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La Bible face à la critique historique

Le site d'Al-Maghtas situé près de la Jordanie photographié en 2012. De nos jours, en raison du climat devenu plus sec, il arrive que le Jourdain soit à sec et donc que le bassin baptismal soit aussi à sec comme le montre cette photo prise en 2018. Documents Unebelge-unfrancais et Orthodox Christianity.

Jésus, Jean le Baptiste et le baptême

Selon la tradition, Jean le Baptiste était déjà un personnage populaire au franc-parler, contestataire et anarchiste, prêchant la fin du monde quand Jésus le rencontra publiquement et l'aida dans sa mission vers l'an 26 ou 27. L'auteur Flavius-Josèphe citant son nom dans les "Antiquités Judaïques" (Livre XVIII, 63 et 116-119), on peut pratiquement certifier que Jean le Baptiste a réellement existé. 

Que sait-on de Jean ?

On ignore si Jean le Baptiste était marié et s'il avait un métier. C'était un nazir suivant scrupuleusement les enseignements de la Torah. C'était un ascète mystique qui ne se coupait ni la barbe ni les cheveux, ne buvait pas de vin et portait une tunique en "poils de chameau et une ceinture de cuir autour des reins" (Marc 4:6; Nombres 6).

Selon la version grecque du Nouveau Testament, Jean le Baptiste se nourrissait de "sauterelles" et de miel sauvage, mais il s'agit d'une mauvaise traduction du mot hébreu car si Marc évoque également des sauterelles, Matthieu évoque des "crêpes" similaires à la fameuse manne du désert du temps de Moïse. En réalité, on estime que Jean le Baptiste se contentait de repas frugaux, sans alcool et devait être végétarien, une manière de s'affranchir de tous les plaisirs de la civilisation et d'aller à contre-courant de la culture de son temps. On peut supposer que vivant de la sorte, Jean le Baptiste n'avait personne à charge et était donc célibataire.

Selon la tradition, Jean le Baptiste serait né à Ein Karem situé à quelques kilomètres à l'ouest de Jérusalem (Luc 1:80) en l'an 5 avant notre ère. Pour l'Église, c'est également le lieu la Visitation de Marie à sa cousine Élisabeth.

L'historien Flavius Josèphe confirme que Jean le Baptiste a existé et baptisa des fidèles. Il décrit également le rite du baptême bien qu'il soit légèrement différent et similaire à celui des Esséniens (cf. "Antiquités Judaïques", Livre XVIII, V, 116-117). Il s'agit bien du personnage charismatique, apocalyptique et révolutionnaire tel que le dépeignent les Évangélistes.

Le Jourdain à Yardenit près du lac de Tibériade où se font aujourd'hui baptiser les chrétiens. Ce n'est pas l'endroit où baptisèrent Jean et Jésus qui se situerait à Al-Maghtas dont une photo figure en haut de page. Documents Clickr Bee et EasyVoyage.

Si les Évangélistes ne précisent pas l'endroit où fut baptisé Jésus (Matthieu 3:13-17; Marc 1:9-11 et Luc 3:21-22), l'Église a tout de même localisé deux endroits possibles situés à moins de 8 km au sud-est de Jéricho et à 400 mètres l'un de l'autre (cf. cette carte) : Qasr el Yahud situé sur la rive droite du Jourdain en Israël et Al-Maghtas appelé en français "Béthanie au-delà du Jourdain" situé juste en face, sur la rive gauche du Jourdain, en Jordanie.

Le site d'Al-Magthas est particulièrement intéressant car des fouilles archéologiques ont mis à jour des ruines d'origine romain et byzantine comprenant des églises, des chapelles, un monastère et des grottes ayant servi de refuges à des ermites. Le site comprend également des bassins baptismaux, autant d'indices témoignant de la valeur religieuse du lieu depuis 2000 ans. C'est la raison pour laquelle l'UNESCO classa le site d'Al-Magthas au patrimoine de l'humanité en 2016.

Un récit embrouillé

Si nous comparons les commentaires des Évangélistes concernant Jean le Baptiste, on est surpris de constater que les descriptions de la chronologie des évènements et notamment de sa rencontre avec Jésus sont totalement dissemblables comme si chacun évoquait un personnage différent !

Sans entrer dans les détails qu'on peut lire dans une bible en ligne, selon Matthieu (vv.3:1; 3:13-15; 9:14; 11:3; 11:11; 14:1; 14:12) Jean le Baptiste était déjà adulte quand Hérode mourut mais ailleurs Jésus est contemporain de Jean le Baptiste mais il ne fait rien pour l'aider lorsqu'il est emprisonné.

Selon Marc (vv.2:18; 6:16; 6:29; 9:13; 11:30), leur rencontre est assez brève car Jean le Baptiste rencontre Jésus, le baptise puis est arrêté et on annonce sa mort qui est longuement racontée.

Selon Luc (1:2; 3:31; 7:20; 7:28; 7:33; 9:9; 11:1; 16:16), Jésus et Jean le Baptiste sont cousins et de même âge mais est clairement une figure du passé. Jésus est baptisé après l'arrestation de Jean et les deux hommes se rencontrent à peine. Une partie de ses versets reprennent ceux de Matthieu.

Enfin, selon Jean (vv.1:8; 1:29; 1:37; 3:22-24; 4:1; 5:35; 10:40-41), Jésus est désigné comme le Messie, l'Agneau de Dieu par Jean le Baptiste. Avant que Jean le Baptiste ne soit emprisonné, il baptisera avec Jésus mais ce dernier aura plus de succès.

