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Les amas de galaxies
La structure du ciel profond (I) A présent que nous avons dressé notre catalogue de galaxies dans différents rayonnements, voyons de quelle manière elles sont distribuées dans l'univers visible. Observer des galaxies proches l'une de l'autre ou les comptabiliser sur une photographie ne suffit pas pour affirmer qu'elles appartiennent au même groupe ou amas. Il faut encore vérifier qu'elles sont à la même distance et suivent le déplacement de l'amas en calculant la vitesse propre de chacun de ses membres. L'astronome Edwin Hubble nous apprit qu'en raison de l'expansion de l'Univers, la distance et la vitesse d'éloignement des galaxies sont proportionnelles. En déterminant le décalage vers le rouge (redshift) des raies présentes dans leur spectre, on peut donc calculer le temps de regard ou distance de mouvement propre, c'est-à-dire en faisant abstraction de l'expansion de l'Univers (la distance propre maximale coïncidant avec l'époque du Big Bang) ou leur vitesse comobile et estimer leur distance comobile radiale, c'est-à-dire leur distance réelle en fonction des paramètres cosmologiques actuels dans un Univers en expansion. On reviendra sur ces concepts à propos des galaxies les plus lointaines. Comme on peut s'en rendre compte en observant le ciel en détail, les galaxies ne sont pas isolées dans l'espace. 95% des galaxies se rassemblent sous l'effet de la gravitation pour former des groupes et des amas, les plus proches regroupant quelques dizaines ou centaines de membres. Groupes et amas de galaxies Pour un astrophysicien, il existe une différence entre un groupe et un amas de galaxies. La différence est que dans un groupe le système est parvenu à l'équilibre dynamique (virialisation), les galaxies présentant des vitesses de dispersion et des vitesses propres relativement faibles. Leur dynamique est souvent dominée par un mouvement collectif cohérent, car elles sont plus liées gravitationnellement que les galaxies d'un amas. Les galaxies peuvent traverser un puits gravitationnel et rejoindre l'extrémité de la région perturbée. Un mouvement de flux peut donc émerger plus facilement. Les groupes de galaxies ont été divisés en groupe peu compact lorsque la distance séparant les membres est relativement grande et en groupe compact lorsque la distance séparant les galaxies est de l'ordre de leur diamètre optique soit environ 100000 années-lumière. Parmi les groupes de galaxies les plus connus, citons le Triplet de Zwicky (3 galaxies), le Quintette de Stephan (5 galaxies), le Sextette de Seyfert (6 galaxies) ou encore le Septette de Copeland (7 galaxies). A l'inverse, dans un amas de galaxies, le système est instable; il est en évolution constante, capturant en permanence des galaxies qui sont attirées vers le puits gravitationnel central, perturbant la dynamique de toutes les galaxies sous son influence pendant des milliards d'années. Un amas de galaxies comme celui de la Vierge a une vitesse propre par rapport au fond diffus cosmologique, ce qui peut être interprété comme un mouvement de flux à grande échelle. Mais chaque galaxie de l'amas a aussi une vitesse propre due à la dynamique interne de l'amas. Les amas se différencient également des groupes par leur forte luminosité en rayons X liée à la présence d'un gaz chaud intra-amas dans lequel les électrons sont freinés (voir page 3). Les amas de galaxies ont été subdivisés en amas riches lorsque la matière est fortement condensée et où on observe des vitesses propres de plusieurs milliers de kilomètres par seconde avec une dispersion de vitesse (l'écart-type des vitesses des galaxies par rapport à la vitesse moyenne de l'amas) d'environ 1000 km/s. C'est le cas de nombreux amas catalogués par Abell et ses collègues. On y reviendra. Dans les deux cas, si les galaxies sont suffisamment rapprochées, elles peuvent interagir, entrer en collision et fusionner. Nous verrons à propos de la température du gaz intra-amas (voir page 3), un troisième concept celui d'amas de galaxies à noyau "chaud" ou "froid", une caractéristique qui revient régulièrement dans les articles scientifiques. Autour de la Voie Lactée gravitent des dizaines de galaxies naines dont certaines sont satellisées. Parmi les plus les célèbres, citons les Nuages de Magellan (LMC et SMC) visibles dans le ciel austral. Parmi les galaxies naines découvertes ces dernières années citons Ursa Major III découverte en 2024 composée d'une soixantaine d'étoiles (cf. les découvertes récentes), Bedin 1 découverte en 2019, Antlia 2 et Hydrus 1 découvertes en 2018 et Crater 2 découverte en 2016. 17 galaxies naines sont situées dans l'hémisphère nord. Selon une étude publiée dans "The Astrophysical Journal" en 2020 par Ethan Nadler de l'Université de Stanford et ses collègues, sur base des données de Gaia et de simulations tenant compte du modèle ΛCDM (la matière sombre et froide dans laquelle baignent les galaxies), la Voie Lactée serait escortée par environ 150 galaxies satellites supplémentaires qui restent à découvrir. Avis aux amateurs.
En fait, dire que ces galaxies sont des satellites de la Voie Lactée est un abus de langage. En effet, ce n'est que dans les années 2000 que les astronomes ont découvert qu'en réalité la plupart de ces galaxies naines dont le LMC sont des nouvelles venues dans notre environnement et d'un point de vue cinématique, elles se déplacent encore trop vite pour être capturées par la Voie Lactée. En fait, la plupart d'entre elles nous visitent pour la première fois et ne sont pas encore liées gravitationnellement à la Voie Lactée mais peuvent subir son influence. On y reviendra à propos des découvertes de Gaia. Aux galaxies naines existantes, il faut ajouter 36 galaxies extérieures dont M31 et M33. Au total, au moins 86 galaxies forment ce qu'on appelle le Groupe Local (parfois appelé à tord l'amas Local). Le Groupe Local s'étend dans une sphère d’environ 30 millions d'années-lumière de rayon autour de la Voie Lactée, ce qui représente grosso modo 17 fois le diamètre de notre Galaxie. Les deux membres les plus brillants sont la Voie Lactée et M31. Depuis 2008, seules 4 galaxies extérieures ont été découvertes dans un rayon de 6.5 millions d'années-lumière (3 Mpc). Deux d'entre elles sont des naines irrégulières, UGC 4879 (A.I. Kopylov et al., 2008) et Leo P (R.Giovanelli et al., 2013), la troisième, KK 258 (I.D. Karachentsev et al., 2014) est une naine en transition présentant un minimum de gaz et de jeunes étoiles. La quatrième, Kks3 alias SGC 0224.3-7345 (I.D. Karachentsev et al., 2014), fait partie de la dizaine de galaxies naines sphéroïdes très pâles qui émettent entre 0.0005 et 0.1% de la lumière de la Voie Lactée. Kks3 fut découverte en 2014 à 7 millions d'années-lumière dans la constellation de l'Hydre.
