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Physique des particules

Une déformation spatio-temporelle représentée dans un espace-temps statique. Document adapté de iStock.

Les particules subissent l'influence de la gravité à distance (II)

En physique quantique, les particules peuvent ressentir l'influence des champs magnétiques même ceux avec lesquels elles n'entrent jamais en contact direct. A présent, des physiciens ont découvert que cet étrange effet quantique vaut également pour la gravité.

Nous savons depuis bientôt un siècle que les deux théories cadres de la physique, la mécanique quantique et la relativité générale ne fonctionnent pas bien ensemble du fait qu'elles s'opposent sur le principe de localité (en relativité, deux objets distants ne peuvent pas avoir une influence directe l'un sur l'autre, alors que c'est visiblement le cas en physique quantique comme nous allons l'expliquer). A ce jour, les physiciens ne savent pas comment combiner les deux théories pour décrire la réalité (cf. les théories unitaires). Le fait de pouvoir explorer la gravité avec un sonde quantique est donc une expérience très intéressante et l'un des défis les plus importants de la physique moderne. Explications.

Habituellement, pour subir l'effet d'un champ magnétique, une particule doit le traverser. Un électron par exemple doit traverser un champ magnétique pour produire un champ électrique (cf. la dynamo).

Mais en 1959, les physiciens Yakir Aharonov et David Bohm ont prédit que dans des conditions spécifiques, un champ magnétique contenu dans une région cylindrique peut affecter des particules - en l'occurrence des électrons - alors qu'ils ne sont jamais entrés dans le cylindre. Il s'agit de l'effet Aharonov-Bohm qui une fois de plus met notre logique à l'épreuve.

Dans cette expérience, les électrons n'ont pas d'emplacements définis mais sont dans des superpositions d'états quantiques décrits par la probabilité qu'une particule se matérialise en deux endroits différents. Chaque particule en superposition d'état emprunte simultanément deux chemins différents autour du cylindre magnétique. Bien qu'elle ne touche jamais les électrons et n'exerce donc aucune force sur eux, le champ magnétique modifie le schéma de localisation des particules à la fin de leur parcours, comme l'ont confirmées plusieurs expériences.

Dans un article publié dans la revue "Science" en 2022, le physicien Mark Kasevich de l'Université de Stanford et ses collègues ont tenté une nouvelle expérience sur les champs gravitationnels et mirent en évidence la même physique étrange.

Kasevich et ses collègues ont lancé des atomes de rubidium à l'intérieur d'une chambre à vide de 10 mètres de haut et des lasers les ont ensuite percutés pour les placer dans des superpositions d'états sur deux trajectoires différentes et ont observé comment ils arrivaient à destination. L'expérience a été conçue de façon à ce que les chercheurs puissent filtrer les effets des interactions gravitationnelles pour mettre en évidence l'effet Aharonov-Bohm. Les particules se déplaçaient librement, dans une zone hors de l'influence des champs gravitationnels.

Le phénomène d'interférence (cf. l'expérience de la double fente de Young) est au coeur de cette expérience. En physique quantique, toutes les particules se comportent comme des ondes qui peuvent s'additionner et se soustraire, tout comme deux vagues en phase fusionnant dans l'océan forment une onde plus grande.

A la fin du parcours des atomes, les physiciens ont recombiné les deux trajectoires des atomes pour que leurs ondes interfèrent, puis ont mesuré les atomes à leur destination. A cette échelle, les emplacements d'arrivée sont très sensibles au déphasage des ondes, le moindre écart modifiant l'endroit où les pics d'amplitudes maximales et minimales arrivent, à l'image d'un effet de moiré qui varie selon la position de l'objet.

Au sommet de la chambre à vide, les chercheurs ont placé un morceau de tungstène d'une masse de 1.25 kg. Pour isoler l'effet Aharonov-Bohm, les scientifiques ont réalisé la même expérience avec et sans cette masse, et pour deux ensembles différents d'atomes, l'un circulant près de la masse, l'autre plus loin et plus bas. Chacun de ces deux ensembles d'atomes a été divisé en superpositions d'états, l'un suivant une trajectoire le menant plus près de la masse que l'autre, environ 25 cm séparant les deux ensembles. D'autres ensembles d'atomes en superpositions d'états réparties sur de plus petites distances complétaient l'expérience.

La comparaison de l'interférence des différents ensembles d'atomes, avec et sans la masse de tungstène, révéla un déphasage qui n'était pas dû à la force gravitationnelle. Ce phénomène provenait de la "dilatation du temps" (ou "ralentissement du temps"), une caractéristique de la théorie de la relativité générale d'Einstein qui montre que le temps s'écoule plus lentement à proximité d'un objet massif.

Comme le dit Kasevich, "Chaque fois que je regarde cette expérience, je me dis : C'est incroyable que la nature soit ainsi."

L'expérience a révélé non seulement l'effet Aharonov-Bohm dans un nouveau contexte, mais présente également le potentiel d'étudier des effets subtils dans les systèmes gravitationnels. Les chercheurs envisagent notamment d'utiliser ce type de technique pour mieux mesurer la constante de la gravitation de Newton, G, qui révèle l'intensité de l'interaction gravitationnelle qui, actuellement est connue avec moins de précision que d'autres constantes fondamentales de la nature (cf. J.Luo et al., 2018).

Le proton contiendrait un quark charm

Dans un article publié dans la revue "Nature" en 2022 (cf. aussi le podcast), les membres de la Collaboration NNPDF ont apporté des preuves solides selon lesquelles le proton contiendrait un quark charm. En novembre 2023, une étude menée par les mêmes chercheurs fournit des indications supplémentaires sur la distribution asymétrique des quarks charm et anti-charm dans le proton, renforçant l'hypothèse d'une composante charm intrinsèque (cf. R.D. Ball et al., 2023). Bien que ces résultats soient significatifs, la confirmation définitive de la présence de quarks charm dans le proton nécessite des recherches et des données supplémentaires. En 2025, la découverte n'était pas encore confirmée.

La chromodynamique quantique (CDQ), c'est-à-dire la théorie de l'interaction nucléaire forte, nous dit que la structure d'une particule est régie par les probabilités. Un proton est constitué de deux quarks up (u) et d'un quark down (d) liés par des vecteurs de force appelés les gluons. Mais cette théorie prédit également que les protons, comme les neutrons ou tous les autres hadrons, contiennent une multitude d'autres paires de quark-antiquark.

La plupart de ces particules supplémentaires sont générées lorsque des gluons sont accélérés lors de collisions à haute énergie entre protons, tout comme la théorie électromagnétique nous dit que des photons sont émis lorsque des particules chargées accélèrent. Mais ce qui est moins clair, c'est dans quelle mesure il pourrait y avoir des quarks supplémentaires dans les protons et les neutrons, ce qu'on appelle les quarks intrinsèques qui contribuent aux fonctions d'ondes quantiques des hadrons.

Arrêt sur image sur la structure probabiliste d'un proton composé de trois quarks (u,u,d). Document SPL.

Les scientifiques s'accordent sur l'existence de quarks étranges (s) intrinsèques, étant donné que les quarks étranges ont une masse au repos très inférieure à celle des protons. Cependant, l'existence et l'éventuelle contribution des quarks charmés (c) intrinsèques demeure incertaine. Ces quarks sont plus lourds que les protons, mais seulement d'une petite quantité, laissant ouverte la possibilité qu'ils représentent une petite composante mais néanmoins observable de la masse du proton.

Une expérience réalisée par la Collaboration Européenne du Muon (EMC) du CERN en 1980 (cf. S.J. Brodsky et al., 1980) suggéra que le proton pourrait contenir un quark charm et son antiparticule, un anticharm, mais les résultats n'ont pas été concluants et furent controversés.

Depuis d'autres expériences furent réalisées pour identifier l'éventuel quark charm intrinsèque du proton, mais jusqu'à présent tous les résultats furent contradictoires et on a du mal à séparer les éléments constitutifs intrinsèques du proton de l'environnement à haute énergie des accélérateurs de particules, où chaque type de quark est créé et détruit dans une cascade de réactions.

Cette fois, Juan Rojo de l'Université Libre d'Amsterdam (VUA) aux Pays-Bas et ses collègues physiciens de l'Université de Milan et de l'Université d'Édimbourg ont trouvé des "preuves sans ambiguïté" qu'une petite partie de la quantité de mouvement ou impulsion du proton, environ 0.5%, provient du quark charm intrinsèque.

Selon Rojo, "Il est remarquable que même après toutes ces décennies d'études, nous découvrions encore de nouvelles propriétés du proton et, en particulier, de nouveaux constituants."

Pour isoler le quark charm, Rojo et son équipe ont utilisé un modèle d'apprentissage automatique pour proposer des structures de protons hypothétiques composées de toutes les différentes saveurs de quarks, ce qu'on appelle les fonctions de distribution de partons ou PDF, c'est-à-dire des densités de probabilité, qu'ils appellent NNPDF4.0. Pour rappel, le "parton" est un terme générique inventé par Richard Feynman en 1969 pour décrire les entités ponctuelles constituant les hadrons appelées de nos jours les quarks et les gluons, afin d'analyser les collisions à haute énergie entre particules et modéliser leurs interactions.

Les chercheurs ont ensuite comparé ces résultats à plus de 500000 collisions réelles issues de décennies d'expériences dans les accélérateurs de particules, y compris au LHC.

L'utilisation de l'apprentissage automatique était particulièrement importante car elle permet de générer des modèles auxquels les physiciens ne penseraient pas nécessairement, réduisant ainsi le risque de mesures biaisées.

Les chercheurs ont découvert que si le proton ne contient pas de paires de quarks c, il n'y a que 0.3% de probabilité d'obtenir le résultat observé, soit un écart-type ou erreur de dispersion de 3σ, qui est considéré comme le signe potentiel d'un évènement intéressant. Mais il faudrait atteindre 5σ pour revendiquer une découverte, ce qui équivaut à 1 chance sur 3.5 millions qu'il s'agisse d'un résultat aléatoire.

L'équipe a examiné les résultats récents de l'expérience LHCb sur le boson Z et modélisa la distribution statistique de la quantité de mouvement du proton avec et sans quark charmé. Ils ont trouvé que le modèle correspondait mieux aux résultats si le proton était supposé contenir un quark charm. Cela signifie que la présence d'un quark charm est plus probable que le niveau sigma lui-même ne le suggère.

L'existence du quark charm dans le proton pourrait également intéresser d'autres expériences de physique au LHC, car elles s'appuient sur le modèle Standard des particules et en particulier sur des modèles précis de la sous-structure du proton. L'observatoire de neutrinos IceCube installé en Antarctique, qui recherche les neutrinos produits lorsque les rayons cosmiques frappent l'atmosphère terrestre, pourrait également avoir besoin de prendre en compte cette nouvelle structure. Selon Rojo, "La probabilité qu'un rayon cosmique impacte un noyau atmosphérique et produise des neutrinos est assez sensible à l'abondance du quark charm du proton."

Mais tous les physiciens ne sont pas aussi enthousiastes. La physicienne Ramona Vogt du Laboratoire National Lawrence Livermore (LLNL) considère que "ce résultat est un pas en avant mais ce n'est pas le dernier mot", sous-entendant que nous sommes encore loin d'avoir une preuve. Le physicien Wally Melnitchouk du Thomas Jefferson National Accelerator Facility américain est même plus critique. Il considère que les preuves de NNPDF dépendent de la façon dont il définit le charm intrinsèque et des choix qu'il fait pour le calcul perturbatif, arguant que les définitions d'autres groupes qui n'ont pas trouvé de preuves sont également valables. Il soutient qu'un signal beaucoup plus convaincant serait l'observation d'une différence entre les PDF charm et anticharm dans le proton : "Une différence non nulle entre ceux-ci est beaucoup moins sensible aux choix de schémas théoriques et de définitions."

