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Les comètes La queue (III) C'est à l'approche du Soleil, lorsque la surface de la comète se réchauffe, que les glaces se subliment dans le vide entraînant les poussières du noyau. La comète devient alors visible. Ce n'est pas le déplacement de la comète qui crée sa queue. C'est le vent solaire et la pression de radiation solaire qui éloignent les particules émises par le noyau de la comète à des vitesses qui dépendent de la masse atomique des particules. Tandis que la vapeur d'eau très légère reste confinée dans la coma, les particules plus massives sont entraînées par la pression de radiation solaire dans la direction opposée au Soleil, formant une queue plus ou moins longue et incurvée. A l'inverse, la queue ionique (voir plus bas) étant très légère, elle s'éloigne rapidement et apparaît toujours longue et rectiligne. La queue de poussière s'étend en général sur 5 à 15° dans le ciel, mais elle peut-être beaucoup plus étendue. En l'an 837, Halley s'étendait sur 97° et la comète de 1861 atteignit 118° ! La queue s'étend en général sur 1 million de kilomètres mais en 1965 Ikeya-Seki s'étendit sur 45° soit 500 millions de kilomètres soitplus de 3 fois la distance qui nous sépare du Soleil. Le record est détenu par la comète 153P/Ikeya-Zhang photographiée par la sonde spatiale Cassini en 2002 dont la queue mesurait un milliard de kilomètres soit 7 fois la distance de la Terre au Soleil !
L'aspect d'une comète dans le ciel est avant tout lié à un effet de perspective et des positions relatives des différents corps. Si la comète est orientée vers la Terre, sa queue sera à peine visible et apparaîtra en éventail ou formant un halo autour du noyau. A l'inverse, près du Soleil, si la comète forme un angle important avec la Terre, la queue se détachera dans le ciel dans toute sa splendeur, formant une longue plume plus ou moins diffuse selon les conditions du moment. On peut donc résumer l'aspect des comètes en 4 phases et prendre la comète Hale-Bopp ou Neowise comme exemple : - Phase 1 : La comète est aux confins du système solaire, à peine discernable parmi les étoiles. Sur les images couleurs, elle est rouge (photo de Neowise par la NASA) car son noyau est encore froid et émet dans l'infrarouge. Son noyau se réchauffe lentement et sa queue est à peine formée. - Phase 2 : La comète s'approche du Soleil et présente des queues multiples : poussière, ionique et élément spécifique (par exemple sodium). - Phase 3 : La comète s'éloigne du Soleil. Elle a perdu sa queue ionique. Son noyau est verdâtre en raison de l'émission de carbone diatomique (C2). - Phase 4 : La comète s'éloigne encore plus du Soleil et se refroidit. Sa queue de poussière s'affaiblit et la comète finira par ne plus être visible, même dans un grand télescope par photographie. Les comètes étant principalement constituées de glace d'eau, elles commencent à se sublimer vers 1.5 UA, lorsqu'elles franchissent l'orbite de Mars et que la température de leur surface remonte vers 0°C. Elles peuvent toutefois être visibles à de plus grandes distances, selon qu'elles contiennent plus ou moins d'autres gaz dont voici les seuils de fusion et d'ébullition à pression ambiante (en °C sous 1 atm), sachant toutefois que dans le vide de l'espace le passage de l'état solide à celui de gaz et inversement s'opère généralement par sublimation (rappelons que pour l'eau le point triple se situe à 6.1 mb pour 0°C) :
Consultez également le tableau des propriétés des principaux éléments chimiques qui reprend le poids moléculaire, les températures de fusion et d'ébullition, la chaleur latente, etc, de quelques substances connues. Les queues des comètes ne sont pas toutes identiques et se différencient principalement par leur constitution. L'astronome russe Fédor Brédikin a défini trois types de queues cométaires : - Le Type I : il s'agit de la queue ionique. Elle est bleutée (pic à 420 nm) et rectiligne, bien que parfois légèrement hors de l'axe de la comète. Elle est constituée de plasma. A l'approche du Soleil les gaz neutres libérés dans la coma sont excités par les photons UV du Soleil et perdent leurs électrons, c'est le phénomène de fluorescence. Le gaz ainsi ionisé est électroniquement chargés, (CO+ par exemple) et devient