Etant donné la masse élevée de la Voie Lactée (masse virielle de ~960 milliards de masses solaires), au cours des derniers milliards d'années, notre Galaxie a pratiquement disloqué toutes les petites galaxies venant à sa rencontre, les transformant en galaxie naine elliptique ou en naine irrégulière et en créant de nombreuses queues de marée et courants stellaires quand elle ne les pas absorbées par fusion comme Héraclès. La Voie Lactée, M31 et M33 ne sont pas en interaction mais M31 se rapproche de la Voie Lactée à 111 km/s et M33 à 182 km/s, ce qui conduira à leur effleurement puis à la fusion de M31 avec la Voie Lactée dans plusieurs milliards d'années. On y reviendra. Voici la liste des membres les plus brillants du Groupe Local (il faut y ajouter quelques galaxies très pâles, cf. Joshua D. Simon, 2018) comprenant de nombreuses galaxies naines satellites de la Voie Lactée : Calculette : Convertisseur de magnitudes
Un autre concept important typique des amas de galaxies est celui de leur état d'équilibre dynamique. Un amas de galaxies relaxé (relaxed) désigne un amas ayant atteint un état d'équilibre dynamique approximatif, où les perturbations dues à des évènements récents, comme des fusions ou des interactions gravitationnelles violentes, sont absentes. Dans cet état, les composants de l'amas (galaxies, gaz chaud, et matière sombre) montrent une organisation plus régulière, sans structures fortement asymétriques ou signes de déséquilibre évident. Un amas relaxé est généralement de forme sphérique ou légèrement elliptique, avec une distribution relativement homogène de sa matière sombre et une densité croissante vers le centre. Les galaxies s'y déplacent principalement sous l'influence du potentiel gravitationnel global de l'amas, bien que des interactions locales, telles que des forces de marée ou des fusions, puissent également influencer leur trajectoire. Dans un tel amas, le gaz chaud intra-amas (détectable en rayons X) est souvent proche de l'équilibre hydrostatique : la pression thermique du gaz compense la force gravitationnelle exercée par la matière sombre. Cependant, l'état relaxé de l'amas dans son ensemble ne signifie pas que toutes ses composantes, comme les galaxies ou la matière sombre, sont elles-mêmes en équilibre local parfait. Enfin, il est important de noter que l'équilibre hydrostatique, bien qu'étroitement lié à l'état relaxé, concerne spécifiquement le gaz chaud intra-amas et ne s'applique pas directement aux galaxies ou à la matière sombre. Cette condition est souvent utilisée pour estimer la masse totale de l'amas à partir des observations du gaz chaud, mais elle ne garantit pas que l'ensemble de l'amas est dans un état parfaitement relaxé. Un amas de galaxies non relaxé (unrelaxed), ou en cours de relaxation dynamique, n'a pas encore atteint un état d'équilibre dynamique global. Il présente des structures perturbées, souvent dues à des évènements récents tels que des fusions avec d'autres amas ou groupes de galaxies. Ces perturbations se manifestent par la présence de sous-structures visibles dans la répartition des galaxies, du gaz chaud et de la matière sombre, ainsi que par des filaments ou des asymétries dans leur distribution. Dans un tel amas, les mouvements des galaxies sont généralement anisotropes, et les interactions gravitationnelles entre sous-structures peuvent produire des trajectoires complexes. Le gaz chaud intra-amas, détectable en rayons X, n'est pas homogène et peut présenter des chocs, des fronts froids ou des signes de turbulences, résultant des interactions gravitationnelles (souvent dues à des fusions récentes) ou hydrodynamiques en cours. Un exemple bien connu d'amas non relaxé est Abell 520, souvent décrit comme en phase de fusion active. À l'inverse, des amas comme Abell 1689 sont considérés comme dynamiquement relaxés, bien que cette classification puisse varier en fonction des critères d'observation utilisés.