Bref, pour mettre tout le monde d'accord, il faut à présent refaire l'expérience et encore la refaire pour améliorer la précision afin d'être certain du résultat. On y reviendra en temps utile.

Découverte d'une signature du boson de Higgs axial

Dans un article publié dans la revue "Nature" en 2022 (en PDF sur arXiv), Kenneth Burch, professeur de physique au Boston College du Massachussetts et ses collègues ont annoncé la découverte d'un mode collectif en matière condensée, décrit comme un "parent magnétique" du boson de Higgs, appelé le boson de Higgs axial. Cependant, ce n'est pas une nouvelle particule élémentaire comme celles du modèle Standard et il n'a pas de lien direct avec le boson de Higgs.

En physique des particules, le boson de Higgs axial ne fait pas partie des excitations du champ de Higgs. Il apparaît dans des extensions théoriques où le champ de Higgs possède des degrés de liberté supplémentaires, comme dans les modèles à deux doublets de Higgs (2HDM) ou les théories avec symétries axiales. La découverte rapportée ici concerne uniquement un mode collectif en matière condensée.

Pour rappel, un mode collectif est une excitation, une perturbation émergente résultant du comportement collectif d'un grand nombre de particules (électrons, spins, phonons, etc.) dans un matériau. Contrairement à une particule élémentaire qui peut exister indépendamment du milieu, un mode collectif ne peut exister que dans le matériau qui lui donne naissance.

Alors que la découverte du boson de Higgs élémentaire a nécessité toute la puissance du LHC, le boson de Higgs axial a été observé dans une expérience qui tient sur une table, bien plus simple en apparence.

Le boson de Higgs axial est ce que les physiciens appellent une excitation d'une composante pseudo-scalaire d'un champ de Higgs généralisé qui fut détectée dans un système magnétique supraconducteur avec onde de densité de charge (CDW), un phénomène impliquant des ondes d'électrons. C'est un exemple de mode de Higgs en matière condensée, c'est-à-dire une oscillation collective analogue au boson de Higgs, mais dans un matériau physique constitué d'atomes (comme certains supraconducteurs).

Le boson de Higgs axial diffère du boson de Higgs découvert en 2013, car il possède un moment magnétique, une interaction magnétique ou une orientation qui génère un champ magnétique. En conséquence, il requiert une description théorique plus complexe que son homologue non magnétique.

Pour rappel, aux premiers instants de l'Univers, il n'y avait pratiquement pas de distinction entre les forces et les particules; les interactions étaient unies et toutes les particules étaient presque identiques. Au fur et à mesure que l'Univers se refroidit, il y eut plusieurs brisures de symétrie dont une au cours de laquelle les interactions électrofaible et forte se sont séparées de la GUT (Théorie de Grande Unification). Cela conduisit les bosons W et Z à interagir avec le champ de Higgs pour acquérir leur masse et à se comporter très différemment des photons.

Le boson de Higgs est produit dans la nature chaque fois qu'une telle symétrie est brisée. Généralement, une seule symétrie est brisée à la fois, et donc le Higgs est simplement décrit par son énergie. Toutefois, la théorie derrière le boson de Higgs axial est plus compliquée.

Selon Burch, "Dans le cas du boson de Higgs axial, il semble que plusieurs symétries soient rompues ensemble, conduisant à une nouvelle forme de théorie et à un mode de Higgs [les oscillations spécifiques d'un champ quantique comme le champ de Higgs] qui nécessite plusieurs paramètres pour le décrire : spécifiquement, l'énergie et le moment magnétique."

L'expérience

L'étude visait à explorer les propriétés vectorielles d'un mode de Higgs à faible énergie à l'aide d'expériences dépassant les techniques spectroscopiques ou de diffusion classiques. La principale difficulté pour le détecter réside dans le fait qu'il n'apparaît que dans une onde de densité de charge (CDW), c'est-à-dire qu'il émerge d'une excitation collective couplée aux électrons. Ensuite, il est crucial de l'isoler des autres signaux et du bruit ambiant pour le caractériser correctement.

Spectres Raman à 300 K du GdTe3. Le tracé supérieur fut obtenu en polarisation linéaire parallèle. Le mode de Higgs est ombré en rouge. Le tracé du bas fut obtenu en polarisation linéaire croisée (lumière incidente alignée avec la direction a'=45° par rapport à l'axe a et lumière diffusée le long de la direction b'=45° par rapport à l'axe a). Document K.Burch et al. (2022) adapté par l'auteur.

Le boson de Higgs ne se couple pas directement avec les photons et est difficile à créer. En revanche, selon les chercheurs, le boson de Higgs axial est apparu dans des matériaux quantiques à température ambiante, lorsque les matériaux imitaient des oscillations CDW. Les chercheurs ont ensuite utilisé la diffusion de la lumière pour observer l'état d'excitation. Les chercheurs ont découvert un mode de Higgs axial dans du RTe3 (avec R=La, Gd) grâce aux interférences quantiques.

Selon Burch, "Nous avons trouvé le boson de Higgs axial à l'aide d'une expérience d'optique de table qui repose sur une table mesurant environ un mètre de côté en se concentrant sur un matériau doté d'une combinaison unique de propriétés. Plus précisément, nous avons utilisé du tritelluride de terres rares (RTe3) [un matériau quantique avec une structure cristalline hautement 2D]. Les électrons de RTe3 s'auto-organisent en une onde où la densité de la charge est périodiquement augmentée ou réduite3) [un matériau quantique avec une structure cristalline hautement 2D]."

La taille des oscillations CDW qui émergent au-dessus de la température ambiante peut être modulée dans le temps, produisant le mode de Higgs axial.

Les chercheurs ont créé le mode de Higgs axial en envoyant un rayon laser de 700 μW dans un cristal de RTe3. La lumière changea de fréquence (de couleur) dans un processus connu sous le nom de diffusion Raman. Elle fut ensuite analysée par un spectromètre équipé d'un réseau de diffraction. C'est l'énergie perdue lors du changement de fréquence qui créa le mode de Higgs axial.

Les chercheurs on ensuite fait tourner le cristal pour étudier sa polarisation et ont découvert que le mode de Higgs axial contrôle également le moment cinétique des électrons, c'est-à-dire la vitesse à laquelle ils se déplacent dans le matériau, ce qui signifie que ce mode doit également être magnétique.

Selon Burch, "À l'origine, nous étudiions simplement les propriétés de diffusion de la lumière de ce matériau. En examinant attentivement la symétrie de la réponse - en quoi elle différait lorsque nous faisions pivoter l'échantillon - nous avons découvert des changements anormaux qui étaient les premiers indices de quelque chose de nouveau. En tant que tel, il s'agit du premier Higgs magnétique de ce type à être découvert et indique que le comportement collectif des électrons dans le RTe3 ne ressemble à aucun état précédemment observé dans la nature."

Les physiciens des particules avaient déjà prédit un mode axial du boson de Higgs et l'avait envisagé comme un candidat possible de la matière sombre, mais c'est la première fois qu'il est observé. C'est aussi la première fois que des scientifiques observent un état avec plusieurs symétries brisées.

Parmi les recherches à venir, sachant que les brisures de symétrie font partie des théories physiques actuelles, cela pourrait être un moyen de créer des particules jusqu'ici invisibles qui pourraient expliquer la matière sombre. En effet, selon Burch, "L'idée de base est que pour expliquer la matière sombre, vous avez besoin d'une théorie cohérente avec les expériences de particules existantes, mais produisant de nouvelles particules qui n'ont pas encore été observées." L'ajout de cette brisure de symétrie supplémentaire via le mode de Higgs axial est un moyen d'y parvenir.

Divergence sur la masse du boson W

Après 10 ans d'analyses et d'examens minutieux des données de l'accélérateur de particules Tevatron du Fermilab, les chercheurs de la Collaboration CDF du FNAL (Fermi National Accelerator Laboratory) géré par le DoE ont annoncé qu'ils avaient réalisé la mesure la plus précise à ce jour de la masse (l'énergie de repos) du boson W, l'un des vecteurs de l'interaction faible. En utilisant les données recueillies par le CDF (Collider Detector at Fermilab), les chercheurs ont réussi à calculer la masse du boson W avec une précision de 0.01%, soit un écart-type très faible et une très forte compatibilité des données avec les prédictions du modèle Standard. Cette mesure est deux fois plus précise que la meilleure mesure précédente faite avec le détecteur ATLAS du CERN

Le modèle Standard des particules impose des contraintes strictes sur la masse du boson W. Étonnamment, la masse mesurée par les différentes expériences est significativement plus élevée (avec un écart-type de 7σ) que ce que prédit le modèle Standard.

Sur base de l'analyse des données rassemblées par les 397 chercheurs de la Collaboration CDF en 2012 (où la masse du boson W avait été calculée avec une précision de 0.02%), les chercheurs ont publié une nouvelle mesure de sa masse dans un article publié dans la revue "Science" en 2022. Le résultat est basé sur l'observation de 4.2 millions de candidats bosons W, soit environ quatre fois plus que lors de l'expérience de 2012.

La masse du boson W (en MeV/c2) calculée au cours des différentes expériences s'écarte significativement de la valeur prédite par le modèle Standard. Document Coll. CDF (2022) adapté par l'auteur.

Selon les chercheurs, "En utilisant des données correspondant à 8.8 femtobarns inverses (fb-1) de luminosité intégrée collectés dans des collisions proton-antiproton à une énergie de centre de masse de 1.96 TeV avec le détecteur CDF II du collisionneur Tevatron du Fermilab Tevatron, un échantillon d'environ 4 millions de bosons W candidats fut utilisé pour obtenir MW = 80433.5 ±9.4 MeV/c2, dont la précision dépasse celle de toutes les mesures précédentes combinées. Cette mesure est en tension significative avec l'attente du modèle Standard." Cette masse représente environ 80 fois celle du proton (valant 938.21 MeV/c2).

Cette valeur est basée sur des calculs complexes du modèle Standard qui relient étroitement la masse du boson W aux mesures des masses du quark top et celle du boson de Higgs.

Par comparaison, la nouvelle mesure obtenue au CERN après la publication de l'article du CDF est de 80354 ±32 MeV/c2, très proche du modèle Standard qui est de 80357 ±6 MeV/c2, mais l'écart-type est supérieur à la mesure du CDF, ce qui l'entache d'une sérieuse incertitude.

Selon Giorgio Chiarelli de l'Institut National Italien de Physique Nucléaire (INFN-Pise) et coporte-parole du CDF, "De nombreuses expériences de collisionneurs ont produit des mesures de la masse du boson W au cours des 40 dernières années. Ce sont des mesures difficiles et compliquées, et elles ont atteint une précision toujours plus grande. Il nous a fallu de nombreuses années pour passer en revue tous les détails et les vérifications nécessaires. C'est notre mesure la plus robuste à ce jour, et l'écart entre les valeurs mesurées et attendues persiste."

Selon Ashutosh V. Kotwal de l'Université de Duke qui dirigea cette analyse, "le nombre de candidats pris en considération et les améliorations des vérifications supplémentaires du résultat sont énormes."

La nouvelle valeur est en accord avec de nombreuses mesures précédentes de la masse du boson W, mais il y a aussi quelques divergences.

Selon Joe Lykkne du Fermilab, "Bien qu'il s'agisse d'un résultat intrigant, la mesure doit être confirmée par une autre expérience avant de pouvoir être pleinement interprétée." Si elle est confirmée, cette mesure suggère qu'il faut encore améliorer les calculs du modèle Standard ou envisager son extension. En effet, les physiciens interprètent ces différences entre les valeurs expérimentales et la valeur attendue à l'existence éventuelle d'une nouvelle particule ou d'une nouvelle interaction fondamentale.

Conclusion, avant d'évoquer une nouvelle particule ou une physique exotique, des nouvelles mesures seront nécessaires pour élucider ce mystère.