Jean le Baptiste baptisant Jésus dans le Jourdain. Documents T.Lombry.

En résumé, pour les quatre Évangélistes, Jean le Baptiste apparaît comme un personnage du passé et certainement antérieur à Jésus, ce que confirme Paul (Actes 13:25 et 19:4) quand il déclare que Jean le Baptiste ne savait pas que Jésus était celui qu'il annonçait. Cette description est de toute évidence une figure de style pour marquer la rupture entre l'avant et l'après Jésus.

Mais dans ce cas, les théologiens modernes se sont demandés pourquoi avoir fait de Jean le Baptiste un contemporain de Jésus sachant que son rite du baptême d'eau est différent du baptême dans l'Esprit-Saint pratiqué plus tard par les chrétiens ? En fait le rite de Jean le Baptiste est concurrent du rite juif traditionnel (il se désintéresse par exemple de la purification formelle) mais il respecte l'éthique, deux points que Jésus a suivi tout en se démarquant de sa signification. En effet, selon Luc, Jean le Baptiste pratiquait un "baptême de conversion pour la rémission des péchés" (Luc 3:3) alors qu'à l'occasion de la Pentecôte Pierre évoque un "baptême au nom de Jésus-Christ, pour la rémission des péchés, de manière à recevoir le don du Saint Esprit" (Actes 2:38), la nouveauté étant la référence à Jésus-Christ ressuscité. Quant à l'esprit, il rappelle le baptême pratiqué par les Esséniens.

La grotte de Jean le Baptiste

Les archéologues biblistes se sont demandés où les Baptistes pratiquaient le rite du baptême d'eau. Les Évangélistes nous disent que Jean le Baptiste pratiquait le rite sur les rives du Jourdain mais la communauté Baptiste devait nécessairement disposer d'un endroit aménagé pour recevoir les nombreux fidèles et pratiquer quotidiennement ses rites.

Comme on le voit sur les photos ci-dessous, en 1999 l'archéologue Shimon Gibson de l'Université de Caroline du Nord découvrit au lieu-dit Souba (Tzuba) situé près d'Ein Karem à 24 km à l'ouest de Jérusalem, une grotte abritant les plus anciennes représentations de Jean le Baptiste gravées à même la roche. Les murs comprennent plusieurs scènes de la vie de Jean le Baptiste naïvement gravées suggérant qu'elles racontent une histoire. Ces gravures datent probablement du Ve siècle, à l'époque où les chrétiens venaient en pèlerinage sur les traces de Jean le Baptiste et de Jésus. Le site fut oublié après les Croisades.

A gauche l'entrée de la "grotte de Jean le Baptiste" située dans les montagnes de Judée, près du lieu-dit Souba à 24 km à l'ouest de Jérusalem. A droite, une piscine servant au bain rituel. Documents Christian Post, Victoria Brogdon, James Hathaway/UNC Charlotte et Kobi Zilberstein.

La "grotte de Jean le Baptiste" comme on la surnomme s'étend sur environ 30 mètres dans la roche et sur 4 niveaux datant de l'époque de Jean le Baptiste. Les archéologues ont mis 5 ans pour retirer toute la terre et les gravas qui l'a comblait. Le site fut réexploré en 2016 par un groupe d'archéologues sous la direction de Shimon Gibson et de James Tabor qui considère la grotte comme "l'une des plus grandes découvertes archéologiques des 25 dernières années".

La grotte comprend une immense citerne dont les murs furent plâtrés à l'époque d'Isaïe (VIIIe siècle avant notre ère). Le réservoir mesure environ 26x4 m et est profond de 5 m. A l'instar d'une piscine, on y accède par douze marches plâtrées. Les archéologues ont découvert que la piscine fut modifiée à l'époque romaine, au cours du Ie et du IIe siècles. Sa surface fut étendue, le terrain fut incliné et sa profondeur réduite à moins de 2 m. L'eau pénétrait par un sommet situé à l'arrière. On suppose que l'endroit était fréquenté par des pèlerins qui participaient au bain rituel pratiqué par les successeurs voire peut-même par Jean le Baptiste, mais on ne peut pas le certifier. Les fidèles s'aspergeaient mutuellement d'eau puis étaient immergés dans l'eau et avant de sortir ils devaient placer leur pied droit dans une cavité creusée dans le sol remplie d'huile consacrée. Cet acte correspond au lavement des pieds de la bible hébraïque, un acte physique, à la différence qu'il fut adapté à la doctrine de Jésus pour lequel il consistait symboliquement à "laver l'âme" des pêcheurs, ce qui nous conduit au sacrement du baptême.

A gauche, l'un des graffitis découvert par Shimon Gibson en 1999. Au centre, la piscine de la grotte de Jean le Baptiste située après l'entrée et servant au bain rituel. Le gros cailloux situé le plus bas et près de l'eau comprend une cavité agrandie à droite servant probablement à oindre le pied droit des fidèles après le baptême. Documents UNC Charlotte et Kevin Frayer/AP

Du mikvé au bain de la rédemption

Un des symboles de la chrétienté est le sacrement du baptême, c'est-à-dire de la foi en Dieu, un rite qui peut être renouvelé périodiquement, raison pour laquelle chaque année des milliers de chrétiens n'hésitent pas à renouveller leur profession de foi en se faisant baptiser dans le Jourdain. Mais ce rite qui est un baptème d'eau n'est pas une invention chrétienne. Son origine remonte à l'Antiquité dans le rite judaïque du mikvé, une ablution relative au rite de pureté qui consiste avant de célébrer un évènement en un lavage avant tout physique du corps. Elle était déjà exigée par Yahvé à Moïse, notamment lorsque Aaron dut se laver avec avoir chargé un bouc émissaire : "il lavera son corps avec de l'eau dans un lieu saint, et reprendra ses vêtements" (Lévitique 16:24). On évoque également le rite du lavement dans le livre de la Genèse et celui de Samuel.