sensible aux lignes de force du champ magnétique solaire transporté par le vent solaire. La queue ionique ou de plasma est orientée exactement dans le sens opposé à celui du vent solaire et s'étend sur des dizaines ou centaines de millions de kilomètres à partir de la coma. La forme de la queue ionique s'explique par la formation d'une onde de choc. A l'intérieur de ce front l'écoulement du vent solaire est freiné par l'atmosphère de la comète et produit des turbulences qui prennent l'aspect de cordes, de noeuds et de filaments qui différencient la queue ionique de la queue de poussière. En dehors du front les ions associés à la comète sont entraînés par l'écoulement général, guidés par les lignes de force engendrées par le noyau en mouvement. Les ions s'échappent ainsi de la coma pratiquement dans la direction anti-solaire en formant une longue queue distincte. A consulter : Comet Tails, Wolfram
Pourquoi cette queue ionique est-elle bleue ? C'est parce que l'ion CO+, le plus abondant, disperse plus la lumière bleue que la lumière rouge que cette queue nous apparaît bleue. Cette queue ionique évolue dans le temps. Des hétérogénéités ont été observées, se déplaçant le long de la queue à des vitesses de 10 à 100 km/s. Leur présence est liée au champ magnétique du Soleil. Tournant sur lui-même, le Soleil engendre un champ magnétique qui se propage dans l'espace, non pas de façon rectiligne mais en formant des spirales. Toutes les régions du système solaire baignent dans ce champ magnétique mais ne sont pas toutes polarisées dans une même direction; localement le vent solaire souffle dans une direction particulière. En traversant ces régions, la queue ionique des comètes subit une perturbation qui crée une discontinuité dans la queue. Telles des irrégularités, ces condensations s'éloigneront petit-à-petit, jusqu'à disparaître au bout de quelques jours. En 1986, Halley présenta de telles structures. En deux semaines une nouvelle queue ionique se reforma mais elle ne retrouva pas sa splendeur antérieure. Cette queue contient des ions "cométaires", c’est-à-dire un spectre d’éléments que l’on retrouve régulièrement dans les comètes : H2O+, CO+, CO2+, OH+, N+ et beaucoup plus près du noyau des ions H2+, O+, S+. Plusieurs de ces molécules ionisées présentent également des charges négatives mais elles sont rapidement neutralisées par le rayonnement solaire. Après le passage au périhélie et la sublimation des couches extérieures glacées du noyau, des particules organiques neutres sont dispersées, telles les molécules OH, HCN, CH3 CN, NH2, NH, C2, C3, CO, CN, CH et des métaux MnI, FeI, Si. Leur durée de vie avant dissociation n'est que de quelques heures sous 1 UA. A consulter : Visual Comets in the Future (Northern Hemisphere), Seiichi Yoshida
Pour Halley, on évalua le parcours d'une molécule d'eau avant dissociation à environ 39000 km. Sous l'effet du rayonnement ultraviolet solaire les chaînes moléculaires se cassent et des atomes ou des molécules plus simples subsistent quelques jours : H, C, O, N, OH. De célèbres comètes présentaient une queue ionique très étendue : Humason (1962 VII) dont le noyau libéra très peu de poussière, Ikeya (1963 I), Halley en 1910 et en 1986, Hale-Bopp en 1997 et Neowise en 2020 dont la queue ionique s'étendait sur 70°. - Le Type II : il s'agit de la queue cométaire typique, la queue de poussière dont les plus petites particules mesurent 10 microns soit un centième de millimètre de diamètre et diffusent la lumière solaire. Les plus grosses particules qui atteignirent la sonde spatiale Giotto qui traversa la queue de Halley pesaient 44 mg. La queue de poussière est blanchâtre, parfois jaune-orangée du fait que les grains de poussière réfléchissent un peu plus les grandes que les courtes longueurs d'ondes de la lumière. Chacun de ces grains de poussière orbite individuellement autour du Soleil mais tous sont entraînés par le flux général du gaz en expansion issu de la coma qui s'échappe du noyau. Sous l'effet de la pression de radiation du Soleil, ces grains subissent un peu moins l'attraction solaire que le noyau si bien qu'à mesure que la comète évolue autour du Soleil sa queue s'incurve, s'épaissit, s'enroule et se torsade, se distinguant de la queue ionique bleutée qui reste rectiligne.
