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La faculté d'adaptation

Microphotographie électronique à balayage colorisée de cellules de Pyrococcus furiosus, une espèce hyperthermophile anaérobie qui peut survivre dans de l'eau bouillante. Document ANP.

Aux limites extrêmes (VI)

Si les espèces se comptent aujourd'hui par dizaines de millions voire en milliers de milliards en comptant les microbes, elles se différencient avant tout en fonction des mécanismes qu'elles ont développés pour assurer la survie de leur espèce. Nous allons voir que les plus résistantes sont capables de survivre dans des milieux très acides ou hyperalcalins, d'autres dans des saumures chaudes, environnées de métaux lourds ou sous des pressions ou des rayonnements ionisants qui tueraient n'importe quelle espèce normale. Oui, tout ce petit monde vit sur Terre...

Neutraliser l'acidité ou s'y adapter

Le naturaliste australien Michael Tyler découvrit en 1972 des grenouilles d'eau douce (Rheobatrachus silus) capables de supprimer les sécrétions acides de leur estomac. Un peu à l'instar de la grenouille de Darwin du Chili et de Patagonie (Rhinoderma darwinii), cette faculté leur permet d'assurer la gestations des têtards dans leur estomac, les grenouilles entièrement formées naissant par la bouche de leur mère ! Les stratégies de reproduction des grenouilles sont étonnantes.

Cela fait penser que même si la nature n'a pas doté la grenouille d'une intelligence supérieure, le fait de ne plus pondre d'oeufs et d'avoir une gestation interne lui assure une bonne place dans l'évolution. Cette place serait même enviable si l'on considère que ce petit batracien est capable d'interrompre ses sécrétions gastriques pour assurer la survie de son espèce. Plus d'un parmi nous aimeraient en faire autant lorsque nous avons des ulcères d'estomac ! (bien que son origine soit bactérienne). Peut-être cette découverte conduira-t-elle un jour à un remède. Une voie est en tout cas ouverte du côté des antibiotiques.

De façon générale, chez les oiseaux comme chez les mammifères les sucs secretés par le pancréas et libérés dans le duodénum (le premier segment de l'intestin grêle) contiennent des bicarbonates qui permettent de neutraliser l'acidité du chyme stomacal (la nourriture provenant de l'estomac). L'être humain produit 2 litres de bicarbonates en 24 heures.

A ce propos, rappelons qu'au début du XXe siècle les médecins n'imaginaient pas que des créatures puissent survivre dans notre estomac, au milieu de sécrétions acides dont le pH est voisin de 2, inférieur à celui du vinaigre (pH de 3). Or nous savons aujourd'hui qu'une bactérie comme Helibacter pylori y est tout à fait à l'aise. Depuis cette découverte, la liste des milieux jugés hostiles pour toute forme de vie s'est rétrécie comme une peau de chagrin.

Plus étonnant, certaines bactéries se nourrissent de minéraux, se développent parfaitement dans des solutions d'acide borique, d'acide sulfurique (vitriol) et d'acide nitrique. Seules différences avec leurs cousines "ordinaires", elles métabolisent le soufre, les nitrates ou les dérivés du bore... Elles peuvent se passer de tout rayonnement solaire direct et vivre sous des pressions jusqu'à 1200 atmosphères, l'équivalent de 12 km d'eau, et même temporairement jusqu'à 8000 atmosphères !

Des batraciens hors normes. A gauche, une grenouille d'eau douce (Rheobatrachus silus) donnant naissance à sa progéniture... par la bouche ! Cette espèce était a priori éteinte en 1983 mais de nouveaux individus sont réapparus dans le Queensland, en Australie. Image restaurée par l'auteur. A droite, la grenouille de Darwin (Rhinoderma darwinii) procède de la même façon. Documents All About Frogs et Jennifer Patt.

Mêmes conditions extrêmes dans la vallée volcanique de Waimangu en Nouvelle Zélande. Attraction géothermique, les lacs du site de Rotorua présentent un pH entre 2.5 et 3 et une température qui peut atteindre 69°C. Comme dans le lac du Grand Prismatic Spring situé dans le parc de Yellowstone aux Etats-Unis, ils abritent des créatures thermophiles, d'autres qui métabolisent les métaux lourds et dont la couleur dépend de la nature des minéraux, ainsi que des algues qui survivent tant que la température est inférieure à 62°C. On y a même découvert des sangsues tout à fait adaptées à cet envionnement hostile, chaud et acide.

Stocker ou neutraliser les toxines

Certains organismes unicellulaires comme les Nassula, des protistes ciliés d'eau douce qui se nourrissent exclusivement de cyanobactéries filamenteuses sont capables de neutraliser les toxines (microcystines) produites par les cyanobactéries du genre Planktothrix. Les chercheurs s'intéressent à ce cilié car il pourrait permettre de protéger les plans d'eau des toxines libérées par les Planktothrix qui posent un problème de santé publique (cf. K.Comte et al., 2013).

Certains organismes marins comme les nudibranches ou limaces de mer stockent les toxines des créatures qu'elles ingèrent dans des cellules spécialisées situées dans leurs appendices (les cérates) et les utilisent pour se protéger des prédateurs.

A gauche, une Nassula qui s'est nourrie de cyanobactéries. Au centre, un nudibranche éolididien (Flabellina iodinea) portant des toxines dans ses appendices (cérates). A droite, un vautour Urubu à tête rouge. Documents M.Dellinger/MNHN, P.Colla et C.Rognan/Flickr.

Parmi les animaux plus évolués citons les oiseaux, en particulier les vautours dont les sucs de l'estomac sont capables de neutraliser les toxines des charognes (mais ils évitent les cadavres trop décomposés). Citons aussi le Dragon de Komodo (Varanus komodoensis) dont les glandes venimeuses situées dans sa mandibule produisent des toxines. Sa salive contient également un cocktail de 58 bactéries dont 93% sont potentiellement pathogènes dont Pastuerella multocida capable de tuer une souris.

Neutraliser la toxicité des plantes

Les plantes servent souvent de nourriture aux insectes malgré qu'elles s'en protègent en secrétant une vaste gamme de substances ou métabolites secondaires toxiques. Les processus évolutifs qui permettent aux insectes herbivores de résister aux défenses des plantes restent largement inconnus.

