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Le paradoxe de Fermi

Document T.Lombry.

L'hypothèse du burnout et de l'éveil (II)

Parmi les explications plus récentes, en 2022 les astrobiologistes Michael Wong de la Carnegie Institution for Science et Stuart Bartlett du Caltech ont publiée dans le "Journal of the Royal Society Interface" un article intitulé "Asymptotic burnout and homeostatic awakening: a possible solution to the Fermi paradox?".

Dans cet article, les auteurs déclarent : "Une fois qu’une civilisation planétaire passera à un état qui peut être décrit comme une ville mondiale virtuellement connectée, elle sera confrontée à un "épuisement asymptotique", une crise ultime où l’échelle de temps de l’intervalle de singularité devient plus petite que l’échelle de temps de l’innovation. Si une civilisation développe la capacité de comprendre sa propre trajectoire, elle disposera d’une fenêtre de temps pour effectuer un changement fondamental afin de donner la priorité à l’homéostasie et au bien-être à long terme plutôt qu’à une croissance inflexible – un changement de trajectoire induit consciemment ou un "éveil homéostatique". Nous proposons une nouvelle résolution au paradoxe de Fermi : soit les civilisations s’effondrent suite à l’épuisement professionnel, soit elles se réorientent vers la priorité à l’homéostasie, un état dans lequel l’expansion cosmique n’est plus un objectif, ce qui les rend difficiles à détecter à distance".

En résumé, selon les auteurs, les civilisations extraterrestres avancées atteignent probablement ce qu'ils appellent l'horizon d'épuisement professionnel, le burnout, ce qui oblige leurs sociétés à réduire leur croissance et leur exploration interstellaire sous peine d'être confrontées à la destruction.

Pour aboutir à cette conclusion, Wong et Bartlett ont étudié l'histoire des civilisations humaines et des grandes villes et sont tombés sur une hypothèse qu'ils ont appelée "l'échelle superlinéaire" qui décrit la limite de la croissance illimitée des sociétés. Il y a presque toujours un point d'effondrement ou de crise que les scientifiques appellent la "singularité" (cf. la singularité technologique). Ils pensent que les civilisations extraterrestres dotées de capacités spatiales pourraient être confrontées à deux choix distincts à un moment donné de leur croissance.

Comme illustré ci-dessous à droite, les auteurs ont étudié plusieurs scénarii. Dans un cas une civilisation planétaire continuera à s'étendre jusqu'à devenir une ville mondiale virtuellement connectée, ce qui conduirait alors à un burnout asymptotique, avec un système de plus en plus débordé, confronté à des ressources en diminution et au besoin d'innover, incapable de suivre le rythme croissant de la population et la demande énergétique nécessaire. Cela conduirait à des crises majeures et finalement à la disparition pure et simple de la civilisation. Dans l'autre cas, une civilisation peut comprendre sa trajectoire et essayer de la modifier, entrant dans un "éveil homéostatique" lorsque l'expansion plus loin dans l'univers n'est plus son objectif. Dans les deux cas, les extraterrestres se retrouvent dans un état qui rend très improbable leur détection.

A gauche, la trajectoire de croissance d'une ville avec un coefficient d'échelle β > 1 conduit à des singularités (lignes verticales pointillées) qui doivent être évitées par des réinitialisations innovantes. L'échelle de temps entre les réinitialisations diminue à mesure que la population (N) augmente. Adapté de Luis Bettencourt et al. (2007). A droite, trois scénarii pour l'évolution d'une civilisation en voie de burnout ou d'épuisement professionnel. En haut : Δtwindow < 0. Dans ce scénario, la civilisation ne réalise pas sa trajectoire avant de souffrir de burnout. Milieu : Δtwindow > 0, mais Δtwindow/Δtaccomplishment < 1. Dans ce scénario, la civilisation se rend compte qu'elle est sur une trajectoire mais est incapable d'accomplir une réorientation vers l'homéostasie avant le burnout. En bas : Δtwindow > 0 et Δtwindow/Δtaccomplishment > 1. Dans ce scénario, la civilisation est capable à la fois de comprendre qu'elle est sur une trajectoire de burnout et de se réorienter vers une homéostasie prioritaire. Documents M.Wong et S.Bartlett (2022).

