Prenons comme source lumineuse
l'image du Soleil fournie par un télescope. Divers types
de spectres peuvent être obtenus selon la façon dont
on procède:
On forme un spectre à partir de l'image complète:
on obtient une bande colorée dont les couleurs nous sont
familières mais sans aucun détail
Plaçons maintenant
une fente très fine devant l'image solaire. Si la mise
au point est faite sur cette fente, le spectre montre alors
un grand nombre de raies plus ou moins sombres. Le spectre peut
alors être considéré comme la juxtaposition
d'une multitude d'images colorées de la fente d'entrée.
On constate que pour certaines couleurs, ces images ont une
intensité lumineuse très faible par rapport au
reste du spectre. Certaines longueurs d'onde sont absorbées.
Si l'image du Soleil
et la fente d'entrée du spectroscope sont dans le même
plan, correctement mises au point, on peut alors percevoir des
détails dans cette fine tranche de Soleil. Une tache
solaire - sombre en lumière totale - apparaîtra
comme une ligne sombre le long du spectre mais des structures
gazeuses invisibles normalement, comme des protubérances,
ne se montreront que pour quelques longueurs d'onde bien précises.
Schéma d'un
spectroscope à fente
Un spectroscope est essentiellement composé
de:
un collecteur de lumière (O1) fournissant une image
réelle (S) de l'objet à étudier, en l'occurrence
le Soleil
une fente d'entrée (Fe) destinée à sélectionner
une portion quasi-linéaire de l'image
une optique collimatrice (O2) permettant de rendre parallèle
le faisceau issu de la fente d'entrée
un disperseur (R)
un objectif de chambre (O3) dont le but est de former l'image
réelle du faisceau dispersé ( le spectre )
un système d'observation ( spectroscopie ) ou d'enregistrement
( spectrographie ) placé au foyer de l'objectif de chambre.
Utilisation du capteur CCD linéaire en spectroscopie
L'enregistrement électronique
du profil photométrique du spectre solaire est très
aisé à faire avec ce type de capteur. Une fois positionné
dans le sens du spectre, chaque photosite reçoit une certaine
quantité de lumière et la traduit en tension électrique.
(Voir la page SHG
pour plus de détails sur les capteurs CCD)
Positionnement du capteur
CCD en mode spectrographe.
La portion de spectre à enregistrer
est amenée sur le capteur
Profil photométrique des raies
H et K du calcium ionisé (393.4 et 396.8 nm)
Les raies sombres qui strient le fond coloré du spectre sont
provoquées par des gaz situés entre la photosphère
et l'observateur. Chaque élément chimique, en absorbant
une énergie lumineuse bien précise, va laisser sa
signature sous forme de raies sombres caractéristiques.
Parmi ces raies, certaines sont dues à l'atmosphère
solaire et d'autres à l'atmosphère terrestre. Fraunhofer,
en 1814, a désigné les principales raies par des
lettres. On utilise encore certaines de ces notations aujourd'hui;
on parle par exemple la raie K du Calcium ionisé ou du
doublet "D" du Sodium.
Il est intéressant de noter que l'étude du spectre
d'une étoile permet donc de réaliser - entre autres
choses - une analyse qualitative de son atmosphère.
Exemples de portions de spectre solaire obtenues avec le spectrographe
Triplet du magnésium
Doublet du sodium
Bande de l'oxygène
Sur la figure ci-dessus, on peut voire une série de raies et
de doublets que l'on nomme "bande de l'oxygène".
Ces raies sont d'origine tellurique et se superposent au spectre
solaire. Il existe de nombreuses bandes spectrales d'absorption
du rayonnement par l'atmosphère terrestre (U.V. absorbé
par l'ozone, le proche I.R. absorbé par H2O,
CO2, O2, etc...)
La distinction entre les raies spectrales
telluriques et solaires peut être mise en évidence
en comparant un spectre pris lorsque le Soleil est au Zénith
et un autre lorsque le Soleil est proche de l'horizon. Dans le
second cas, la lumière traverse une épaisseur d'atmosphère
terrestre bien plus grande que dans le premier cas, et les raies
telluriques sont alors plus intenses.