L'universalité des leptons invalidée par le LHCb

Le modèle Standard des particules prédit que les différents leptons chargés, l'électron, le muon et le tau (ou méson tau), présentent des interactions électrofaibles similaires. En effet, ils interagissent tous avec le boson W ou Z. Cependant, leurs différences de masse (cf. ce tableau) affectent l'intensité de leurs interactions. Par conséquent, bien que leur mode d'interaction soit le même, leurs taux de création lors des transformations ou des désintégrations de particules peuvent différer. Et de fait, jusqu'à présent, les mesures expérimentales soutiennent le "principe d'universalité de la saveur des leptons" ou l'universalité des leptons pour faire court, qui stipule que ces interactions sont similaires entre les leptons.

Toutefois, en 2014 au cours d'une nouvelle expérience de collision proton-proton réalisée par la Collaboration LHCb du CERN et reprise ensuite par d'autres équipes de physiciens à travers le monde, les chercheurs ont constaté que les quarks b (bottom ou beauty) se désintégraient de manière inattendue, mettant en évidence une possible différence de comportement entre les différents types de leptons.

Les mesures portent sur des processus au cours desquels interagissent des baryons b ou des mésons b (des particules composites contenant au moins un quark b ou selon le cas) dans lesquels le quark b () se transforme en un quark s () avec l'émission de leptons, soit d'un électron et d'un positron, soit d'un muon et d'un antimuon. Voici deux réactions de désintégration d'un méson B+ (u) et d'un baryon Λ0b (bdu) en kaon chargé K+ (u) ou K- (s) et en pion π chargé (d ou u) :

B+  →  K+  +  μ+μ-  et  B+  →  K+  +  e+e-

Λ0b  →  Λc+  + K+  +  π+  et  Λ0b  →  Λc+  +  K- + π-

En filtrant les données de collisions pp à des énergies de 7, 8 et 13 TeV, la Collaboration LHCb a identifié des baryons b appelés Λb (ou Λ0b) et ont calculé la probabilité avec laquelle ils se désintégraient en kaon chargé et leptons, soit une paire de muon-antimuon soit en une paire d'électron-antiélectron (comme on le voit ci-dessus, Λ0b se désintègre également en charmonium Λc+ ou J/ψ composé des quarks c).

L'équipe a ensuite calculé le rapport entre ces deux taux de désintégration. Si l'universalité des leptons résiste au test, ce rapport devrait être proche de 1. Une déviation par rapport à cette prédiction pourrait par conséquent signaler une violation du principe de l'universalité des leptons.

A consulter : Large Hadron Collider beauty experiment, CERN

Le détecteur LHCb du CERN. Il permet d'étudier les propriétés des particules et des anti-particules ainsi que les désintégrations rares des mésons b et c. L'image de droite fut prise en septembre 2016 lors d'un arrêt technique. Documents CERN/IN2P3 et CERN.

Les chercheurs ont obtenu un rapport légèrement inférieur à 1, avec écart-type d'environ 1σ, bien en dessous de la norme de 5σ (soit une probabilité de 1 sur 3.5 millions qu'il s'agisse de l'effet du hasard) nécessaire pour annoncer une réelle différence entre les taux de désintégration. Les chercheurs notent cependant que ce résultat va de nouveau dans le même sens que les résultats antérieurs qui ont montré des indices selon lesquels les désintégrations en une paire de muon-antimuon sont moins fréquentes que celles en une paire d'électron-antiélectron.

Ce résultat est étrange car le muon est essentiellement une "copie" de l'électron, identique en tous points sauf qu'il est environ 200 fois plus lourd. On s'attendrait à ce que les quarks b se désintègrent en muons aussi souvent qu'ils le font en électrons.

Prises séparément, ces mesures n'avaient pas une signification statistique suffisante pour indiquer une violation de l'universalité des leptons, et donc une faille dans le modèle Standard, mais il était intriguant que des signes d'une différence se répètent dans diverses désintégrations de particules et au cours de plusieurs expériences.

En 2019, la Collaboration LHCb a de nouveau effectué la même expérience de désintégration des quarks b, mais cette fois avec des données supplémentaires enregistrées en 2015 et 2016. Les résultats indiquent également une différence dans le taux de désintégration des quarks b, cette fois avec un écart-type de 3.1σ, soit une probabilité de 1 sur 10000 (ou 0.01%) que les données soient l'effet du hasard. C'est toujours insuffisant pour annoncer une découverte, mais on s'approche d'une valeur significative (cf. Collaboration LHCb, 2022, en PDF sur arXiv).

Sans l'annoncer officiellement mais en publiant malgré tout plusieurs articles académiques sur le sujet, le CERN confirme qu'il y a donc une rupture de l'universalité des leptons dans les désintégrations des quarks bottom. Reste à comprendre pourquoi ou plus exactement à cause de quoi ?

La seule façon d'expliquer ces désintégrations à des taux différents serait la présence durant les interactions d'une nouvelle particule non détectée et non prédite par le modèle Standard qui serait favorable aux électrons au détriment des muons. On évoque par exemple un hypothétique boson Z' ou un leptoquark (qui a la capacité unique de se désintégrer simultanément en quarks et en leptons). Cela pourrait aussi signifier qu'il existerait une cinquième interaction fondamentale (cf. l'expérience Muon g-2).

Selon les chercheurs, "Si le résultat est confirmé par de futures mesures, cette violation de l'universalité des leptons impliquerait une physique au-delà du modèle Standard, telle qu'une nouvelle interaction fondamentale entre les quarks et les leptons."

Mais il faut se méfier des interprétations et des conclusions hâtives. Nous verrons à propos de l'éventuelle cinquième interactions fondamentale, que ces résultats ne sont pas encore la preuve d'une nouvelle physique et ne signent pas encore la fin du modèle Standard.

Créer une dimension supplémentaire du temps

Des physiciens ont soumis des atomes à l'intérieur d'un ordinateur quantique à des impulsions laser obéissant à la suite de Fibonacci et ont créé une phase complètement nouvelle et étrange de la matière qui se comporte comme si elle avait deux dimensions de temps. La technique pourrait être utilisée pour protéger les données des ordinateurs quantiques contre les erreurs. Les chercheurs ont présenté leur découverte dans un article publié dans la revue "Nature" en 2022.

Selon Philipp Dumitrescu, chercheur au Centre de physique quantique computationnelle de l'Institut Flatiron de New York et auteur principal de cet article, l'inclusion d'une dimension temporelle supplémentaire théorique "est une façon complètement différente de penser les phases de la matière. Je travaille sur ces idées théoriques depuis plus de cinq ans, et les voir se concrétiser dans des expériences est passionnant."

Gros-plan sur la chambre servant de piège à ions où sont confinés les qubits qui est au coeur des ordinateurs quantiques de Quantinuum.

Les physiciens n'ont pas cherché à créer une phase avec une dimension temporelle supplémentaire théorique, ni cherché une méthode pour permettre un meilleur stockage des données quantiques. En fait, ils voulaient créer une nouvelle phase de la matière, au-delà du solide, du liquide, du gaz et du plasma.

Ils ont commencé par construire la nouvelle phase du processeur quantique H1 de la société d'ordinateurs quantiques Quantinuum, qui se compose de 10 ions d'ytterbium (70Yb, un métal des terres rares) placés dans une chambre à vide qui sont contrôlés avec précision par des lasers dans un piège à ions tel celui présenté à gauche. La nouvelle phase de la matière fut créée en utilisant des impulsions laser pour faire résoner en rythme les 10 ions d'ytterbium.

Pour contourner les effets de la décohérence qui détruit l'information et créer une nouvelle phase stable, les physiciens se sont tournés vers les phases dites topologiques. L'intrication quantique ne permet pas seulement aux dispositifs quantiques d'encoder des informations à travers les positions statiques singulières des qubits, mais aussi de les intégrer dans les mouvements dynamiques et les interactions de l'ensemble du matériau - dans la forme même, ou la topologie, des états intriqués du matériau. Cela crée un qubit "topologique" qui encode les informations dans plusieurs parties plutôt qu'une seule partie, ce qui rend la phase beaucoup moins susceptible de perdre ses informations.

Une caractéristique clé du passage d'une phase à une autre est la rupture des symétries physiques - l'idée que les lois de la physique sont les mêmes pour un objet quel que ce soit le moment ou le lieu. Prenons l'exemple de l'eau. En tant que liquide, les molécules d'eau suivent les mêmes lois physiques en tout point de l'espace et dans toutes les directions. Mais si on refroidit suffisamment l'eau pour qu'elle se transforme en glace, ses molécules choisiront des points réguliers le long du réseau cristallin pour s'organiser. Du coup, les molécules d'eau occupent des points préférentiels dans l'espace et laissent les autres points vides ; la symétrie spatiale de l'eau a été spontanément brisée.

La création d'une nouvelle phase topologique à l'intérieur d'un ordinateur quantique repose également sur la rupture de symétrie, mais avec cette nouvelle phase, la symétrie n'est pas brisée dans l'espace, mais dans le temps.

En donnant à chaque ion de la chaîne une secousse périodique avec les lasers, les physiciens voulaient briser la symétrie temporelle continue des ions au repos et imposer leur propre symétrie temporelle - où les qubits restent les mêmes à certains intervalles de temps - qui créerait une phase topologique rythmique à travers le matériau.

Mais l'expérience échoua. Au lieu d'induire une phase topologique insensible aux effets de la décohérence, les impulsions laser régulières ont amplifié le bruit extérieur au système, le détruisant moins de 1.5 seconde après sa mise sous tension.

Après avoir reconsidéré l'expérience, les chercheurs ont réalisé que pour créer une phase topologique plus robuste, ils auraient besoin de nouer plus d'une symétrie temporelle dans le brin ionique pour réduire les risques de brouillage du système. Pour ce faire, ils ont décidé de trouver un modèle d'impulsion qui ne se répétait pas simplement et régulièrement, mais qui présentait néanmoins une sorte de symétrie plus élevée dans le temps.

Un pavage de Penrose construit à partir de losanges de formes différentes. Ces figures permettent notamment de visualiser la structure périodique des quasi-cristaux.

Cela les a conduits à la série de Fibonacci, dans laquelle le numéro suivant de la séquence est créé en ajoutant les deux précédents. Alors qu'une simple impulsion laser périodique peut simplement alterner entre deux sources laser (A, B, A, B, A, B, etc.), leur nouveau train d'impulsions fonctionne plutôt en combinant les deux impulsions précédentes (A, AB, ABA, ABAAB, ABAABABA, etc.).

Cette impulsion de Fibonacci créa une symétrie temporelle qui, tout comme un quasi-cristal dans l'espace, s'est organisée sans jamais se répéter. Et tout comme un quasi-cristal, les impulsions de Fibonacci écrasent également un motif de dimension supérieure sur une surface de dimension inférieure. Dans le cas d'un quasi-cristal spatial tel que le pavage de Penrose (cf. aussi ces animations et cette programmation en Python), une tranche d'un réseau à cinq dimensions est projetée sur une surface à deux dimensions. En regardant le modèle d'impulsion de Fibonacci, on observe deux symétries temporelles théoriques s'aplatir en une seule physique.

Selon les chercheurs, "Le système obtient essentiellement une symétrie supplémentaire d'une dimension temporelle supplémentaire inexistante." Le système apparaît comme un matériau qui existe dans une dimension supérieure avec deux dimensions de temps - même si cela peut être physiquement impossible dans la réalité.

Lorsque l'équipe l'a testé, la nouvelle impulsion quasi-périodique de Fibonacci créa une phase topographique qui protégea le système contre la perte de données pendant les 5.5 secondes que dura le test; la phase était insensible à la décohérence bien plus longtemps que les autres.

Selon Dumitrescu, "Avec cette séquence quasi-périodique, il y a une évolution compliquée qui annule toutes les erreurs qui vivent sur le bord. A cause de cela, le bord reste cohérent sur le plan de la mécanique quantique beaucoup, beaucoup plus longtemps que prévu."

