Lors d'un
premier article (1) nous avons montré que le spectrohéliographe
était du domaine du réalisable pour l'amateur. Un certain
nombre de contraintes liées au principe de l'instrument d'une part,
et aux conditions d'utilisation d'autre part, font que l'image solaire
obtenue n'est pas géométriquement exacte. Comment
restaurer au mieux cette géométrie et que peut-on alors
attendre de mesures de positions sur de telles images?
Principales causes
de distorsion des images
Nous avons
relevé plusieurs sources de distorsion dont la liste n'est pas
exhaustive. Elles peuvent être regroupées en 2 types :
1 - Distorsions globales et régulières :
- Temps d'acquisition du
disque solaire trop court ou trop long par rapport au temps optimum,
ce qui se traduit respectivement par un élargissement ou un
amincissement du diamètre suivant l'axe Est-Ouest géographique.
- Défaut de perpendicularité
de la fente par rapport à l'axe du balayage ce qui donne également
une image elliptique mais dont le grand axe est incliné.
- Défaut de mise en station qui donne le même symptôme que précédemment.
2 - Distorsions locales et aléatoires :
- Turbulence atmosphérique,
variable au cours de l'acquisition d'une image (environ 2 minutes)
- Turbulence instrumentale,
principalement localisée au niveau de la fente d'entrée
du monochromateur, c'est à dire au foyer du télescope,
là où la température est très élevée
et la convection de l'air importante.
- Vibrations de l'instrument sous l'effet de rafales de vent
Correction de la distorsion globale
Si pour la
seconde catégorie il n'est pas possible d'envisager une amélioration
a posteriori de la géométrie de l'image, une rectification
est cependant réalisable pour la première catégorie.
A cet effet, et profitant du caractère numérique des images,
nous avons écrit un programme informatique qui permet de leur redonner
leur forme circulaire.
Le principe en est simple et semble suffisamment
efficace pour être exposé ici.
L'image à corriger est affichée sur l'écran du micro-ordinateur.
On lui superpose alors une ligne circulaire que l'on peut déformer
jusqu'à l'ajuster au contour elliptique du Soleil. La transformation
géométrique appliquée à cette courbe sert
à calculer la transformation de correction de l'image. Elle se
fait en 2 temps: redressement de l'axe
Nord-Sud par glissement latéral puis ajustement au cercle par étirement
ou compression suivant l'axe Est-Ouest (Fig. 1).
Fig. 1:
Image déformée et image corrigée.
La méthode
pourrait être modifiée en programmant une recherche automatique
des paramètres de l'ellipse. Toutefois, l'analyse d'image a ses
inconvénients et ne serait pas performante dans les cas où
le bord solaire est peu ou pas défini (passages nuageux, faible
contraste, protubérances ou filaments importants au limbe).
Evaluation des incertitudes
Dans un premier
temps, nous avons voulu contrôler la répétabilité
des mesures de positions afin d'estimer l'effet cumulé des corrections
géométriques et des distorsions aléatoires.
Pour cela, un lot de 12 images en H-alpha, acquises en l'espace de 2 heures,
est utilisé. Sur cet intervalle de temps, la rotation du Soleil
est sensible - environ 1° - mais on peut considérer que les
structures dont on veut mesurer la position ne subissent pas de déplacement
en raison d'un mouvement propre.
La restauration géométrique étant faite, chaque image
est anamorphosée en planisphère, selon une projection cylindrique
(Fig. 2). L'échelle est de 0,25° par pixel, ce qui correspond
à 8 secondes d'arc au centre du disque; nous ne sommes pas dans
le domaine de la haute résolution et la turbulence atmosphérique
n'est plus tellement pénalisante à cette échelle.
Fig. 2 : Projection cylindrique - Système de longitudes de Carrington.
