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L'univers des galaxies

La galaxie spirale SA(rs)b NGC 3147 de magnitude 10.6 est située à 130 millions d'années-lumière dans le Dragon. C'est aussi un AGN, une galaxie de Seyfert II. Document HubbleSite.

Classifications complémentaires (III)

Comme souvent en sciences, afin qu'un inventaire soit le plus exhaustif possible, une classification repose généralement sur de multiples critères. L'astronomie n'échappe pas à cette règle. En effet, la classification des galaxies ne se base pas uniquement sur leur morphologie visuelle, sur la forme du noyau, du halo ou des bras éventuels. Dès qu'ils ont pu analyser les galaxies dans d'autres rayonnements, les astrophysiciens ont très tôt tenus compte de nombreux autres critères et complété la classification originale par de nouveaux types de galaxies et d'objets.

Observées en UV, visible ou IR, on peut ajouter les familles ou catégories de galaxies suivantes :

- les galaxies de Markarian présentant un excès d'émission en UV (cataloguées sous le cigle Mrk)

- les galaxies à disque UV étendu ou XUV-Disk (Extended Ultraviolet Disk)

- Les Emetteurs Lyman α ou LAE (Lyman-Apha Emitters)

- les Galaxies Naines Bleues Compactes ou BCD (Blue Compact Dwarf)

- les Petits Points Bleus ou LBD (Little Blue Dots)

- les Blueberries (la contrepartie des LBD et LAE)

- les galaxies Petits Pois (Green Peas, une variété de galaxie LBD proche des LAE)

- les galaxies à Sursaut d'Étoiles et riches en gaz et poussière (Starbursts)

- les galaxies présentant une Région à Faible Emission Ionisée (Nucléaire) ou LINER (Low Ionization (Nuclear) Emission Region)

- les galaxies à Faible Brillance de Surface ou LSB (Low Surface Brightness)

- les Galaxies Ultra Diffuses ou UDG (Ultra Diffuse Galaxies), généralement des galaxies géantes mais présentant la luminosité d'une galaxie naine

- les Galaxies Rouges Lumineuses ou LRG (Luminous Red Galaxies)

- les Objets Extrêmement Rouges ou ERO (Extremely Red Objects)

- les Galaxies Lumineuses en Infrarouge ou LIRG (Luminous InfraRed Galaxies)

- les Galaxies Ultra Lumineuses en Infrarouge ou ULIRG (Ultra Luminous InfraRed Galaxies)

- les Galaxies Hyper Lumineuses en Infrarouge ou HyLIRG (Hyper Luminous InfraRed Galaxies)

- les Galaxies Extrêmement Lumineuses en Infrarouge ou ELIRG (Extremely Luminous InfraRed Galaxies)

- les Galaxies Obscurcies par la Poussière ou DOG (Dust-Obscured star forming Galaxies)

- les Galaxies Poussiéreuses Formant des Etoiles ou DSFG (Dust-Star-Forming Galaxies)

A gauche, la galaxie spirale SA(r)b NGC 488 de magnitude 10.4 située à environ 90 millions d'années-lumière dans les Poissons. Les détails de ses bras ne sont accessibles qu'aux grands télescopes (ici un RCOS de 0.81 m, temps total d'intégration LRGB de 27 heures). Document Adam Block/U.Az. Au centre, la galaxie spirale barrée M77 ((R)SB(rs)b) alias NGC 1068, une galaxie de Seyfert (un AGN) située à environ 47 millions d'années-lumière dans la Baleine (Cetus) qui abrite un trou noir supermassif photographiée par le VLT. Les filaments rouges sont des zones riches en poussière. A droite, l'étrange galaxie spirale NGC 4651 (SA(rs)c) surnommée la galaxie "Parapluie" cataloguée Arp 189 (galaxie à filaments) située à 62 millions d'années-lumière dans Coma Berenices et membre de l'amas de la Vierge. Il s'agit d'un compositage d'images amateurs et professionnelles réalisé par Jay GaBany. Ici, à l'inverse de M77, les zones bleues sont des régions denses où se sont récemment formées des millions d'étoiles. L'analyse au radiotélescope a montré que la coquille de gaz et le courant stellaire (jet) composés d'hydrogène neutre sont émis par une toute petite galaxie naine satellite bleutée située à l'est, dans le courant horizontal qui a été totalement disloquée par les effets de marée lors de son interaction avec la galaxie principale.