Bien que les physiciens aient atteint leur objectif, un obstacle intellectuel demeure pour faire de leur phase un outil utile pour les programmeurs quantiques : l'intégrer dans la partie informatique de l'informatique quantique afin qu'il puisse être utilisé avec des calculs.

Selon Dumitrescu, "Nous avons cette application directe et alléchante, mais nous devons trouver un moyen de l'intégrer dans les calculs. C'est un problème ouvert sur lequel nous travaillons." Si on y arrive, on pourra stocker des informations d'une manière beaucoup mieux protégée contre les erreurs, ouvrant ainsi la voie à des ordinateurs quantiques capables de conserver des données pendant une longue période sans décohérence.

La dynamique d'un trou de ver traversable simulé sur un processeur quantique

Des scientifiques ont, pour la première fois, développé une expérience quantique qui leur permet d'étudier théoriquement le comportement d'un trou de ver traversable. Dans cette expérience dont les résultats furent publiés dans la revue "Nature" en 2022, l'équipe de la physicienne Maria Spiropulu de la Division de Physique, Mathématiques et Astronomie au Caltech n'a pas réellement créé un trou de ver comme l'on laissé sous-entendre quelques temps les auteurs, mais ils ont simulé son action et réussi à sonder les propriétés quantiques d'un équivalent de trou de ver. Dans un article publié dans "The New York Times" le même jour, l'ingénieur et professeur Scott Aaronson, spécialisé en Génie électrique et informatique théorique à l'Université du Texas à Austin, insista sur ce point : " Si cette expérience a vraiment créé un trou de ver, alors on pourrait aussi bien affirmer que, vous aussi, vous créez un trou de ver à chaque fois que vous en dessinez un avec un crayon sur une feuille de papier."

Selon Spiropulu, "Nous avons trouvé un système quantique qui présente les propriétés clés d'un trou de ver gravitationnel, mais qui est suffisamment petit pour être mis en œuvre sur le matériel quantique d'aujourd'hui. Ce travail constitue une étape vers un programme plus vaste visant à tester la physique de la gravité quantique à l'aide d'un ordinateur quantique. Il ne remplace pas les sondes directes de la gravité quantique de la même manière que d'autres expériences prévues qui pourraient sonder les effets de la gravité quantique à l'avenir en utilisant la détection quantique, mais il offre un puissant banc d'essai pour mettre en pratique les idées de la gravité quantique."

Contexte

Pour rappel, les trous de ver (wormholes) sont des ponts ou plutôt des tunnels reliant deux régions éloignées de l'espace-temps (cf. ce schéma et sa version plus réaliste). Ils n'ont jamais été observés mais les scientifiques ont émis des théories sur leur existence et leurs propriétés depuis les travaux de Nathan Rosen et Albert Einstein en 1935. Plus récemment, Juan Maldacena et Leonard Susskind (2013) ont émis l'hypothèse que les trous de ver d'Einstein-Rosen (ER) étaient équivalents à une intrication quantique (cf. le paradoxe EPR), posant la conjecture ER = EPR. En théorie, il existe donc un lien entre l'univers de la gravité et celui de la physique quantique. Mais de l'aveu même de Spiropulu, "C'était une idée très audacieuse et poétique".

Représentation de l'expérience quantique qui pemet d'observer le comportement d'un équivalent de trou de ver traversable. Document Inqnet/A.Mueller, Caltech.

En 2015, le physicien théoricien Alexei Kitaev montra qu'un simple système dynamique quantique de fermions, appelé le modèle SYK (Sachdev-Ye-Kitaev), présente une "dualité holographique" explicite, ce qui signifie qu'il a une dynamique quantique qui ressemble à des effets de la gravité quantique dans un environnement spatial émergeant. Cela suggéra l'idée qu'il serait possible de réaliser des expériences de gravité quantique sur des processeurs quantiques, en particulier pour explorer certaines propriétés théoriques des trous de ver.

En 2017, Daniel L. Jafferis, Ping Gao et Aron Wall ont approfondi le sujet en étendant la conjecture ER = EPR aux trous de ver traversables. Les chercheurs ont imaginé un scénario dans lequel une énergie répulsive négative maintient un trou de ver ouvert suffisamment longtemps pour que quelque chose puisse passer d'un bout à l'autre. Les chercheurs ont montré que cette description gravitationnelle d'un trou de ver traversable équivaut à une téléportation quantique. Dans la téléportation quantique - un protocole qui a déjà été démontré expérimentalement sur de longues distances par fibre optique et par voie aérienne - les informations sont transportées à travers l'espace en utilisant les principes de l'intrication quantique.

Poursuivant ces idées, en 2019 Jafferis et Gao ont montré qu'en intriquant deux modèles SYK, il serait possible d'effectuer une téléportation à travers un trou de ver traversable et ainsi de mesurer ses propriétés dynamiques.

Dans leur article, Spiropulu et ses collègues se sont basés sur ces études pour explorer la téléportation quantique dans un équivalent de trou de ver, tentant de démontrer que l'information voyageant d'un point à l'autre de l'espace peut être décrite soit par la théorie de la gravitation (les trous de ver) soit par la théorie quantique (l'intrication).

 Spiropulu et ses collègues ont utilisé un modèle "jouet" - une représentation simplifiée d'un modèle physique - de type SYK préparé afin de préserver les propriétés gravitationnelles du système, et ont observé la dynamique d'un trou de ver sur un processeur quantique à supraconducteur Sycamore de 53 qubits fabriqué par Google. Pour y parvenir, les chercheurs ont dû réduire le modèle SYK à sa forme la plus simple, un exploit qui fut réalisé en utilisant des outils d'apprentissage automatique (de l'IA) sur des ordinateurs conventionnels.

Selon Spiropulu, "Nous avons utilisé des techniques d'apprentissage pour trouver et préparer un système quantique simple de type SYK qui pourrait être codé dans les architectures quantiques actuelles et préserverait les propriétés gravitationnelles. En d'autres termes, nous avons simplifié la description microscopique du système quantique SYK et étudié le modèle résultant sur le processeur quantique. Il est curieux et surprenant de voir à quel point l'optimisation d'une caractéristique du modèle a préservé les autres métriques ! Nous prévoyons d'effectuer davantage de tests pour obtenir de meilleures informations sur le modèle lui-même."

Dans l'expérience, les chercheurs ont inséré un qubit dans l'un de leurs systèmes de type SYK et ont observé que les informations émergeaient dans l'autre système. Autrement dit, les informations voyageaient d'un système quantique à l'autre via grâce à la téléportation quantique – ou, pour parler dans le langage complémentaire de la gravité, les informations quantiques transitaient par l'équivalent d'un trou de ver traversable.

A gauche, représentation d'un trou de ver traversable dans un processeur quantique. Un qubit est transmis en utilisant le même mécanisme microscopique de téléportation quantique que celui qui apparaît dans un trou de ver traversable. Le qubit est visualisé comme une fonction d’onde : il possède des propriétés ondulatoires et s’étend dans l’espace-temps, représentant la diffusion complexe des informations du qubit lorsqu’il traverse le trou de ver. L'expérience a codé toutes les informations spatio-temporelles dans le circuit d'un ordinateur quantique. L’espace-temps est tissé à partir d’un schéma de circuit quantique. Les boîtes et les connexions enchevêtrées entre les fils de qubits dans le schéma de circuit sont les portes quantiques. Certaines portes sont mises en évidence, car elles furent manipulées pour extraire différentes propriétés de l'espace-temps à différents instants du temps. Au centre, schéma du modèle SYK. Grâce à l'IA et aux outils d'apprentissage automatique (machine learning), le modèle peut être réduit jusqu'à 7 particules, sans changer la physique de la gravité, qui reste décrite par les mêmes lois et montre la même tendance. A droite, schéma de fonctionnement du modèle SYK simplifié. Documents Inqnet/A.Mueller, Caltech, M. Spiropulu et al. (2022) et Merrill Sherman/Quanta Magazine.

Selon le physicien théoricien Alexander Zlokapa du MIT et coauteur de cet article, "Nous avons effectué une sorte de téléportation quantique équivalente à un trou de ver traversable dans l'image gravitationnelle. Pour ce faire, nous avons dû simplifier le système quantique au plus petit exemple qui préserve les caractéristiques gravitationnelles afin de pouvoir l'implémenter sur le processeur quantique Sycamore de Google." La physicienne Samantha Davis du Caltech et coautrice de cet article précise : "Il a fallu beaucoup de temps pour arriver aux résultats, et nous sommes surpris du résultat."

Selon John Preskill, professeur Richard P. Feynman de physique théorique au Caltech et directeur de l'Institut de l'Information et de la Matière Quantiques (IQIM), "L'importance à court terme de ce type d'expérience est que la perspective gravitationnelle fournit un moyen simple de comprendre un phénomène quantique à plusieurs particules par ailleurs mystérieux. Ce que j'ai trouvé intéressant dans cette nouvelle expérience de Google, c'est que, grâce à l'apprentissage automatique, ils ont pu rendre le système suffisamment simple pour être simulé sur une machine quantique existante tout en conservant une caricature raisonnable de ce que prédit l'image gravitationnelle."

Selon les auteurs, même si les informations quantiques peuvent être transmises à travers l'appareil ou téléportées de diverses manières, le processus expérimental s'est avéré équivalent, au moins à certains égards, à ce qui pourrait se produire si les informations traversaient un trou de ver. Pour ce faire, les chercheurs ont tenté de "maintenir l'ouverture du trou de ver" en utilisant soit des impulsions d'énergie répulsive négative, soit l'énergie positive opposée. Ils ont observé les signatures clés d'un trou de ver traversable uniquement lorsque l'équivalent d'une énergie négative était appliqué, ce qui est cohérent avec les prédictions du comportement des trous de ver.

Selon Spiropulu, ""La haute fidélité du processeur quantique que nous avons utilisé était essentielle. Si les taux d'erreur étaient plus élevés de 50%, le signal aurait été entièrement obscurci. S'ils étaient de moitié, nous aurions un signal 10 fois supérieur!"

Illustrations d'un trou de ver de Lorentz stable et macroscopique, traversable dans les deux sens, bref quelque chose qui... n'existe pas ! Documents T.Lombry.

À l'avenir, les chercheurs espèrent étendre ces travaux à des circuits quantiques plus complexes. Même si de véritables ordinateurs quantiques ne seront peut-être pas encore disponibles dans des prochaines années, l'équipe prévoit de poursuivre des expériences de cette nature sur les plates-formes informatiques quantiques existantes.

Selon Spiropulu, "La relation entre l'intrication quantique, l'espace-temps et la gravité quantique est l'une des questions les plus importantes de la physique fondamentale et un domaine actif de recherche théorique. Nous sommes ravis de faire ce petit pas vers le test de ces idées sur du matériel quantique et nous continuerons."

Les critiques des astrophysiciens sur l'expérience

Quelle est l'importance de ce résultat ? En fait, tout est une question d'interprétation. Tout physicien vous dira que ce genre de modèle peut être simulé sans approximation sur un ordinateur classique et est déjà très bien compris sur le plan théorique. De plus, c'est un modèle "jouet", une version volontairement simplifiée pour la faire tourner sur un ordinateur quantique qui par nature ne représente pas la réalité. Contrairement aux apparences, cette expérience n'a rien appris aux chercheurs sur la gravité quantique.

Projection de l'univers sur une sphère. Document T.Lombry.

Dans un article complémentaire publié dans la même revue "Nature" en 2022, Adam Brown et Leonard Susskind de l'Université Stanford, rejoignent ce point de vue général mais considèrent malgré tout ce résultat comme une étape préliminaire à d'autres travaux. Mais dans sa réponse publiée sur "arXiv" en 2022, l'historienne et philosophe de la physique moderne Galina Weinstein de l'Université d'Haifa rappelle notamment "que la description de Brown et Susskind utilise un point de vue moderne très différent de la propre perception et motivation d'Einstein."