Information et énergie

Comme les thermodynamiciens et certains spécialistes en biologie le font déjà (cf. la science du chaos), Wong et Bartlett proposent de considérer la vie elle-même comme une boucle de rétroaction entre les flux d'informations et d'énergie. Ils décrivent la vie comme des systèmes "où les flux de masse et d'énergie conduisent à la production, à la transmission et à l'utilisation d'informations fonctionnelles". "L'interaction dynamique" entre l'énergie libre et l'information est une caractéristique essentielle de la longévité de tout système.

Un aspect important qui permet au système de perdurer est sa capacité à innover. Même l'évolution peut être considérée comme "une série d'innovations dans les unités soumises à la sélection, à la transduction d'énergie et au traitement de l'information".

Les auteurs font un parallèle avec la durée de vie d'une société humaine qui, selon eux, est "façonnée et remodelée par des innovations qui accélèrent et élargissent la diffusion de l'information". Nos inventions de l'imprimerie, des ordinateurs et d'Internet ont toutes eu un impact considérable sur notre capacité à diffuser l'information et sur la santé de nos sociétés dans leur ensemble (cf. le hype cycle ou cycle de vie des technologies). Nous avons fait des progrès particuliers dans ce domaine au cours des cent dernières années, au cours desquelles nous avons également fait de grands progrès dans l'exploitation de l'énergie nécessaire à de telles innovations, en acquérant la capacité de capter l'énergie solaire, nucléaire, éolienne, géothermique, maréemotrice, etc.

Selon les auteurs, même si nous semblons le faire, comme une civilisation extraterrestre, nous avons probablement une limite au-delà de laquelle on ne peut pas maintenir la croissance de notre société. Plus nous créons et traitons d'informations, plus nous avons besoin d'énergie.

L'analyse des auteurs montre que les villes humaines et la civilisation dans son ensemble ont tendance à atteindre une croissance illimitée, "conduisant à une population infinie (et donc à une demande infinie de ressources) dans un temps fini". Si cette soi-disant "singularité" est approchée par la civilisation "sans contrôle", alors "le système finira par dépasser son approvisionnement en énergie et s'effondrera (ou régressera de manière significative)". Seuls des changements ou des "innovations" sérieuses peuvent empêcher la disparition de tels systèmes, conduisant à des réinitialisations et à des changements dans le sens de la croissance, favorisant le maintien de l'homéostasie par rapport à la croissance, ce que les auteurs appellent la "transcendance homéostatique" ou l'éveil.

Moyen de détection des extraterrestres

Comme d'autres auteurs l'ont déjà proposé, Wong et Bartlett suggèrent également qu'il est possible de détecter à distance la présence d'extraterrestres sur base de "technosignatures à l'échelle planétaire" de civilisations proches du burnout ou juste après leur "éveil". Ces technosignatures peuvent consister en transmissions électromagnétiques (des "fuites" liées au fonctionnement de machines jusqu'aux émissions des moteurs stellaires), en changements industriels dans l'atmosphère de leur planète modifiant sa réponse spectrale/énergétique ou en structures artificielles qu'une telle société aurait pu installer dans l'espace (par exemple une sphère de Dyson, des Cerveaux de Jupiter, des mégastructures, etc).

Selon les auteurs, une civilisation proche du burnout pourrait être le type le plus facile à détecter car elle aurait radicalement modifié son environnement et "dissiperait l'énergie libre d'une manière extrêmement insoutenable", émettant des signaux puissants. Seule mise en garde précisent les auteurs, de telles civilisations peuvent être intelligentes "mais pas encore sages".

Un signal émis par une civilisation extraterrestre peut être capté sur pratiquement n'importe quelle fréquence, ce qui reste un avantage. Mais pour le rendre unique et le différencier d'une émission naturelle, son émetteur doit trouver un moyen de le mettre en évidence, par exemple en émettant un signal très puissant, répétitif et idéalement contenant une information sur l'origine du message. Document T.Lombry.