Il faut y ajouter des catégories propres à l'étude au radiotélescope :

- les quasars et autres QSO (Quasi Stellar Objects) sur lesquels nous reviendrons, leur classification étant également subdivisée en fonction de différents critères.

- les radiogalaxies

- les Radiogalaxies Géantes (GRG)

- les Galaxies à Noyau Actif ou AGN (Active Galactic Nucleus) comprenant notamment les LINER (y compris les LIRG et certaines "red nuggets"), les Seyfert et autres DRAGN

- les blazars.

Ces catégories peuvent être divisées en plusieurs types et ne sont pas exclusives. Ainsi comme toute classification, pour prendre M77 présentée ci-dessus, c'est une galaxie spirale barrée classée (R)SB(rs)b en lumière blanche, un AGN analysé au radiotélescope et plus précisément une Seyfert de Type 2 quand on analyse la distribution de son spectre électromagnétique, notamment en infrarouge où son noyau devient très lumineux en raison de la présence d'un anneau de poussière cachant vraisemblablement un trou noir supermassif. Nous verrons en dernière page qu'on peut rassembler ces différents manifestations apparemment distinctes dans un modèle unifié, celui d'une galaxie abritant un trou noir supermassif actif.

Nous reviendrons sur certaines de ces galaxies dans les pages suivantes ainsi qu'à propos des découvertes récentes et des trous noirs.

L'étude des galaxies en infrarouge

La classification de Hubble ou celle de Vaucouleurs a été établie sur base du rayonnement visible émis par les galaxies. Ces images révèlent les populations jeunes d'étoiles (Population I) mais généralement très peu d'étoiles âgées (Population II). C'est très récemment que l'astronomie infrarouge s'est développée.

Le premier détecteur infrarouge fut développé dans les années 1960 par Frank J. Low (1933-2009). Sa technique et ses inventions ont depuis été utilisée dans la plupart des hauts lieux de l'astronomie, y compris à bord des télescopes spatiaux IRAS, ISO, Hubble, WISE, Spitzer, JWST, etc.

Ci-dessus à gauche, la différence d'aspect de la galaxie NGC 253 du Sculpteur en infrarouge et en lumière visible. Au centre, les extensions inattendues de la galaxie irrégulière M82 photographiée en infrarouge par le télescope spatial Spitzer de 0.85 m. A droite, observée en infrarouge par le télescope spatial Spitzer en 2004, la radiosource NGC 5128 révèle une galaxie spirale en forme de parallélogramme en train de tomber sur la galaxie elliptique très différente de sa forme visible. Ci-dessous à gauche, la découverte du double noyau de la galaxie d'Andromède M31 par le HST. L'image couvre une région qui s'étend sur 40 années-lumière. Au centre et à droite, après rectification personnelle, M31 apparaît comme une belle galaxie spirale quasi circulaire sur cette image infrarouge prise en 2011 par le l'observatoire orbital Herschel. Documents ESO, Spitzer, T.R.Lauer/KPNO/NOAO/HST et ESA/Herschel/SPIRE adaptée par l'auteur.

En scrutant le ciel en infrarouge (1-30 microns), les astronomes sont confrontés à de nouvelles difficultés : la galaxie NGC 253 par exemple du Sculpteur qui ressemble à une spirale serrée en lumière blanche présente soudainement en infrarouge une barre centrale comme le montre les deux photos comparatives ci-dessus à gauche publiées en 2010. La présence d'étoiles âgées lui donnent l'aspect d'une galaxie spirale barrée !