Que s'est-il passé lors du baptême de Jésus et comment faut-il l'interpréter ? Marc précise que "Jésus vint de Nazareth en Galilée, et il fut baptisé par Jean dans le Jourdain "(Marc 1:9). Matthieu n'est pas plus explicite et Luc ne mentionne même pas Jean le Baptiste (Luc 3:20-22). Quant à Jean, il ne parle même pas du baptême de Jésus ! En fait, c'est la Grande Église qui arrangea le texte de cette façon et fait croire que les Évangélistes avaient détourné l'évènement afin d'insister sur la mission de Jésus au détriment de celle de son cousin. En effet, comme nous le verrons, pour l'Église il ne pouvait pas y avoir deux messies en concurrence, raison pour laquelle Jean le Baptiste a rapidement disparu des Écritures.

Représentation du baptême de Jésus par Jean le Baptiste dans le Jourdain. Gravure du IVe siècle exposée à Rome au Musée de la Civilisation Romaine.

Mais si on relit bien le texte, quand Jésus rencontre Jean le Baptiste, celui-ci se demande si Jésus est le Messie où s'il doit en attendre un autre. Il en fait part à deux disciples de Jésus qui, n'en sachant pas plus que lui, posent la question à Jésus. En guise de réponse, Jésus évoque la prophétie de Malachie (verset 3:1) et considère que Jean est "plus qu'un prophète. C'est lui dont il est écrit : 'Voici que j'envoie mon messager en avant de toi pour préparer ta route" (Luc 7:22). Jésus précise également qu'il préfère "laisser faire pour l'instant car c'est ainsi qu'il convient d'accomplir toute justice" (Matthieu 3:15). Par ces paroles, Jésus exprime sans ambiguïté l'ascendance spirituelle de Jean le Baptiste sur lui. Or selon l'Église, Jésus est le seul Messie, c'est le Fils de Dieu et lui seul qui baptise et non un prétendu subordonné !

Dans tous les cas, il faut bien admettre que c'est Jean le Baptiste qui baptisa Jésus et non l'inverse et que c'est Jésus qui a rejoint son mouvement sectaire ou en tous cas a trouvé un accord avec son groupe si ce n'est l'inverse (voir plus bas). Jésus a donc à cet instant une position inférieure et est même le disciple de son cousin, qui joue le rôle de rabbin. Mais l'Église a totalement gommé cet épisode au point que les textes que nous lisons aujourd'hui passent sous silence toute l'année qui suivit le baptême de Jésus, époque où il fut probablement "initié" à la prédication apocalytique par son cousin Baptiste et mis en contact avec les Esséniens. Rappelons que selon le Nouveau Testament, les prédicateurs ne devaient pas obligatoirement être consacrés.

Notons également que sans répondre clairement "oui" à la question des disciples et propager une rumeur de révolte qui risquerait éventuellement d'effrayer le haut clergé et les Romains, en homme prudent Jésus répondit tout en nuances. Mais il ne fait aucun doute que dès ce moment Jésus accepte d'endosser le rôle de Messie et d'aider les pêcheurs à entrer dans le royaume de Dieu. Mais en restant vague, il voulut probablement ménager les susceptibilités et se donner le temps de la réflexion en organisant son ministère et s'assurer qu'il aurait le temps d'accomplir les prophéties (et non l'inverse, et nous citerons plusieurs exemples).

Jean le Baptiste ne se considérait pas comme le Messie, mais comme un prédicateur apocalyptique annonçant la venue du Messie, rôle qu'il avait clairement assigné à Jésus quand il le baptisa et le reconnut comme étant "l'Agneau de Dieu" (Jean 1:29). A son tour, Marc précise qu'à l'instant où Jésus sortit de l'eau du baptême, les cieux se déchirèrent et une voix vint des cieux : "Tu es mon fils bien-aimé, tu as toute ma faveur" (Marc 1:10-11).

Comme nous l'avons évoqué, pour Jean le Baptiste, le bain rituel a un autre sens, celui de "laver les péchés" en vue de la rédemption avant l'arrivée imminente de l'Apocalypse (alors que les juifs voyaient généralement l'Apocalypse comme un évènement d'un futur éloigné). Jean le Baptiste insiste que chacun doit renoncer à son mode de vie et se repentir s'il veut accéder au royaume de Dieu car la Fin des Temps est proche. Pour Jean le Baptiste l'Apocalypse est à prendre au sens premier et étymologique du terme qui signifie "révélation" ou "dévoilement" et nullement le chaos ou la destruction comme beaucoup l'imaginent encore. On reviendra sur ce concept.

Notons que Jean le Baptise également des pauvres, à l'inverse des Esséniens. Par ce geste, le baptême d'eau symbolise l'adhésion du disciple à la communauté des fidèles (et pas uniquement celle des Nazôréens ou des Baptistes) mais prédit également la purification des pêcheurs ayant la foi grâce au changement annoncé et la soustraction des adeptes aux règles de la société. Le peuple qui a été baptisé est ainsi nettoyé de tous ses vices et prêt à fonder un nouvel ordre mondial et donc à renverser les païens infidèles.