Notons qu'il existe une différence subtile. Au sens strict, un amas relaxé désigne un état d'équilibre total. Mais c'est un concept théorique car en pratique, dans l'univers les amas relaxés ne sont jamais dans un état d'équilibre absolument parfait, d'où l'utilisation courante du qualificatif quasi-équilibre ou proche de l'équilibre. Pour cette raison, certains chercheurs peuvent utiliser le terme "relaxé" pour qualifier un amas proche de l'état relaxé mais qui pourrait encore montrer de légères perturbations résiduelles mineures (comme des petites fusions anciennes ou des effets gravitationnels locaux) ou être en cours de relaxation. En fait, cette classification devrait être nuancée, mais en pratique les chercheurs précisent dans le texte les détails de la stabilité dynamique du système. Notons que les traducteurs généralistes, y compris les chatbot IA (par exemple ChatGPT, Gemini, etc) commettent souvent l'erreur de traduire "relaxed" par détendu et "unrelaxed" par non détendu. Si dans un contexte général c'est exact, en astrophysique le terme ayant un sens spécifique, mieux vaut les traduire respectivement par "relaxé" et "non relaxé", d'autant qu'en anglais les termes "relaxé" et "détendu" se traduisent par le même mot : relaxed (d'où la confusion des traducteurs). Les catalogues extragalactiques En 1953, alors qu'il sondait l'espace sur des distances de l'ordre de 10 à 50 millions d'années-lumière, l'astrophysicien Gérard de Vaucouleurs alors à l'Observatoire du Mont Stromlo en Australie, nota que la Voie Lactée et quelques dizaines de galaxies proches formaient ce qu'il appela la "supergalaxie locale". Dès cette époque, les astronomes se sont vite rendus compte du nombre impressionnant de galaxies et que la majorité d'entre elles se rassemblaient pour former des amas de galaxies. En 1957, pour sa thèse de doctorat en astrophysique, l'astronome américain George Abell[1] de Caltech compila un catalogue de 2712 amas riches de galaxies identifiés à partir des plaques photographiques du sondage Palomar Observatory Sky Survey (POSS) qui couvraient 30206 degrés carrés. Il fera l'objet d'un article publié dans "The Astrophysical Journal Supplement" en 1958. Dans cet article, Abell postula également l'existence "d'amas d'amas", c'est-à-dire des superamas de galaxies, un néologisme qu'utilisa à son tour de Vaucouleurs à partir de 1958. On y reviendra. En 1989, en collaboration avec Harold Corwin et Ronald Olowin (acronyme ACO), Abell compléta son catalogue avec 4073 amas riches de galaxies des deux hémisphères, chaque amas contenant au moins 30 membres dont la magnitude ne diffère pas plus de 2 unités et le décalage Doppler inférieur à z = 0.2 soit une distance propre inférieure à 2.5 milliards d'années-lumière. Aujourd'hui, ces amas de galaxies sont désignés par l'acronyme ACO (par ex. ACO1367, l'amas du Lion), simplement par la lettre A (par ex. A2151, l'amas d'Hercule) ou par le nom Abell (par ex. Abell 1656, l'amas de Coma). Evidemment, depuis la mise en service des télescopes spatiaux Hubble, Spitzer, WISE, JWST et Euclid capables de sonder l'univers jusqu'à plus de 13 milliards d'années-lumière, les astrophysiciens ont dénombré en moyenne 1 million de galaxies par degré carré (un champ à peine 4 fois supérieur au diamètre apparent de la Lune). Du fait que le nombre d'amas a explosé, ils ont été intégrés dans d'autres catalogues, soit spécifiques à certains programmes d'observations ou sondages soit à certaines institutions, d'où la diversité des noms de code associés aux galaxies et amas de galaxies (M, NGC, IC, ACO, ESO, MACS, EGS, RCS, UDF et autre z8_GND). Les données de tous ces catalogues sont également disponibles après téléchargement dans le logiciel gratuit de simulation du ciel (de planétarium) STELLARIUM. Enfin, toutes les données enregistrées par certains télescopes sont de nos jours disponibles dans les archives MAST (The Mikulski Archive for Space Telescopes) gérées par le STScI. Elles reprennent les données astronomiques des missions suivantes : JWST, HST, TESS, Kepler, K2, SwiftUVOT, XMM-OM, IUE, FUSE, EUVE, Copernicus, GALEX, EPOCh, et bientôt Roman, plusieurs missions réalisées à bord des navettes spatiales, des sondage réalisés au sol tels que Pan-STARRS, VLA-FIRST et SDSS et divers catalogues stellaires dont celui dressé par Gaia. Décrivons à présent brièvement les amas de galaxies les plus renommés en nous éloignant progressivement du Groupe Local. Jusqu'à 300 millions d'années-lumière Mis à part le Groupe de M31 et celui de CentA/M83, l'une des associations galactiques les plus proches du Groupe Local est le groupe du Sculpteur. Il se situe à 12.7 millions d'années-lumière (ou Mio), près du pôle sud galactique. Il comprend 13 galaxies dont la spirale NGC 253 située au centre du groupe qui aussi la plus brillante (Mv. 8). Notons que NGC 55 et NGC 300 et leurs compagnons qui appartenaient à ce groupe n'en font plus partie car de nouvelles études ont montré qu'elles se situent à l'avant-plan et ne sont physiquement pas liées à ce groupe. Notons que Igor Karachentsev de l'observatoire SAO de Russie dressa en 2004 un inventaire exhaustif des différents groupes de galaxies proches du Groupe Local (il en dénombre 9) et détermina leurs principaux paramètres (masse, luminosité, dimension, etc.). Un peu plus loin se trouvent les amas du Fourneau (62 Mio) et de la Vierge (65 Mio). L'amas de la Vierge (Virgo) est le plus connu. C'est aussi le plus riche des amas proches avec environ 1500 galaxies dont 250 brillantes dans un champ de 8°. Il se situe entre 53 et 65 millions d'années-lumière dans une direction à peu près perpendiculaire au plan de la Galaxie. Ses membres les plus connus sont M49, M84, M86 et la radiogalaxie géante M87 (Virgo A ou NGC 4486) dont la Collaboration EHT réussit à imaginer le trou noir supermassif.
L'amas
de la Vierge constitue le coeur du superamas Local (voir plus bas) dont la masse est estimée
entre 1.2x1015
M Les galaxies de l'amas de la Vierge se déplacent entre 900 et 1100 km/s. Sur les 1277 galaxies les plus brillantes on dénombre 128 spirales, 40 lenticulaires, 30 elliptiques, 828 naines elliptiques, 178 naines irrégulières et 34 autres galaxies. Par comparaison, l'amas du Fourneau (Fornax) qui est le second amas riche proche ne contient que 58 galaxies concentrées dans un champ de 3° dans le ciel. Au-delà du groupe du Sculpteur et de l'amas de la Vierge et dans un rayon de 300 millions d'années-lumière se trouve les amas de galaxies de l'Hydre (100 Mio), du Centure (200 Mio), de Persée (230-250 Mio) et du Paon-Indien mieux connu sous le nom de Pavo-Indus (244 Mio).