Dans un article publié dans la revue "Cell" en 2021, le botaniste Jixing Xia de l'Académie chinoise des sciences agricoles et ses collègues ont étudié la mouche blanche ou aleurode (Bemisia tabaci), un parasite cosmopolite bien connu qui ravage les cultures agricoles. Cette mouche est polyphage et transmet plusieurs virus phytopathogènes graves. Elle constitue un excellent modèle pour étudier les mécanismes moléculaires impliqués dans la neutralisation des défenses végétales.

A gauche, deux mouches blanches ou aleurodes (Bemisia tabaci). A droite, le transfert horizontal de gène (HGT) par lequel cet insecte neutralise la toxicité de la plante dont il se nourrit. Documents Lukas Novak et J.Xia et al. (2021) adapté par l'auteur.

Les chercheurs ont découvert que cette mouche a bénéficié d'un transfert horizontal de gène (HGT) grâce auquel elle a acquis le gène de la glucoside malonyltransférase phénolique BtPMaT1 dérivé de la plante (ce gène est également présent chez les champignons et les bactéries). En tirant profit de ce gène, les aleurodes ont acquis la faculté de neutraliser les glucosides phénoliques toxiques. Les chercheurs ont confirmé le mécanisme par la transformation génétique des plants de tomates afin qu'ils produisent de petits ARN interférents qui neutralisent l'expression de BtPMaT1, altérant ainsi la capacité de désintoxication des aleurodes.

On suppose qu'à l'origine la plante fut contaminée par un virus possédant le gène BtPMaT1. Un aleurode a mangé cette plante contaminée. Le virus a profité de l'occasion pour transférer ce gène au génome de l'insecte. Lui apportant un avantage évolutif, ce gène s'est fixé dans la population.

Cette découverte révèle un scénario évolutif dans lequel les herbivores exploitent la "boîte à outils" génétique de leurs plantes hôtes pour développer une résistance aux défenses des plantes, y compris aux insecticides. Pour ceux qui luttent contre les parasites, cette découverte peut être exploitée en mettant point des plantes génétiquement modifiées protégées contre cette mouche.

Du sel dans la vie

Les protistes - les organismes eucaryotes -, qu'ils soient unicellulaires ou métazoaires montrent également des capacités étonnantes vis-à-vis de la salinité. Dans la région de l'Utah, le Grand lac salé dont la salinité varie entre 5-27% voit évoluer des bactéries, des algues, des mouches d'eau et mêmes des artémies, des crevettes de saumure qui supportent une forte teneur en sel. Inversement, il faut savoir qu'une créature alcaline, inadaptée à l'eau douce et halophile (qui a besoin d'une forte teneur en sel pour survivre) verra sa pression osmotique - la pression qui maintient un juste rapport de la salinité - augmenter. Accumulant trop rapidement l'eau de l'extérieur, ses cellules éclateront. L'animal en mourra.

Lorsque les conditions du milieu sont "propices" (eaux stagnantes, chaleur, microbiologie, etc), comme dans le fameux récit biblique des Dix plaies d'Égypte où la tradition prétend que sous l'instigation de Dieu, Moïse changea les eaux du Nil en sang (Exode 7:17), l'eau peut effectivement devenir rouge. Ce phénomène bien que très étonnant n'est pas le signe de la colère divine (!) mais est tout à fait naturel et mérite qu'on s'y attarde.

Cette coloration a plusieurs origines, l'une biologique l'autre minérale. Généralement, cette couleur provient de cyanobactéries - appelées erronément "algues rouges" - du genre Planktothrix rubescens ou de Oscillatoria rubescens communément appelée "l'algue sanguine" parmi d'autres espèces qui envahissent les eaux stagnantes et chaudes. En mourant leur pigment colore les eaux en rouge.

L'autre origine est une réaction avec des minéraux qu'il s'agisse de composés soufrés comme le cinabre (HgS) ou métalliques comme le cuivre ou encore de limon rouge arraché aux roches. La plupart du temps, la présence de ses éléments est liée à celle d'un volcan proche, sachant toutefois que le fallout peut retomber à plus de 1000 km de son point d'émission.

On retrouve la coloration d'origine biologique dans de nombreux lacs et quelques fleuves à travers le monde. Ainsi, parfois le Grand lac salé change de couleur et devient rouge ou rose; il est envahi d'artémies (Artemia franciscana) ainsi que de bactéries de différentes espèces en fonction de la saison (ou plutôt des conditions changeantes du milieu) dont la pigmentation donne cette couleur particulière à l'eau qui attire les touristes comme les photographes.

A voir  : Great Salt Lake Causeway Train over Pink Salt Water, J.McFerland

Bloody Red Laguna Colorada

Ci-dessus à gauche, la Laguna Colorada en Bolivie. A droite, le lac Retba au Sénégal. Ci-dessous, le lac de Las Coloradas situé dans le parc naturel de Ria Lagartos, au Yucatan. Sources anonymes (DR.).

On observe des "marées rouges" similaires produites par la même bactérie P.rubescens - du phytoplancton - dans les lacs de Zurich et de Constance, dans le Puy de Dome, dans le Golfe du Mexique jusqu'en Floride produites par le dinoflagellé Karenia brevis, dans le lac rose de Las Coloradas au Yucatan au Mexique, en Camargue où la couleur rouge est produite par l'algue verte Dunaliella salina ou la crevette Artemia salina, dans le lac rose de Retba au Sénégal, dans le lac volcanique de Kyushu à Beppu (district de Shibaseki) au Japon, dans le lac Hillier en Australie, dans la mer d'Azov située près de l'Ukraine et de la Crimée, dans la Laguna Colorada située dans la réserve nationale de faune andine Eduardo Avaroa, dans le désert de Lipez au sud des Andes boliviennes, dans le Grand Prismatic Spring du parc de Yellowstone précité et dans des fleuves comme le Missouri au Montana ou le Yangtsé en Chine. Notons que certaines espèces de bactéries ou d'algues sont adaptées à l'eau douce, d'autres aux eaux salées ou aux saumures ou sont thermophiles. Certaines libèrent des toxines et sont donc mortelles, y compris pour l'homme. Dans tous les cas, après leur mort, le pigment rouge de ces organismes subsiste et donne cette couleur rougeâtre à l'eau, parfois d'une rive à l'autre et sur de très vastes étendues (~130 x 80 km dans le Golfe du Mexique en 2014 qui entraîna la mort de nombreux poissons empoisonnés par les brévétoxines libérées par ces micro-organismes).