Aucun des Évangéliste ne dit que Jésus a pratiqué des baptêmes comme l'avait promis Jean le Baptiste. En fait, l'Évangile selon Jean dit clairement que Jésus baptisait (Jean 3:22) mais il se rétracte quelques versets plus loin : "Quand Jésus apprit que les Pharisiens ayant entendu dire qu'il faisait plus de disciples et en baptisait plus que Jean - à vrai dire, Jésus lui même ne baptisait pas, mais ses disciples - , il quitta la Judée et regagna la Galilée" (Jean 4:1-3). Dans les Actes, Luc va dans le même sens quand il précise qu'après la résurrection, Jésus dit à ses disciples : "Jean a baptisé d'eau, mais vous, dans peu de jours, vous serez baptisés du Saint-Esprit." (Actes 1:5).

Dans ce cas, si Jésus n'a pas baptisé, on peut se demander pourquoi les apôtres se sont mis à le faire ? Certains biblistes estiment qu'il y eut peut-être un accord entre les premiers chrétiens et les disciples de Jean le Baptiste. Les disciples de Jean auraient accepté la filiation divine de Jésus à condition que les disciples de Jésus acceptent que leur guide soit baptisé par Jean et introduisent le rite symbolique du baptême d'eau dans leur communauté. Mais on ignore quel groupe fut l'instigateur de cette idée qui de toute façon n'est pas confirmée dans les textes et est spéculative.

Jean le Baptiste baptisant Jésus dans le Jourdain. Documents T.Lombry.

Notons à ce sujet que les rédacteurs de la source "Q" parlent d'un baptême "dans l'Esprit saint et le feu", une expression qu'ont repris Matthieu et Luc mais Luc ne précise pas que Jésus fut baptisé par Jean. Quant à Marc, il n'évoque que le baptême en Esprit. Il est probable que déjà à son époque plus personne ne se souvenait en quoi consistait le baptême de feu. Par conséquent il ne resta que le rite spirituel sans aucun de ses attributs concrets que sont l'eau et le feu. On en conclut que le baptême d'eau n'est pas identique au baptême dans le Saint-Esprit et surtout que le baptême chrétien n'a rien à voir avec le ministère de Jésus mais est relié aux seules paroles que prononça le Christ après sa résurrection. Sachant cela, sur le plan théologique le baptême dans l'Esprit saint réalisé par Jésus est donc l'un des actes (avec la mise en pratique de son enseignement) par lequel le fidèle pouvait accéder à la vie éternelle. C'est en tous cas ce que promettait Jésus et promet encore l'Église mais nous verrons que dans le fond ce n'est pas aussi si simple dans l'article la vie éternelle ou l'Enfer. Et si la résurrection n'a jamais existé ?, me direz-vous. Dans ce cas, tout ceci perd son sens mais il reste malgré tout l'enseignement de Jésus dont les Béatitudes.

Enfin, c'est l'Église qui imposa le baptême dit chrétien "au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit" soi-disant inspiré par Jésus. En effet, ni Jean le Baptiste ni Jésus n'ont utilisé cette formule. Le rite de Jean le Baptiste se limitait à l'immersion purificatrice dans l'eau pour signifier le repentir et la réparation des péchés, ceux s'y refusant "ont annulé pour eux le dessein de Dieu en ne se faisant pas baptiser par lui" (Luc 7:29-30), expression extraite de la source "Q". Cela signifie également qu'aujourd'hui, un baptême avec de l'eau consacrée mais sans évocation des paroles imposées par l'Église est en théorie un baptême blanc si on veut respecter le dogme à la lettre alors que le fidèle respecte en tous points le baptême tel qu'enseigné par Jean le Baptiste et qu'accepta Jésus, ce qui met l'Église une nouvelle fois dans une position inconfortable. Toutefois, il est peu probable qu'un prêtre refuse de respecter le souhait du fidèle dans la mesure où il respecte le rite décrit dans la Bible. Et contrairement à ce que disent certains chrétiens, il n'existe pas de "second baptême" (le premier selon Jean, le second selon Jésus ou l'Église).

La retraite de Jésus dans le désert

Selon Marc, après avoir été baptisé par Jean le Baptiste, Jésus effectua une retraite de 40 jours dans le désert durant laquelle il jeûna et fut "tenté par le diable" (Marc 1:12-13). Les 40 jours ne sont un nombre choisi par hasard. En effet, pour les juifs et toute personne connaissant la Torah, cela rappelle le séjour de 40 ans d'Abraham et du peuple d'Israël dans le désert du Sinaï. Cela établit d'emblée une filiation entre Jésus, les patriarches et le peuple élu.

Que signifie le fait que Jésus fut "tenté par le diable" ? Dans l'Évangile selon Matthieu, l'auteur utilise trois noms pour qualifier le Mal : le diable, le tentateur et Satan. (Matthieu 4:1-11). Ils sont équivalents au terme démon.

Sur le plan éthymologique, le mot diable vient du grec diabolos (διάϐολος) signifiant "diviseur". Le diable veut que Jésus se situe par rapport à son Père afin d'éprouver sa filiation en essayant de diviser le Père et le Fils. En vain.