La mesure
de la position de diverses structures bien reconnaissables (22 dans ce
cas) sur l'ensembles des planisphères est effectuée également
à l'aide du micro-ordinateur. Les images étant en H-alpha,
le choix des " cibles " est moins facile qu'en lumière
blanche où les taches sont bien marquées. Les filaments,
par exemple, peuvent être animés de mouvements rapides mais
l'avantage est que l'on en trouve à des latitudes élevées.
Les positions (longitude de Carrington et latitude) de chaque structure
donnent lieu à un calcul de moyenne et d'écart-type.
Pour illustrer
de façon synthétique les valeurs de dispersion obtenues,
nous avons reporté sur le disque solaire des rectangles dont les
dimensions horizontale et verticale sont respectivement proportionnelles
à l'écart-type en longitude et en latitude (Fig. 3). Un
facteur d'amplification est appliqué pour faciliter la lecture
: le carré de 0,5° de côté indique l'échelle.
La mise en diagramme de quelques paramètres permet toutefois de
préciser certains résultats (Fig. 4).
Pour la longitude,
on constate sans grande surprise que la dispersion des valeurs s'accroît
lorsque l'écart au méridien central augmente en valeur absolue.
Dans la partie centrale du disque, jusqu'à 35° du méridien
central, environ 63% des valeurs mesurées sont égales à
la moyenne +/- 0,25°, soit +/- un pixel. L'incertitude double lorsque
l'on s'écarte d'environ 70° du méridien central.
En ce qui
concerne la latitude, on ne constate pas de relation significative entre
l'écart au centre du disque et la valeur de l'écart-type
des mesures dans l'intervalle -40° à +40°. Au moins 90%
des valeurs sont égales à la moyenne +/- 0,25°.
Fig 3 : Dispersion
des mesures sur l'image
Fig. 4: Dispersion
des mesures de longitude et de latitude
Dans un deuxième
temps, il est nécessaire de déterminer l'erreur sur l'orientation
des images. Des documents de référence ont été
recherchés auprès des observatoires professionnels, au moyen
de l'internet. Nous en profitons pour ouvrir ici une petite parenthèse
qui a son importance : Nous avons pu télécharger des images
qui portent des indications d'orientation du Soleil suivant l'axe Nord-Sud
géographique et qui sont donc supposées corrigées
de l'angle Po. En comparant les images de divers observatoires, nous avons
cependant constaté des différences d'orientation sensibles,
voire énormes, jusqu'à 5° ! Il est donc préférable
d'être prudent quant à la qualité des informations
mises à notre disposition sur l'internet.
L'observatoire
qui nous a semblé produire les meilleurs documents est le Mount
Wilson Observatory (2). Contre toute attente, ce ne sont pas des photos
que nous avons trouvé sur ce site, mais des dessins de taches solaires,
réalisés quotidiennement sur des gabarits gradués
et orientés. La superposition de nos images (en K1v) corrigées
de l'angle Po sur ces dessins montre une erreur d'orientation de l'axe
Nord-Sud assez faible, toujours inférieure à 0,5° et
souvent inférieure à 0,2°. Une confirmation de cette
bonne orientation est donnée par le suivi de la position des taches
pendant leur transit dur le disque solaire sur nos propres images; une
erreur d'orientation provoquerait une dérive systématique
de la latitude des taches et une forte dispersion des valeurs, ce que
nous n'avons pas observé.
En conclusion,
la répétabilité et l'orientation semblent donc acceptables
si l'on considère des mesures de position à 0,5° près.
Si les mouvements individuels des taches solaires au sein des groupes
ne sont pas des plus accessibles, l'évolution des groupes et des
grandes structures comme les filaments ou les facules sont des sujets
peut-être plus appropriés aux performances et à la
nature de l'instrument.
(1) Rousselle P., Roy M., 2000. Un spectrohéliographe construit par un amateur.
L'Astronomie, vol 114, pp 168-173.
(2) http://www.mtwilson.edu/Science/UCLA/
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