Ouvrons une parenthèse. Certains se demanderont si les grands télescopes professionnels et les satellites d'astronomie ne pourraient pas photographier ou détecter un objet céleste d'origine artificiel, un éventuel croiseur intersidéral par exemple croisant près de la nébuleuse de la Lagune. Ca c'est la science-fiction !

Rappelons que nos plus grands télescopes, y compris spatiaux, ont la capacité d'analyser en détails le spectre des étoiles et des exoplanètes et même de se concentrer sur la cartographie d'une seule raie spectrale ou d'une molécule sur un astre déterminé. Les plus puissants peuvent aussi obtenir des photographies de petits objets. Mais tout est relatif. Dans la plupart des cas, dans la banlieue du bras d'Orion où se trouve le Soleil, c'est-à-dire dans un rayon de 10000 années-lumière autour du Soleil, pour un réseau de radiotélescopes comme ALMA ou un télescope spatial, "petit" signifie tout de même de la taille d'une planète bien séparée de son étoile ou d'une grosse lune, et idéalement chaude ou très brillante pour facilité sa détection. Rien de plus petit n'est visible.

S'il existe une civilisation extraterrestre de ce côté ci de la Voie Lactée et si elle génère des fuites électromagnétiques - deux conditions très incertaines -, nos instruments pourraient les détecter. En revanche, à moins qu'il émette de puissants rayonnements (visible, radio, IR, X, etc), il est impossible avec nos moyens actuels de détecter un éventuel croiseur interstellaire. Pour le voir, il devrait être dans le système solaire. Mais même à courte distance et en observant le ciel en permanence, nous avons déjà des difficultés pour identifier les petits astéroïdes de quelques mètres ou dizaines de mètre proches de la Terre, les fameux NEO.

Plusieurs programmes SETI optiques ou OSETI sont toujours en activité depuis plusieurs années. Mais le travail est immense. Il faut savoir que dans un volume de 10000 années-lumière de rayon autour du Soleil par exemple, il existe 342485 étoiles visibles dans un télescope amateur dont 5110 étoiles sont visibles à l'oeil nu jusqu'à la magnitude 6. Mais dans ce même volume, grâce à son plus grand diamètre et des moyens photographiques hors normes, un télescope géant de la classe du GMT ou de l'ELT ou un télescope spatial peut détecter des millions d'étoiles et, indirectement, jusqu'à dix fois plus d'exoplanètes.

Pour déceler un signal artificiel, il faut ausculter cet espace pratiquement seconde d'arc par seconde d'arc et même plus précisément pendant plusieurs jours et de manière répétée, y compris fouiller avec des moyens radioastronomiques des endroits obscurcis par la poussière et des nébuleuses. Ensuite il faut isoler le signal suspect des parasites et des autres bruits naturels et l'interpréter correctement. Même si on se limite au spectre des émissions optiques, c'est un travail fastidieux et routinier qui prendra des décennies.

L'alternative est de ne pas fouiller le ciel en haute résolution et d'attendre qu'un signal apparaisse. Il faut ensuite le plus rapidement possible déterminer s'il est artificiel ou non en braquant sur lui de plus gros instruments. Heureusement, il est possible d'automatiser tout ce processus jusqu'à la diffusion d'une alerte aux astronomes.

Mais quand on sait que les programmes SETI (cf. ce fichier Excel) même épaulés par des ordinateurs massivement parallèles n'ont rien trouvé de probant en plus de 60 ans d'écoute permanente du ciel et même pas dans toutes les directions, on réalise toute la difficulté de l'entreprise. L'écoute ou l'observation passive du ciel est un processus très lent et peu valorisant car routinier et non rentable, mais nous n'avons pas d'autre solution. On doit s'y ateler au risque de rater l'occasion de faire la plus grande découverte de l'humanité. Refermons la parenthèse.

