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Astrophysique et Cosmologie Les découvertes récentes (III) Les filaments cosmiques seraient en rotation Nous savons que les corps célestes, des planètes aux étoiles en passant par les galaxies, tournent sur elles-mêmes. En revanche, les amas de galaxies ne tournent pas du tout ou très lentement. Jusqu'à présent, on pensait que la rotation s'interrompait à l'échelle des grandes structures cosmiques. Mais dorénavant cette idée doit être écartée. Dans un article publié dans la revue "Nature" en 2021, Noam I. Libeskind de l'Institut Leibniz d'Astrophysique de Potsdam, en Allemagne, et ses collègues ont découvert que les filaments cosmiques constitués de centaines de galaxies qui s'étendent sur des centaines de millions d'années-lumière (cf. cette simulation) semblent également tourner sur eux-mêmes. Il s'agirait des plus grandes structures en rotation de l'univers.
Des études antérieures ont suggéré qu'au cours de l'évolution de l'Univers, une grande partie du gaz probablement combiné à de la matière sombre et froide s'est effondré pour former les galaxies. Elles se sont ensuite rassemblées pour former des amas de galaxies qui se sont eux-mêmes rassemblés dans des superamas de galaxies qui ont fini par s'agglutiner et former les immenses filaments noueux de la toile cosmique. À l'aide des données du sondage SDSS (Sloan Digital Sky Survey), les chercheurs ont examiné plus de 17000 filaments, analysant la vitesse à laquelle les galaxies composant ces structures géantes se déplaçaient. Pour se faire ils ont statistiquement approximé les filaments de galaxies par des cylindres. Au sein de chaque cylindre, les galaxies ont été divisées en deux régions A et B autour de l'axe central ou épine dorsale du filament (en projection). Ils ont ensuite mesuré le décalage Doppler (vers le rouge et vers le bleu) des galaxies au sein de chaque région et calculé leur vitesse relative par rapport à l'axe du filament. Ils ont découvert que ces galaxies tournaient autour de l'épine centrale de chaque filament comme le montrent les graphiques ci-dessus. Les galaxies les plus rapides se déplacent autour du centre évidé de ces filaments à des vitesses atteignant environ 100 km/s. Les chercheurs soulignent que si les filaments individuels ne semblent pas tourner sur eux-mêmes, il semble exister des filaments en rotation. Les chercheurs ont également remarqué que l'ampleur de la rotation est proportionnelle à l'angle d'observation et à l'état dynamique du filament. La rotation est plus apparente lorsque le filament est observé de face. De plus, plus les halos de galaxies situés aux extrémités des filaments sont massifs, plus la rotation est décelable. Cette corrélation pourrait être un indice permettant aux chercheurs de comprendre le mécanisme à l'origine de cette rotation. La grande question est de savoir pourquoi ces filaments tournent-ils ? Et indirectement, sous l'effet de quelle impulsion initiale et depuis quand, c'est-à-dire à quelle époque ou à quel stade de l'évolution de l'Univers et des galaxies cette rotation s'est déclenchée ? Selon Libeskind, en théorie le Big Bang n'a pas donné d'impulsion initiale aux structures primordiales de l'univers primitif. Par conséquent, ce qui a mis en rotation ces filaments est apparu plus tard dans l'histoire de l'Univers, au fur et à mesure que les structures se sont formées. Une origine possible de cette rotation est que les puissants champs gravitationnels engendrés par ces filaments ont forcé le gaz, la poussière et d'autres matériaux, à s'effondrer ensemble, et que les forces de cisaillement résultantes auraient déclenché la rotation de toute cette matière. Mais selon Libeskind, pour le moment "nous ne savons pas vraiment ce qui peut provoquer un couple à cette échelle." Le mystère est entier. SPT0418-47, une galaxie semblable à la Voie Lactée à 12.2 milliards d'années-lumière Dans un article publié dans la revue "Nature" en 2020, grâce au réseau radioastronomique ALMA ( Atacama Large Millimeter/submillimeter Array) installé au Chili, Francesca Rizzo de l'Institut Max Planck d'Astrophysique et ses collègues ont découvert une galaxie semblable à la Voie Lactée cataloguée SPT0418-47 à z = 4.2 soit plus de 12.2 milliards d'années-lumière. Cette découverte soulève un problème astrophysique car les astronomes ne s'attendaient pas à ce qu'une galaxie de ce type existe seulement 1.5 milliard d'années après le Big Bang. En effet, selon les modèles, les premières galaxies sont extrêmement instables et ne ressemblent pas du tout à la Voie Lactée. A voir : SPT0418-47: lensed view to reconstructed view, ESO Gravitational lensing of the distant SPT0418-47 galaxy (schematic)