La largeur d'une raie spectrale n'est pas infiniment étroite. Elle présente une certaine distribution de l'intensité lumineuse (un "profil") et donc une largeur dite "naturelle". Ce profil peut varier considérablement selon les conditions physiques auxquelles le gaz est soumis. Citons par exemple:
Les collisions entre
atomes qui augmentent l'élargissement par amortissement
La température
qui augmente l'élargissement Doppler statistique
Les champs magnétiques
qui démultiplient les raies spectrales en plusieurs composantes
L'étude
du profil des raies spectrales permet de déterminer certaines conditions
physiques régnant dans l'atmosphère des étoiles.
Le profil d'une raie se décompose
en un centre et deux ailes (une aile rouge du côté
des plus grandes longueurs d'onde, et une aile violette de l'autre
côté).
On peut considérer le profil d'une
raie comme le résultat de l'opacité de l'atmosphère
solaire pour une étroite portion du rayonnement continu
émis par la photosphère. Au centre de la raie, l'opacité
est maximale et on observe une zone de haute altitude. A l'inverse,
vers l'extrémité des ailes, l'opacité de
l'atmosphère tend vers zéro, on rejoint le continuum
du spectre et donc le niveau de la photosphère, désigné
comme altitude de référence.
Ceci est également valable pour les
raies observées en émission (cas des protubérances).
Le continuum spectral n'existe plus puisque la photosphère
à laissé la place au fond quasiment noir du ciel.
Par contre, les atomes qui absorbent la lumière venant
de la photosphère émettent ce rayonnement aux mêmes
longueurs d'ondes caractéristiques.
Il découle donc de ces considérations qu'il sera
possible d'observer des structures situées à différentes
altitudes dans l'atmosphère solaire, selon que l'on se
placera dans telle ou telle raie et à plus ou moins grande
distance de son centre. Ceci est toutefois à entourer de
quelques réserves :
Le profil de la raie peut être
dominé par l'effet Doppler-Fizeau si des masses de gaz
sont animées de vitesses importantes.
D'un point de vue pratique,
il est probable que seules les raies les plus intenses du spectre
visible seront mises à profit, à savoir les Raies
de l'Hydrogène (Hα, Hβ) et du Calcium ionisé(H
et K).
J'ai fait quelques essais sur d'autres raies
assez intenses (par ex. Fe 404,6 nm) mais les résultats
sont nettement moins bons du fait de la bande passante trop large
de mon spectrohéliographe.
Encore une fois, il va de soi que les raies
qui se forment à un niveau proche de la photosphère
n'apporteront pas d'informations sur la structure de la chromosphère.
L'effet Doppler-Fizeau
La position d'une raie spectrale n'est pas
quelque chose d'absolument fixe. Si l'élément absorbant
(ou émissif) a un mouvement d'approche ou de fuite de l'observateur,
la position de la raie spectrale sera décalée par
rapport à sa position "normale", et cela proportionnellement
à la vitesse. Ce phénomène porte le nom d'effet
Doppler-Fizeau et permet des mesures de la vitesse radiale, c'est
à dire de la vitesse du gaz selon l'axe de visée.
Schématiquement,
considérons un oscillateur de fréquence F immobile.
Il émet une onde qui s'éloigne de lui, à
la manière des "ronds dans l'eau", les fronts
d'onde sont concentriques et équidistants.
Maintenant, considérons ce même
oscillateur en mouvement, arrivé au point Ct
de sa trajectoire. Il émet toujours une onde qui s'éloigne
de lui, à la même fréquence. Le front d'onde
A a été émis lorsque l'oscillateur était
à la position At.
Idem pour le front B émis en Bt.
L'observateur de droite voit arriver les
fronts d'onde à une fréquence plus élevée
que F alors que l'observateur de gauche les voit arriver à
plus basse fréquence. Ou encore, la longueur d'onde observée
est plus courte (blue-shift) pour l'observateur qui voit s'approcher
la source mais elle est plus grande (red-shift) pour celui qui
la voit s'éloigner.
Effet Doppler-Fizeau sur une protubérance
solaire
L'axe de la raie de l'Hydrogène dite
"Hα" est marqué par le trait jaune. En certains
endroits (A), la protubérance apparaît au centre
de la raie, donc avec une vitesse nulle par rapport à l'observateur.
A d'autres endroits (B), on peut voir un dédoublement de
l'image: une partie de la protubérance s'approche et une
autre s'éloigne de l'observateur.