affectée par la pression dynamique du vent intra-amas. Il y a toutefois d'autres indices suggérant qu'il existe d'autres processus plus importants que les champs magnétiques à l'oeuvre dans ce processus de stripping. La recherche continue. Enfin, notons que cette région de matière condensée contient des étoiles variables Céphéides dont les fluctuations lumineuses sont liées de manière précise et connue à la quantité d’énergie qu'elles émettent. Par conséquent ces étoiles constituent d'excellents échelons cosmologiques à courtes distances, des "chandelles standards", les supernovae prenant le relai à grandes distances. NGC 4666 et NGC 4668
Dans certains cas, comme NGC 4666 et NGC 4668 présentées à droite et situées à 80 millions d'années-lumière dans la Vierge, bien que séparées l'une de l'autre de plus de cent mille années-lumière, leur rapprochement a déclenché la formation massive d'étoiles dans chaque galaxie. Dans une étude de leurs émissions radioélectriques (des régions HI à 1.42 GHz cm et du CO à 115 GHz) publiée en 2004, le radioastronome Fabian Walter du NRAO et ses collègues ont montré que NGC 4666 subissait l'explosion des nombreuses supernovae et présentait de violents vents stellaires émis par des étoiles massives situées dans les région de créations d’étoiles, ce qui engendre une importante éjection de gaz hors de la galaxie, formant ce qu'on appelle un "supervent". Le troisième type de vent cosmique provient du déplacement des galaxies regroupées en amas à travers le gaz chaud ionisé présent dans le milieu intra-amas (MIA) dans lequel elles sont plongées et dont l'origine pourrait remonter à l'époque de leur formation. En évoluant près du centre de l'amas où la quantité de gaz est la plus élevée, la galaxie génère un vent intra-amas qui peut balayer son gaz où l'évaporer s'il est très chaud (c'est l'évaporation thermique). En effet, le gaz intra-amas est généralement beaucoup plus chaud que le gaz interstellaire (température de brillance de 1 million de degrés contre 10-100 K pour les régions HI froides associées à des métaux bien que certains milieux interstellaires atteignent 10000 K). La galaxie le pénétrant à grande vitesse, la pression dynamique et la chaleur de ce fluide sont capables d'évaporer le gaz de cette galaxie et de la vider littéralement de sa substance jusqu'à la démanteler. Un exemple catastrophique est donné par la galaxie ESO 137-001 de l'amas Abell 3627 qui a perdu plus d'un quart de son disque. Nous reviendrons plus loin sur la morphologie atypique de cette galaxie. La combinaison de ces processus a pour effet de balayer des millions de masses solaires d'hydrogène de la galaxie qui ne seront plus disponibles pour créer des étoiles. Dans certaines conditions, cette pression dynamique épuise littéralement la galaxie qui finit sa vie telle une épave. Les galaxies Starbursts (à sursauts d'étoiles) Au cours de leur évolution, toutes les galaxies peuvent présenter une période de forte activité marquée par la production de nouvelles étoiles, ce qu'on appelle des sursauts d'étoiles (starbursts). Celles qu'on observe généralement ont subi des fusions galactiques, la force du vent interstellaire (ou du supervent), les ondes de choc et le brassage des gaz ayant favorisé la formation de nouvelles étoiles. Les
galaxies Starbursts (SB) sont des galaxies formant des étoiles à un taux
ou SFR (Star Formation Rate) inhabituellement élevé variant entre quelques
masses solaires par an pour une SB, ~50 M A ces niveaux élevés de formation stellaire, on estime que les réserves de gaz et de poussière de la galaxie s'épuisent en l'espace de 100 millions d'années. Cela signifie que cette phase de production stellaire intensive doit avoir débuté relativement récemment et va se terminer dans un avenir pas trop lointain, bien avant la mort du Soleil. Les zones de production stellaire peuvent être réparties dans toute la galaxie, mais la plupart des étoiles sont observées dans une petite région autour du noyau ou dans les bras spiralés récemment réalimentés en combustible (en hydrogène). Bien que le mécanisme soit encore mal compris, on estime que la formation d'étoiles est déclenchée par les interactions de marée lorsque deux galaxies se croisent ou fusionnent comme dans le cas de la galaxie M82 située dans la Grande Ourse et des galaxies "des Antennes" NGC 4038/39 présentés ci-dessous. La présence d'un barre ou d'un anneau nucléaire peut aussi entraîner une accumulation de gaz et de poussière dans les régions centrales de la galaxie et booster la production d'étoiles comme dans le cas de M94 (voir plus bas). A lire : Starbirth: Star formation timescales in M82, R. de Grijs, 2001 Star formation & Starburst galaxies, Mark Whittle/U.Virginia