Lors de son survol de "Chouri" en 2014 dont la période est de 6.44 ans, la sonde Rosetta découvrit que la comète libérait deux fois plus de poussière que de gaz. En s'approchant au plus près du Soleil (entre 4 et 3 UA), cette comète libère entre 60 et 220 kg de poussière par seconde. Sa queue de poussière contenait principalement de la vapeur d'eau. Rosetta a également identifié des gaz comme l'ammoniac, le méthane et le méthanol ainsi que des traces de formol, de sulfure d'hydrogène, d'acide cyanhydrique, de dioxyde de soufre et de sulfure de carbone. Enfin, la sonde Rosetta détecta des traces de sodium, de magnésium et de fer dans les poussières de la coma interne. Après le passage au périhélie, la matière sublimée provient des régions plus profondes du noyau. On y trouve en abondance des ions C+ et CO+ ainsi que des silicates et des composés organiques. Ces particules peuvent être très fines. Sur Halley certaines poussières ne dépassaient pas 10-14 mg. Parmi les comètes les plus connues présentaient une belle queue de poussière, citons Mrkos (1957 V), Seki-Lines (1962 III), West (1975 VI), Swift-Tuttle (1992) et Halley en 1986. En 1996, la comète Hyakutake qui passa à 15 millions de kilomètres de la Terre présenta une queue de poussière de 20 millions de kilomètres qui s'étendit sur plus de 70° dans le ciel ! En 1997, la queue de poussière de la comète Hale-Bopp s'étendit sur 45°. Enfin, Neowise en 2020 fut également brillante (un peu moins que Hale-Bopp) et très photogénique avec une queue de poussière incurvée en éventail et striée qui s'étendit sur 50°. Tant la queue ionique que celle de poussière peuvent exceptionnellement atteindre 100 millions de kilomètres voire plus (voir haut de page). - La queue de sodium Parfois, près de la queue ionique on peut observer une traînée ou queue rectiligne distincte jaune-orangée. Analysée par spectroscopie, cette queue présente une raie brillante à 589.0 nm (cf. le spectre obtenu par Christian Buil). C'est la signature du sodium neutre, la même raie d'émission que celle des lampes aux vapeurs de sodium à basse pression (cf. la pollution lumineuse), d'où son nom de queue de sodium ou queue neutre. On ignore quelle est la source des atomes de sodium et comment la queue neutre se forme. Parmi les hypothèses, les atomes de sodium sont formés dans le coma et sont poussés dans la queue neutre par la pression de radiation. La queue neutre serait donc formée de manière similaire à la queue de poussière. Selon une autre hypothèse, les atomes de sodium seraient créés dans la queue soit par des collisions entre les grains de poussière soit par le bombardement des grains de poussière par la lumière UV du Soleil. Cette réaction appelée pulvérisation libère les atomes de sodium.
Selon Carl Schmidt de l'Université de Boston qui photographia la queue de sodium de la comète Hale-Bopp avec son collègue Jeffrey Morgenthaler du Planetary Science Institute, "Grâce à l'accélération de la lumière solaire intense, la queue de sodium prend une forme différente de celle observée dans les images filtrées hors bande, qui sont dominées par la lumière réfléchie par la poussière. En comparaison, la queue de sodium est plus étroite, plus longue et pointe directement loin du Soleil." La poussée sur les atomes de sodium étant plus forte que sur la poussière et les autres gaz éjectés par la comète, son analyse apporte de nouvelles informations sur les conditions proches de la surface de la comète. Seules des comètes très brillantes comme Hale-Bopp en 1997, ISON en 2013 et Neowise en 2020 présentaient cette queue de sodium. - Le Type III : il s'agit de queues anormales ou des anti-queues qui apparaissent parfois dans la direction du Soleil. Elles résultent de conditions particulières de projections géométriques. Lorsque les trajectoires des grains sont très déviées, cette queue peut s'incurver au point de faire demi-tour, apparaissant "en avant" du noyau. Sa longueur peut atteindre 60 millions de kilomètres. L'anti-queue est composée de grains de poussière relativement gros (plus de 10 microns) qui sont émis longtemps avant le passage au périhélie. Peu affectés par la pression de radiation du Soleil, ils ne se séparent que lentement du noyau. L'anti-queue est très brillante lorsque la Terre se situe exactement dans le plan de l'orbite de la comète. Elle est toujours plus faible que la queue principale et peut apparaître courbée ou hérissée, floue et offrant un panache étendu. La durée de vie de l'anti-queue varie selon les comètes et leur configuration spatiale par rapport à la Terre. Elle oscille entre quelques jours et plusieurs mois.
Les comètes de Arend-Roland (1957), Kohoutek (1973), West (1975 VI), Hale-Bopp (1997), Lulin (2008) et ZTF (C/2022 E3) parmi d'autres présentaient une anti-queue. Prochain chapitre
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