Ceci dit, comme toutes les autres réponses au paradoxe de Fermi, le point de vue de Wong et Bartlett est non seulement spéculatif mais il présente des limites assez évidentes. Les auteurs fondent leurs conclusions sur les mondes extraterrestres sur ce qu'ils savent de la Terre. D'un autre côté, ils croient que ces sociétés extraterrestres pourraient en fin de compte être "soumises aux mêmes principes directeurs que la civilisation humaine, même si elles ne partagent pas nos détails matériels ou historiques particuliers."

Si l'hypothèse de Wong et Bartlett à propos des extraterrestres reste à vérifier, leur perspicacité nous offre l'opportunité de regarder avec appréhension notre monde actuel, devenu extrêmement interconnecté en raison de l'énorme croissance des technologies de l'information au cours des cent dernières années. Sommes-nous en passe de devenir la ville mondiale interconnectée et d'évoluer tout droit vers une singularité ? Compte tenu de nos actions pour lutter contre le changement climatique, de nos ressources déjà surexploitées et d'une consommation d'énergie apparemment sans fin, c'est peut-être là la plus grande leçon à tirer de cette étude : les humains doivent se concentrer sur ce que nous pouvons faire pour éviter de nous effondrer alors que nous réfléchissons au sort de civilisations extraterrestres qui n'existent peut-être même pas.

En fait, les auteurs décrivent plusieurs cas où l'humanité connaît déjà des "mini-réveils", comme nos efforts pour protéger la couche d'ozone de la Terre grâce à la coopération internationale et l'interdiction de certaines substances nocives. D'autres exemples de reconnaissance par l'humanité de notre propre voie destructrice sont les efforts visant à désamorcer la course aux armements, notamment via les accords sur les armes nucléaires qui ont vu le jour après la Guerre Froide, ainsi que le moratoire international sur la chasse à la baleine de 1982, conçu pour protéger les baleines de l'extinction due à leur chasse.

Autres explications

D'innombrables autres explications ont été proposées pour résoudre le paradoxe de Fermi. Décrivons seulement les plus populaires d'entre elles :

La vie intelligente est très rare

Il se pourrait que nos recherches de civilisations extraterrestres n'aient pas encore abouti parce que nous n'avons pas cherché assez longtemps. Cela correspond certainement aux estimations plus conservatrices de la formule de Drake. Cette idée est également renforcée par le nombre d'exoplanètes ayant une proportion significative de leur masse constituée d'eau (cf. l'hypothèse Waterworlds des mondes océaniques).

D'autres ont fait remarquer que l'existence d'une seule société intelligente telle que la nôtre est déjà extraordinaire en soi et a priori exceptionnelle. Alors espérer qu'il en existe deux au même moment de l'histoire de l'univers et dans la même région d'une galaxie alors que ces dernières se comptent par milliards de milliards, devient hautement improbable.

La vie intelligente est trop éloignée

Notre incapacité à trouver des preuves de signaux radio et d'autres technologies de transmission artificielles extraterrestres est due à la distance. Les civilisations extraterrestres peuvent être trop éloignées en termes d'espace et de temps, puisque les transmissions ne seront captables que dans un volume limité d'espace-temps et la durée des voyages d'éventuels émissaires extraterrestres sont contraints par les lois de la physique.

Parmi les variantes de cette idée, il est également possible que les civilisations extraterrestres n'existent pas assez longtemps pour capter nos transmissions spatiales. En fait, dans un article publié dans les "PASP" en 2018 co-écrit par Frank Drake, les auteurs soutiennent que tout signal extraterrestre capté par des observateurs humains proviendrait très probablement d'une civilisation éteinte depuis longtemps.