Bien qu'elles soient cachées aux longueurs d'onde visibles par la poussière qui les enveloppe, des étoiles massives se forment à partir du gaz disponible et émettent fortement en UV. Quand elles sont nombreuses et illuminent toute une galaxie, elles peuvent être associées à des galaxies naines bleues compactes (BCD) ou des "Blueberries" (voir page suivante). Paradoxalement, ces longueurs d'ondes sont également absorbées par la poussière environnante et réémises sous forme d'infrarouge, faisant des galaxies Starbursts l'un des objets infrarouges les plus lumineux de l'Univers (cf. les ULIRG). Ironiquement, c'est également le taux de formation rapide des étoiles qui met fin à la période de sursauts d'étoiles. Les explosions de supernovae et les vents stellaires des étoiles massives nouvellement formées peuvent suffire à balayer le gaz de la galaxie, stoppant ainsi toute formation stellaire. Des galaxies Starbursts ont également été observées dans l'Univers primordial et semblent plus répandues qu'aujourd’hui. Ces galaxies, distantes d'environ 12 milliards d'années lumière semblent avoir les mêmes caractéristiques que les galaxies Starbursts proches et indiquent que les interactions entre les galaxies étaient beaucoup plus fréquentes dans le passé. Située à quelque 56 millions d'années-lumière dans le Fourneau, NGC 1365 est surnommée la "Grande Galaxie Spirale Barrée". C'est une très belle galaxie de type SB(s)b qui brille à la magnitude 10.3. Elle mesure 11.2' x 6.2' soit ~200000 années-lumière de diamètre. Outre le fait de présenter deux grands bras symétriques élégamment projetés et deux petits bras secondaires, sa particularité est de présenter un anneau interne. C'est également une galaxie ultra lumineuse en infrarouge ou ULIRG du fait qu'elle contient beaucoup de poussière. C'est aussi une galaxie de Seyfert, c'est-à-dire un AGN de type 1. Bien qu'ayant déjà fait l'objet de nombreuses études depuis sa découverte par James Dunlop en 1826, elle a rarement été étudiée en infrarouge. Or, les observations dans l'infrarouge moyen permettent souvent de découvrir des détails essentiels sur les nuages de gaz moléculaires et le gaz ionisé qui aident à comprendre la distribution et la cinématique de l'ancienne population stellaire qui domine la masse des galaxies. Ces observations peuvent également fournir des informations importantes sur l'histoire de la formation des étoiles et les propriétés du noyau de ces galaxies, souvent actif.
Les premières photos de NGC 1365 prises en infrarouge en 2022 par le télescope spatial James Webb présentées ci-dessous montrent que la barre de poussière n'est pas aussi proéminente qu'elle apparaît en lumière visible. En revanche, on distingue beaucoup mieux l'anneau circumnucléaire et l'AGN. En 2019, une équipe d'astronomes européens dirigée par Nastaran Fazeli de l'Université de Cologne en Allemagne réalisa des observations de NGC 1365 dans le proche infrarouge au moyen du spectrographe de champ intégral SINFONI du VLT afin d'en savoir plus sur la cinématique des gaz et des étoiles dans cette galaxie. Les chercheurs se sont concentrés sur la région circumnucléaire d'environ 800 pc ou 2600 années-lumière de diamètre (cf. N.Fazeli et al., 2019 et en PDF sur arXiv). Les chercheurs ont découvert que l'anneau circumnucléaire présente de forts "hot spots" ou points chauds qui émettent dans les longueurs d'ondes optiques et présentent des âges stellaires inférieurs à 10 millions d'années avec un gradient d'âge sur le côté ouest de l'anneau. Autrement dit, le coeur est encore suffisamment riche en gaz pour produire de jeunes amas d'étoiles. L'étude a également révélé d'intenses raies d'émissions larges et étroites de gaz ionisé dans la région nucléaire, ainsi que de la poussière chaude portée à ~1300 K. Selon les chercheurs, ces propriétés sont typiques d'une galaxie de Seyfert 1.