Les métaux lourds

On imagine généralement qu'aucune créature ne peut survivre en présence de métaux lourds, et certainement pas les animaux supérieurs dits triplobastiques, coelomates et dotés d'un système circulatoire, en commençant par les mollusques et les poissons. Or la réalité contredit une fois de plus notre bon sens et nous avons vu que la vie est tout à fait supportable pour certaines créatures marines près des fumeurs abyssales. Elle l'est tout autant dans certains lacs et rivières a priori toxiques.

Le lac Natron en Tanzanie est un lac hyperalcalin dont le pH atteint 10.5 et la température 60°C ! Il doit ses propriétés à sa proximité du volcan Ol Doinyo qui projète des natrocarbonatites riches en alcalis qui retombent dans le lac Natron via le ruissellement des eaux de pluie. Les eaux contiennent donc un mélange de soude et de bicarbonate de sodium ("bicarbonate de soude"). La couleur rouge est produite par des minéraux contenant des sulfures de métaux lourds. Les eaux sont donc salées et impropres à la consommation. Comme l'a montré le photographe Nick Brandt en mettant en scène quelques cadavres d'animaux trouvés sur les berges, ces animaux ne sont pas morts pétrifiés comme certains bloggers l'ont écrit, mais déshydratés puis encroutés de sel !

Le lac Natron en Tanzanie est alcalin (pH de 10.5), très chaud (60°C), salé et prend parfois cette couleur écarlate en raison de la présence de sulfures de métaux lourds. L'eau toxique contient également un mélange de soude et de bicarbonate de sodium.

Malgré ces conditions extrêmes, le lac Natron permet la survie de quelques algues et même de trois espèces de poissons de la famille des Cichlidae, dont deux endémiques, Alcolapia latilabris, Alcolapia ndalalani et Alcolapia alcalica !

On observe un phénomène similaire dans le sud de l'Espagne, en Andalousie, près du parc naturel de la Sierra de Aracena y Picos de Aroche, dans la province de Huelva où coule la rivière Rio Tinto le long de la mine de cuivre (et accessoirement de fer et de manganèse) du même nom. Le minérai de cuivre présent sur ce site a coloré l'eau en rouge et l'a acidifié au point que son pH varie entre 1 et 2. Son origine est naturelle.

Malgré sa forte acidité et sa forte toxicité, ce milieu est tout à fait supportable pour de nombreuses créatures. En effet, les biologistes et notamment des experts de la NASA ont identifié dans le Rio Tinto plus de 1500 créatures allant des bactéries extrêmophiles qui décomposent les minéraux aux algues vertes. Pour protéger leur matériel génétique et leurs chloroplastes, ces algues se sont confectionnées une coque transparente de protéine. En revanche, le moindre insecte ou le moindre reptile tombant dans la rivière n'a aucune chance d'atteindre l'autre rive et meurt en quelques secondes.

Le Rio Tinto en Andalousie présente un pH voisin de 2 et contient des métaux lourds. Malgré sa toxicité, il abrite 1500 créatures dont une majorité d'extrêmophiles, y compris des algues vertes.

Jusqu'à présent les scientifiques pensaient que la vie extrémophile ne concernait que les bactéries, les algues et autres champignons. Or dans les années 1980, on a découvert dans plusieurs cénotes du Yucatan, au Mexique ainsi que dans l'ouest des Etats-Unis, des lacs souterrains et des rivières d'acide sulfurique. En plongeant dans ces grottes partiellement inondées, les scientifiques découvrirent tout un monde vivant dont on ignorait l'existence. Non seulement ces cénotes ont préservé une vie originale durant des milliers de générations mais elles abritent une population cavernicole de bactéries mangeuses de pierre ainsi que des snottites (bactéries extrémophiles) ressemblant à du mucus dont les sécrétions sont aussi corrosives que de l'acide. A quelques mètres de là, des poissons évoluent parfaitement dans de l'acide sulfurique et une eau très pauvre en oxygène.

Il y a quelques années, des chercheurs du Laboratoire Souterrain Moulis dépendant du CNRS ont découvert dans la grotte souterraine et à moitié inondée de Movilé[10] située en bordure de la mer Noire, des bactéries, des champignons, des vers, des insectes et des crustacés aveugles et dépigmentés respirant des vapeurs d’acide sulfurique et de méthane. Ici l’oxygène est quasi absent. Des bactéries aquatiques produisent de la matière organique à partir de la décomposition de l’hydrogène sulfureux et cette nourriture, ainsi que les champignons filamenteux servent d’aliments à toute la chaîne de la vie. Ici également la photosynthèse est remplacée par la chimiosynthèse. La grotte de Movilé regroupe 60 espèces vivantes. Avec les grottes de Lechuguilla et de Cueva de Villa Luz, ce sont les rares domaines cavernicoles continentaux au monde offrant des conditions de survie similaires à celles des oasis sulfureux abyssaux.

Dans un autre domaine, point n'est besoin de citer l'exemple des insecticides toujours plus puissants qui ne parviennent plus à bout du simple anophèle femelle, le moustique qui apporte les épidémies de malaria ou des criquets pèlerins (locustes) qui détruisent les récoltes.

On rapporte également que si on pique un cafard avec du venin juste sous le seuil létal, à la génération suivante il sera immunisé contre une dose mortelle. Son système immunitaire est peut-être plus performant que le nôtre, qui rappelons-le, reste impuissant à détruire les virus mutant du rhume, de la grippe ou du SIDA.

Écran UV total

Sous l'ardeur des rayons du Soleil, de nombreux animaux, des poissons aux hippopotames en passant par les papillons ont trouvé une stratégie pour se protéger du rayonnement ultraviolet.