De nombreux physiciens estiment que l'expérience ne nous dit rien sur notre Univers, puisqu'elle crée une dualité dans l'espace anti de Sitter (AdS), ce que notre Univers n'est pas. Au cours des 25 années qui ont suivi la découverte de la correspondance entre AdS et le principe holographique par Juan Martin Maldacena, les physiciens ont recherché une dualité holographique similaire pour l'espace de Sitter. Ils ont créé la carte d'un système quantique dans un espace de Sitter (en expansion, à énergie positive) similaire à celui dans lequel nous vivons, mais les résultats ont conduit certains à se demander si l'espace de Sitter est holographique.

Les critiques soutiennent que les deux types d'espace sont catégoriquement différents. AdS a une limite externe alors que l'espace de Sitter n'en a pas, il n'y a donc pas de transition mathématique douce qui puisse transformer l'un en l'autre. De plus, la frontière dure ou surface de l'espace AdS est précisément ce qui rend l'holographie possible dans cet environnement, fournissant la surface quantique sur laquelle se projete l'espace. Par comparaison, dans notre univers de Sitter, les seules limites concevables sont celles dimensionnelles, qui sont déterminées par la distance à laquelle nous pouvons voir, et les limites temporelles, auxquelles s'ajoute le futur infini. Ce sont des "surfaces" floues sur lesquelles il faudrait essayer de projeter un hologramme spatio-temporel.

La physicienne théoriciennne Renate Loll, experte en gravité quantique à l'Université Radboud aux Pays-Bas, a également souligné que l'expérience des trous de ver concerne un espace-temps 2D. Le trou de ver est un filament, avec une dimension spatiale plus une dimension temporelle, alors que la gravité est plus compliquée dans l'espace-temps 4D dans lequel nous vivons.

Il est vrai que le modèle d'intrication qui enchevêtre l'espace 4D de Sitter est autrement plus compliqué que le modèle 2D de l'AdS. Il est cependant encore possible de tirer des enseignements généraux en étudiant l'holographie dans des contextes plus simples. Les défenseurs de cette idée ont tendance à considérer les deux types d'espace, de Sitter et AdS, comme plus similaires que différents. Les deux sont des solutions de la théorie de la relativité d’Einstein, ne différant que par un signe moins. Tous deux contiennent des trous noirs affectés par les mêmes paradoxes. Et lorsque vous êtes au milieu de l'espace AdS, loin de ses limites, vous pouvez à peine distinguer votre environnement de celui de Sitter.

Cependant, Susskind convient qu'il est temps de procéder à davantage d'études concrètes. À cette fin, Susskind a proposé que l'espace de Sitter pourrait être un hologramme d'une version différente du modèle SYK. Pas celui avec des interactions de particules à quatre voies, mais celui où le nombre de particules impliquées dans chaque interaction augmente comme la racine carrée du nombre total de particules.

Selon Susskind, un tel système quantique est plus complexe que ceux prévus jusqu'à présent, et "si cette limite sera réalisée en laboratoire, je ne le sais pas". Ce qui semble certain, c'est que maintenant qu'il existe un trou de ver holographique, d'autres peuvent être ouverts.

Créer une surface courbe sans distorsions physiques

Dans une certaine mesure, la géométrie, les surfaces courbes et autres géodésiques qui relèvent des mathématiques et de la topologie ont un lien avec la physique quantique, en particulier quand elles concernent l'univers des particules. Une nouvelle découverte nous éclaire sur les relations entre ces domaines et disciplines.

Selon l'idée traditionnelle, pour créer un espace courbe il faut déformer un espace plat en le pliant ou en l'étirant. Dans un article publié dans la revue "Nature Communications" en 2022, l'équipe de Qi Zhou, professeur de physique et d'astronomie à l'Université de Purdue a développé une nouvelle technique pour créer des espaces courbes qui apporte également une réponse à un vieux mystère de la physique.

Les chercheurs ont découvert que la dualité entre la non-hermiticité et les espaces courbes offre un nouveau cadre théorique pour unifier la physique hermitienne et non-hermitienne. Ils ont développé une méthode utilisant la non-hermiticité, qui se produit dans tous les systèmes couplés à des environnements, pour construire une surface hyperbolique et un certain nombre d'autres espaces courbes prototypiques sans provoquer de distorsions physiques des systèmes physiques. Cette découverte pourrait révolutionner notre compréhension de la distance.

Selon Qi Zhou, "Notre travail peut révolutionner la compréhension du grand public des courbures et de la distance. Il a également répondu à des questions de longue date sur la mécanique quantique non-hermitienne en faisant le pont entre la physique non-hermitienne et les espaces courbes. Ces deux sujets étaient supposés complètement déconnectés. Les comportements extraordinaires des systèmes non-hermitiens, qui ont intrigué les physiciens pendant des décennies, ne deviennent plus mystérieux si nous reconnaissons que l'espace a été courbé. En d'autres termes, la non-hermiticité et les espaces courbes sont duels l'un à l'autre, étant les deux faces d'une même pièce."

Il faut d'abord comprendre la distinction entre les systèmes hermitiens et non-hermitiens en physique afin de comprendre cette découverte. Zhou l'explique en utilisant l'exemple d'une particule quantique qui peut "sauter" entre plusieurs emplacements sur un réseau.

Si la probabilité pour une particule de sauter dans un sens est la même que la probabilité de sauter dans l'autre sens, alors l'hamiltonien est hermitien. Si ces deux probabilités sont différentes, l'hamiltonien est non-hermitien. C'est la raison pour laquelle dans le schéma présenté à gauche, Chenwei Lv et Ren Zhang ont utilisé des flèches de tailles et d'épaisseurs différentes pour indiquer les probabilités de saut dans des sens opposés.

Un demi-plan de Poincaré appartient aux géométries hyperboliques (non-euclidiennes). Il peut être visualisé à l'arrière-plan sur une surface courbe. Les "courbes" ou géodésiques blanches de la surface courbe sont analogues aux lignes droites dans un espace plat. Les boules blanches se déplaçant vers la droite démontrent l'origine géométrique de l'effet pelliculaire (skin effect) extraordinaire en physique non-hermitienne. Document Q.Zhou et al. (2022).

Selon Lv, "Les manuels typiques de mécanique quantique se concentrent principalement sur les systèmes gouvernés par des hamiltoniens qui sont hermitiens."

"Une particule quantique se déplaçant dans un réseau doit avoir une probabilité égale de tunnel dans les sens gauche et droit. Alors que les hamiltoniens hermitiens sont des cadres bien établis pour l'étude des systèmes isolés, les couplages avec l'environnement conduisent inévitablement à des dissipations dans les systèmes ouverts, qui peuvent donner naissance à des hamiltoniens qui ne sont plus hermitiens. Par exemple, les amplitudes d'effet tunnel dans un réseau ne sont plus égales dans des sens opposés, un phénomène appelé effet tunnel non réciproque. Dans de tels systèmes non-hermitiens, les résultats des manuels familiers ne s'appliquent plus et certains peuvent même sembler complètement opposés à ceux des systèmes hermitiens. Par exemple, les états propres des systèmes non-hermitiens ne sont plus orthogonaux, contrairement à ce que nous avons appris en première classe d'un cours de mécanique quantique de premier cycle. Ces comportements extraordinaires des systèmes non-hermitiens intriguent les physiciens depuis des décennies, mais de nombreuses questions en suspens restent ouvertes."

Le travail fournit par Zhou et ses collègues donne une explication sans précédent des phénomènes quantiques fondamentaux non-hermitiens. Ils ont découvert qu'un hamiltonien non-hermitien incurve l'espace où réside une particule quantique. Par exemple, une particule quantique dans un réseau avec effet tunnel non réciproque se déplace en fait sur une surface courbe. Le rapport des amplitudes d'effet tunnel dans un sens à celle dans le sens opposé contrôle la taille de la surface incurvée.

Dans de tels espaces courbes, tous les phénomènes étranges non-hermitiens, dont certains peuvent même paraître non physiques, deviennent immédiatement naturels. C'est la courbure finie qui nécessite des conditions orthonormées distinctes de leurs homologues dans les espaces plats. En tant que tels, les états propres n'apparaîtraient pas orthogonaux si nous utilisions la formule théorique dérivée pour les espaces plats. C'est aussi la courbure finie qui donne lieu à l'extraordinaire effet de peau non hermitien que tous les états propres concentrent près d'un bord du système.

Selon Zhang, "Cette recherche est d'une importance fondamentale et ses implications sont doubles. D'une part, cela établit la non-hermiticité comme un outil unique pour simuler des systèmes quantiques intrigants dans des espaces courbes. La plupart des systèmes quantiques disponibles dans les laboratoires sont plats et cela nécessite souvent des efforts importants pour accéder aux systèmes quantiques dans des espaces courbes. Nos résultats montrent que la non-hermiticité offre aux expérimentateurs un bouton supplémentaire pour accéder et manipuler les espaces courbes."

"Un exemple est qu'une surface hyperbolique pourrait être créée et ensuite être parcourue par un champ magnétique. Cela pourrait permettre aux expérimentateurs d'explorer les réponses des états Hall quantiques aux courbures finies, une question en suspens en physique de la matière condensée. D'autre part, la dualité permet aux expérimentateurs d'utiliser des espaces courbes pour explorer la physique non hermitienne. Par exemple, nos résultats offrent aux expérimentateurs une nouvelle approche pour accéder à des points exceptionnels en utilisant des espaces courbes et améliorer la précision des capteurs quantiques sans recourir aux dissipations."

A l'avenir, les chercheurs de l'équipe de Zhou continueront à explorer théoriquement davantage de liens entre la physique non-hermitienne et les espaces courbes. Ils espèrent également contribuer à combler le fossé entre ces deux sujets de physique et à rapprocher ces deux communautés différentes dans le cadre de recherches futures.

Les chercheurs espèrent que d'autres physiciens exploreront le sujet dans d'autres directions et de manière plus approfondie. Les physiciens qui étudient les espaces courbes pourraient par exemple utiliser leurs appareils pour répondre à des questions difficiles en physique non-hermitienne.

De plus, les physiciens travaillant sur des systèmes non-hermitiens pourraient adapter les dissipations pour accéder à des espaces courbes non triviaux qui ne peuvent pas être facilement obtenus par des moyens conventionnels.

Première observation de l'effet de "cône mort"

La Collaboration ALICE du LHC du CERN a réalisé la première observation directe de l'effet de "cône mort" (dead cone), une caractéristique fondamentale de la théorie de l'interaction forte (CDQ) qui lie les quarks et les gluons ensemble en protons, neutrons et finalement, tous les noyaux atomiques (cf. le modèle Standard des particules). En plus de confirmer cet effet très attendu, l'observation fournit un accès expérimental direct à la masse du quark charm (ou charmé) avant qu'il soit confiné à l'intérieur des hadrons. Cette découverte fit l'objet d'un article publié dans la revue "Nature" en 2022.

Selon Luciano Musa, porte-parole d'ALICE, "Il a été très difficile d'observer directement le cône mort. Mais en utilisant les données de trois années de collisions proton-proton au LHC et des techniques sophistiquées d'analyse des données, nous avons finalement pu le découvrir."

Pour rappel, les quarks et les gluons sont produits lors de collisions de particules. Après leur création, ces particules élémentaires subissent une cascade d'évènements appelés une gerbe ou pluie de partons, au cours de laquelle ils perdent de l'énergie en émettant un rayonnement sous forme de gluons, qui émettent à leur tour des gluons. Le diagramme de rayonnement de cette gerbe dépend de la masse du parton émetteur de gluons et affiche une région autour de la direction de vol du parton où l'émission de gluons est atténuée ou supprimée, c'est le cône mort. Selon Andreas Morsch de la Collaboration ALICE, "C'est un peu comme si vous donniez au quark une lampe de poche mais qu'il n'avait pas le droit de diriger son faisceau dans une certaine direction. À la différence que les photons émis par la lampe de poche sont des gluons."