Dans un communiqué de l'ESO, Rizzo déclara que "ce résultat constitue une véritable percée dans le domaine de la formation des galaxies. Il atteste que les structures que nous observons au sein des galaxies spirales proches de la nôtre ainsi que dans notre propre Voie Lactée étaient déjà en place voici 12 milliards d’années." Les chercheurs ont identifié des caractéristiques distinctes telles qu'un disque en rotation et un renflement central où se ressemblent un grand groupe d'étoiles, un peu comme la Voie Lactée. Selon Filippo Fraternali de l'Institut d'astronomie Kapteyn de l'Université de Groningue aux Pays-Bas et coauteur de cet article, "Le fait que cette galaxie ressemble tant aux galaxies proches de la nôtre constitua une véritable surprise. Ce résultat va à l’encontre de l’ensemble des prévisions des simulations numériques et des données d’observations antérieures, moins détaillées." Le problème est qu'il est presque impossible d'obtenir une image détaillée d'une galaxie située à 12 milliards d'années-lumière, même avec les plus grands télescopes actuels de 8 à 10 m de diamètre. Heureusement, grâce à une galaxie massive située à l'avant-plan et faisant office de lentille gravitationnelle - qui est à l'origine de la forme circulaire de l'image de la galaxie -, les astronomes ont pu profiter de son effet amplificateur pour distinguer des détails sans précédent dans SPT0418-47. Les chercheurs se sont ensuite appuyés sur des techniques de modélisation informatique pour reconstruire la forme de la galaxie. Selon Simona Vegetti de l'Institut Max Planck d'Astrophysique et coauteure de cette article, "Ce que nous avons découvert est assez déroutant : bien qu’elle forme des étoiles à un rythme élevé et qu’elle soit le siège de processus hautement énergétiques, SPT0418-47 est le disque galactique le mieux ordonné observé à ce jour dans le jeune Univers [...] Ce résultat particulièrement inattendu bouleverse notre perception de l’évolution des galaxies." Les chercheurs espèrent utiliser le futur télescope ELT de 39 m de diamètre qui devrait voir sa première lumière en 2025 pour observer de plus près et mieux comprendre à quoi ressemblaient les galaxies peu de temps après le Big Bang. Découverte de filaments diffus de gaz dans l'espace profond Dans un article publié dans la revue "Astronomy & Astrophysics" en 2021 (en PDF sur arXiv), l'équipe du sondage MUSE HUDF de l'ESO dirigée par l'astrophysicien Roland Bacon de l'Université Lyon 1 annonça la découverte d'une émission Lyman α (Ly-α) diffuse, c'est-à-dire de fluorescence de l'hydrogène, étendue entre les redshifts z de 3.1 et 6.7, traçant des filaments de gaz froids situés entre 11.6 et 12.9 milliards d'années-lumière dont certains mesurent 15 millions d'années-lumière. Ces filaments de gaz constituent la toile de fond cosmique sur laquelle les germes des galaxies se sont formées 2 ou 3 milliards d'années après le Big Bang.
Ces structures ont été observées dans des surdensités d'émetteurs Lyman α (LAE) grâce à l'imageur MUSE (Multi Unit Spectroscopic Explorer) du VLT lors d'expositions de 140 heures du champ HUDF (Hubble Ultra Deep Field), une région du ciel profond très étudiée située dans la constellation du Fourneau. Parmi les 22 régions de surdensité identifiées, 5 semblent abriter de vaste étendues de gaz émettant fortement par fluorescence. Après analyse, 70% de la luminosité totale de ces filaments proviennent d'au-delà des émetteurs LAE catalogués (des jeunes galaxies présentant un taux élevé de production stellaire et émettant fortement en UV). Selon les simulations GALICS telles celle présentée ci-dessus, l'émission fluorescente Ly-α alimentée par ce fond UV cosmique représente moins de 34% de cette émission à z ≈ 3 et pas plus de 10% à un redshift plus élevé. En fait, ce rayonnement diffus semble émis par des galaxies naines trop pâles pour être visibles. C'est la première fois qu'on détecte des filaments de gaz en émission Ly-α à ces distances et le premier indice observationnel indiquant l'existence d'une grande population de LAE d'ultra faible luminosité à des décalage vers le rouge très élevés. Paradoxalement, sur base de ce rayonnement UV supposé être émis par les jeunes étoiles de ces galaxies naines éloignées, la luminosité minimale de ces LAE indique que le taux de formation stellaire maximum dans ces galaxies naines est très faible : elles ne formeraient au maximum qu'une étoile... tous les 10000 ans (contre 3 étoiles pour la Voie Lactée de nos jours et 10000 fois plus pour les galaxies primitives). Cela signifie surtout que cette émission Ly-α dans un environnement extérieur aux grandes structures galactiques est un indice permettant de tracer les filaments de matière à des échelles supérieures au mégaparsec.