Le mot Satan viendrait du hébreux stn (satann, שָׂטָן) signifiant "adversaire" (comme satanas en grec) et plus généralement "le diable". Mais il pourrait s'agir d'une déformation du mot grec 'Titan" qui comptait parmi les dieux primordiaux. Satan est l'ange accusateur qui teste la fidélité de Jésus et lui demande de prouver qui il est pour le culpabiliser. En vain.

Enfin, le mot tentateur est la traduction du terme grec peirazôn (πειράζων) signifiant "celui qui éprouve" ou "celui qui taquine". Le tentateur demande à Jésus de faire un choix entre le Bien et le Mal. Jésus ne cède pas.

La retraite de Jésus dans le désert durant 40 jours. Documents T.Lombry.

Pour les deux Évangélistes, le Fils de Dieu a lutté contre l'incarnation du Mal. Comme nous l'expliquerons à propos des notions de vie éternelle et d'Enfer, dans la mentalité juive Satan est celui qui empêche le dessein de Dieu de se réaliser. Il faut l'interpréter symboliquement comme une bataille intérieure, spirituelle, une méditation par laquelle Jésus essaya de comprendre quelle était sa vocation car jamais Jésus n'a combattu physiquement un être malfaisant issu des Enfers. On retrouve cette bataille spirituelle lorsque le peuple hébreu erra dans le désert du Sinaï pendant 40 ans et finit par adopter la doctrine du Dieu unique.

Le lieu de la tentation de Jésus n'est pas mentionné dans les Évangiles. Vu l'importance des lieux à l'époque, on peut donc supposer qu'il s'agit d'un récit fictif. Malgré ce manque d'information, à l'époque médiévale on localisa cet emplacement sur une colline de 350 m d'altitude qui surplombe la ville de Jéricho située aujourd'hui en Cisjordanie et appelée Jabal al-Qarantal ou Mons Quarantania et que les chrétiens ont simplement appelé le "Mont de la Tentation". Au Moyen Âge, on découvrit une grotte où l'on vénérait la retraite de Jésus pendant 40 jours. L'endroit situé à mi-hauteur de la colline fut transformé en église, et à la fin du XIXe siècle un monastère grec-orthodoxe fut construit autour de l'édifice. Une autre grande grotte sert de salle à manger et de cuisine aux moines. Depuis 2000, le monastère est accessible par téléphérique et les grottes sont ouvertes au public.

On ne saura jamais ce que Jésus fit durant ses 40 jours de retraite si même il la fit réellement, mais une chose est sûre, ses journées de solitude et de calme l'ont profondément marquées (comme toute personne séjournant dans une région désertique). Il s'y est si bien ressourcé que sa retraite cristallisa sa doctrine. Il revint du désert plus courageux que jamais, ayant prit une décision qui allait marquer un tournant dans sa vie, le début de son ministère public. En effet, à la fin de sa retraite il revint à Nazareth porteur d'un message radical.

La retraite de Jésus dans le désert durant 40 jours. Documents T.Lombry.

Soulignons qu'à la différence de la doctrine de Jésus, les chrétiens insistent sur le sentiment de culpabilité. Si le pécheur ne se convertit pas, alors il est le fruit d'une accusation diabolique. Or Dieu, n'accuse pas, mais s'il dévoile les péchés, c'est pour faire miséricorde (la pitié par laquelle on pardonne) au pécheur.

Le QG de Jésus à Capharnaüm

Selon Matthieu, "[Jésus] quitta Nazareth pour se rendre à Capharnaüm, situé à proximité du lac, dans la région de Zabulon et de Nephtali et il y séjourna" (Matthieu 4:12-13). Jésus et les apôtres s'installèrent dans la maison de Pierre à Capharnaüm (Kaphr Nahum également appelé Capernaüm) qui leur tient lieu de gîte commun et de quartier général d'où Jésus et les apôtres planifiaient leurs actions.

La maison de Pierre a-t-elle existé ? A l'époque de Jésus, Capharnaüm était une ville animée de plus de 1000 habitants située près de la frontière de la province de Galilée comprenant une garnison romaine, un poste de douane et une synagogue. C'était un carrefour commercial important sur la route romaine appelée la Via Maris allant de Césarée située sur la côte Méditerranéenne (route qui se poursuit vers l'Egypte) à Damas en Syrie, reliant ainsi l'Occident à l'Orient. C'est dans ce poste de douane que le publicain Matthieu (Lévi) prélevait la taxe frontralière sur les marchandises et la taxe sur les pêches pour le compte de l'administration romaine.

Des archéologues ont découvert à Capharnaüm, sous les fondations d'une église byzantine octogonale datant du IVe siècle, la Maison de Pierre datant du 1er siècle de notre ère. Elle mesure 5.80 m x 6.45 m et se différencie de toutes les autres maisons par ses murs recouverts de plâtre. Les fouilles ont dégagé des objets ordinaires datant du 1er siècle, en particulier des plats en terre cuite et des lampes à huile mais aucun ustensil de cuisine. Parmi les plus belles découvertes faites dans la maison, il y a d'innombrables graffiti tracés sur les murs de plâtre : 9 sont en araméen, 151 en grec, 13 en syriaque et 2 en latin. Ces graffiti mentionnent les mots (traduction) Seigneur, Messie, Jésus, Christ, Pierre. Y figure également des dessins de croix, de barques de pêcheurs, des dessins stylisés de poissons, autant de signes chrétiens. L'endroit contenait également des hameçons, confirmant que cette maison avait été habitée par des pêcheurs. On suppose qu'il s'agit de la famille de Pierre et son frère André.