Là où l'homme utilise des écrans de protection ou de la crème solaire, certains poissons, oiseaux, amphibiens et reptiles disposent des gènes nécessaires pour produire du gadusol, un composé qui peut agir comme un écran solaire comme l'ont expliqué des chercheurs de l'Université d'État d'Orégon dans un article publié dans la revue "eLife" en 2015.

Le gadusol absorbe les rayons UV, en particulier les UV-B, et les dissipe sous forme de chaleur. Le gadusol produit par le poisson-zèbre (Danio rerio), une espèce de laboratoire souvent étudiée, peut même aider les scientifiques à créer un meilleur écran solaire pour les humains. De même, les oeufs de morue et d'oursin peuvent contenir ce produit chimique absorbant les UV.

Chez le poisson-zèbre le gadusol peut jouer plusieurs rôles, y compris certaines fonctions nécessaires pour accomplir le développement embryonnaire.

A gauche, les yeux composés de la crevette mante dont voici une autre image. A droite un papillon Morpho dont la face inférieure des ailes est brune et présente des ocelles rappelant les yeux du hibou. Documents Michael J. Bok et T.Lombry.

De nombreux animaux exploitent des structures nanoscopiques pour se protéger du Soleil comme le papillon Morpho. En général, ces structures sont très complexes et forment des organes et assurent plusieurs rôles (dans ce cas-ci, la protection UV, le mimétisme, l'intimidation ou le signalement par les motifs colorés, l'imperméabilité, et bien entendu le vol).

D'autres animaux produisent leur propre écran solaire total. Les hippopotames par exemple sont connus pour produire une "sueur" ressemblant à du sang. Elle est composée d'un pigment rouge et d'un pigment orange. Une étude publiée dans la revue "Nature" en 2004 montra que le pigment rouge contient un antibiotique, tandis que l'orange absorbe les rayons UV. Ainsi, les deux pigments travaillent ensemble pour protéger les mammifères africains des infections bactériennes et des dommages causés par le Soleil.

Comme nous l'avons expliqué à propos des facultés sensorielles, les crevettes mantes ont des pigments d'acides aminés appelés MAA (Mycosporine-like Amino Acids) dans leurs yeux censés les protéger des UV mais qui jouent un autre rôle : ils améliorent sa vision en filtrant la rayonnement du Soleil. Ce crustacé bénéficie d'une vision excessivement nette et est capable de voir les UV.

Les dipneuses d'Afrique de l'Ouest n'ont pas de protection solaire mais s'enveloppent dans un cocon de mucus avant de s'enfouir dans la boue pendant la saison sèche. Il peut aussi entrer en dormance (estivance) pendant les mois chauds, comme une version estivale de l'hibernation.

Résistance aux rayonnements ionisants

Le scorpion, outre le fait qu'il résiste au gel ou à une décongélation rapide, est tellement bien adapté qu'il résiste également à l'onde de choc d'une explosion ainsi qu'aux radiations ionisantes atomiques. Il réduit toutefois son métabolisme pour survivre dans de telles conditions.

A voir : Lechuguilla Cave - Snottites de Cueva de Villa Luz

De gauche à droite, la fameuse bactérie photosynthétique Escherichia coli, le Metanococcus jannaschii un méthanogène archéen qui réduit les composés carbonés en méthane pour y trouver de l'énergie, une Halobacterium salinarium qui synthétise les caroténoïdes tels le C40 et le C50 et une cellule eocyte Sulfolobus acidocaldarius qui oxyde le sulfure d'hydrogène. C'est une procaryote hyperthermophile qui supporte des températures supérieures à 100°C. Documents SPL, SOEST, Microbiological Society et SPL.

Le biologiste s'étonne encore quand il apprend que des bactéries résistent aux radiations. Ces êtres unicellulaires nous apportent encore plus d'espoir, puisqu'ils ajoutent encore une autre condition jugée "intolérable" à la liste toujours croissante des milieux hostiles où la vie est soi-disant vouée à l'échec. Par exemple, il semble impossible qu'une forme quelconque de vie puisse survivre quand elle est exposée continuellement au bombardement corpusculaire des rayonnements α et β qui s'échappent d'un réacteur nucléaire. Cependant des bactéries du genre Pseudomonas en pleine vitalité ont été découvertes à quelques centimètres du coeur d'une pile atomique plongée dans une piscine à Los Alamos : elles avaient survécu à des radiations mille fois plus fortes que celles considérées comme mortelles pour ces organismes ! Mais en revanche, un homme tombant dans l'eau de refroidissement du combustible serait condamné à court terme par l'intense radiation qu'il y règne.

Parmi les extrêmophiles citons Thermococcus gammatolerans. Cette archée qui métabolise le soufre fut découverte en 2003 (cf. E.Jolivet et al.) près d'une source hydrothermale à ~2000 m de profondeur dans le Bassin de Guaymas dans le golfe de Californie. Sa croissance optimale se produit à 88°C dans un pH de 6. Elle peut supporter 30000 Gy soit 6000 fois la quantité de rayonnement qui tuerait un être humain (une dose de 5 Gy est létale pour l'homme, 800 Gy pour E. Coli et jusqu'à 6200 Gy pour les tardigrades mais ils deviennent stériles au-dessus de 1000 Gy).

Enfin, la bactérie Deinococcus radiodurans présentée ci-dessous à gauche et au centre survit aux rayons gamma là où E. coli trépasse ! Elle supporte des doses de rayons gamma dépassant 5000 Gy soit 1000 fois la dose létale pour un être humain. Des colonies de D. radiodurans ont même présenté un taux de survie de 37% après une exposition à 150000 Gy. Elles appartiennent à la rare famille des bactéries polyextrêmophiles.

Des D. radiodurans ont survécu sur un satellite de l'ESA (expérience ERA) où elles furent exposées aux rayonnements solaires et cosmiques ionisants et au vide de l'espace. Elles ont également survécu dans un environnement simulant les conditions martiennes au Centre Aérospatial allemand (DLR) à Cologne. Enfin, elles résistent à la dessiccation et aux agents mutagènes ! Comment expliquer cette résistance hors du commun ?