A présent, les chercheurs vont étendre leurs observations à d'autres régions du ciel profond à la recherche d'autres filaments de la toile cosmique grâce à un nouveau spectrographe nommé BlueMUSE. Décalé vers des longueurs d'ondes un peu moins infrarouge, il permettra d'explorer les LAE un peu moins éloignés et donc formés plus récemment (plus près du pic de formation stellaire dans les galaxies) vers z = 2 soit ~10.4 milliards d'années-lumière. L'identification de ces présumées galaxies naines dans les filaments de gaz à cette époque permetttra d'améliorer nos connaissances sur la formation des galaxies et la structure de la toile cosmique. Des bulles d'hydrogène ionisé à z = 7.7 Selon la théorie du Big Bang, au cours du premier milliard d'années de l'Univers, la plupart des atomes d'hydrogène se sont ionisés. Les astronomes soupçonnent que cette réionisation - car auparavant l'hydrogène avait déjà été ionisé pendant quelques centaines de milliers d'années - fut déclenchée par les étoiles de la première génération dont l'intense rayonnement UV arracha les électrons des nuages d'hydrogène environnants. Dans un article publié en 2020 par Vithal Tilvi de l'Université d'Etat d'Arizona (ASU) et ses collègues, les chercheurs ont annoncé la découverte de trois galaxies à environ z = 7.7 ou 13 milliards d'années-lumière dont les étoiles sont en train de réioniser l'hydrogène environnant. C'est la première preuve directe de cette phase primordiale de l'évolution de l'Univers. Durant cette période appelée les "Âges sombres" cosmiques, des particules élémentaires formées peu après le Big Bang se sont combinées pour former de l'hydrogène neutre mais aucune étoile ou galaxie n'existait encore pour éclairer l'Univers. Comme illustré ci-dessus, cette période commença environ 300000 ans après le Big Bang et se termina avec la formation des premières étoiles, dite de Population III très pauvres en métaux (métallicité [Z/H] ~ -10). Bien que cette période soit prévue par les équations et les simulations informatiques, jusqu'à présent nous avions très peu de preuves directes. Grâce à l'imageur infrarouge NEWFIRM (NOAO Extremely Wide-Field Infrared Imager) installé sur le télescope Mayall de 4 m du Kitt Peak en Arizona, des astronomes ont découvert dans l'amas de galaxies EGS77 trois galaxies affichant dans leur spectre les effets du rayonnement de ces premières étoiles. La découverte de ces galaxies très pâles n'a été possible que grâce à l'utilisation d'un filtre spécial à bande étroite sur le NEWFIRM. Notons que EGS, alias Extended Groth Strip, est une région riche en galaxies située dans la constellation du Bouvier qui fut découverte en 2005 grâce au Télescope Spatial Hubble. Elle correspond à une étroite bande du ciel large de 1° contenant 50000 galaxies dont deux photos sont présentée ci-dessous. L'amas de galaxies EGS77 fut découvert dans le cadre du sondage Cosmic DAWN (l'Aube Cosmique, alias Cosmic Deep And Wide Narrowband) dirigé par James E. Rhoads du centre GSFC de la NASA.
Les résultats de cette étude furent présentés lors d'une conférence de presse qui s'est tenue en janvier 2020 lors du 235e meetinge meeting de l'American Astronomical Society (AAS) à Honolulu, à Hawaï. Selon James Rhoads qui présenta les résultats, "EGS77 est le premier amas de galaxies pris en train de nettoyer ce brouillard cosmique." Selon Tilvi : "La lumière intense des galaxies peut ioniser l'hydrogène gazeux environnant, formant des bulles qui permettent à la lumière des étoiles de voyager librement. EGS77 a formé une grande bulle qui permet à sa lumière de voyager vers la Terre sans beaucoup d'atténuation. Finalement, des bulles comme celles-ci se sont développées autour de toutes les galaxies et ont rempli l'espace intergalactique, ouvrant la voie à la lumière pour voyager à travers l'Univers." Les spectres des trois galaxies obtenus par le télescope Keck I d'Hawaï montrent de fortes raies d'émission Lyman alpha (la signature de la désexcitation de l'hydrogène en UV) à un décalage z = 7.7 (redshift photométrique) soit 13 milliards d'années-lumière, lorsque l'Univers avait 5% de son âge actuel soit environ 676 millions d'années après le Big Bang. La taille de la bulle ionisée autour de ces galaxies a été dérivée de leur modélisation informatique. Ces bulles se chevauchent spatialement, mais sont suffisamment grandes (environ 2.2 millions d'années-lumière) pour que les photons Lyman alpha soient décalés vers le rouge par effet Doppler avant d'atteindre la limite de la bulle et peuvent ainsi s'échapper sans trop de perturbations, permettant aux astronomes de les détecter. La découverte de ces bulles de réionisation est importante pour la cosmologie car elle confirme cette transition durant les Âges sombres, un état intermédiaire entre un Univers neutre et un Univers ionisé tel que prédit par la théorie. A l'avenir, les astronomes espèrent que de telles découvertes seront plus nombreuses grâce à l'utilisation de télescopes plus puissants (cf. le ELT de 39 m de diamètre) qui pourront sonder l'Univers encore plus loin avec plus de netteté. Traces d'ionisation stellaire 180 millions d'années après le Big Bang ? Après plus de dix années de recherches, Judd D. Bowman de l'Université d'Arizona et ses collègues ont annoncé en 2018 dans la revue "Nature" qu'ils avaient découvert les traces des premières étoiles ionisant l'Univers 180 millions d'années seulement après le Big Bang, un record ! Rappelons qu'à cette époque primordiale l'Univers ne contenait pas encore de galaxies, de supernovae ou de quasars. L'espace était principalement composé de nuages d'hydrogène neutre (région HI) baignant dans un rayonnement diffus omniprésent issu du Big Bang. Au fil du temps, ces nuages de gaz se sont refroidis et la gravité provoqua leur effondrement et la formation des premières étoiles. Il s'agit d'étoiles géantes bleues très chaudes de Population III composées exclusivement d'hydrogène.