Les chercheurs ont calculé que NGC 1365 abrite un trou noir supermassif
de 5 à 10 millions de masses solaires. Ils ont également calculé que le gaz moléculaire chaud
représente environ 615 M Les
analyses montrent que le taux de formation stellaire ou SFR varie entre 0.013
et 0.049 M La signification de la couleur des galaxies Indépendamment de l'effet du décalage Doppler, on constate que les galaxies présentent une grande variété de couleurs allant du bleu au rouge en passant par quelques rares galaxies vertes. Pour comprendre dans quelle mesure l'âge des étoiles et leur composition influencent la couleur des galaxies, en 2016 une équipe d'astronomes dirigée par James Trayford de l'Institut ICC de Durnham étudia leur évolution sur ordinateur grâce au programme EAGLE et obtenu notamment les résultats présentés ci-dessous : une galaxie bleue, une verte et une jaune, dite "rouge". Selon ces simulations, il apparaît que la couleur d'une galaxie est un bon indice pour déterminer comment elle évolue. Alors que les galaxies bleues et rouges sont relativement communes, il existe très peu de galaxies vertes. Selon Trayford, ces dernières sont dans une phase critique de leur évolution où elle sont en train de virer du bleu au rouge. Ces galaxies seraient dans une phase intermédiaire entre les galaxies bleues relativement pauvres en métaux (et donc contenant de nombreuses étoiles jeunes et du gaz) et les galaxies rouges composées d'étoiles plus riches en métaux et donc plus âgées (elles ont brûlé ou perdu l'essentiel de leur combustible).
Les simulations montrent que du fait que les étoiles se forment à partir de nuages de gaz denses, il faut un mécanisme très puissant pour détruire cette réserve de gaz et provoquer un changement important de la couleur d'une galaxie. Trayford et son équipe ont constaté que les petites galaxies vertes sont violemment secouées par l'attraction gravitationnelle d'un objet massif proche provoquant le dépouillement ou plutôt l'arrachage (stripping) de leur gaz. En revanche, les grandes galaxies vertes peuvent s'autodétruire dans d'immenses explosions provoquées par les trous noirs supermassifs situées dans leur noyau qui attire le gaz jusqu'à disloquer la galaxie. Il y a toutefois un petit espoir pour ces galaxies vertes car certaines d'entre elles ont l'opportunité d'absorber de nouveaux nuages de gaz libérés dans leur environnement. Dans ce cas, la galaxie peut relancer la formation d'étoiles et de systèmes planétaires et reprend graduellement une couleur bleue. Notons que ces simulations permettent non seulement d'étudier l'évolution des galaxies du champ (isolées) mais chaque composante affectuant la couleur pouvant être supprimée, EAGLE permet également d'étudier les galaxies en absence de poussière qui empêchent le rayonnement de s'évader des galaxies ou l'effet de stripping induit par les galaxies proches quand elles sont rassemblées en amas, phénomène parfois très spectaculaire que nous allons décrire page suivante. Ces simulations expliquant la couleur et la morphologie de certaines galaxies, selon Trayford "les simulations d'EAGLE représentent un nouveau degré de réalisme et permettent d'appliquer avec plus de confiance ses résultats à l'Univers réel." Le tableau suivant décrit la relation entre la morphologie des galaxies et leur classe spectrale et confirme que la couleur est un bon indicateur de leur stade évolutif. Nous verrons plus loin qu'il existe également un lien entre la forme des galaxies et l'âge des étoiles qu'elles contiennent.
Ainsi qu'on le constate, l’étude de la morphologie des galaxies comme de leur couleur apporte de nombreuses éléments sur l'origine de leur structure et leur évolution. Nous allons trouver d'autres indices en analysant l'effet de la pression dynamique mais cette fois à l'échelle des amas de galaxies, dans lesquels on retrouve plus de galaxies elliptiques au centre des amas et une majorité de galaxies spirales en périphérie. Cela suggère déjà que les galaxies d'amas n'évoluent pas de la même manière que les galaxies du champ. Prochain chapitre Evolution et transformation des galaxies
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