Mais tant qu'à spéculer, disons que cet argument est en partie faux. En effet, d'une part une civilisation extraterrestre avancée signifie qu'elle a survécu aux crises qui arrivent inévitablement et, si on prend l'exemple de l'humanité, les statistiques prédisent que nous pourrions exister durant 8 millions d'années avant de disparaître (cf. l'espérance de vie d'une société). Si une civilisation extraterrestre compte explorer l'univers à des vitesses largement subluminiques, sa sphère d'influence reste limitée mais en comptant sur le nombre d'expatriés et de migrants et sur le temps, en plusieurs millions d'années elle peut disséminer sa culture de proche en proche à travers la Galaxie et donc éventuellement rencontrer d'autres civilisations (cf. l'hypothèse de la migration). L'exploration de toute une galaxie peut même s'effectuer en un demi-million d'années si cette civilisation expédie des trillions de sondes de von Neumann dans toute les directions.

D'autre part, une civilisation très avancée peut avoir la capacité d'explorer l'univers. Elle peut être capable de construire des vaisseaux spatiaux approchant la vitesse de la lumière (l'atteindre ou la dépasser paraît impossible, cf. cet article), ou de courber l'espace-temps (cf. le warp drive ou les trous de ver macroscopiques) pour rejoindre des endroits reculés de l'univers en très peu de temps.

En revanche, si les lois de la physique ou les capacités d'invention des civilisations extraterrestres ne le permettent pas, étant donné le gouffre des distances cosmiques et sachant qu'il n'existe aucune planète habitable à moins de ~1000 années-lumière du Soleil (les rares exoplanètes habitables comme Promima b où certains exoplanètes du système TRAPPIST-1 subissent des éruptions stellaires préjudiciables au développement de la vie. La plus propice serait Kepler 442b située à 1194 années-lumière du Soleil), du point de vue humain où l'espérance de vie est inférieure à 100 ans et tout voyage spatial raisonnablement limité tout au plus à une dizaine d'années, alors la conclusion de Drake et ses collègues est correcte. Car le temps d'envoyer un message à la vitesse de la lumière vers une éventuelle civilisation et le temps qu'ils répondent nous feront déjà patienter quelques siècles voire des dizaines de milliers d'années. Entre-temps, l'un comme l'autre a pu développer une technologie spatiale avancée (y compris sur base des connaissances échangées à distance entre les deux civilisations) et peut-être même explorer l'univers interstellaire. Mais imaginer qu'on puisse nous rendre visite ou leur rendre visite reste à ce jour, très peu probable (au mieux, une chance sur quelques milliards) voire utopique.

La vie intelligente hiberne

Dans un article publié dans la revue "Review of Modern Physics" en 1979 (reprit dans son livre "La vie dans l'Univers", 2009) intitulé "Time without end : physics and biology in an open universe", le physicien théoricien et mathématicien Freeman Dyson (1923-2020) de l'Institut for Advanced Stdudies de Princeton étudia l'évolution de la physique et de la biologie dans un avenir très lointain, à une époque où la matière et le rayonnement deviendront instables. Il imagine que les êtres intelligents vivant à cette époque difficile passeront une partie du temps en hibernation pour conserver leurs facultés. Ils pourront ainsi survivre indéfiniment malgré des ressources d'énergie limitées et un froid extrêmement intense.

Cette hypothèse fut reprise par Anders Samberg, associé de recherche à l'Université d'Oxford, et par ses collègues du Future of Humanity Institute (FHI). Dans un article intitulée "That is Not Dead Which Can Eternal Lie : the Aestivation Hypothesis for Resolving Fermi's Paradox" publié en 2017, les auteurs suggèrent que les civilisations extraterrestres sont engagées dans une "estivation", une stase, un état de torpeur prolongé dans lequel les organismes ont choisi d'hiberner pendant une période où les conditions de vie sont extrêmes et préjudiciables à leur survie (particulièrement froides, chaudes, sèches où sous l'effet de rayonnements ionisants) en attendant que les conditions s'améliorent.

Cela revient à dire que ces civilisations extraterrestres ont choisi une voie évolutive interne et ont d'autres préoccupations que d'établir un contact avec l'extérieur.

A voir : The Aestivation Hypothesis, 2017

Embarquement à bord d'une navette spatiale à destination d'un vaisseau interstellaire parqué en orbite autour de la Terre. Document T.Lombry.