Lorsque ces étoiles primordiales ont commencé à briller, elles ont irradié l'espace de rayonnement ultraviolet très intense. Cela provoqua l'excitation des atomes d'hydrogène neutre, formant les premiers nuages d'hydrogène ionisé (région HII). Après avoir absorbé l'énergie du rayonnement, pour retrouver leur stabilité et leur état de moindre énergie, ces atomes d'hydrogène ionisé ont dû émettre un rayonnement radioélectrique particulier sur la fréquence d'environ 1420 MHz ou 21 cm de longueur d'onde. Mais étant donné que l'Univers est en expansion, les ondes électromagnétiques subissent un effet Doppler et sont détendues. Autrement dit, elles présentent une longueur d'onde supérieure (ou une fréquence inférieure). Selon les modèles, cette transition atomique de l'atome d'hydrogène doit s'observer dans le rayonnement X-UV Ly-α mais avec un décalage Doppler ou redshift z ~ 20, ce qui correspond à une fréquence proche de 100 MHz (cf. la théorie du Big Bang pour la détection de la raie Ly-α dans le spectre infrarouge des quasars à z = 8). En théorie, si les astronomes détectent une raie d'absorption (ou l'émission radioélectrique) correspondant à cette fréquence, ils auront la preuve de l'existence de ce processus et indirectement de l'existence des premières étoiles. Pour trouver ce signal, l'équipe de chercheurs utilisa un spectromètre radio installé à l'Observatoire de Radioastronomie Murchison (MRO) en Australie occidentale présenté ci-dessous. Dans le cadre de l'expérience EDGES (Experiment to Detect the Global EoR Signature), l'équipe enregistra l'émission radioélectrique du ciel austral. Ensuite, ils analysèrent les données à la recherche d'infimes fluctuations de la température de brillance, c'est-à-dire de la puissance du signal en fonction de la fréquence en espérant trouver une déflection ou absorption significative. Initialement, l'équipe recherchait des fréquences un peu plus élevées, correspondant à des époques cosmiques plus récentes, mais en 2015 elle étendit ses recherches vers des fréquences plus basses et donc des évènement survenus plus tôt dans l'histoire de l'Univers. C'est alors qu'ils découvrirent un raie d'absorption importante à environ 78 MHz présentant un redshift z = 19.7 soit environ 13.54 milliards d'années-lumière. Ainsi que le rapporte Bowman, "Nous avons détecté un profil d'absorption aplati dans le spectre radioélectrique moyenné du ciel qui est centré sur la fréquence de 78 MHz avec une largeur de 19 MHz et une amplitude de 0.5 K. Le profil est en grande partie conforme aux attentes pour le signal de 21 cm induit par les premières étoiles. Cette fréquence correspond à environ 180 millions d'années après le Big Bang. En termes de détection directe d'un signal provenant du gaz d'hydrogène lui-même, il s'agit du plus ancien." Interprétations Parmi les interprétations de cette découverte, la détection d'hydrogène ionisé par le rayonnement des premières étoiles fut accompagnée par la prétendue mise en évidence de façon tout à fait fortuite de la véritable nature de la matière sombre (ou noire). En effet, selon les chercheurs la raie d'absorption détectée est plus de deux fois plus importante que les prédictions des modèles les plus optimistes, ce qui remet en question le modèle cosmologique Standard. Dans un article publié dans le même numéro de la revue "Nature" en 2018, l'astronome Renna Barkana de l'Université de Tel-Aviv estime que cela signifie que le signal fut perturbé par une autre composante qui provoqua un refroidissement de la matière plus important que prévu. Soit les astronomes ne tiennent pas compte d'une composante inconnue essentielle de l'univers primordial soit ils ont détecté indirectement la première trace de la matière sombre qui, selon les modèles, absorbe l'énergie de la matière ordinaire.