Même surprise pour les radiogalaxies, telle Cygnus A dans laquelle Djorgovski découvrit un noyau en infrarouge ou les galaxies de Seyfert[17] telle NGC 5128 "Centaurus A" qui cache une galaxie spirale comme on le voit ci-dessus à droite.

Enfin, plus près de nous, à l'image du noyau de la Voie Lactée, M31 présente un noyau gauchi induit par le déplacement d'une autre galaxie et grâce au télescope Hubble on découvrit qu'il était en fait constitué de deux composantes.

A voir : Galaxy Zoo

Aidez les astronomes à classifier les galaxies

Tailles relatives des galaxies. Documents T.Lombry.

Précisons également que pour les galaxies les plus proches, les mesures réalisées ces dernières années révèlent que les mouvements des étoiles ne sont pas souvent en accord avec le classement des galaxies auxquelles elles appartiennent. En effet, ce n'est qu'en tirant profit des télescopes de 8 et 10 m d'ouverture ainsi que des télescopes spatiaux que les astrophysiciens ont pu résoudre le noyau de certaines galaxies proches et découvert qu'ils tournaient... dans le sens opposé à celui du reste de leur galaxie ! Dans plusieurs cas, ce phénomène serait lié à l'absorption d'une autre galaxie mais on ne peut pas généraliser cette théorie.

Toutes ces découvertes ébranlent quelque peu nos idées sur l'évolution des galaxies. Si l'astronomie infrarouge révolutionne déjà notre conception de l'évolution galactique, seul l'avenir nous dira si la classification de Hubble et celle de de Vaucouleurs devront être mises à jour... sans oublier les nouvelles structures mises en évidence par les télescopes spatiaux sans parler des futurs télescopes géants très prometteurs.

Enfin, on peut étudier les galaxies et préciser leur morphologie en analysant leurs profils radioélectrique et magnétique grâce aux émissions des régions HI.

Morphologie des galaxies grâce au profil HI

Il existe une corrélation entre la morphologie des galaxies et leur constitution. En effet, une galaxie ne se forme pas uniquement par l'effet de la gravitation sur la masse de gaz et stellaire mais obéit également à l'effet induit par le champ magnétique environnant et des forces extérieures.

Grâce à l'hydrogène atomique (région HI, milieu interstellaire neutre), nous pouvons dresser la carte radioélectrique non seulement de la Voie Lactée mais également de toutes les galaxies comme on le voit ci-dessous.

Ces analyses superposées aux cartes du champ magnétique mettent en évidence l'organisation de la matière, du gaz et des étoiles, dans le disque, les bras et le halo des galaxies.

Ainsi, parmi les galaxies spirales observées en lumière blanche, un tiers d'entre elles épousent le profil radioélectrique, pour citer parmi les plus connues M31, M51 et M81.

A lire : HI Line, NRAO

A gauche, carte de contours radioélectriques et d'orientation du champ magnétique (obtenu par rotation des vecteurs E de 90°) de NGC 253 observée à 2.8 cm de longueur d'onde par le radiotélescope de l'Effelsberg (disque et gaz diffus à grande échelle) et à 20 cm par le VLA (halo) et dont voici la photo en lumière blanche. La résolution est de 70". Document Beck et al. Au centre, carte de contours radioélectrique à 20 cm de M31. Document Lewis F. Geraint et al. A droite, la carte de contours radioélectriques de M51 établie à 6 cm par le VLA (continuum à large bande) et à 2.8 cm (gaz diffus) par le radiotélescope de l'Effelsberg superposée à l'orientation du champ magnétique. On voit clairement que les bras spiraux suivent les lignes de force du champ magnétique. Document NRAO/AUI. Vous trouverez d'autres cartes de contours sur le site des observatoires radioastronomiques ainsi que dans la base NED du Caltech.

Etant donné que le milieu est très peu excité, les émissions des courants d'hydrogène neutre proviennent avant tout des collisions entre atomes. C'est ainsi qu'en étudiant les galaxies à 2.8 cm (10.7 GHz) ou autour de 21 cm (~1420-1427 MHz) de longueur d'onde, les radioastronomes peuvent découvrir la structure spirale d'une galaxie irrégulière par exemple ou découvrir que les bras des galaxies spirales sont un véritable piège pour le gaz froid.