A lire : Les Deinococcus radiodurans au service de l'homme

A gauche, une colonie de Deinocossus radiodurans. Au centre, une microphotographie d'une Deinocossus radiodurans pigmentée en rouge, mettant en évidence la morphologie en anneau du génome cellulaire. A droite, Thermococcus gammatolerans. Documents Dennis Kunkel, S.Levin-Zaidman et al. (2003) et Angels Tapias.

Dans une étude publié dans la revue "Science" en 2003, Smadar Levin-Zaidman de l'Institut des Sciences Weizmann et ses collègues ont montré que l'ADN de D. radiodurans comprend 4.68 millions de paires de bases ou nucléotides, constituant environ 4300 gènes (contre 3.4 milliards de paires de bases et ~26500 gènes chez l'homme). Elle dispose surtout entre 4 et 10 (on cite même 16) exemplaires ou copies de ses chromosomes grâce auxquelles elle est capable de recombiner ses segments intacts en quelques heures ! Le plus étonnant est que les protéines impliquées dans ce mécanisme de réparation existent chez tous les organismes vivants. Les trois enzymes nécessaires au déclenchement de cette réparation sont également présents chez E. coli.

Pour expliquer sa résistance aux rayonnements ionisants, les microbiologistes ont découvert que ses chromosomes étaient compactés, ce qui limite la dispersion des fragments (mais pas leur cassure). Tout indique que chez D. radiodurans les enzymes impliqués dans la réparation sont mieux protégés car sans enzymes, il n'y a pas de réparation possible. Cette bactérie isole ses protéines réparatrices contre les dommages éventuels tout en reconstruisant son génome. Elle dispose pour cela de molécules antioxydantes contenant du manganèse en quantités plus importantes que chez n'importe quelle autre espèce. Une nouvelle fois les bactéries nous dépassent sur bien des facultés.

Aujourd'hui des chercheurs parmi lesquels le biologiste Michael J. Daly de l'Uniformed Services University (USU), un collègue médical qui dépend du Pentagone et le virologue Gregory Tobin de la société de biotechnologie Biological Mimetics (BMI) essayent de tirer profit des facultés de D. radiodurans pour transformer les déchets toxiques ou fabriquer des vaccins et ont déjà obtenu certains succès. On reviendra en détails sur le sujet dans l'article Les Deinococcus radiodurans au service de l'homme.

Les champignons radiotrophes

Depuis l'accident survenu à la centrale nucléaire de Tchernobyl en 1986, le site fait l'objet d'études scientifiques, notamment en microbiologie pour évaluer de quelle manière les organismes ont survécu et recolonisé les zones irradiées.

Dans une étude publiée dans la revue "Mycological Research" en 2004, l'équipe de Nelli N. Zhdanova de l'Institut de Microbiologie et de Virologie de l'Académie Nationale des Sciences d'Ukraine, à Kiev, a isolé environ 2000 souches de 200 espèces de 98 genres de champignons radiotrophes autour de la centrale nucléaire de Tchernobyl. Ces champignons qui ressemblent à des mousses sont capables d'effectuer une radiosynthèse, c'est-à-dire d'utiliser des rayonnements ionisants comme source d'énergie pour assurer leur métabolisme (cf. E.Dadachova et al., 2007 et E.Dadachova et al., 2008).

Beaucoup de ces champignons sont capables de se développer près d'un réacteur nucléaire. Il semblerait que certains champignons sont attirés par le squelette carboné de ces structures, se dirigeant vers des sources de radioactivité pour assurer leur croissance en décomposant des "particules chaudes" comme du graphite radioactif provenant du réacteur. Les expériences montrent que les rayonnements bêta et gamma favorisent la croissance directionnelle des hyphes (les structures filamenteuses des champignons) vers la source de rayonnement ionisant, un phénomène appelé le radiotropisme (cf. J.Bland et al., 2022).

La plupart des champignons radiotrophes utilisent notamment la mélanine pour survivre. Rappelons que les mélanines sont une famille d'anciens pigments naturels généralement de couleur brun foncé/noir dotés de propriétés radioprotectrices. Ce pigment peut protéger contre l'excès d'énergie en absorbant le rayonnement électromagnétique, y compris les UV et la lumière. C'est la raison pour laquelle la peau humaine en contient. Cette qualité suggère que la mélanine pourrait protéger les champignons mélanisés des rayonnements ionisants.

De gauche à droite, des colonies de champignons radiotrophes Cryptococcus neoformans, Exophiala dermatitidis et Cladosporium sphaerospermum. Documents Dennis Kunkel/SPL, K.Suzuki et al. (2012) et Atlas Micologia.

Certains chercheurs ont suggéré que les propriétés radioprotectrices de la mélanine seraient dues à sa capacité à piéger les radicaux libres formés lors de la radiolyse de l'eau (cf. N.Gessler et al., 2014).

D'autres champignons riches en mélanine ont été découverts dans l'eau de refroidissement de réacteurs nucléaires en fonctionnement. Le composé absorbant la lumière présent dans les membranes cellulaires du champignon avait pour effet de noircir l'eau (cf. D.Castelvecchi, 2009).

La mélanine constitue donc un avantage pour le champignon dans la mesure où elle peut faciliter sa survie dans de nombreux environnements extrêmes (près d'un réacteur nucléaire, exposé aux rayons UV et cosmiques).

Des recherches plus approfondies menées au College de Médecine Albert Einstein (AECOM) de l'Université Yeshiva de New York ont montré que trois champignons contenant de la mélanine - Cladosporium sphaerospermum, Exophiala dermatitidis (ex- Wangiella dermatitidis) et Cryptococcus neoformans - augmentaient leur biomasse et accumulaient de l'acétate plus rapidement dans un environnement dans lequel le niveau de rayonnement était 500 fois plus élevé que dans l'environnement normal. C.sphaerospermum en particulier, une moisissure noire, fut choisie en raison de la présence de cette espèce dans le réacteur de Tchernobyl. L'exposition des cellules de C. neoformans à ces niveaux de rayonnement a rapidement (dans les 20 à 40 minutes suivant l'exposition) modifié les propriétés chimiques de leur mélanine et augmenté les taux de transfert d'électrons médiés par la mélanine de trois à quatre fois par rapport aux cellules non exposées.