En apprenant la réponse de Barkana, Bowman a toutefois relativisé sa propre découverte en rappelant "Qu'un autre groupe la confirme de manière indépendante est un élément essentiel du processus scientifique." Afin de confirmer cette découverte, les chercheurs ont l'intention d'installer de nouveaux radiotélescopes, tels HERA (Hydrogen Epoch of Reionization Array) et l'OVRO-LWA (Owens Valley Long Wavelength Array). Ce projet constitue un défi car les sources de bruit peuvent être mille fois plus lumineuses sur le plan radioélectrique que le signal qu'ils recherchent, ce qui équivaut à détecter le chant d'un oiseau au milieu d'un ouragan ! Mais à présent qu'ils connaissent le profil et la puissance du signal, c'est déjà un avantage pour l'ajustement du futur récepteur et de son antenne. Affaire à suivre. Erratum Dans un article publié dans la revue "Nature" en 2022 (en PDF sur arXiv), Saurabh Singh de l'Université McGill de Montréal et ses collègues ont montré que la découverte de Bowman a mal été interprétée et est donc erronée. Selon les auteurs, "une mesure radiométrique du spectre du ciel radio dans la bande 55–85 MHz[, qui] montre que le profil trouvé par Bowman et al. dans les données prises avec l'instrument basse bande Experiment to Detect the Global Epoch of Reionization Signature (EDGES) n'est pas d'origine astrophysique ; leur profil le mieux adapté est rejeté avec une confiance de 95.3%. Le profil a été interprété comme une signature de l'Aube Cosmique; cependant, son amplitude était significativement plus élevée que celle prédite par les modèles cosmologiques standard. Notre non-détection confirme les inquiétudes antérieures et suggère que le profil trouvé par Bowman et al. n'est pas la preuve d'une nouvelle astrophysique ou d'une cosmologie non standard." Le DES cerne l'énergie sombre Dans une étude publiée dans les "Physical Review Letters" en 2019 (en PDF sur arXiv), une équipe de plus de 100 chercheurs dirigée par Timothy Abbott du CTIO (Observatoire Interaméricain de Cerro Tololo) a confirmé qu'une analyse approfondie de quatre phénomènes astrophysiques différents permet d'entrevoir une meilleure compréhension de la nature de l'énergie sombre, cette force qui semble accélérer le taux d'expansion de l'Univers. Selon Abbott, la nature de l'énergie sombre "est inconnue, et comprendre ses propriétés et son origine est l'un des principaux défis de la physique moderne." En effet, sa découverte peut avoir des impacts insoupçonnés dans toute la physique. Les mesures actuelles indiquent que l’énergie sombre peut être intégrée sans bouleversement dans la théorie de la relativité générale en tant que constante cosmologique. Mais actuellement ces mesures sont loin d’être précises et intègrent un large éventail de variations potentielles. Selon Abbott, "Toute déviation de cette interprétation dans l'espace ou dans le temps constituerait une découverte capitale en physique fondamentale." Mais le problème réside dans le fait que cette énergie sombre n'est observable qu’indirectement, à travers ses effets. Ceux-ci entrent dans deux catégories. Tout d'abord, elle déforme les structures galactiques du fait de l'accélération de l'expansion de l'Univers. Ensuite, elle empêche la croissance de certaines structures cosmiques. Cependant, ce n'est pas la seule force capable de produire de tels effets. Le danger est que ce qu'on mesure et supposé être la preuve d'une activité de l'énergie sombre soit en réalité autre chose. Les méthodes actuelles de mesure de l'énergie sombre sont problématiques. Toutes se fondent sur la distribution du rayonnement cosmologique micro-onde à 2.7 K (CMB), ce rayonnement relique qui remplit l'Univers et qui fut émis seulement 380000 ans après le Big Bang. À cette époque, l'influence de l'énergie sombre était minime. Pour une raison inconnue, elle a considérablement augmenté à mesure que l'espace-temps s'est détendu de plus en plus rapidement au cours des 8 à 10 derniers milliards d'années. Le phénomène d'accélération traduisant une différence de vitesses entre deux époques, la deuxième méthode de mesure consiste donc à observer des phénomènes de faibles décalages vers le rouge ou redshifts sur de grandes distances, ce qui permet de déterminer les conditions de l'Univers à différentes époques. Abbott et ses collègues ont remarqué qu'en combinant les deux types de mesures puis en les extrapolant dans le futur, ils avaient à leur disposition un outil puissant pour tester leurs modèles, mais il nécessitait des contraintes précises et indépendantes des expériences à faibles redshifts. Par conséquent, si les chercheurs avaient la possibilité d'améliorer la précision des mesures des faibles redshifts, cela augmenterait également la précision des calculs de l'énergie sombre, réduisant (voire augmentant) les chances qu'une physique jusque-là inconnue soit en jeu dans l'univers. Les chercheurs ont abordé ce défi en faisant appel à une combinaison de plusieurs méthodes d'évaluation des faibles redshifts, à savoir la mesure des courbes lumineuses des supernovae de Type Ia (SNe Ia), les fluctuations de densité de la matière baryonique (BAO), les lentilles gravitationnelles pâles et les amas de galaxies. Pour ce faire, les chercheurs ont utilisé les données du sondage DES (Dark Energy Survey), une collaboration internationale de différents instituts de recherches qui étudient les observations faites grâce au télescope Blanco de la NOAO installé au CTIO, au Chili.