Prédit dans les années 1990 à partir de la théorie CDQ (cf. Y.L. Dokshitzer et al., 1991), le cône mort a été indirectement observé dans les collisionneurs de particules. Cependant, il est resté difficile de l'observer directement à partir du diagramme de rayonnement des gerbes de partons. Les principales raisons sont que le cône mort peut être composé de particules dans lesquelles le parton émetteur se transforme, et qu'il est difficile de déterminer le changement de direction du parton tout au long du processus de désintégration.

Schémas détaillants la reconstruction du quark charm en gerbe de partons. A gauche, les panneaux supérieurs montrent la procédure initiale de "reclustering" ou regroupement au cours de laquelle les partons séparés par les angles les plus petits sont réunis en premier. Une fois le reclustering terminé, la procédure de désintégration est inversée et retracée en remontant le temps. Chaque nœud de division est numéroté en fonction de la gerbe de partons dans laquelle elle est reconstruite. A chaque séparation, l'énergie du quark charm (E Radiator,n) est réduite et le gluon est émis sous un angle (θn) plus petit par rapport aux émissions précédentes. La masse du quark lourd (mQ) reste constante tout au long du processus de gerbe. À chaque division, les émissions de gluons sont supprimées dans la région du cône mort (représentée par un cône rouge pour la dernière division), dont l'angle augmente à mesure que l'énergie du quark diminue au fil de la gerbe. A droite, une représentation dans l'espace. Documents Collaboration ALICE (2022) adaptés par l'auteur.

La Collaboration ALICE a surmonté ces défis en appliquant des techniques d'analyse de pointe à un large échantillon de collisions proton-proton réalisées au LHC, profitant d'une énergie dans le centre de masse de 13 TeV.

Comme illustré ci-dessus, ces techniques ont permis de remonter la gerbe partonique dans le temps à partir de ses produits finaux laissés dans le détecteur ALICE sous forme de jets de particules. En recherchant des jets comprenant une particule contenant un quark charm, les chercheurs ont pu identifier un jet créé par ce type de quark et retracer toute l'histoire des émissions de gluons à partir de ce quark. Sachant que le cône mort est proportionnel à la masse du quark, l'angle étant plus grand pour les quarks lourds que pour les quarks légers, une comparaison entre le modèle d'émission de gluons du quark charm avec celui des gluons et des quarks plus légers permit ensuite de révéler un cône mort dans le modèle du quark charm.

Le résultat permet également de calculer directement la masse du quark charm car la théorie prédit que les particules sans masse n'ont pas de cônes morts correspondants. La masse de repos du quark charm est de 1.28 ±0.02 GeV/c2 et celle du quark bottom (beauty) de 4.18 +0.03-0.02 GeV/c2.

Selon Andrea Dainese, coordinatrice physique d'ALICE, "Les masses des quarks sont des quantités fondamentales en physique des particules, mais elles ne peuvent pas être consultées ni mesurées directement dans les expériences car, à l'exception du quark top, les quarks sont confinés à l'intérieur de particules composites. Notre technique pour observer directement le cône mort d'une gerbe de partons peut offrir un moyen de mesurer les masses des quarks."

Une liaison unique maintient une particule hybride

Une équipe de physiciens du MIT a découvert une particule hybride dont les éléments sont maintenus par une liaison unique en son genre. Cette découverte fit l'objet d'un article publié dans la revue "Nature Communications" en 2022 par Nuh Gedik et ses collègues.

La particule hybride, qui est un mélange d'un électron et d'un phonon (une quasi-particule formée par des atomes vibrants dans un matériau), a été détectée dans un matériau magnétique bidimensionnel appelé un matériau de van der Waals (vdW). Dans ce type de matériau, il existe un couplage fort entre différents degrés de liberté qui peut hybrider les excitations élémentaires en états liés. Pouvoir identifier correctement la nature et la composition de ces états liés est essentielle pour comprendre les propriétés de l'état fondamental et leurs spectres d'excitation.

Dans cette expérience, Gedik et ses collègues ont utilisé la spectroscopie ultra-rapide pour révéler les états liés des orbitales d et les phonons (une quasi-particule formée par des atomes vibrants dans un matériau), dans du trisulfure de phosphore de nickel (NiPS3) antiferromagnétique, un matériau vdW 2D présentant des caractéristiques magnétiques particulières découvertes quelques années auparavant par des physiciens coréens (cf. J-G. Park et al., 2018).

La microstructure antiferromagnétique ressemble à un réseau d'atomes en nid d'abeilles dont les spins sont opposés à celui de leur voisin. En revanche, dans un matériau ferromagnétique tous les atomes ont les spins alignés dans la même direction.

La photographie de particules atomiques est très difficile et requiert des caméras ultra-rapides (elles n'ont rien à voir avec les caméras à haute vitesse commerciales comme les Photron dont la vitesse d'obturation varie entre 1000 et 120000 fps et 2 millions de fps en basse résolution). Mais même les caméras ultra-rapides donnent encore des images floues car la vitesse de l'obturateur reste insuffisante.

Schéma de l'expérience sur un matériau vdW 2D. A gauche, la configuration de la spectroscopie d'absorption transitoire à large bande. Une impulsion de 25 femtosecondes d'une énergie de 1.88 eV excite le système refroidi à 150 K. Elle est suivie par une impulsion de sonde de lumière blanche d'une énergie variant entre 1.4 et 2.0 eV qui mesure la réflectivité transitoire dans une large région spectrale avec une résolution spectrale de 1.5 meV. A droite, la structure cristalline du NiPS3. Les flèches indiquent les déplacements phononiques pour le mode A1g à 7.5 THz. Documents N.Gedik et al. (2022) adaptés par l'auteur.

Pour contourner ce problème, les chercheurs ont utilisé un laser femtoseconde qui émet des impulsions lumineuses d'une durée de seulement 25 femtosecondes (1 fm = 10-15 s ou 1 millionième de milliardième de seconde). Ils ont divisé l'impulsion laser en deux impulsions distinctes et les ont dirigées vers un échantillon de NiPS3. Les deux impulsions ont été réglées avec un léger retard l'une par rapport à l'autre. La première d'une énergie de 1.88 eV a stimulé ou "coupé" l'échantillon, tandis que la seconde d'une énergie variant entre 1.4 et 2.0 eV a capturé la lumière transitoire réfléchie par l'échantillon dans une plus vaste région spectrale. La résolution temporelle était de 25 femtosecondes et la résolution spectrale de 1.5 meV. De cette manière, les chercheurs ont pu créer des "films " ultra-rapides à partir desquels les interactions de différentes particules au sein du matériau ont pu être déduites.

En particulier, ils ont mesuré la quantité précise de lumière réfléchie par l'échantillon en fonction du temps entre les deux impulsions. Cette réflexion devait changer d'une certaine manière si des particules hybrides étaient présentes. Cela s'avéra être le cas lorsque l'échantillon fut refroidi en dessous de 150 K ou -123°C, lorsque le matériau est devenu antiferromagnétique.

L'aspect le plus intrigant de la découverte est que lorsque les physiciens ont mesuré la force entre l'électron et le phonon, ils ont constaté que la liaison qui les maintient était 10 fois plus forte que ce qui avait été précédemment estimé pour d'autres électron-phonon connus.

Selon les chercheurs, la forte liaison qui assurait leur cohésion suggère que l'électron et le phonon "pourraient être accordés en tandem". Cela implique que tout changement dans l'électron a un impact sur le phonon, et vice versa. Par exemple, l'application d'une tension ou d'une lumière sur la particule hybride stimulerait l'électron comme il le ferait généralement, mais modifierait aussi le phonon, ce qui influence les propriétés structurelles ou magnétiques du matériau. Un tel double contrôle pourrait permettre aux chercheurs de modifier non seulement les propriétés électriques d'un matériau, mais également son magnétisme en lui appliquant une tension ou de la lumière.

Selon Gedik, "Imaginez si nous pouvions stimuler un électron et faire réagir le magnétisme. Alors vous pourriez créer des appareils très différents de la façon dont ils fonctionnent aujourd'hui."

Selon les chercheurs, les possibilités sont vraiment illimitées, car si ces qualités pouvaient être gérées, peut-être grâce à ce type de particule hybride, le matériau pourrait un jour être utilisé comme une nouvelle forme de semi-conducteur magnétique. Cela permettrait de concevoir des appareils électroniques plus petits, plus rapides et plus économes en énergie, annonçant potentiellement une nouvelle ère pour l'électronique.

Le méson D°, une particule qui oscille entre matière et antimatière

En analysant les données du LHCb du CERN, des physiciens de l'Université d'Oxford ont découvert une nouvelle particule oscillant entre la matière et l'antimatière pour une question de masse. Cette découverte fit l'objet d'un article publié dans les "Physical Review Letters" en 2021 (en PDF sur arXiv) par la Collaboration LHCb qui rassemble plus de 950 chercheurs.

Cette infime différence entre les deux particules rappelle que la dominance de la matière sur l'antimatière peu après le Big Bang repose sur un phénomène similaire.

L'antimatière est étonnamment similaire à la matière, la seule différence étant que l'antimatière présente une charge opposée. Cela signifie que lorsqu'une particule de matière entre en contact avec une particule d'antimatière, elles s'annihilent dans une profusion d'énergie.

Mais il existe des exceptions. Le photon par exemple est sa propre antiparticule. Une autre bizarrerie quantique est la superposition d'états ou intrication quantique (cf. l'expérience de pensée du chat de Schrödinger). Cette expérience prouve que des particules peuvent osciller entre matière et antimatière.

A présent, une nouvelle particule du modèle Standard a rejoint ce club exclusif, le méson charmé D° (ou D0) Les trois autres pouvant osciller entre matière et antimatière sont le méson K° et les deux types de mésons B.

Le méson D° est normalement constitué d'un quark charm et d'un antiquark up (c), tandis que son équivalent antimatière se compose d'un antiquark charm et d'un quark up (u). Normalement, ces états sont séparés, mais cette découverte montre que les mésons charmés peuvent spontanément basculer entre les deux états.

Voici la réaction entre un photon γ et un proton (p) contenant les quarks (uud) produisant les mésons D+ et ° et un neutron (n) :

γ  +   p

γ  + uud

   →   D+ + ° + n

   →   c + u + ddu

Le secret de cette oscillation entre les deux états du D° réside dans une infime différence de masse. Par défaut, le méson D° présente une masse de repos de 1864.6 MeV/c2. Au cours de l'expérience les chercheurs ont découvert que le méson D° peut exister dans une superposition d'états D1 et D2, l'un étant légèrement plus lourd, l'autre légèrement plus léger. La différence n'est que de 1x10-38 g. Cette superposition d'états permet au méson D° d'être à la fois matière et antimatière (son antiparticule) simultanément.

Pour observer ce phénomène, les mésons charmés sont produits au LHC lors de collisions proton-proton et normalement ils ne parcourent que quelques millimètres avant de se désintégrer en d'autres particules.

Rappelons que le méson D° décroit selon plus d'une douzaine de modes parmi lesquels :

- D° →  s + π+π. Le s est un kaon "short" (dont la durée de vie est la plus brève des K°), résultat de la superposition d'états (d-s)√2

- D° →  K + e+ avec émission d'un boson W+ virtuel. K = ( s υe).

En comparant les mésons charmés ayant tendance à parcourir une plus grande distance par rapport à ceux qui se désintègrent plus tôt, les chercheurs ont identifié que la différence de masse était le principal facteur déterminant si un méson charmé se transforme ou non en un méson anticharm.

Selon Guy Wilkinson, physicien à l'Université d'Oxford et membre de la Collaboration LHCb, "Ce qui rend cette découverte de l'oscillation du méson charmé si impressionnante, c'est que, contrairement aux mésons beauty, l'oscillation est très lente et donc il est extrêmement difficile de mesurer la désintégration du méson. Les résultats montrent que les oscillations sont si lentes que la grande majorité des particules se désintégrent avant d'avoir eu l'occasion d'osciller. Cependant, nous sommes en mesure de confirmer qu'il s'agit d'une découverte car LHCb a collecté énormément de données." En effet, au cours de l'expérience LHCb qui se déroula entre 2016 et 2018, les physiciens ont analysé 30.6 millions de désintégrations du D° en kaon short et pions.