Dès 2008, des chercheurs soupçonnaient la mélanine d'aider le champignon à métaboliser les rayonnements en énergie mais des expériences supplémentaires étaient nécessaires pour l'affirmer (cf. E.Dadachova et al., 2008). Aujourd"hui la question reste ouverte mais on estime que l'augmentation de la biomasse et d'autres effets proviendraient du fait que les cellules tirent directement de l'énergie des rayonnements ionisants ou du fait que les rayonnements ionisants permettent aux cellules d'utiliser les nutriments traditionnels plus efficacement ou plus rapidement.

Les pressions et les accélérations extrêmes

Enfin, pour clôturer cette longue liste qui s'étend décidément en dehors de toute limite, rappelons que la célèbre bactérie de laboratoire Escherichia coli dont nous venons juste de parler, ce petit bâtonnet insignifiant mesurant moins de 10 microns de longueur et tout velu est vraiment une créature extraordinaire.

Colonie d'Escherichia coli. Document Dennis Kunkel.

Non seulement elle est familière de notre gros intestin, mais c'est un sujet de laboratoire très docile et surprenant. Cette bactérie compte parmi les rares organismes à supporter des pressions et des variations de gravité qui tueraient instantanément la plupart des autres créatures.

Si on place une colonie d'E. coli dans un récipient clos on constate qu'elle supporte dans la plus grande indifférence une explosion de nitroglycérine; pratiquement tous les individus survivent à l'onde choc ! Placée dans un plomb de fusil E. coli supporte pratiquement sans aucune mortalité une accélération de 100000 g et une décélération lors de l'impact dans un sac de sable qui atteint 300000 g ! Même l'effet dévastateur d'une centrifugeuse à 1 million de g la laisse indifférente ! En fait il semblerait qu'elle se réorganise très rapidement en fonction de la gravité car en impesanteur elle réagit moins bien à ce régime pour le moins éprouvant.

Ces expériences prouvent déjà que des organismes élémentaires qui seraient présents sur des astéroïdes (NEO) ou des comètes par exemple peuvent parfaitement supporter la chaleur, la pression, les accélérations et les décélérations qui se produisent lorsqu'ils pénètrent dans l'atmosphère terrestre et donc survivre au voyage interplanétaire.

Au vu de ces résultats une "contamination" extraterrestre est tout à fait envisageable d'autant qu'on a déjà découvert des acides aminés dans l'espace et sur plusieurs météorites tombées sur Terre.

Rappelons également que dans la fosse des Mariannes du Pacifique, des poissons et des crevettes nagent avec agilité par 10600 m de profondeur. Leur métabolisme et leur structure se sont adaptés à subir une pression supérieure à 1000 fois la pression atmosphérique, l'équivalent d'une tonne par cm2 !

Les organismes astrotolérants

Pour survivre dans les conditions hostiles régnant dans l'espace, un organisme doit s'accomoder de l'apesanteur, résister à la chaleur (> 120°C), au froid (-157°C dans l'ombre), aux rayonnements ionisants du vent solaire et des particules cosmiques, aux impacts des micrométéorites, aux pressions et accélérations extrêmes, etc. ll doit s'agir d'une espèce particulièrement résistante et même sur Terre, ces espèces dites "astrotolérantes" capables de survivre à plusieurs actions létales ne sont pas nombreuses.

Survivre aux explosions

Lorsque la navette spatiale Columbia explosa lors de son lancement le matin du 1er février 2003 entraînant la mort de sept astronautes, les chercheurs s'attendaient à ce que les 80 expériences scientifiques embarquées à bord de la navette soient également détruites. Mais dans les jours qui suivirent la tragédie, les scientifiques ont réalisé que ce n'était pas le cas. Diverses expériences furent récupérées dans l'épave, notamment un groupe vivant de nématodes Caenorhabditis elegans, des vers ronds d'un millimètre de long dont le génome fut totalement séquencé en 1998. Personne ne s'attendait à ce que les nématodes puissent survivre à la chaleur intense de la rentrée ou à l'impact.

Des nématodes C. elegans, ou vers ronds. Ces vers sont les descendants de ceux qui faisaient partie d'une expérience réalisée lors de la dernière mission de la navette Columbia, STS-107, en 2003. Les nouveaux vers furent transportés vers la station ISS par la navette Endeavour lors de la mission STS-134 en mai 2011. Document NASA.

Dans un article publié dans la revue "Astrobiology" en 2005, l'équipe dirigée par le biologiste et psychologue Nathaniel J. Szewczyk, travaillant alors au centre Ames de la NASA rappelle qu'elle avait placé des némanodes à bord de la navette. Ils étaient enfermés dans six boîtes en aluminium de la taille d'un thermos et scellées, logées à l'intérieur d'un casier dans le compartiment de l'équipage spécialement renforcé pour les protéger.

Le but de l'expérience était d'étudier l'atrophie musculaire pendant les vols spatiaux (cf. le mal de l'espace). Selon l'astrobiologiste Catharine Conley de la NASA et coautrice de cet article, les nématodes sont utiles pour étudier la façon dont les vols spatiaux prolongés peuvent affecter le processus de vieillissement chez les humains ainsi que la tolérance humaine à l'exposition aux rayons cosmiques et à la détérioration musculaire due à l'apesanteur.

Au moment de l'accident, les boîtes de nématodes ont brûlé et furent éjectées de la navette à des vitesses allant jusqu'à 1046 km/h et heurtèrent le sol du Texas avec une accélération record de 2295 g. Quelques jours plus tard, un collègue repéra le conteneur carbonisé sur une photo de journal montrant les débris de la navette. Il fallut un certain temps pour que les expériences soient confiées aux chercheurs car tous les débris de la navette furent étroitement surveillés dans le cadre de l'enquête sur la cause de l'accident.

Les chercheurs n'ayant pas eu immédiatement accès aux containers de nématodes après l'accident, la plupart des résultats des expériences furent perdus. Cependant, selon Szewczyk, des données scientifiques importantes fuent néanmoins tirées de cette tragédie.