A gauche, les ruines de Capharnaüm située sur la rive nord de la mer de Galilée. Document GEO. A droite, sous les fondations du martyrium de cette église byzantine octogonale du IVe siècle découverte en 1968 à Capharnaüm, les archéologues découvrirent une maison très simple datant du 1er siècle de notre ère. Il s'agirait de la "Maison de Pierre" où Jésus élut domicile durant son ministère. Cette habitation se trouve juste en face de la synagogue où prêcha Jésus. En 1990, les Franciscains ont érigé une basilique (la Basilique Saint-Pierre de Capharnaüm) au-dessus des ruines tout en préservant les vestiges qui sont toujours visibles.

Si le site de l'église byzantine de Capharnaüm fut très tôt considéré comme un lieu sacré, on peut donc supposer que le récit de Matthieu se base sur des faits réels et le témoignage de témoins-oculaires. Mais les avis sont partagés et plus d'un spécialiste, en particulier des protestants estiment que le récit de Matthieu est emprunté à celui de Marc et probablement à une ou deux autres sources antérieures dont l'une ne reprend que les paroles (Logia) de Jésus. On y reviendra à propos de la constitution des livres canoniques et de la source "Q".

Des campagnes de prédications à la tragédie

Après le retour de Jésus de sa retraite dans le désert, on estime que pendant six mois à un an, avec Jean le Baptiste, ils partirent pour une véritable campagne de prédications, Jean le Baptiste officiant dans le nord du pays (Galilée, Pérée et Décapole) et Jésus faisant des disciples dans la partie sud, en particulier en Judée et ensuite en Galilée.

Coucher de soleil sur le lac de Tibériade (la mer de Galilée) photographié depuis Capharnaüm. Voici une autre photo. Documents Tripadvisor et Custodia.

C'est pendant qu'il se promenait sur les rives du lac de Tibériade à Capharnaüm que Jésus choisit quatre nouveaux apôtres : Simon (Pierre), André, Jacques et Jean (Matthieu 4:12-23) qui viennent s'ajouter à ses frères Jacques, Joseph, Simon et Jude et à ses amis proches dont Pierre et peut être déjà Marie-Madeleine mais le texte n'en parle pas encore. A l'image des douze tribus d'Israël, dès le début de son ministère Jésus a donc pratiquement réuni ses douzes apôtres, les douze représentants du Conseil des Sages. Matthieu sera le douzième apôtre de Jésus.

La tradition prétend qu'ensuite Jésus réalisa deux résurrections, l'une à Naïn au sud de Nazareth, l'autre à Capharnaüm (Luc 7:11-15 et Marc 5:42).

Les prêches et les prédications communes de Jean le Baptiste et Jésus vont rapidement représenter des menaces potentielles pour Hérode Antipas et indirectement pour Rome. En effet, Jean le Baptiste dénonça notamment les moeurs du roi qui avait épousé sa belle-sœur Hérodiade : "Il ne t'est pas permis d'avoir la femme de ton frère" (Matthieu 14:4, Marc 16:18).

Peu après cet incident Jean le Baptiste rentra en Galilée et fut immédiatement capturé et emprisonné dans la forteresse de Macheronte. Malgré l'espoir qu'il mettait en Jésus et ses paroles messianiques, il comprit trop tard que Jésus ne pouvait rien faire pour le sauver. Selon la Bible, c'est au cours d'un banquet où dansait Salomé, la fille du roi, qu'à la demande de sa mère Hérodiade elle profita des bonnes grâces de son père pour lui demander la tête de Jean le Baptiste. Sa demande fut aussitôt exhaussée et Jean le Baptiste fut décapité en l'an 33 et sa tête portée sur un plateau à Salomé (Marc 6:19-28). Si Hérode Antipas accepta la requête de Salomé c'était surtout pour éviter que Jean le Baptiste ne soulève le peuple et ne fomente une révolte contre les Romains. Notons que Flavius Josèphe confirme l'exécution de Jean le Baptiste : "Hérode l'avait fait tuer" ("Antiquités Judaïques", Livre XVIII, V, 116).

Pour finir, la tradition raconte que les disciples furent autorisés à recueillir le corps de Jean le Baptiste qui fut inhumé dans un endroit non précisé (Marc 6:29). Ensuite, on peut supposer que Jésus se rendant compte que son cousin n'est pas ressuscité, le doute s'installa dans son esprit.

Le rôle ambigu de Jésus

Une conclusion s'impose déjà face à cette "non assistance à personne en danger" par Jésus car il est certain que Jean le Baptiste en attendait plus que le rappel d'une prophétie ou un réconfort moral en guise de libération. En effet, quand du fond de son cachot il envoya un message à Jésus lui demandant s'il était le Messie, ce n'est sans doute pas pour entendre une nouvelle fois la même réponse évasive se référant à la foi, au salut, aux prophètes ou aux messages apocalyptiques qu'il connaissait très bien mais pour que Jésus comprenne qu'il attendait un geste concret de sa part : la délivrance physique de son cachot. On reviendra sur le rôle du Messie.

L'absence de réaction concrète de Jésus peut se traduire comme sa volonté délibérée de voir s'accomplir les prophéties : "Elie doit venir d'abord et tout remettre en ordre [...] Mais je vous le dis : Elie est bien déjà venu et ils l'ont traité à leur guise, comme il est écrit de lui" (Marc 9:12-13). Notons que Matthieu et Luc ont supprimé ce passage, ce qui montre bien que Jésus a interprété les prophéties au sujet de Jean le Baptiste exactement comme les chrétiens les ont interprétées à propos de Jésus. De plus, pour Jésus la prophétie de Zacharie concernant la mission des prophètes, la purification des brebis et puis le retour du berger vers Dieu semblait même s'appliquer à la lettre (cf. Zacharie 13).