L'amas de Persée que l'on voit ci-dessus et sur cette photo HD prise par le télescope spatial Euclid de l'ESA, rassemble plus de 1000 galaxies dont la radiogalaxie NGC 1275 alias Perseus A ou 3C 84. Il s'agit d'une galaxie de Seyfert 2 de magnitude apparente +14.1 qui est l'une des plus brillantes de l'amas, y compris en rayons X, qui présente sur les photos à très longues poses d'étranges filaments rouges de plasma issus de son noyau et générés par l'activité de son trou noir supermassif pesant 340 millions de masses solaires. Ces filaments sont maintenant par un intense champ magnétique qui empêche leur évaporation. Cet amas de galaxies abrite également un membre très particulier, la galaxie lenticulaire NGC 1277 de magnitude apparente 14.7 qui n'a plus évolué depuis environ 12 milliards d'années (à part son trou noir supermassif qui n'a cessé de grossir). On y reviendra à propos des cas atypiques car les modèles de l'évolution galactique expliquent difficilement l'arrêt de son évolution. Vers 1977, Vera Rubin et ses collègues de l'Institut de Washington découvrirent que la Voie Lactée se déplaçait plus rapidement que l'expansion générale de l'Univers. Mais les astrophysiciens étaient incapables de dire où se trouvait la masse qui engendrait cette force qui avait un effet gravitationnel évident. En effet, aidés par les plus télescopes de l'époque, Rubin et ses collègues n'avaient rien repéré de suspect. Pourtant, là-bas, très loin, il devait exister quelque chose de très massif pour influencer à ce point la Voie Lactée et qu'il fallait débusquer.
Pour localiser cette source d'attraction une équipe de sept chercheurs de l'Institut d'Astronomie de Cambridge et de Washington se constitua. Elle comprenait Sandra Faber qui dirigeait l'équipe comprenant Alan Dressler, Roberto Terlevich, Donald Lynden-Bell, Gary Wegner, David Burnstein et Roger Davies. Leur but était de mesurer la vitesse propre d'un grand nombre de galaxies. Ces mesures devaient permettre de déterminer dans quelle direction se déplaçait la Voie Lactée et tout le Groupe Local et ainsi espérer localiser la masse qui l'attirait. Mais à l'époque, personne ne voyait l'intérêt de réaliser ce travail au point que le directeur de l'équipe considérait qu'ils mettaient leur carrière en péril, leur expliquant qu'ils se faisaient hara-kiri en choisissant ce sujet car personne ne pourrait jamais mesurer le mouvement des galaxies liées à la gravitation. Le terme "jamais" mettant généralement les jeunes scientifiques au défi, la curiosité de ceux qu'on surnomma dorénavant les "Sept Samouraïs" était plus forte que les préjugés de leurs collègues. En fait, la vitesse propre de ces galaxies elliptiques et spirales était tout à fait mesurable, le tout était de pouvoir les observer avec suffisamment de détails soit au télescope optique soit au radiotélescope (qui permet de mesurer la vitesse des nuages neutres d'hydrogène HI). Le travail de nos "Samouraïs" dura cinq ans et porta sur environ 400 galaxies elliptiques de la région du Centaure. En 1986, Alan Dressler et ses collègues "Samouraïs" découvrirent que le Groupe Local (et le superamas Local qui l'enveloppe) se dirigeait à une vitesse d'environ 625 km/s vers un point qu'il dénomma le "Grand Attracteur" situé dans l'hémisphère sud, au-delà du superamas de l'Hydre-Centaure en direction de la Croix du Sud[15]. Localisée à 150 millions d'années-lumière, cette région mystérieuse attire tout l'entourage de la Voie Lactée, l'amas Local et des amas proches dans un rayon d'au moins 200 millions d'années-lumière. Sur base des sondages
du ciel profond, les astronomes crurent que cette région
extragalactique ne contenait aucune masse visible importante, mais
paradoxalement ils purent calculer que sa force gravitationnelle
équivaut tout de même à celle d'un superamas contenant
entre 1013
et 1015
M
Preuve de cette dérive, Dressler[16] découvrit que ce déplacement comprimait les fréquences du spectre des galaxies, au point que le rayonnement du corps noir présentait localement une élévation sensible de sa température de plusieurs millièmes de degrés. Notons pour l'anecdote que le pendule de Foucault installé au Panthéon à Paris s'oriente dans cette même direction. En revanche, le centre du Grand Attracteur est une région de calme plat. Les galaxies n'ont plus de vitesse propre, elles sont simplement entraînées au rythme de l'expansion de l'Univers. En 1990, Dressler et ses collaborateurs découvrirent que passé ce point fictif, les galaxies avaient une vitesse inférieure à ce que prévoyait la loi de Hubble et certaines galaxies présentaient même un décalage Doppler... vers le bleu ! Mais d'autres mesures effectuées en 1992 par D.Mattewson[17] et ses collègues de l'Université Nationale d'Australie ont infirmé les analyses de l'équipe américaine. Pour sa part J.Willick[18] de Caltech mesura les vitesses radiales de 350 galaxies des amas de Persée et des Poissons, des amas plus éloignés du Grand Attracteur que le Groupe Local. Il apparut que ces galaxies étaient attirés plus rapidement vers le Grand Attracteur que les amas du Centaure ou de l'Hydre pourtant beaucoup plus proches ! Le seul Attracteur ne pouvait donc pas expliquer cette différence de vitesse. Ces différentes mesures étant contradictoires, les astronomes ont orienté leurs recherches dans plusieurs directions. Dans les années 1990, ils reconnaissaient volontiers qu'ils avaient des difficultés pour estimer la distance de galaxies lointaines à partir de leurs raies d'émission car il existait et il existe toujours une incertitude sur l'estimation de leur luminosité, qui peut-être sur ou sous-estimée en fonction de la brillance de la galaxie. D'autres astronomes suggérèrent que les vitesses radiales mesurées étaient la signature d'un autre super-attracteur situé plus loin dans l'espace. Enfin, une minorité de personnes continuaient de croire qu'il s'agissait d'une mauvaise interprétation de la cosmologie. Toutefois, un consensus s'est dégagé confirmant l'influence du Grand Attracteur à longue distance. La solution résidait dans l'étude d'un plus grand nombre de galaxies avec des mesures précises de leur brillance, de leur luminosité, de leur masse et de leur vitesse afin de pouvoir calculer leur distance. C'était un travail fastidieux, répétitif et long qui concernait potentiellement des milliers voire des dizaines de milliers de galaxies qu'il fallait étudier individuellement. Ce travail ne pouvait plus être pris en charge par une