Selon Szewczyk, "les vers ont subi des dommages causés par la chaleur à l'extérieur, mais c'est tout". Les C. elegans ont survécu à l'impact car au moment où la partie de la navette contenant les expériences percuta le sol, sa vitesse avait déjà diminué, permettant aux nématodes d'éviter de subir une trop forte décélération.

Selon Szewczyk, "Bien que cela puisse paraître surprenant, de nombreux changements biologiques qui se produisent pendant les vols spatiaux affectent les astronautes et les vers, et de la même manière." Ajoutons que les nématodes ainsi que les humains semblent également présenter des symptômes de diabète lorsqu'ils vivent en apesanteur.

Les chercheurs ont conclu que l'étude de C. elegans pourrait faire la lumière sur certains des défis que les humains devront surmonter le jour où ils effectueront des vols interplanétaires. Ces défis comprenent la détérioration musculaire et l'exposition aux rayonnements associés aux vols spatiaux de longue durée.

De plus, cette découverte ajoute un argument en faveur de la théorie de la panspermie. Selon Szewczyk, "D'un point de vue astrobiologique, l'important était que si un organisme multicellulaire traverse l'atmosphère, il pourrait avoir un transfert de vie interplanétaire par des moyens naturels, et Columbia l'a démontré. C'était une chance de démontrer cela dans les circonstances malheureuses qui existaient."

La progéniture des nématodes de Columbia fut ensuite hébergée dans le centre génétique géré par l'Université du Minnesota. Certains descendants des vers ronds de Columbia furent embarqués en novembre 2009 à bord de la navette spatiale Atlantis et un second groupe en mai 2011 à bord de la navette spatiale Endeavour pour un séjour prolongé à bord de la station ISS afin d'aider les chercheurs à obtenir une image plus détaillée des effets de la microgravité sur un organisme. Une partie des travaux effectués sur ces nématodes est même directement liée à la façon dont les humains vivent les voyages dans l'espace.

Les lois de la nature

Bien sûr on ne peut soutenir sans spéculer qu'il existe dans l'univers des carottes pensantes comme l'ont imaginé certains scénaristes de films de fiction et comme encore beaucoup de gens le pensent sans avoir approfondi le sujet. L’éventail de la vie sur Terre nous présente déjà un bel assortiment du potentiel de dame Nature, mais un morceau de cellulose ou de la carotène peut juste brunir, ce qui ne prouve pas qu’il pense !

Les lois de la biochimie impliquent que la vie extraterrestre, si elle existe, sera nécessairement modelée par l'écosystème local et pourra revêtir une remarquable variété de formes qui seront aussi nombreuses que le nombre de niches écologiques que nous connaissons sur Terre et toutes différentes de ce que nous imaginons, tout en respectant les lois de la physique, cette harmonie naturelle qui lie l’inerte au vivant.

La biodiversité, c'est la vie !

Division d'une cyanobactérie.

Lymphocytes. Photo CNRI.

Euglène. Photo PitchJ.B.Crumeyrolle.

Algues macrocystis au large de San Diego. Photo IFREMER.

Cyanobactérie

Lymphocytes

Protozoaire

Macrocystis

Corail rouge

Cactus Saguaro du SE de la Californie et du Mexique. Photo Jim Bremner.

Chêne des Smoky Montaisn Nat.Park, TN.

Hypoccampe à queue de tigre (Hypoccampus comes).

Fleur carnivore

Saguaro

Chêne

Hyppocampe

Tortue de mer

Toucan. Photo Smithsonian National Zoological Park.

Baleine franche (de Biscaye)

Document http://eu.art.com/

Grenouille

Toucan

Aigle pêcheur

Baleine

Tigre

Lémurien. Photo Ushuaïa.

Oran-Outang. Photo Ushuaïa.

Bébé. Photo babyglobe.com

Lémurien

Panda géant

Gorille

Orang-Outan

H.s.sapiens

Si nous ne changeons pas nos habitudes, dans 20 minutes l'homme aura provoqué la disparition d'une nouvelle espèce. Agissez !

Pour savoir si une autre planète peut abriter la vie, il ne suffit pas de mesurer sa température. Si on observe une planète en infrarouge, c'est l'émission des couches superficielles de son atmosphère que l'on détecte et l'analyse biochimique n'est pas optimiste. Ainsi sur Terre 80% de la biosphère présente une température inférieure à 5°C, les cirrus d'altitude évoluent par -50°C, les pôles présentent une température négative quasi permanente, or la vie est parfaitement supportable au sol. Cela dit, on retrouve des microbes jusqu'à plus de 20 km d'altitude mais il existe peu de réactions biochimiques sous -30°C. Inversement, dans le désert où le sable de surface atteint 80°C, une galerie souterraine enfouie à quelque dizaines de centimètres de profondeur ne dépasse pas 16°C et toute une faune peut s'y développer.

Aussi, le jour où nous découvrirons une planète en dehors du système solaire, nous devrons poser le pied dessus pour nous interroger sérieusement sur ses possibilités de vie.

Quelque part dans l'univers, l'évolution peut donner naissance à des organismes dont les liaisons chimiques moléculaires sont fortes, de façon à ce que les ponts hydrogènes des molécules organiques (les protéines) supportent les variations de température ou la pression des profondeurs marines. Mais les interactions avec le milieu, les associations, seront aussi plus difficiles à établir. On trouve de telles créatures dans nos fonds marins, des radiolaires aux poissons. Inversement, des liaisons chimiques faibles briseraient les ponts hydrogène au moindre choc, à toute température légèrement différente des conditions normales. Cet organisme ne serait pas stable ou sa vie éphémère. La vie n'est pas seulement déterminée par son environnement; elle est plus que jamais liée à la structure biochimique.

Nos cousins : de gauche à droite, une des nombreuses espèces d'anémones de mer (Corynactis californica), un Eucalyptus regnans et un aigle pêcheur. Ces trois créatures si différentes les une des autres sont pourtant issues du même arbre phylogénique et se placent dans la même chaîne alimentaire (trophique) de l'écosystème global. Mieux, à des degrés évidemment très éloignés de notre espèce sur le plan génétique comme dans le temps, ce sont aussi nos cousins ! L'homme comme l'oiseau et la fleur ont en commun au moins 25% de leurs gènes et tous formons l'un des maillons de la chaîne du vivant, la biocénose. A une époque très reculée de l'Histoire, animaux, invertébrés, végétaux et moisissures ne formaient qu'une seule espèce. L'être humain a tendance à l'oublier et à juger un peu vite qui à le droit de vivre et de mourir sur "sa" planète. Documents Jupiterimages/Photos.com/Getty Images, Nathan Johnson et anonyme.