Malheureusement la prophétie ne s'est pas accomplie dans le sens espéré et Jean le Baptiste ne fut pas sauvé. Il fut décapité pour le bon plaisir de Salomé avec l'approbation d'Hérode Antipas (Marc 6:14-29). On en conclut que le prophète ou Dieu n'a pas tenu sa parole ou plus concrètement que Jésus comme Jean le Baptiste ont cru aveuglement des prophéties imaginaires, ce dont on pouvait effectivement se douter.

Ouvrons une parenthèse pour nous demander comment les chrétiens expliquent-ils ce paradoxe et cette non assistance de Jésus puisqu'il prétend être le Messie et ayant hérité des pouvoirs de Dieu, y compris celui de libérer les prisonniers et de ressusciter les morts ? Ils ne l'expliquent pas autrement qu'en justifiant que celui qui est décédé en croyant en Jésus ou en Dieu, est ressuscité au royaume des cieux, bref une réponse toute dogmatique mais qui ne ramènera pas le défunt sur terre. La difficulté de cette réponse est qu'elle ne répond pas à la question de fond qui nous interpelle tous : si Dieu est si bon et aime tant l'humanité, pourquoi tolère-t-il la souffrance des hommes sans intervenir ? L'absence de réponse convaincante de l'Eglise mais également des philosophes a conduit quelques croyants à se détourner de la foi. On reviendra sur cette problématique appelée la "théodicée" ou "justice de Dieu" par le philosophe Leibnitz à propos des concepts d'Apocalypse, de vie éternelle, de Paradis et d'Enfer.

Jésus n'a jamais revendiqué la mort des uns pour en sauver d'autres à l'exception de son propre sacrifice, tout en espérant être lui-même épargné de la mort. On y reviendra. Jésus ne s'attendait donc pas à la mort tragique de son cousin mais au contraire, à ce qu'il soit sauvé ! Etant donné qu'il fut surpris par sa mort, de toute évidence Jésus était incapable de le secourir et attendait un miracle de Dieu ! Après tout Jean le Baptiste était le mieux placé pour être le premier "sauvé" de sa geole ou d'entre les morts.

Cartes de Jérusalem sur Google Maps:

 Mont Sion - Mont du Temple

Jérusalem de nos jours centrée sur la vieille ville. A gauche, une photo avec indication des principaux sites et collines. A droite, la carte de Jérusalem. Documents T.Lombry/Google Maps et Bludstein Maps & More Ltd/Min.Israélien du Tourisme.

Objectivement, que peut-on conclure de la mort de Jean le Baptiste ? En fait, il convient de voir cet "accident" prévisible mais inattendu comme la preuve criante de l'humanité ordinaire de Jésus, un homme  incapable d'éviter une menace existante ou d'appeler Dieu à son secours quand sa vie ou celle de ses proches est en jeu. En fait, Jésus était un homme exalté qui se reportait totalement sur le pouvoir et la volonté de Dieu dans lequel il avait une foi aveugle mais ne l'a jamais avoué à ses adeptes qui l'ont globalement cru sur parole. On peut appeler ça un abus de confiance qui s'explique par la sympathie et le charisme que dégageait sans doute Jésus et le message tout à la fois messianique et réconfortant qu'il exprimait mais qui est en fait une forme d'endocrinement qui a endormi le sens critique de ses adeptes déjà à moitié acquis à sa cause par les prophéties. Quant aux prétendus miracles venant appuyer sa foi, nous démontrerons que rien n'atteste leur existence et au contraire que ce soi-disant pouvoir fut le privilège de nombreux souverains, même de ceux qui n'y croyaient pas, ce qui en dit long sur le sens de la foi !

Après la disparition tragique de Jean le Baptiste que Jésus considérait comme son mentor, "plus qu'un prophète" (Matthieu 11:9) et "plus grand que lui" (Luc 7:28), viennent les doutes et la tentation. "Atrocement touché" comme le disent les Évangiles, Jésus ne comprit pas pourquoi son cousin et ami ne fut pas sauvé par Dieu avant d'être exécuté comme l'avait annoncé la prophétie (Psaume 16:10 et Isaïe 53:10). Mais les disciples ont également dû se demander pourquoi Jésus, en tant que Messie, ne l'avait pas délivré. La Bible est muette à ce sujet. Et tout au long de son ministère et jusqu'à la croix, malgré les nombreux miracles, les apôtres y compris ses frères, douteront toujours de la nature divine de Jésus.

Résultat, la volonté de Yahvé ne s'étant pas accomplie, Jésus lui-même remit en cause les prophéties et se retira "à l'écart, à côté d'une ville appelée Bethsaïde" (Luc 9:10) avec l'intention de discuter avec ses apôtres et de réfléchir sur son avenir dans un monde qu'il jugea intolérant, oppressif et mauvais. Mais la Bible raconte qu'une foule l'accompagna et qu'il n'hésita pas à discuter avec eux du Royaume de Dieu. C'est à cette occasion que Jésus multiplia les pains (Marc 6:30-44) et "six jours après" il réalisa le miracle de la transfiguration (Marc 9:2-8, cf. les apparitions). On ignore si durant cette période Jésus alla discuter et chercher le réconfort intellectuel et spirituel auprès des amis de Jean le Baptiste, les Esséniens et autres Baptistes. Dans tous les cas, il revint avec un discours plus radical que jamais et prit ses distances avec la doctrine juive traditionnelle mais également avec l'enseignement de Jean le Baptiste. Jésus était prêt à assumer son destin et à réaliser les prophéties. Néanmoins, nous verrons que paradoxalement il resta prudent pour éviter que ne lui arrive la même tragédie qu'à son cousin.