Nous ne savons pas quoi chercher

Dans l'état actuel des choses, nous ne connaissons qu'une seule planète qui abrite la vie (la Terre) et un seul exemple de vie technologiquement avancée (la nôtre). Pour cette raison, toutes nos recherches de biosignatures et de technosignatures (y compris de robots) reposent entièrement sur ce que nous connaissons. Malheureusement, c'est un biais important mais qu'il est impossible de supprimer au risque de croire qu'il existe des carottes pensantes ou que les Transformers sont réels...

C'est peut-être là que se situe le problème et que nous devrions peut-être essayer d'ouvrir notre esprit. Malheureusement, cela n'est pas aussi simple à faire car les scientifiques ne savent pas par où commencer. Compte tenu des limites de notre savoir et de notre technologie, nous sommes obligés de rechercher des signatures que nous connaissons, ce qui rend impossible la recherche de la vie "telle que nous ne la connaissons pas" car de toute façon nous ne pourrions pas la reconnaître (cf. D'autres mondes dans l'article consacré au polymorphisme du monde).

Nous cherchons aux mauvais endroits

A l'heure actuelle, les efforts de l'humanité pour découvrir de la vie au-delà de la Terre se concentrent sur les corps rocheux, y compris à l'intérieur de notre planète (cf. la faculté d'adaptation). En-dehors de la Terre, la plupart de nos efforts pour trouver des traces de vie se focalisent sur Mars, un peu sur les astéroïdes et les comètes où les possibilités restent limitées, tandis que beaucoup d'astrobiologistes pensent que nos efforts devraient se concentrer sur des endroits plus propices comme les lunes Europe et Ganymède de Jupiter ou Encélade de Saturne et d'autres mondes "océaniques".

Cela soulève la possibilité que l'endroit le plus susceptible de trouver de la vie ailleurs dans l'Univers pourrait être dans les corps glacés abritant un océan interne. Mais cette vie serait incapable de communiquer avec nous puisqu'elle évoluerait sous la surface de l'astre et serait entièrement souterraine et aquatique. Grâce aux futures missions spatiales Juice de l'ESA et surtout Europa Clipper de la NASA, les chercheurs ont la possibilité de vérifier en partie cette hypothèse.

Nous n'avons pas cherché assez longtemps

En termes cosmologiques, l'humanité est une espèce relativement "avancée" depuis très peu de temps. Les communications radio n'existent sur Terre que depuis la toute fin du XIXe siècle (Marconi, 1894), les radiotélescopes n'existent que depuis les années 1930, la télévision depuis 1926 et s'est généralisée dans les années 1950. En tant que tel, il se pourrait que trop peu de temps se soit écoulé pour que des extraterrestres captent nos transmissions radio et TV ou pour que nous captions les leurs.

Pour rappel, dans un rayon de ~100 années-lumière autour de la Terre (le temps que les ondes eurent pour se propager dans l'espace depuis un siècle), il n'y a pas grand chose de plus que quelques 10000 étoiles très isolées et une centaine d'exoplanètes connues (dont les plus proches sont Proxima Centauri b (4.25 a.l.), Barnard b (5.4 a.l.), HD 219134 (21.6 a.l.), Gliese 876 (15.3 a.l.) et Gliese 367 (30.7 a.l.) mais aucune n'est habitable au risque d'être irradié et a priori aucune n'abrite une civilisation avancée.

Donc, s'il existe une civilisation extraterrestre, elle se situe au-delà de 100 années-lumière - on peut même dire de 1000 années-lumière -, et il faudra encore patienter un bon millier d'années et certainement plus pour que nos émissions artificielles leur parviennent. Bien sûr, la première information qu'ils capteront sera une émission très ancienne, remontant entre 1894 et 1930... Le temps qu'ils répondent, il se sera écoulé 2000 ans sur Terre. Dans l'intervalle, nous serons en l'an 4000, en espérant avoir progressé dans le bon sens.