petite équipé disposant de peu de moyens, mais au contraire par des équipes internationales et multidisciplinaires (astrophysiciens, radioastronomes, cosmographes, opto-électroniciens, programmeurs, etc). A l'époque, au début des 1990, les astronomes ne disposaient pas de télescopes suffisamment puissants pour explorer les galaxies situées derrière le Grand Attracteur qui restaient invisibles et au mieux floues. Or il était nécessaire d'identifier ces galaxies, de pouvoir distinguer clairement leurs bras spiraux par exemple pour connaître la masse et la vitesse des objets tombant vers le Grand Attarcteur et établir des cartes tridimensionnelles de notre région de l'espace. Ce n'est qu'à partir de 2006 et l'aide de nouveaux instruments, de nouvelles méthodes et de nouvelles simulations que des équipes internationales d'astronomes et de cosmographes ont pu poursuivre ces recherches, notamment au sein de l'équipe d'Hélène Courtois, astrophysicienne et cosmographe à l'Institut de Physique des 2 Infinis de Lyon (IP2I) qui assura le travail de compilation des données enregistrées aux quatre du monde par les différentes équipes. On y reviendra à propos des superamas de galaxies et de la structure de l'univers. Après 30 ans de recherches, en 2016 les astronomes firent une découverte importante. Un nouveau récepteur multibeam très sensible fut installé sur le radiotélescope de 64 m de l'Observatoire de Parkes en Australie présentant une sensibilité de 6 mJy par beam par canal de 27 km/s. Grâce à ce radiotélescope, dans le cadre du sondage HIZOA (HI Zone of Avoidance) du programme "All-Sky" HIPASS de Parkes, Lister Staveley-Smith et son équipe ont sondé les régions HI situées entre les longitudes galactiques de 212° et 36° et moins de 5° de latitude galactique, c'est-à-dire juste derrière le plan de la Voie Lactée, dans le "trou" a priori vide de galaxies (zone of avoidance). Résultat du sondage HIZOA de Parkes. Cette carte reprend les positions de 957 galaxies situées jusqu'au-delà du Grand Attracteur, à plus de 150 millions d'années-lumière. Document Lister Staveley-Smith et al. (2016). Les chercheurs ont découvert cachées derrière la Voie Lactée 883 galaxies se déplaçant jusqu'à 12000 km/s. Elle sont situées à toutes distances, y compris au-delà du Grand Attracteur. Ces galaxies complètent le puzzle de la stucture de l'univers à grande échelle. Pour 51% des détections HI, les astronomes ont trouvé dans la littérature une contrepartie optique/proche infrarouge. Mais 27% des galaxies n'ont jamais été observées en raison de l'importante concentration stellaire à l'avant-plan et de l'extinction par la poussière. Avant ce sondage, on disposait du décalage Doppler pour seulement 8% de ces galaxies. Cet ensemble comprend plusieurs structures qui n'avaient jamais été observées jusqu'ici. Il comprend trois concentrations de galaxies (NW1, NW2 et NW3) qui jouent un rôle clé dans la structure cosmique traversant le Mur du Grand Attracteur entre l'amas Norma et l'amas CIZA J1324.7-5736. Deux autres amas (CW1 et CW2) contribuent à la surdensité de cette région proche du Mur du Centaure, l'un des deux formant un long filamentaire qui s'étend sur 180° soit 100 Mpc et se déplace à la vitesse de 3000 km/s, suggérant l'existence d'un mur plus éloigné situé à la distance du Grand Attracteur et à de plus grandes longitudes. Enfin,
cette région située derrière la Voie Lactée cache le trou des Voiles (Vela Zone of
Avoidance) qui contient le superamas de galaxies des Voiles
(Vela) situé à ~870 millions d'années-lumière qui regroupe ~4500 galaxies.
Sa masses totale est estimée à 1015
M
Nous avons donc aujourd'hui la preuve formelle qu'il existe à grande distance des structures extragalactiques pouvant expliquer l'attraction gravitationnelle des galaxies vers le Grand Attracteur. Toutefois, la masse conjugée de tous ces amas de galaxies n'explique pas totalement l'attraction de la Voie Lactée dans cette direction. Les astronomes ont donc décidé de poursuivre leurs enquêtes en faisant appel à des équipes scientifiques spécialisées situées aux quatre du monde pour couvrir toute la voûte céleste. Ils pouvaient ainsi profiter des sondages radios tels que le 2MTF (2MASS Tully-Fisher) de CAASTRO qui exploite également le radiotélescope de Parkes. Parmi les autres contributions, citons le sondage WALLABY qui fonctionne en collaboration avec l'interféromètre ASKAP installé en Australie. Ces études permettent de sonder massivement l'universe radio de manière encore plus approfondie. On parle bien d'étude "massive" car il s'agit de Big Data. En effet, les installations de l'ASKAP recueillent environ 5 GB de données soit un DVD toutes les deux secondes. Cette quantité d'information ne peut être gérée que par un centre informatique équipé de superordinateurs HPC, le Pawsey, qui exploite notamment un Cray XC40 Magnus de 1.097 PetaFLOPS. Le traitement en pseudo temps-réel est assuré par un Processeur Scientifique Central constitué d'un Cray XC30 de 200 TeraFLOPS aussi volumineux qu'un studio, complété par trois autres superordinateurs HPC. En parallèle, les astronomes de l'Observatoire Astronomique Australien (AAO) et de l'Université Nationale d'Australie (ANU) travaillent sur le sondage TAIPAN Galaxy Survey dédié à l'étude des galaxies elliptiques lointaines dans le rayonnement visible. Enfin, les théoriciens se penchent également sur la métrique de l'espace-temps dans le but de savoir si le modèle cosmologique actuel est toujours valide où si par exemple la relativité générale ne s'appliquerait plus aux très grandes échelles. Ces questions sont également au centre des discussions depuis la découverte de l'accélération de l'expansion de l'Univers qui bien que pouvant a priori s'expliquer dans le cadre du modèle ΛCDM n'écarte pas la possibilité d'une modification des lois à grandes échelles. Mais avant d'en arriver à un tel changement de paradigme, les astrophysiciens exigent des preuves solides. L'amas Abell 3627 Depuis ces observations, plusieurs approches complémentaires ont été utilisées pour étudier cette région mystérieuse de l'espace : étude des régions stellaires denses à l'ESO, mesure des spectres des galaxies isolées à l'observatoire Sud Africain et analyse radioélectrique des galaxies peu lumineuses à Parkes, en Australie. Jusqu'au
seuil de l'an 2000, le Grand Attracteur
était une terra incognita sur la carte du ciel. De nombreuses équipes
de chercheurs ont recherché la masse responsable de cette attraction.