Jésus se radicalise

Jésus se distingue de Jean le Baptiste en plusieurs points. D'abord, par son discours Jésus peut être qualifié de radicaliste, d'extrémiste, mais certainement pas d'anarchiste comme l'était Jean le Baptiste qui refusait toute autorité. Ensuite, Jésus parle la langue du peuple, en imaginant des paraboles simples extraites du travail quotidien des pêcheurs, des paysans et des bergers qu'il exprime sans véhémence contrairement à Jean le Baptiste dont le discours souvent rude est plus imagé avec une connotation apocalyptique très abstraite.

Jésus prêchant sa doctrine. Document T.Lombry.

Jésus se préoccupe du peuple et vient en aide aux pauvres et comme un rabbin, il vit parmi les hommes alors que Jean le Baptiste vivait en ascète. Selon l'enseignement de Jésus, les gens devaient changer leur vie mais à l'inverse de Jean le Baptiste, il ne s'en est jamais pris à Hérode Antipas, et pour ainsi dire il le laissa vivre sa vie comme il laissa les riches vivre la leur, regrettant simplement leur mentalité quand il dit à ses disciples à propos d'un riche qui refusa de se séparer de ses biens : "il est plus facile à un chameau de passer par le trou d'une aiguille qu'à un riche d'entrer dans le Royaume de Dieu" (Marc 10:25).

Jésus demande à chacun de "tendre l'autre joue", il reprend également les enseignements de la Torah comme d'aimer son prochain comme soi-même (Marc 12:31; Lévitique 19:18) mais en même temps comme nous l'expliquerons à propos de son discours politique, il réinterprète la Loi comme il était et reste toujours d'usage dans la tradition talmudique de la Yeshiva (les centre d'études de la Torah). En ce sens, Jésus suit donc parfaitement la tradition juive et à ce titre son enseignement n'a rien de révolutionnaire.

Ce qui est radical en revanche, c'est que Jésus se désolidarise de Jean le Baptiste et de tous les prophètes en annonçant qu'il est le Messie et la Loi, deux proclamations blasphématoires selon la Loi juive qui vont signer son arrêt de mort ! On y reviendra.

Enfin, selon la tradition Jésus guérit des malades et réalise des miracles, même s'il n'a pas été le seul "saint homme" ou guérisseur à réaliser ce genre de prodiges. En revanche, dans l'esprit des Évangélistes, le fait que Jésus soit capable de ramener des morts à la vie aussi facilement que de guérir un patient signifie que la mort n'est qu'une étape dans un cheminement spirituel et qu'il n'y a pas plus de maladie que de mort mais juste un manque de foi des fidèles. En effet, en réalisant ces miracles Jésus leur déclare qu'il détient le pouvoir de la fin des temps et prédit que ces malheurs n'arriveront plus s'ils croient en lui et en l'avènement du Royaume de Dieu.

On ne baptise plus, on évangélise

Comme évoqué plus haut, dans la foulée Jésus se désolidarise du baptême qu'il considère comme une invention terrestre et souvent mal interprétée, sans rapport avec son message messianique. Pour Jésus, le baptême n'est pas synonyme de salut ou de régénération. En d'autre terme, il ne veut pas baptiser afin que les hommes cessent d'imaginer que cela suffit à les sauver !

Ainsi après la résurrection, certains disciples de Jésus n'évoqueront plus le baptême. Paul écrit notamment : "Je rends grâce à Dieu de ce que je n'ai baptisé aucun de vous, excepté Crispus et Galus" (1 Corinthiens 1:14) et un peu plus loin de rappeler les paroles du Christ : "Ce n'est pas pour baptiser que Christ m'a envoyé, c'est pour annoncer l’Évangile, et cela sans la sagesse du langage, afin que la croix de Christ ne soit pas rendue vaine" (1 Corinthiens 1:17).

En fait le baptême ne sauve pas les pêcheurs mais les sauve de leur mauvaise conscience. Pierre est clair à ce sujet : "Cette eau était une figure du baptême, qui n'est pas la purification des souillures du corps, mais l'engagement d'une bonne conscience envers Dieu, et qui maintenant vous sauve, vous aussi, par la résurrection de Jésus-Christ" (Pierre 3:21). Le baptême représente la foi de celui qui a reconnu le Christ comme Sauveur : "Ignorez-vous que nous tous qui avons été baptisés en Jésus-Christ, c’est en sa mort que nous avons été baptisés ?" (Romains 6:3).

Le baptême est donc synonyme d'obéissance à la foi qui engage les adeptes du Christ, les chrétiens. N'y voir qu'une condition du salut revient à galvauder le message de Jésus et ignorer le sens de la résurrection.

Nous verrons dans le prochain article consacré aux sous-entendus des paroles de Jésus, de quelle façon il s'est présenté, quelle image il avait de lui-même et quel rôle il voulait assurer au sein de la communauté juive et parmi les hommes.

A lire : Les sous-entendus : qui est Jésus ?

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