En présentant la première partie des résultats de ce sondage, Abbott et ses collègues ont révélé les progrès accompli dans l'amélioration des contraintes sur la nature de l'énergie sombre. Selon les chercheurs, les conclusions du sondage DES et indépendamment de la recherche basée sur le CMB, excluent un univers dans lequel l’énergie sombre n'existe pas. De plus, les résultats suggèrent que l’univers est spatialement plat et les chercheurs ont pu déduire une contrainte plus stricte sur la densité de la matière baryonique. Selon Abbott, ces résultats contraignent l’état de "l’énergie sombre et sa densité énergétique dans l’Univers [...] avec une précision presque trois fois supérieure aux sept meilleurs résultats obtenus précédemment grâce au CMB." Ils concluent que d'autres sondages du DES devraient probablement affiner notre connaissance de l'impact de l'énergie sombre dans l'univers. Absorption de la raie à 21 cm à z = 17.2 En 2018, la communauté des cosmologistes apprit la découverte par EDGES (Experiment to Detect the Global Epoch of Reionization Signature) d'une raie d'absorption à 21 cm à z = 17.2, c'est-à-dire à peine 200 millions d'années après le Big Bang, à l'époque de l'Aube Cosmique. Cette découverte majeure a été largement discutée dans la presse scientifique, populaire et divers sites Internet (cf. J.D.Bowman et al. 2018; S.Witte et al., 2018; S.S.McGauch, 2018). Cet intérêt est tout à fait justifié car cette observation ouvre une nouvelle fenêtre sur l'Univers primordial. Non seulement, cette découverte apporte des détails sur l'Aube Cosmique, mais certains chercheurs affirment que l'intensité du signal est une indication de l'interaction entre la matière ordinaire et la matière sombre et froide, une conclusion beaucoup plus hasardeuse et très controversée. Mais avant d'explorer la question de la matière sombre, décrivons la physique du modèle cosmologique Standard FRW - c'est-à-dire sans matière sombre et froide - qui conduisit à la découverte du signal détecté par EDGES. Dans l'état de plus faible énergie ou singulet, l'atome d'hydrogène ou plutôt son électron peut absorber un photon et sauter vers un état d'énergie légèrement excité appelé triplet qui diffère de l'état fondamental par l'arrangement du proton et des spins électroniques. Cette transition est induite par des photons d'une longueur d'onde de 21 cm soit 1421 MHz. Cette réaction se produirait régulièrement durant l'Aube Cosmique lorsque les photons du rayonnement cosmologique micro-onde à 2.7 K ou CMB sont entrés en collision avec les atomes neutres présents dans l'Univers. Le graphique présenté à gauche illustre l'évolution des températures du rayonnement cosmologique micro-onde (en rouge) et de l'hydrogène (en bleu) en fonction du temps et donc du décalage Doppler (z). La température du rayonnement diminue avec le temps comme (1+z) en raison de l'expansion de l'Univers. Aujourd'hui sa température est de 2.7 K et épouse parfaitement la courbe de Planck ce qui est très significatif en termes physiques. La température de l'hydrogène est un peu plus complexe à comprendre. Au moment de la recombinaison autour de z = 1100, c'est-à-dire ~380000 ans après le Big Bang, la plupart des protons et des électrons se combinèrent pour former les premiers atomes neutres, mais une petite fraction des protons et des électrons libres survécu. Les interactions entre ces électrons et les photons du rayonnement cosmologique par diffusion Compton furent suffisamment fortes pour maintenir les deux entités, y compris l'hydrogène, à des températures identiques pendant un certain temps. Cependant, vers z = 200, quelque 5 millions d'années après le Big Bang, le rayonnement cosmologique et la température de l'hydrogène se découplèrent, cette dernière diminuant ensuite beaucoup plus rapidement avec le temps, comme (1+z)2. A l'Aube Cosmique, à z ~ 17, l'hydrogène gazeux était déjà 7 fois plus froid que le rayonnement cosmologique. Ensuite, le rayonnement émis par les premières étoiles réchauffa le gaz et l'ionisa à nouveau. C'est l'ère de la réionisation qui débuta quelque 700000 ans après le Big Bang. La quantité directement pertinente dans le signal d'absorption à 21 cm est ce qu'on appelle la température de spin Ts, qui est une mesure du nombre relatif d'occupation des états singulet et triplet de l'hydrogène. Juste avant l'Aube Cosmique, la température de spin était égale à celle du rayonnement cosmologique; il n'y avait donc pas d'absorption ou d'émission nette de photons à la longueur d'onde de 21 cm. Cependant, les chercheurs estimaient que la lumière des premières étoiles abaissa d'abord la température de spin jusqu'à celle de l'hydrogène. Par conséquent, il devrait y avoir