La découverte de cette oscillation apparemment insignifiante pourrait en revanche avoir des implications très importantes pour l'Univers. En effet, selon le modèle Standard de la physique des particules, le Big Bang aurait dû produire de la matière et de l'antimatière en quantités égales, et au fil du temps, tout cela aurait fini par entrer en collision et s'annihiler, laissant un cosmos vide de particules. Or de toute évidence, cela ne s'est pas produit. D'une manière ou d'une autre, la matière a fini par dominer.

Mais quel phénomène a pu provoquer ce déséquilibre ? Actuellement, c'est un mystère. Une hypothèse soulevée par cette découverte serait que des particules comme le méson charmé oscillent de l'antimatière à la matière plus souvent qu'ils n'oscillent de la matière à l'antimatière. Démontrer que cela se produit et pourquoi, est l'un des défis que les physiciens vont tenter de relever. S'ils réussissent, ils résolveront peut-être l'un des plus grands mystères de la science.

Les anyons, des quasi-particules à deux dimensions

Le modèle Standard de la physique des particules prédit l'existence de deux types de particules élémentaires : les fermions et les bosons. Les fermions constituent la matière. Ils comprennent les électrons, les protons, les neutrons et les quarks. Deux fermions ne peuvent pas exister dans le même état quantique en même temps. Si ces particules n'avaient pas cette propriété, toute la matière pourrait s'entremêler et s'effondrer en un seul point. C'est à cause des fermions que la matière solide existe.

Les bosons sont des vecteurs d'interactions. Ils comprennent des particules comme les photons (la lumière) et les gluons qui agissent entre les quarks. Contrairement aux fermions, deux ou plusieurs bosons peuvent exister dans le même état quantique en même temps; ils peuvent donc se regrouper, se superposer et créer des figures d'interférences. C'est en raison de cette propriété que l'on peut élaborer des lasers, qui sont des flux de photons occupant tous le même état quantique.

Mais le modèle Standard décrit la physique en trois dimensions spatiales et des particules présentant leurs niveaux d'énergie les plus élevés. Cela laisse une certaine marge pour l'existence d'autres types de quasi-particules qui n'existent qu'en deux dimensions.

L'une de ces quasi-particules est l'anyon. Prédit par les physiciens théoriciens depuis la fin des années 1970, il fut officiellement décrit pour la première fois en 1982 par le physicien Frank Wilczek du MIT. L'anyon n'est ni un fermion ni un boson. En théorie, sa charge peut être inférieure à celle d'un électron, ce qui en fait la plus petite quasi-particule chargée.

Wilczek commença à y penser quand il était à l'université, lorsqu'il fut frustré d'apprendre que les expériences n'établissaient l'existence que de deux types de particules. Il envisagea autre chose, et lorsqu'on lui posa la question des autres propriétés ou de l'endroit où trouver ces étranges intermédiaires, il dit en plaisantant à moitié, "anything goes", c'est-à-dire "tout est permis" - ce qui donna naissance au nom "anyon".

Les anyons sont confinés dans des espaces à deux dimensions et dans certaines conditions comme des températures proches du zéro absolu et en présence d'un puissant champ magnétique. De ce fait ils présentent plus de libertés que les fermions et les bosons comme l'explique l'encart ci-dessous.

Etats des anyons

En physique ou thermodynamique statistique, dans un espace 3D l'état de deux particules se définit par les relations :

1ψ2= - |ψ1ψ2pour les fermions (statistique de Fermi-Dirac) et

1ψ2= +|ψ1ψ2pour les bosons (statistique de Bose-Einstein).

Or dans un espace 2D, l'état de deux quasi-particules |ψ1ψ2= e1ψ2

avec "i" l'unité imaginaire des nombres complexes et θ un nombre réel qui représente le déphasage après permutation.

Nous avons ei0 = 1 et e = -1 qu'on retrouve respectivement dans les statistiques de Bose-Einstein et de Fermi-Dirac. Pour toute autre valeur (any en anglais) de la phase θ nous sommes en présence d'un anyon.

Les anyons sont généralement classés comme abéliens (commutatifs) ou non abéliens. Les anyons abéliens (voir plus bas) interviennent dans l'effet Hall quantique fractionnaire (FQHE, cf. H.L. Stormer, 1999). Les anyons non abéliens n'ont pas été détectés avec certitude, mais comme on dit, les physiciens y travaillent.

Les anyons se comportent différemment des fermions ou des bosons. Les fermions s'évitent ou entrent en collision tandis que les bosons peuvent s'enchevêtrer et se superposer. En revanche, les anyons peuvent en théorie interagir quelque part entre l'attraction et la répulsion. Ainsi, les lignes d'univers (les "trajectoires" ou "les histoires des évènements") de deux anyons ne peuvent pas se croiser ni fusionner. En revanche, elles peuvent s'entremêler et former des tresses appelées "braids" en trois dimensions (1 dimension temporale et 2 dimensions spatiales) et comporter des nœuds.

 En 1997, le physicien et mathématicien russe Alexei Kitaev de l'Institut Kavli de Physique Théorique (KITP) et de l'Université de Californie à Santa Barbara (UCSB) mais qui travaillait alors pour Microsoft Research suggéra que ces tresses permettraient de fabriquer les portes logiques d'un ordinateur quantique topologique. En effet, cette propriété en fait des objets attrayants pour les ordinateurs quantiques, qui dépendent d'états quantiques notoirement fragiles et sujets aux erreurs. Les anyons représentent un moyen plus robuste de stocker les données.

En théorie, les anyons peuvent être observés sous forme de perturbations dans des couches bidimensionnelles de matériaux. Les anyons ne réagissent pas comme les particules ordinaires; les scientifiques ne pourront jamais les isoler du système dans lequel ils se forment. Ce sont des quasi-particules, ce qui signifie qu'elles ont des propriétés mesurables comme celles d'une particule - comme sa position ou sa masse - mais elles ne sont pas observables en raison du comportement collectif d'autres particules conventionnelles (imaginez des formes géométriques complexes créées par le comportement de groupe d'animaux tels que des murmurations des essaims d'étourneaux volant en formation ou des bancs de poissons nageant comme une seule entité).

L'expérience sur les anyons réalisée par des chercheurs du CNRS. Document M. Kumar (2020).

Après des décennies d'exploration de l'infiniment petit, les physiciens ont enfin trouvé la preuve que les anyons existent. En 2020, deux découvertes confirmèrent l'existence de ces quasi-particules. En avril 2020, un groupe de chercheurs français utilisa une méthode proposée quatre ans plus tôt pour envoyer un gaz d'électrons à travers un minuscule collisionneur de particules pour déceler des comportements étranges, en particulier des charges électriques fractionnaires. (cf. H. Bartolomei et al., 2020).

Hugo Bartolomei du Laboratoire de Physique de l'Ecole Normale Supérieure et ses collègues ont créé un minuscule collisionneur d'anyons 2D, si petit qu'ils ont dû utiliser un microscope électronique pour observer les actions qui s'y déroulaient.

Comme illustré à droite, le collisionneur consiste en une surface 2D placée entre un autre matériau. Le collisionneur contient un liquide à effet Hall quantique qui est maintenu à l'intérieur d'un puissant champ magnétique. Les charges électriques sont dirigées le long des tunnels vers des points de contacts quantiques. Les flux d'anyons sont dirigés de manière à les obliger à entrer en collision au milieu du collisionneur, puis à sortir le long de l'un des deux chemins désignés.

Dans un tel dispositif, les fermions quitteraient le collisionneur par des chemins séparés, tandis que les bosons partiraient en groupe. Les chercheurs ont observé des preuves d'agglutination mineure - moins que ce qui serait observé avec les bosons, mais cohérent avec ce que la théorie prédit à propos des quasi-particules.

La deuxième confirmation fut annoncée en juillet 2020, lorsque des chercheurs de l'Université Purdue dans l'Indiana ont utilisé une configuration expérimentale placée sur une puce gravée qui éliminait les interactions extérieures susceptibles de brouiller le comportement des quasi-particules. Les chercheurs ont apporté la preuve de l'existence d'anyons abéliens (cf. J.Nakamura et al., 2020 et en PDF sur arXiv).

Selon Wilczek, le premier article décrit la découverte, mais le second laisse briller les quasi-particules et annonce un avenir prometteur. Ce qui rend les anyons particulièrement intéressants pour les physiciens, c'est qu'ils présentent quelque chose d'analogue à la mémoire des particules. Si un fermion orbite autour d'un autre fermion, son état quantique reste inchangé. Idem pour un boson. Mais les anyons sont différents. Si l'un se déplace autour d'un autre, leur état quantique collectif change. Cela peut prendre trois, cinq ou même plus de révolutions avant que les anyons reviennent à leur état d'origine. Ce léger déphasage de l'onde forme une tresse qui représente le souvenir du "voyage" de l'anyon.

A voir : Direct observation of anyonic braiding statistic

Wilczek souligne que les anyons représentent un "royaume" entier contenant de nombreuses variétés aux comportements exotiques qui pourront être explorées et exploitées à l'avenir. Il considère les anyons comme un outil pour découvrir des états exotiques de la matière qui, pour l'instant, restent des concepts déconnectés de l'expérience dans les théories des physiciens.

La découverte des anyons confirme non seulement des décennies de travaux théoriques, mais d'un point de vue pratique, ils vont enfin permettre à Microsoft de construire un ordinateur quantique topologique fonctionnel.

Le fermion de Weyl pourrait révolutionner l'électronique

Dans le modèle Standard de la physique des particules, les physiciens ont divisé le monde en deux catégories : les fermions de spin demi-entier comme l'électron ou le proton et leur antiparticule, et les bosons qui transportent les interactions (forces), de spin entier comme les photons, les gluons ou les gravitons. Les fermions élémentaires sont les leptons (électron, muon, tauon et les trois neutrinos) et les six quarks porteurs de saveurs (cf. la famille des particules élémentaires).

Quand la physique quantique devient art. Représentation de l'énergie en fonction de l'impulsion d'un semi-conducteur de Weyl (ou cône de Weyl non apparié) à la surface de cristaux TaAs. Les cônes bleu et rouge sont la paire de points ou noeuds de Weyl. Ils sont reliés par la surface d'un arc de Fermi. Lire T.E. O'Brien et al. (2016). Document LION.

En fait le "fermion de Weyl" porte mal son nom car ce n'est pas exactement un fermion mais une quasi-particule sans masse et chargée; elle ne peut exister que dans un solide - constitué de fermions d'où son nom - tel qu'un cristal et jamais sous forme de particule élémentaire.

C'est en 1928 que le mathématicien et physicien Paul Dirac proposa une équation pour unifier la mécanique quantique et la relativité restreinte en décrivant la nature de l'électron. Cette nouvelle équation suggérait l'existence de trois fermions relativistes distincts : le fermion de Dirac, celui de Majorana et celui de Weyl.

En 1929, le mathématicien Hermann Weyl proposa d'utiliser une version simplifiée de ce concept pour décrire la propagation de l'énergie dans un conducteur.

Le concept de fermion de Weyl use et abuse de notions méconnues voire étrangères du grand public allant du spectre d'énergie au Hamiltonien, sans oublier la notion d'énergie de Fermi, les fonction d'ondes dans l'espace de Hilbert, les vecteurs d'états dans l'espace de Fock fermionique ou les surfaces dans l'espace d'impulsion des fermions, autant de concepts très abstraits que nous laisserons volontiers aux mathématiciens et aux physiciens. Mais cela signifie surtout qu'il est impossible d'illustrer notre sujet sans représentations mathématiques, que ce soit des équations ou des graphiques tels celui présenté à gauche mais qui restent encore très obscurs pour les non-spécialistes. Nous nous limiterons donc au résumé des expériences et aux conclusions des chercheurs.