Ils ont découvert une densité de galaxies deux fois supérieure à la
normale. On dénombre plus de 600 galaxies dans la région du Grand
Attracteur et selon Harold Corwin et Ron Olowin il contiendrait environ 4000 amas
de galaxies pour une masse estimée à 5 x 1016 M Les astronomes ont identifié près du centre du Grand Attracteur, l'amas Abell 3627 (ACO 3627 ou l'amas de la Règle, Norma) présenté ci-dessus, une condensation qui rassemble une cinquantaine de galaxies dont certaines sont en interactions. Comme la galaxie naine elliptique du Sagittaire (SagDEG) ou Dwingeloo 1, Abell 3627 se dissimule parmi les étoiles de la Galaxie et fut très difficile à débusquer. Il se trouve juste derrière le plan de la Voie Lactée, dans une région "vide" de l'univers mais très difficile à pénétrer en raison de l'importante accumulation de poussière interstellaire dans la ligne de visée.
Situé
à la même distance que l'amas de Coma soit à
environ 300 millions d'années-lumière et aussi massif que lui (1015
M Cet amas présente une vitesse proche de celle du Grand Attracteur mais il ne représente que 10% de la masse totale estimée du Grand Attracteur. Par conséquent, Abell 3627 n'est donc pas la figure centrale du Grand Attracteur, ce n'est qu'un membre plus massif que les autres situé en son centre. Pour débusquer les autres membres de ce qui avait tout l'air d'être un superamas, les astronomes avaient besoin d'une nouvelle méthode rigoureuse permettant d'évaluer la vitesse des galaxies indépendamment de la vitesse d'expansion de l'Univers afin de lever les incertitudes qui subsistaient. Cela donna naissance au programme "Sloan Digital Sky Survey", SDSS, sur lequel nous reviendrons en cosmologie. C'est
justement dans le cadre de ces sondages du ciel profond
et en compilant le catalogue de galaxies "Cosmicflows-2"
(CF2) comprenant 8000 galaxies que les astronomes ont découvert
à grande échelle que ce petit amas se trouve au centre de ce qu'on appelle
le superamas Laniakea découvert
en 2014 qui rassemble tous les amas attirés vers le Grand Attracteur. Le
superamas Laniakea mesure environ 500 millions d’années-lumière de diamètre
et représente ~1017
M Le dipôle répulseur Le mystère caché derrière le Grand Attracteur pendant près de 40 ans fut éclairci en 2017. Nous savons depuis 2006, grâce aux travaux de Dale Kocevski et Harald Ebeling, tous deux de l'Université d'Hawaï que le Groupe Local est attiré par une zone d'amas riche de galaxies appelée l'Attracteur de Shapley (en rouge et vert ci-dessous). Ils ont également montré l'existence probable d'un espace vide dans la direction opposée. En utilisant le catalogue de galaxies "Cosmicflows-2", en 2015 l'astronome Yehuda Hoffman de l'Université Hébraïque de Jérusalem et ses collègues avaient modélisé les mouvements de plus de 8000 galaxies et démontré l'existence d'un flux de matière en direction de l'Attracteur de Shapley. Cette structure cosmique accélère la vitesse du Groupe Local par rapport à un référentiel inertiel. Poursuivant leurs recherches, en 2016 (publication en 2017), ils ont annoncé que l'immense zone vide de galaxies agit en fait comme un "dipôle répulseur" (Dipole Repeller), c'est-à-dire comme le pôle nord répulsif du champ magnétique d'un aimant bipolaire, en (re)poussant les amas de galaxies en direction de l'Attracteur de Shapley, ce qui explique l'accélération du Groupe Local vers le Grand Attracteur situé à mi distance. La vidéo HD suivante décrit ce phénomène en trois dimensions. A
voir : The
Dipole Repeller A voir : Ballade dans l'univers : à la découverte de Laniakea | Hélène Courtois, TEDx Laniakea Supercluster, VF par H.Courtois
La découverte de ce dipôle répulsif pourrait également expliquer un autre mystère. Les astronomes savent depuis qu'ils ont cartographié le rayonnement cosmologique à 2.7 K (CMB) que le Groupe Local se déplace par rapport à ce continuum. La vitesse du Groupe Local est de 631 km/s; c'est presque deux fois supérieure à la valeur engendrée par l'Attracteur de Shapley et les autres amas de galaxies. On en déduit que l'effet répulsif double la force d'attraction de Shapley, ce qui explique la vitesse de déplacement plus élevée du Groupe Local par rapport aux prédictions. Nous verrons en cosmologie à propos de la structure de l'univers, qu'en 2023 des astronomes ont découvert un petit bassin d'attraction appelé Arrowhead au point précis où les zones d'influence de trois grands superamas de galaxies, Laniakea, Perseus-Pisces et Coma sont en contact. Jusqu'à 750 millions d'années-lumière Jusqu'à 750 millions d'années-lumière, nous trouvons les amas de la Règle alias Norma (300 Mio), de Coma (~321 Mio), de Phoenix (388 Mio), d'Hercule (450 Mio), du Lion (460 Mio) et quelques autres qui n'ont pas encore reçu de nom. Notons qu'à cette distance, les valeurs indiquées sont des moyennes, sachant que ces amas s'étendent en profondeur sur des centaines de millions d'années-lumière et que mis à part les amas compacts, leurs limites ne sont pas clairement définies. Dans ces amas, les galaxies vont souvent par paires et forment des couples physiques dont la séparation angulaire est inférieure au degré. Quelquefois les galaxies peuvent être très étendues relativement aux distances qui les séparent : les plus proches, celui de la Vierge et du Fourneau comptent parmi les amas les plus vastes. Ils s'étendent en moyenne sur 30 millions d'années-lumière.