Malgré cette contrainte biostructurelle, nous avons constaté que cela n'a pas empêché dame Nature de laisser libre cours à son imagination. Mieux, dans le cadre cosmique de notre quête d'une forme de vie extraterrestre, nous pouvons découvrir combien la nature est féconde. Regardez autour de vous. Tout ce qui existe sur Terre est constitué de carbone. Quel biologiste extraterrestre pourrait dire de prime abord que nous appartenons au même arbre phylogénique qu'un pin de Californie ou qu'une anémone de mer ? Tout nous sépare et paradoxalement tout nous rapproche.

En conclusion, le développement de la vie sur Terre doit nous éclairer de façon critique sur les processus qui portent sur les origines de la vie. Nous ne pouvons pas considérer la vie extraterrestre en nous limitant simplement à ce que nous connaissons sur Terre. Ou si nous le faisons, nous devons tenir compte des facultés d'adaptations des organismes et du "pouvoir" de la sélection naturelle. Il y a là une diversité de stratégies étonnante quand on pense que tout cela s’est produit par hasard, ou presque.

Les contraintes thermodynamiques dans la zone continûment habitable d'un système planétaire existent bien, tout comme l'universalité des lois de la nature semblent indiquer que la chimie du carbone soit la plus propice au développement de la vie. C'est la raison pour laquelle le Nuage Noir de Fred Hoyle ne sera jamais une civilisation extraterrestre car comment construirait-elle son antenne parabolique sans appendices de préhension? A contrario, le monolithe noir d'Arthur C.Clarke est bien le produit d'une civilisation technologiquement avancée. Tous ces arguments reposent sur des lois universelles et non pas seulement sur quelques principes anthropomorphiques. Bien sûr que l'expérience de la Terre est unique. Mais il est encore plus sûr que l'expérience chimique du carbone a réussi, avec le petit coup de pouce du hasard cumulatif. C'est pourquoi nous devons être prudent et qu'en toute rigueur nous ne pouvons pas aller plus loin dans nos déductions sans spéculer.

La biodiversité en danger

Qu'il fasse chaud ou froid, sec ou humide, clair ou sombre, que ce soit en altitude ou dans les abysses, que l'eau soit douce, acide ou salée, que la pression soit titanesque ou presque nulle, qu'il faille voler, courir, nager ou ramper peu importe; la vie a conquis tous les milieux. De gauche à droite trois espèces en voie de disparition : le harfang ou chouette des neiges, le tigre de Sumatra et un très impressionnant Mola mola ou poisson-lune photographié au large de San Diego en Californie. Si nous ne protégeons pas leur habitat, demain ces espèces risquent de disparaître. Documents du domaine public et Phillip Colla.

Malgré notre compréhension toujours plus approfondie des mécanismes de la vie, en possession du catalogue des milieux extrêmes où nous savons à présent que la vie peut exister, notre connaissance de l'évolution s'évanouit lorsque nous remontons jusqu'aux prémices de la vie et nous ignorons tout du passage de la matière inerte au vivant. Le brouillard est décidément tenace.

Sans plan détaillé de l'évolution, nous ne pouvons qu'évaluer, tester la pertinence de nos lois face au monde de l'expérience et de la création. Aujourd'hui, dans l'esprit de la communauté scientifique il paraît acquis que la vie frétillante comme nous l'entendons dut apparaître avec l'apparition des sphérules progénotes, sans noyau (procaryotes). Pour survivre, elles durent s'organiser, se rendant indispensables aux mousses puis aux plantes à fleurs; transformées en chloroplastes, elles se sont chargées de la photosynthèse. Dans le phylum des vertébrés et plus tôt encore, ce sont les mitochondries et d'autres colonies microbiennes qui ont assuré la transformation de l'énergie et des macro-molécules. S'accommodant parfaitement avec leurs hôtes, elles se sont perfectionnées au fil des mutations. Au bout de quelques millions d'années d'adaptation, les mammifères sont apparus et l'homme acquis sa conscience. Sa longue marche ne faisait que commencer.

Pour plus d'informations

Sur ce site

La biodiversité

Les grandes étapes de l'évolution de la Terre et de la vie

Le polymorphisme du monde

La vie sous toutes ses formes

Livres

La bibliographie (rubrique "Biologie", chapitre "Théorie de l'évolution et biodiversité")

Les bactéries de l'extrême, Daniel Prieur, De Boeck, 2014

Biodiversité et évolution du monde vivant, David Garon et al., EDP Sciences, 2013

Biodiversité : L'avenir du vivant, Patrick Blandin, Albin Michel, 2010

La biodiversité : L'avenir de la planète et de l'homme, Roger Dajoz, Ellipses Marketing, 2008

Microbes de l'enfer, Patrick Forterre, Belin/Pour la Science, 2007

Le guide illustré de l'écologie, Bernard Fischesser et Marie-France Dupuis-Tate, Ed. de la Martinière, 2007

La vie excentrique, Michael Gross, Patrick Forterre et Véronique Receveur-Bréchot, Belin/Pour la Science, 1999

La sixième extinction : Évolution et catastrophes, Richard Leakey et Roger Lewin, Flammarion, 1998; Champs-Sciences, 2011

Physiologie animale. Mécanisme et adaptation, Roger Eckert et al., De Boeck Université, 1999

Ecology and Evolution in Anoxic Worlds, Tom Fenchel/Bland J. Finlay, Oxford University Press, 1995.

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[10] Lire, P.L. García et al., "Microbial eukaryotes in the suboxic chemosynthetic ecosystem of Movile Cave, Romania", Environ. Microbiol. Report, 2019 - S.M. Sârbu et al., "A Chemoautotrophically Based Cave Ecosystem", Science, 1996 - GEO magazine, 175, Septembre 1993. 


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