Après plus de 85 ans de tâtonnements et de recherches, les fermions de Weyl furent découverts en 2015 dans des états solides (un cristal métallique synthétique d'arséniure de tantale, TaAs) par des chercheurs de l'Université de Princeton (cf. M.Z. Hasan et al., 2015).

L'une des particularités des fermions de Weyl est de se déplacer dans un matériau semi-conducteur de manière très ordonnée et pratiquement sans collision. Ils pourraient donc être utilisés pour résoudre les "embouteillages" qui surviennent avec les électrons dans les circuits électroniques où ils produisent un effet isolant (cf. EPFL). De plus, les fermions ou plus précisément les électrons de Weyl peuvent transporter des charges au moins 1000 fois plus vite que les électrons des semi-conducteurs ordinaires, et deux fois plus vite qu'à l'intérieur du graphène tout en permettant de fabriquer un dispositif dissipant très peu de chaleur. Bref, les fermions de Weyl sont particulièrement efficaces en termes énergétiques et ouvrent de fascinantes perspectives pour l'électronique du futur.

Les semi-métaux de Weyl

Jusqu'ici, on avait détecté des fermions de Weyl uniquement dans des matériaux non magnétiques. Mais en 2019 des chercheurs de l'Institut Paul Scherrer (PSI) en Suisse ont montré expérimentalement qu'il existe également des fermions de Weyl dans un matériau paramagnétique possédant des champs magnétiques internes avec des altérations aléatoires ou fluctuations relativement lentes du champ magnétique (cf. J.Ma et al., 2019). Pour les chercheurs, cela signifie qu'il est possible de manipuler des fermions de Weyl avec des champs magnétiques faibles.

Selon Minh Shi du PSI et coauteur de cette étude, "Dans certains matériaux paramagnétiques, ces fluctuations magnétiques intrinsèques pourraient suffire pour produire une paire de fermions de Weyl." Mais ces fluctuations doivent être suffisamment lentes pour permettre aux fermions de Weyl de se former.

Le matériau paramagnétique candidat le plus prometteur est l'arséniure d'europium-cadmium, de formule chimique EuCd2As2, dans lequel les chercheurs ont pu démontrer expérimentalement l'existence de fermions de Weyl.

Selon Junzhang Ma, "Nous avons montré que des fermions de Weyl pouvaient exister dans une plus grande gamme de matériaux que ce que l'on imaginait jusque là."

Cette découverte élargit considérablement la liste des matériaux qui pourraient servir dans l'électronique du futur. Cela permet d'entrevoir des applications dans le domaine de la spintronique, une spécialité de l'électronique promue à un bel avenir dans les technologies informatiques innovantes exploitant ce qu'on surnomme déjà la "Weyltronique". On pourrait notamment utiliser les fermions de Weyl pour fabriquer des mémoires ultra-rapides, pour améliorer les ordinateurs quantiques et pour transmettre des informations avec une efficacité bien supérieure à celle des électrons utilisés dans la technologie actuelle.

Découverte d'une nouvelle propriété de la lumière : l'auto-couple

Une équipe de chercheurs affiliés à plusieurs instituts de recherches espagnols (U.Salamanque, BIST) et américains (UCB, NIST, KMLabs) annonça en 2019 dans la revue "Science" avoir découvert une nouvelle propriété de la lumière : l'auto-couple (self-torque). Les chercheurs ont également décrit les utilisations possibles de cette propriété.

Les scientifiques connaissent depuis longtemps les propriétés de la lumière telles que la longueur d'onde et sa polarisation. Plus récemment on découvrit que la lumière pouvait être tordue, une propriété appelée le moment cinétique (R.A. Beth, 1936; K.Bliokh et al., 2015). On découvrit également qu'un champ pouvait porter un moment linéaire et un moment angulaire (cf. F.J. Belinfante, 1940). Mais il faudra attendre plus d'un demi-siècle pour que des chercheurs découvrent que la lumière pouvait porter deux types de moment angulaire : un moment angulaire de spin (SAM en anglais), associé à son état de polarisation, et un moment angulaire orbital (OAM en anglais), associé à une phase transverse hélicoïdale (cf. A.Beijersbergen et al., 1992). Ces dernières propriétés ont trouvé d'importantes implications dans le traitement de l'information quantique (cf. C.Borges et al., 2010; J.Leach et al., 2010).

Les faisceaux ayant un moment angulaire hautement structuré portent un moment angulaire orbital et sont appelés faisceaux ou beams vortex. Ils apparaissent sous la forme d'une hélice entourant un centre commun et, lorsqu'ils heurtent une surface plane, ils prennent la forme d'un beignet (donut). Pour cette étude, les chercheurs travaillaient avec des faisceaux OAM de très courtes longueur d'onde lorsqu'ils ont découvert que la lumière se comportait d'une manière jamais observée auparavant.

A voir : Structured light concepts and theory, light twist OAM, ISPNLO

Light in a Twist: Optical Angular Momentum

Deux illustrations d'une nouvelle propriété des faisceaux lumineux, l'auto-couple ou couple propre (self-torque) associé à une variation temporelle du moment angulaire orbital (OAM). A gauche, la génération de faisceaux UVE à auto-couple. (A) Deux impulsions infrarouges femtosecondes retardées avec différentes OAM sont focalisées sur une cible gazeuse pour produire des faisceaux UVE auto-couplés en sortie du nuage de gaz. La signature distinctive des faisceaux auto-couplés est leur valeur OAM dépendante du temps, comme indiqué en (B) pour la 17e harmonique (47 nm, avec un couple propre ξ17 = 1.32 fs-1). (C) L'auto-couple imprime un chirp ou modulation de fréquence azimutale, ce qui permet sa mesure expérimentale. A droite, schéma de la même expérience. Deux impulsions laser vortex infrarouge temporisées (en haut à gauche) frappent une cible gazeuse et génèrent une lumière UVE cohérente dont le moment angulaire orbital (OAM) varie au cours du temps (à droite) : c'est l'auto-couple de la lumière. Documents Laura Rego et al. (2019).

Les expériences ont consisté à éclairer un nuage d'argon avec deux lasers femtosecondes en faisant en sorte que les faisceaux soient obligés de se chevaucher. Ils se sont réunis et ont émis un faisceau unique de l'autre côté du nuage d'argon. Le résultat était un type de faisceau vortex. Les chercheurs se sont alors demandés ce qui se passerait si les lasers avaient un moment angulaire orbital différent et s'ils étaient légèrement désynchronisés. Cela aboutit à un faisceau qui ressemblait à un tire-bouchon dont la torsion changeait progressivement. Lorsque le faisceau heurta une surface plane, il ressembla à un croissant de Lune. Les chercheurs ont noté que, sous un autre angle, un photon situé à l'avant du faisceau gravitait autour de son centre plus lentement qu'un photon situé à l'arrière du faisceau. Les chercheurs ont rapidement qualifié la nouvelle propriété d'auto-couple. Il ne s'agit pas seulement d'une nouvelle propriété de la lumière mais également d'une propriété qui n'a jamais été prédite.

Les chercheurs suggèrent qu'il devrait être possible d'utiliser leur technique pour moduler le moment angulaire orbital de la lumière de manière très similaire à la modulation de fréquence dans les équipements radios. Cela pourrait conduire au développement de nouveaux instruments capables de manipuler des objets extrêmement petits.

Exploration des états excités à 37 dimensions : révolution quantique et paradoxe

Des physiciens ont récemment franchi une étape audacieuse dans l'exploration de la réalité quantique, en manipulant des particules de lumière pour examiner une structure multidimensionnelle du monde physique qui dépasse de loin les cadres traditionnels de notre compréhension, en créant des particules qui existent simultanément dans 37 dimensions (cf. W.Tang et al., 2013/2016; Z.-H. Liu et al., 2025).

Qu'est-ce que cela signifie ? Par "dimension", il ne s'agit pas de dimensions physiques ni même quantiques au sens strict, mais plutôt d'une manipulation d'états quantiques qui peuvent exister simultanément dans plusieurs dimensions (qui peuvent être des degrés d'excitation ou des configurations dans un espace à plus de trois dimensions). Il s'agit en réalité d'une construction mathématique dans le cadre des modèles quantiques. 

Champ multidimensionnel. Document T.Lombry.

L'expérience réalisée par les chercheurs porte sur des états quantiques et des systèmes intriqués dans des espaces de plus de trois dimensions spatiales classiques, mais cela se réfère à des dimensions supplémentaires dans le cadre de l'espace des états de la mécanique quantique (des espaces vectoriels abstraits), et non à des dimensions physiques supplémentaires comme celles postulées dans certaines théories de la gravité quantique ou les modèles de dimensions supérieures en cosmologie.

En d'autres termes, ces 37 dimensions sont une abstraction mathématique utilisée pour décrire les états quantiques d'un système particulier, et non des "dimensions réelles" comme celles postulées dans les théories comme les cordes ou d'autres modèles de physique théorique. Ce n'est donc pas une exploration de la réalité physique supérieure, mais plutôt de la manière dont les états quantiques peuvent être manipulés dans un cadre de dimensionnement complexe.

Cette expérience met en lumière les limites actuelles de notre conception de l'univers quantique, tout en suggérant l'existence d'un réseau de possibilités interconnectées qui pourrait bien n'être que la portion émergée d'un océan encore inexploré de phénomènes physiques complexes. Cette avancée radicale pousse les frontières de la science à un niveau où la distinction entre le réel et le possible devient de plus en plus floue, remettant en question des concepts autrefois considérés comme acquis.

Au cœur de cette découverte se trouve le paradoxe de Greenberger-Horne-Zeilinger (GHZ), une expérience de pensée qui a bouleversé notre vision de la mécanique quantique. Ce paradoxe repose sur l'idée que certaines particules peuvent être intriquées de manière telle que toute intervention sur l'une d'elles provoque instantanément un effet réciproque sur l'autre, sans égard à la distance qui les sépare. Ce phénomène étrange, qui défie les notions classiques de localité et de causalité, suggère que l'univers à grande échelle pourrait être beaucoup plus interconnecté que ce qu'on imagine. En effet, même si les particules sont séparées par des distances astronomiques, l'intrication quantique permet une sorte de communication instantanée, ce qui soulève des questions fondamentales sur la nature du temps, de l'espace et de l'information dans l'univers.

Dans cette nouvelle étude, les physiciens ont réussi à aller au-delà des expériences d'intrications quantiques classiques en générant des particules capables d'exister simultanément dans 37 dimensions distinctes. Ce résultat dépasse le cadre des trois dimensions spatiales familières et du temps, postulant un univers beaucoup plus vaste et plus complexe que ce que les théories actuelles permettent d'envisager. Cette découverte suggère que, même si notre compréhension des lois de la physique quantique a fait d'immenses progrès au cours des dernières décennies, les phénomènes à l'œuvre dans cet étrange domaine demeurent encore largement incompris.

Les implications de cette expérience sont profondes, tant sur le plan théorique qu'expérimental. En prouvant qu'il est possible de manipuler des particules dans un espace de "37 dimensions", les chercheurs ouvrent la voie à de nouvelles voies de recherche en physique théorique et appliquée. Cela pourrait notamment permettre de réévaluer nos modèles cosmologiques, de nouvelles perspectives sur la gravité quantique, et peut-être même de proposer des moyens innovants pour la manipulation de l'information à l'échelle quantique. En somme, cette étude est un pas important vers une révision complète de la physique telle que nous la connaissons, et elle souligne à quel point la réalité quantique échappe encore largement à notre entendement.

Pour plus d'informations

arXiv

Researchgate.net

Nature

Nature Quantum Physics

Science

Physical Review B

Physics

2Physics

Material Today

Resonance.

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