En général, ces amas
rassemblent plus de 200 galaxies distantes les unes des autres
d'environ 500000 années-lumière. L'amas de Coma contient environ 1000 galaxies
identifiées mais en abrite probablement le double. Il présente une masse totale
d'environ 1015
M Entre 750 millions et 1 milliard d'années-lumière Si les amas sont nombreux à "courte" distance (distance propre), ils sont encore plus nombreux jusqu'à 1 milliard d'années-lumière où les derniers sondages du SDSS ont permis d'identifier 240000 amas de galaxies représentant quelque 3 millions de grandes galaxies. En fonction de leur éloignement, nous trouvons les amas de la Grande Ourse (834 Mio), des Poissons et de la Baleine (862 Mio et 906 Mio), du Bouvier (867 Mio) et de l'Horloge (963 Mio). Le Plan supergalactique forme une immense structure aplatie dans une partie de l'univers local s'étendant sur près d'un milliard d'années-lumière. Il comprend le Groupe Local et donc y compris la Voie Lactée et M31, et de nombreux amas de galaxies "proches" (Centaurus, Hydra, Indus, Norma, Pavo, Perseus, etc). Mais alors que le Plan regorge de galaxies elliptiques massives et brillantes, les galaxies à disques (spirales) brillantes sont clairsemées. Si certains chercheurs ont cru y voir une anomalie locale, des simulations confirment que cette distribution inégale des galaxies est tout à fait naturelle. En voici la raison. Dans un article publié dans la revue "Nature Astronomy" en 2023, Till Sawala de l'Université d'Helsinki et ses collègue ont découvert pourquoi les galaxies à disques sont largement absentes du Plan supergalactique. Pour comprendre cette distribution inégale des galaxies, les auteurs ont utilisé la simulation SIBELIUS (Simulations Beyond the Local Universe) intégrée au Consortium Virgo pour confronter les prédictions du modèle cosmologique standard ΛCDM et de la théorie standard de la formation des galaxies (dont le modèle GALFORM utilisé par les auteurs) avec les données observationnelles du sondage 2MASS Redshift Survey (2MRS) du CfA. On reviendra sur ces outils à propos de l'usage de l'informatique en astronomie. SIBELIUS est capable de simuler avec précision l'évolution de l'Univers sur 13.8 milliards d'années, de sa naissance jusqu'à nos jours. A partir des lois qui gouvernent l'évolution de l'Univers, SIBELIUS a montré que les interactions entre galaxies produit un déficit de spirales dans le Plan supergalactique.
Selon les auteurs les résultats de cette simulation montrent que "les distributions spatiales des galaxies à disques et des elliptiques et, en particulier, l'excès observé d'elliptiques massives près de l'équateur supergalactique découle directement de la structure locale à grande échelle et du paradigme standard de formation des galaxies, dans lequel les galaxies à disques évoluent principalement de manière isolée, tandis que les galaxies elliptiques géantes se rassemblent dans les amas massifs qui définissent le Plan supergalactique." La simulation est remarquablement cohérente avec les données du sondage 2MRS. Elle révèle des détails sur la formation des galaxies comme la transformation des spirales en elliptiques grâce aux mécanismes de fusion (cf. les interactions entre galaxies). En effet, les observations montrent que dans les amas de galaxies denses évoluant dans le Plan supergalactique, les galaxies connaissent de fréquentes interactions et fusions avec d'autres galaxies. Cela transforme les galaxies spirales en galaxies elliptiques. En revanche, loin du Plan, les galaxies peuvent évoluer dans un isolement relatif, ce qui les aide à préserver leur structure spirale. De plus, la simulation renforce le modèle cosmologique standard ΛCDM dans lequel la majorité de la masse de l'Univers est présente sous forme de matière sombre et froide. Les auteurs concluent : "plutôt que d'être anormales comme le suggèrent des travaux antérieurs, les distributions des galaxies elliptiques et à disques géantes dans l'univers local et par rapport au Plan supergalactique sont des prédictions clés du modèle ΛCDM." Une fois de plus, qu'on l'accepte ou non, on ne peut pas écarter le rôle prédominant de la matière sombre pour expliquer la structure des galaxies à disques et celle de l'univers à grande échelle. Un jour ou l'autre il faudra donc bien qu'on mettre la main sur cette composante élusive mais omniprésente. On y reviendra dans d'autres articles. A plus d'un milliard d'années-lumière A 1.07
milliard d'années-lumière nous trouvons notamment l'amas Abell 2029 de
la Vierge dont la magnitude surfacique moyenne est de +16. Il abrite 257 amas
de galaxies. Sa masse est estimée à 1015 M
L'amas Abell 3827 présenté ci-dessus à droite se situe à 1.3 milliard d'années-lumière dans la constellation de l'Indien (Indus). Les structures bleues entourant les galaxies centrales en interactions cataloguées ESO 146-5 (ESO 146-IG 005) sont les reflets produits par des lentilles gravitationnelles de deux galaxies lointaines situées derrière l'amas. Les observations réalisées grâce au télescope Gemini South ont montré que ESO 146-5 focalise gravitationnellement une galaxie située à 2.7 milliards d'années-lumière et une deuxième située à 5.1 milliards d'années-lumière. En appliquant la théorie de la relativité générale, ESO 146-5 représente 30 milliards de masses solaires, ce qui en fait l'une des galaxies les plus massives de l'univers visible. La forme inhabituelle de ces quatre galaxies suggère que chacun des noyaux brillants a été formé à partir de