une absorption à 21 cm des photons du rayonnement cosmologique par l'hydrogène à l'époque comprise entre ~20 > z > ~15. Après avoir pris en compte le décalage Doppler cosmologique, les chercheurs ont prédit une baisse des fréquences radio entre 70 et 90 MHz. C'est justement ce qu'a découvert EDGES. La profondeur de cette absorption est donnée par la formule suivante : T21= 3.6 mK (1- (Tcmb/Ts)) √ [(1+z)/18] Comme la température de spin ne peut pas être inférieure à celle de l'hydrogène, la physique du modèle Standard prédit (TCMB/Ts) ≤ 7 T21 correspondant à une température de l'ordre de -0.2 K, c'est-à-dire une légère baisse. La surprise inattendue est que EDGES observa une baisse plus importante, T21 ~ -0.5 K, avec un niveau de confiance de 3.8σ. C'est une valeur loin des prédictions, comme si TCMB/Ts étaient d'ordre de 15. Si le résultat de EDGES est pris au pied de la lettre, cela signifie que l'effet TCMB/Ts s'est produit durant l'Aube Cosmique et qu'il fut beaucoup plus important que prévu par le modèle Standard. Soit il y avait beaucoup plus de rayonnement photonique aux longueurs d'ondes considérées, soit l'hydrogène gazeux était beaucoup plus froid que prévu. La deuxième explication semble la plus probable. Que peut-on en déduire ? L'hypothèse de la matière sombre et froide Depuis quelques décennies, étant donné les problèmes du modèle Standard, la plupart des astrophysiciens et cosmologistes supportent le modèle cosmologique ΛCDM, y compris dans sa version inflationnaire qui tient compte d'une composante... inconnue, la matière sombre et froide. Mais aux dernières nouvelles, bien que les observations nous montrent les effets de cette substance sur la rotation des galaxies notamment, personne n'a observé ou détecté cette substance, rendant ce modèle très sensible aux critiques. Dans ce contexte, quelle serait l'origine de cette absorption à 21 cm durant l'Aube Cosmique ? Dans le cadre du modèle ΛCDM, on pourrait imaginer que l'hydrogène s'est refroidi en raison d'interactions avec de la matière sombre et froide composée de particules relativement légères (inférieures au GeV). Cependant, pour un physicien cette idée est très difficile à rencontrer dans l'Univers primordial car elle exige que la section efficace de l'interaction s'élève à des milliers de barns (1 b = 10-28 m2) à l'époque concernée ! Nous sommes loin des picobarns typiques des WIMPs et de nombreux ordres de grandeur plus élevés que la section totale proton-proton générée au LHC. Même dans les processus nucléaires, de telles valeurs sont rarement observées. De plus, il s'agit de matière sombre qui par définition interagit faiblement. De toute évidence, l'idée se heurte à toutes sortes de contraintes qui ont été laborieusement accumulées par l'observation au fil des ans. On peut essayer de sauver cette idée par une série d'astuces hasardeuses. Si la section efficace de l'interaction est de 1/v4, où v est la vitesse relative des collisions entre la matière et les particules de matière sombre, elle pourrait être amplifiée durant l'Aube Cosmique lorsque les vitesses typiques étaient à leur minimum. Le comportement en 1/v4 n'est pas inconnu, car il est caractéristique des forces électromagnétiques dans la limite non relativiste. Ainsi, on pourrait envisager un modèle où la matière sombre porte une charge électrique très faible, un millième ou moins de celle du proton. Cette astuce permet de résoudre notre problème mais les obstacles restent énormes. En effet, la section efficace est encore assez grande pour que les matières sombre et ordinaire se couplent fortement à l'époque de la recombinaison, contrairement à ce que l'on peut conclure des observations très précises du rayonnement cosmologique micro-onde. Ce n'est donc pas la solution espérée. Par conséquent, les particules millichargées ne peuvent constituer qu'une petite fraction de la matière sombre, estimée à moins de 1%. Enfin, il faut éviter les contraintes liées à la détection directe, aux collisions et aux émissions des étoiles et des supernovae. Notons que selon les auteurs, physiquement parlant il existe une petite région de paramètres viables autour d'une masse de 100 MeV et une charge de 10-5, mais cette hypothèse risque à terme de disparaître après analyse plus approfondie. En guide de conclusion L'hydrogène refroidit par de la matière sombre millichargée ne résiste pas à un examen minutieux pour expliquer l'anomalie découverte par EDGES. Cela ne veut pas dire que toutes les explications exotiques sont peu plausibles et qu'il n'existe pas de matière sombre et froide et donc de nouvelles particules ou forme d'énergie à découvrir. De meilleurs modèles sont et seront certainement proposés, et l'un d'entre