La vie intelligente se détruit elle-même ou détruit les autres

Nous avons ici l'extension de l'hypothèse du Grand Filtre. On retrouverait dans l'Univers la loi innée du plus fort avec ses prédateurs et ses proie. Dans ce scénario, il se pourrait qu'aucune espèce intelligente ne survive aux crises majeures, changement climatique, guerre nucléaire, etc., ou que les espèces plus avancées éliminent les espèces moins avancées, créant ainsi l'illusion que la vie intelligente est rare.

Si nous découvrons un jour une civilisation extraterrestre et pouvons établir un contact, une petite enquête préalable et un peu méfiance seront nécessaires pour éviter tout "malentendu culturel". Ceci dit, si cette civilisation est capable de visiter la Terre, elle est forcément très en avance sur la nôtre avec toutes les conséquences que cela sous-entend. Pire, s'il y a conflit, il est probable que "toute résistance sera futile" comme le disent les Borgs de "Star Trek", notre destin étant alors soit l'assimilation soit la disparition, sans même avoir l'espoir de gagner une guerre asymétrique. On reviendra sur cet intéressant sujet à propos du contact avec des extraterrestres.

Tous les aliens sont morts

Pour expliquer l'absence d'extraterrestres, dans un article publié en 2016 dans la revue "Astrobiology" intitulé "The Case for a Gaian Bottleneck: The Biology of Habitability" (et résumé par "Science Daily"), Aditya Chopra et Charles H. Lineweaver prétendent que nous sommes seuls dans l'univers car "tous les aliens sont morts". On retrouve l'idée précédente de la destruction des civilisations.

On serait tenté d'y voir une validation de la conjecture de Hart-Tipler car si les aliens n'existent plus, alors ils n'existent pas. Mais ce raccourci intellectuel est faux car selon cette hypothèse, les extraterrestres ont existé à une époque. Nous sommes juste arrivés trop tard pour les rencontrer.

L'humanité est en avance à la fête

Une autre suggestion qui donne à réfléchir est que l'humanité est en fait l'une des premières espèces intelligentes à émerger dans l'univers et qu'elle n'a trouvé aucune espèce intelligente parce qu'aucune autre n'a encore atteint notre niveau de développement. Le physicien théoricien spécialisé en astrophysique et cosmologie Abraham "Avi" Loeb de l'Université d'Harvard et ses collègues ont suggéré cette possibilité dans un article intitulé "Relative Likelihood for Life as a Function of Cosmic Time" publié en 2016.

En explorant la possibilité que la vie émerge dans un système stellaire au fil du temps, les auteurs ont découvert que les étoiles à longue durée de vie (telles que les naines rouges de faible masse de classe M comme TRAPPIST-1 par exemple) ont les meilleures chances de produire des planètes porteuses de vie. Une autre étude a montré que les biosignatures sont davantage présentent sur les planètes gravitant autour de naines de classe K (cf. G.A. Arney, 2019). À cet égard, on pourrait affirmer que l'humanité est en fait "arrivée trop tôt à la fête", plutôt que trop tard comme on le pense généralement.

Entre l'émergence de la vie sur une planète et une civilisation extraterrestre avancée explorant l'univers, il y a un gouffre temporel d'au moins 4 milliards d'années d'évolution. Sans même ajouter le problème des distances cosmiques à parcourir et celui des technologies spatiales à inventer, les chances qu'une deuxième civilisation existe en même temps que l'humanité est a priori très faible. Mais en réalité nous n'en savons rien. A gauche, une exoplanète rocheuse habitable recouverte d'une atmosphère dense en orbite autour d'une étoile naine de classe K. A droite, un OVNI au-dessus d'une mer de nuages dans le massif alpin. Documents T.Lombry.

La vie intelligente est déjà là

Cette hypothèse plaira aux amateurs de science-fiction ! Selon cette théorie, non seulement les extraterrestres existent, mais ils sont parmi nous et collectent des informations au moment même où nous parlons.