multiples collisions de galaxies plus petites dont les noyaux sont actuellement en cours de fusion pour former une seule galaxie elliptique géante. Enfin, les observations indiquent que la matière sombre entourant l'une des galaxies elliptiques ne se déplace pas avec la galaxie elle-même, ce qui implique peut-être des interactions inconnues au coeur même de la matière sombre (cf. R.Massey et al., 2015). L'amas Abell 2065 ou l'amas de la Couronne Boréale est situé à plus d'un milliard d'années-lumière. Il contient ~400 galaxies, la plus brillante étant de 16e magnitude (ne pas le confondre avec le superamas de la Couronne Boréale ou CSC qui abrite 6 amas de galaxies). L'amas de galaxies Abell 370 situé dans la constellation de la Baleine à z = 0.375 ou ~4.1 milliards d'années-lumière présenté ci-dessous à droite rassemble des centaines de galaxies dont une majorité d'elliptiques ainsi que des lentilles gravitationnelles qui projètent les images de galaxies encore plus lointaines. Les sondages à grande échelle : POSS - SDSS - BOSS - eBOSS - LSST - COSMOS DESI - DEEP - CFHTLS - PFS - Frontier Fields - Coma Cluster Treasury Survey Européens : VDSS - VIPERS - 4MOST - eROSITA
L'amas Abell 68 présenté ci-dessous est situé à 2 milliards d'années-lumière et contient une lentille gravitationnelle. On la reconnaît aux nombreux arcs bleus situés près du centre et déformant l'image des galaxies bleues situées à l'arrière-plan à plus de 13 milliards d'années-lumière. De même, l'amas Abell 1703 présenté juste à sa droite est situé à environ 3 milliards d'années-lumière et contient une centaine de galaxies dont une majorité de galaxies elliptiques contenant des étoiles en pleine maturité et de veilles étoiles lui donnant une belle couleur dorée. Quant à l'amas ZwCI 0024+16252 présenté ci-dessous à droite, il est situé à 5 milliards d'années-lumière et présente une importante quantité de matière sombre signalée par une lentille gravitationnelle. L'un de ces anneaux gravitationnels s'étend sur 2.6 millions d'années-lumière soit supérieure à la distance qui sépare la Voie Lactée et la galaxie d'Andromède ! L'étude des amas de galaxies est indispensable pour connaître leur composition, leur dynamique et leur rôle dans l'évolution de la structure de l'univers et notamment pour étudier la distribution de la matière sombre dans les bras des galaxies tant qu'on peut les résoudre à ces distances considérables. Leur étude apporte aussi des indices sur l'évolution galactique et stellaire. En effet, bien que ces galaxies soient situées à plusieurs milliards d'années-lumière et soient toutes petites et très pâles à cette distance, il est possible d'y déceler une activité temporaire ou régulière et d'isoler des groupes d'étoiles, de déterminer leur type spectral et d'en déduire certaines caractéristiques utiles aux astrophysiciens pour mieux comprendre les évolutions stellaire et galactiques notamment.
Le grand amas Abell 1689 présenté ci-dessous à gauche est situé à 2.2 milliards d'années-lumière. Il a notamment été étudié en détail par Brian Siana et le doctorant Anahita Alavi de l'Université de Californie à Riverside. Ce bel amas contient également plusieurs lentilles gravitationnelles comme l'explique cet article. Comme on le voit sur la seconde image présentée ci-dessous, Siana et Alavi ont pu identifier 58 galaxies primitives bleues. La lentille gravitationnelle a amplifié leur éclat d'un facteur variant entre 3 et 100 mais elles sont plus faibles que les galaxies habituellement situées à cette distance. Les agrandissements révèlent la forme compacte et la couleur très bleue de ces petites galaxies, indiquant clairement qu'elles ont récemment créé de nouvelles étoiles. Dans le cas contraire, ces galaxies n'auraient jamais été aussi brillantes et présenteraient une couleur nettement plus orangée. Toutefois, la forme de ces galaxies ne ressemble pas à celles des galaxies spirales ou elliptiques qu'on trouve dans notre voisinage galactique. Cela sous-entend que l'évolution des galaxies ne s'effectue pas au même rythme et donc dans les mêmes conditions au cours du temps. Si cela paraît suspect et inexpliqué, c'est une donnée intéressante qui ajoute une contrainte à nos modèles mais qu'il ne faut pas dogmatiser. En effet, les échantillons étudiés ne représentent que quelques galaxies et certainement pas la distribution moyenne de l'univers. Il peut donc s'agir de cas paticuliers. Il faut donc rester prudent avant de conclure et continuer à étudier d'autres galaxies très éloignées.
A ce sujet, nous verrons à propos de la matière sombre que selon les galaxies étudiées situées à plus de 9-10 milliards d'années-lumière, certaines présentent une courbe de rotation différente des galaxies beaucoup plus proches, mais d'autres présentent une courbe de rotation similaire. On peut donc déjà en déduire que la formation des galaxies dans ce lointain passé était similaire à celle qu'on observe dans les galaxies proches. Mais le sujet fait encore débat. On y reviendra. Si cet échantillon de l'univers est représentatif de toute la population de galaxies ayant existé il y a plus de 3 milliards d'années, alors il faut en conclure que la majorité des nouvelles étoiles se sont formées dans ces petites galaxies (puisqu'une étoile de type solaire par exemple vit au moins 10 milliards d'années). On y reviendra en détails sur les superamas de galaxies à propos de la structure de l'univers. Prochain chapitre
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