Même pour une galaxie vue de profil comme NGC 253 présentée ci-dessus à gauche, la carte de contours radioélectriques révèle quantité d'informations. Elle permet par exemple de découvrir des bras spiralés jusqu'à plus de 10 kpc au-dessus du plan galactique ou des nuages de gaz bien au-delà de l'extension visible de la galaxie, y compris, le cas échéant, dans le halo comme dans l'exemple de M31.

En revanche, la force du vent interstellaire qui souffle dans une galaxie elliptique ne permet en général pas d'y déceler des masses de gaz neutre (voir plus bas). Ces galaxies abriteront donc moins d'étoiles de deuxième ou troisième génération que les galaxies spirales. Les seules elliptiques ayant des régions HI sont d'ordinaire associées à un compagnon spiralé ou ont récemment aborbé une plus petite galaxie.

Toutefois, certaines galaxies (par ex. NGC 891, NGC 3628 ou NGC 1808) ne présentent pas de halo radioélectrique étendu. Ces galaxies ont un disque épais pouvant atteindre 3000 années-lumière d'épaisseur (contre à 3000 à 15000 années-lumière pour la Voie Lactée).

Quelques galaxies remarquables vues de profil parmi beaucoup d'autres présentant des bandes équatoriales de poussière parfois mêlées de régions HII. A gauche, la galaxie "Sombrero" M104 prise par le HST et traitée par Diaz Bobillo. A sa droite NGC 5775, NGC 4565 et la radiosource NGC 5128 "Centaurus A" dont voici une image composite de l'ESO/NASA prise en 2009 en optique (RGB), IR proche à 870 nm (orange), radio submillimétrique (jets extérieurs orange) et X (bleu et halo central). Documents NASA/ESA/STScI et ESO.

A l'autre extrémité, on trouve par exemple la galaxie d'Andromède, M31 et NGC 4565. L'émission radioélectrique du disque épais est indétectable et est au moins 200 fois plus faible que celle de NGC 891 par exemple dont voici une photo. Cela signifie que soit le taux de formation d'étoiles est très faible dans M31 et NGC 4565 et sous le seuil de détection soit que l'effet dynamo (génération d'un champ magnétique par un corps conducteur se déplaçant) n'opère pas dans le halo de ces galaxies.

Parmi les autres galaxies présentant également une bande sombre de poussière, citons la galaxie NGC 5866 présentée un peu plus haut, M104 "Sombrero" et ESO-510-13 qui est gauchie. Toutes révèlent de gigantesques structures poussiéreuses qui s'alignent le long des lignes de force du champ magnétique.

Un autre bel exemple de galaxie présentant un disque ou du moins une bande d'accrétion est la radiosource NGC 5128 "Centaurus A" présentée ci-dessus. La bande sombre est composée de gaz moléculaire et de poussière formant localement des régions HII (les zones roses brillantes et les nodules sombres).

Notons que les bras des galaxies spirales contiennent également de nombreux "trous HI" qui sont en corrélation avec les régions HII ionisées où apparaissent les nébuleuses et où se forment les étoiles.

Nous reviendrons un peu plus loin sur l'impact du vent interstellaire sur la production d'étoiles, sur la formation des galaxies et par la même occasion nous étudierons à une plus grande échelle l'influence gravitationnelle mutuelle des galaxies d'amas et tenterons d'expliquer pourquoi les galaxies présentent toutes ces formes. En attendant, décrivons les interactions entre galaxies, ce qui nous permettra d'introduire certains concepts que nous réutiliserons ensuite pour expliquer leur évolution.

Prochain chapitre

Les interactions entre galaxies

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[17] M.de Grijp et al., Nature, 314, 1985, p240 - S.Djorgovski et al., Astrophysical Journal Letters, 372, 1991, L67.


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