L'idée que le spectrohéliographe permet
de former des images du Soleil a n'importe quelle longueur d'onde
du spectre visible est tout a fait correcte, mais toutes ne présentent
pas forcément un interêt. Il y a même assez peu de longueurs
d'ondes qui montrent le Soleil sous un aspect différent de ce que
l'on voit en lumière blanche.
Le continuum est émis par la photosphère et donne
donc des images équivalentes a la lumière blanche.
Les
raies d'absorption, en très grande majorité, sont produites
très près de la photosphère et ne révèlent donc
que peu de chose sur la structure de la chromosphère. Certaines
pourront toutefois donner de précieuses informations sur les
champs magnétiques ou les mouvements de matière a basse
altitude.
Les raies qui se forment dans la chromosphère sont celles qui
vont nous permettre d'explorer cette couche de plasma essentiellement
modelée
par les champs magnétiques. Les plus intenses sont celles de l'hydrogène
alpha (C) et du calcium ionisé (H et K).
Les raies telluriques ne nous indiquent évidemment rien de particulier
et sont même gênantes pour l'observation du spectre solaire.
On peut dire en première
approximation (cf. rappels)
que plus on rapproche le capteur du centre de la raie et plus on observe
des couches élevées de
la chromosphère.
Inversement, en allant vers l'extremité des ailes d'une raie, on
rejoint le niveau photosphérique. Ceci est
a moduler selon la nature des structures observées. La
densité, la température, la vitesse ne sont pas homogènes
en tous points et il s'ensuit des renforcements, des éclaircissements
ou des décalages dans la raie spectrale.
Il faut aussi tenir compte de la largeur de la bande passante du spectrohéliographe
qui permet d'isoler plus ou moins correctement le coeur des raies
spectrales. De cela dépend fortement le contraste ou et
la mise en évidence des structures chromosphériques.
Quelques longueurs d'ondes interessantes
La raie Hα (656,28 nm)
Les images obtenues dans cette raie spectrale montrent
la chromosphere supérieure, ou la densité de la matiere diminue et ou la
pression magnétique domine la pression du gaz. Le plasma est "modelé" par les
lignes du champ magnétique et en révele la structure. Les spicules, les protubérances
et filaments, les "vortices", etc... sont autant de structures chromosphériques
gouvernées par les champs magnétiques.
A proximité de l'axe de la raie (0,03 nm), l'image du Soleil présente beaucoup
de détails, notamment une granulation (4 a 5 ") qui change de structure a proximité des
taches solaires en prenant l'aspect de tourbillons (Solar vortices). Les taches
solaires sont encore bien visibles. Il s'agit la de la "couche moyenne" de l'hydrogene.
Au centre de la raie, on obtient l'image de la couche
supérieure de l'hydrogene (1500km), caractérisée par les plages brillantes et les
filaments sombres. La granulation et les solar vortices y sont beaucoup moins
visibles. Meme les petites taches solaires semblent effacées.
Au limbe solaire,
les protubérances sont bien visibles mais la bande passante étroite peut
limiter leur visibilité dans le cas ou elles ont des mouvements radiaux rapides
(décalage spectral important). C'est a cette longueur d'onde que l'on observe
le mieux les éruptions solaires ou "flares".
On peut aussi, en masquant le disque solaire, mettre
en évidence les protubérances et obtenir une image ressemblant a ce que donnerait un petit coronographe.
La raie K du calcium ionisé (393.37nm)
Cette raie est vraiment tres large et complexe, présentant
un profil a la fois en absorption et en émission. Elle provient
de différents niveaux de la chromosphere.
La partie émissive de cette raie reflete la température de la matiere et fait apparaître des
régions brillantes, appelées "plages", que l'on remarque particulierement
autour des taches solaires. On observe également des plages sans taches,
qui peuvent etre le siege de l'apparition de nouvelles taches, ou marquer
l'emplacement de taches disparues. D'autres points brillants marquent
les contours des cellules de la supergranulation et forment le réseau chromosphérique.
La raie H (396.85nm), également due au calcium ionisé fournit
les memes
images que sa soeur jumelle K.
Comme pour la raie de l'hydrogène,
l'éloignement de l'axe donne l'image de la couche basse (500km),
proche de la photosphère, avec des taches bien visibles et des
plages faculaires qui apparaissent nettement. On parle ici de la composante
K1 de la raie K.
A proximité
du centre de la raie (0,02 nm), le réseau chromosphérique
apparaît nettement et les plages faculaires sont brillantes (émission
propre) par rapport au reste du disque très sombre. C'est la
composante dite K2.
Le centre
de la raie (composante K3) est caractérisé
par une forte absorption révélant les filaments sombres
et, comme dans le cas de la raie Hα, les protubérances
en émission sur le limbe solaire.
En fait,
les images obtenues avec une bande passante de 0,05 nm ne peuvent
pas donner une image K3 pure. On parle plutôt
dans ce cas d'images K2,3. Il s'ensuit
une moins bonne visibilité des filaments et des protubérances.
Les raies Hb, Hg et
Hd de l'hydrogène (resp. 486.13, 434.05 et 410.18nm )
Les images obtenues dans
ces trois raies de la série de Balmer montrent également
les filaments et les protubérances mais de façon moins
marquée. Elles font aussi apparaître des larges plages
sombres autour des régions actives et un réseau chromosphérique
sombre. Le contraste des détails s'éstompe beaucoup
avec H-delta car la largeur de la raie est assez fine.
la raie "D3 de l'Hélium (587.56nm)
Cette raie spectrale est a l'origine de la découverte de l'élément Hélium dont le nom est dérivé de Helios. Elle est facilement visible en émission dans les protubérances, mais n'apparaît sur le disque
que dans des conditions particulieres. On peut la repérer en absorption
(très faible) au niveau des filaments denses et dans les plages.
Elle peut aussi se manifester en émission au niveau des "flares" si la température
avoisine les 20000 K et que la densité est suffisante.
IRT, le triplet infra-rouge du calcium ionisé (854nm)
Les capteurs CCD permettent en général d'explorer
le spectre un peu plus loin dans le rouge ou le violet que ne
le permet l'oeil. Il existe dans l'infra-rouge 3 raies d'absorption
liées au
calcium ionisé. Ici, une comparaison entre les raies violette et infrarouge
montre que les memes structures chromosphériques sont visibles avec
un aspect similaire.
Images avec d'autres raies spectrales
Quelques essais ont été tentés avec d'autres
raies (fer 404,6 nm, magnésium 518,4 nm) qui, bien qu'intenses, sont
toutefois trop fines pour la bande passante de ce spectrohéliographe.
Les images sont proches de ce que l'on peut observer en lumiere blanche,
avec tout de meme un net renforcement des facules. L'image ci-contre
est prise dans la raie du fer a 404,6 nm.
Exemples de phénomenes observables au SHG
Le terrain de jeu du spectrohéliographe est vaste.
Il permet l'observation des structure visibles en lumieres blanche (taches
solaires), Hα (filaments, protubérances, flares,
plages) et Ca-K (facules, réseau chromosphérique) mais aussi l'observation
des phénomenes physiques qui s'y rattachent (mouvements de la matiere, champs
magnétiques, température...)
A titre d'exemple, l'image ci-dessous illustre une
partie de ce qui est accessible au spectrohéliographe. Prise au centre
de Hα,
elle montre toute la variété des structures chromosphériques, en particulier
un flare tres étendu.
Des images prises de part et d'autre du coeur de Hα (verticalement)
ou des spectres en divers endroits de la région active (horizontalement)
permettent de mieux appréhender le phénomène.