Disons-le franchement, en posant la théorie avant les faits, cette théorie relève des pseudosciences et à des relents folkloriques chers aux fictions hollywoodiennes. Nous ne le dirons jamais assez, la présence d'extraterrestres sur notre planète n'a jamais été prouvée et vient juste alimenter les pseudo arguments des supporters des théories du complot et autre théorie des "Anciens Aliens".

Concrètement, les astronomes ont bien capté des signaux inhabituels très puissants ou répétitifs émanant du cosmos, aux dernières nouvelles aucun n'a été émis par une civilisation extraterrestre ou un appareil d'origine extraterrestre. Ainsi, les signaux périodiques de CP 1919 +21 ou des "Little Green Men" découverts en 1967 sont générés par un pulsar, le signal Wow! capté une seule fois en 1977 est soit d'origine terrestre soit émis par un objet céleste comme un nuage d'hydrogène (non confirmé), les fluctuations lumineuses de l'étoile de Tabby alias KIC 8462852 sont probablement provoquées par un disque de débris circumstellaire, une planète géante, des astéroïdes ou des comètes, les FRB sont des signaux émis par des sources naturelles qui pourraient être des étoiles compactes et Oumuamua n'est pas un vaisseau spatial comme l'imagine Loeb mais plus vraisemblablement un banal astéroïde d'origine interstellaire.

Quant aux OVNI (y compris les enlèvements), l'hypothèse extraterrestre reste ouverte mais fait l'objet de controverses du fait même que certaines manifestations impliquent l'existence des extraterrestres et la possibilité de voyager rapidement dans l'univers, c'est-à-dire dans des temps raisonnables compatibles avec la durée de vie des voyageurs et en préservant leur sécurité (à moins que ce soit des machines du genre robot).

Rappelons également une donnée statistique : la colonisation de la Galaxie n'a qu'une chance sur un milliard de se produire et un contact avec une civilisation de Kardashev de Type III a une probabilité de l'ordre de 10-17. Autant dire que la probabilité d'une visite extraterrestre est pratiquement nulle.

Donc en résumé, jusqu'à preuve du contraire, toutes ces manifestations d'OVNI n'ont rien à voir avec les extraterrestres, même si certains cas sont résolument étranges et demeurent inexpliqués à ce jour. Mais l'ignorance n'est pas une raison pour invoquer systématiquement les extraterrestres !

En guise de conclusion

Hélas, comme nous l'avons déjà souligné, comme toutes les autres, ces 20 explications souffrent du même problème fondamental : c'est de la science-fiction, des spéculations, des hypothèses gratuites qui ne reposent tout simplement sur rien de fondé ou plutôt uniquement sur les leçons que nous avons tirées (ou pas) de l'évolution des civilisations humaines.

De plus, il est impossible de les contredire et donc aucune de ces hypothèses ou réponses n'est une théorie réfutable au sens Popperien (cf. le critère de falsification). Comme il est impossible de les contredire, ce sont des jeux de l'esprit où les auteurs se plaisent à disserter sur leurs certitudes. Autrement dit, ce ne sont pas de bonnes théories scientifiques comme l'entendent les chercheurs.

Tant que nous n'aurons pas trouvé d'exemples de vie extraterrestre voire de civilisation avancée, nous ne saurons pas avec certitude dans quelles conditions la vie peut émerger et évoluer ailleurs dans l'univers. En attendant la réponse, la solution de la formule de Drake restera indéterminée, N valant 1 puisque nous existons, à une infinité en théorie.

Mis à jour en 2023.

Pour plus d'informations

Sur ce site

La formule de Drake

L'échelle de Kardashev et l'échelle de Barrow

Réévaluation du paradoxe de Fermi (l'hypothèse de la migration de Cirkovic et Bradbury)

Existe-t-il une vie complexe ailleurs dans l'univers ? (l'hypothèse de la Terre Rare)

La vie sous toutes ses formes

La vie autour des étoiles géantes rouges

La physique des civilisations extraterrestres

La forme de vie dominante dans le cosmos est probablement artificielle

L'espérance de vie d'une société

Le contact avec les extraterrestres

Et si nous étions seuls.

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