eux pourrait même être correct. Par exemple, que sait-on des implications des modèles proposant que de nouvelles particules conduisant à l'injection de photons supplémentaires à 21 cm ? Ces idées sont intéressantes et méritent une réponse. En attendant, les futures observations devront confirmer le signal d'absorption à 21 cm et si l'amplitude et les autres caractéristiques sont conformes aux prévisions du modèle Standard. Compte tenu du nombre d'expériences concurrentes en cours de préparation, la question devrait être clarifiée dans les prochaines années. Grâce aux modélisations modernes fondées sur des théories plus complètes et des données plus précises, si cette découverte est confirmée, elle va permettre aux chercheurs de mieux comprendre les processus qui se déroulent dans l'Univers primitif en ajoutant de nouvelles contraintes sur le nombre et les propriétés des particules hypothétiques qui auraient pu exister à cette époque. A terme, il est même possible que cette découverte aboutissent à un prix Nobel. Découverte d'un épais disque de molécules sombres dans la Voie Lactée Grâce au radiotélescope GBT (Green Bank Telescope) de 100 m de diamètre, des astronomes ont découvert une nouvelle structure massive dans la Voie Lactée. Les résultats de cette étude furent publiés dans "The Astrophysical Journal" en 2021 par le doctorant Michael P. Busch de l'Université Johns Hopkins et ses collègues.
La structure à la forme d'un disque épais (-200 pc < z < 200 pc) diffus et très faible (Tp < 10 mK) de gaz moléculaire "sombre" qui s'étend vers la périphérie de la Galaxie. Des indices de son existence avaient déjà été enregistrés en 2005, lorsque les astronomes ont découvert un excès de rayonnement cosmique d'origine inconnue émanant du disque de la Voie Lactée. Le gaz est qualifié de "sombre" car les molécules sont difficiles à détecter dans le milieu interstellaire. Il est principalement composé d'hydrogène moléculaire (H2). Bien que ce gaz soit le plus abondant dans l'Univers, il échappe facilement à la détection dans ces régions HI car aux basses températures régnantes dans l'espace interstellaire, les atomes d'hydrogène neutre (non ionisé) n'émettent ni n'absorbent de lumière. En revanche, on peut tracer la présence des nuages H2 à 21 cm de longueur d'onde. Etant donné que le rayonnement radioélectrique pénètre facilement les nuages interstellaires de poussière qui obstruent les observations dans le visible, depuis des décennies il permet aux radioastronomes de cartographier la structure spirale de la Voie Lactée. Mais ce signal présente une fréquence et une énergie si basses qu'il nécessite des radiotélescopes très sensibles pour être détecté et cartographié en détail. Un moyen plus simple de détecter l'hydrogène moléculaire est de rechercher les signaux d'autres molécules connues pour se mélanger avec lui en petites quantités. Ces molécules "traceurs" sont notamment le monoxyde de carbone (CO) et l'hydroxyle (OH). C'est en étudiant l'émission OH que l'astronome Ron Allen du département de physique et d'astronomie de l'Université Johns Hopkins, découvrit en 2012 des indices sur la provenance des rayons cosmiques. En 2015, Allen, qui est malheureusement décédé en août 2020, avait utilisé la raie du CO pour démontrer à grande échelle que ces molécules représentaient des composantes majeures de la structure de la Voie Lactée, mais il fallait confirmer ce relevé en mesurant l'OH. Allen et le doctorant Philip Engelke, alors en poste à l'Université Johns Hopkins, publièrent un certain nombre d'articles montrant que l'hydroxyle était tout aussi utile que le CO pour rechercher le gaz moléculaire galactique. Quelques années plus tard, Engelke remarqua une émission plus intense qu'il pensa correspondre au bras extérieur de la Voie Lactée. Des observations de suivi ont révélé une structure étendue et faible dans toute la ligne de visée, une source possible des mystérieux rayons cosmiques découverts plus tôt. Après les vérifications d'usage pour exclure toute erreur instrumentale, en 2018 Allen, Engelke et le doctorant Michael Busch ont examiné le signal de la structure massive pendant 100 heures avec le radiotélescope de 20 m de Green Bank. Puis, en 2019, 100 heures supplémentaires d'observations au GBT ont permis de mesurer des points supplémentaires le long du disque de la Galaxie, révélant que la caractéristique suit l'étendue et la forme d'autres composantes connues de la structure galactique. À ce stade, les chercheurs étaient convaincus que la structure massive était bien réelle. Il s'avère que ce disque épais de gaz moléculaire diffus est significativement plus étendu dans la partie extérieure de la Voie Lactée que prévu. Selon les chercheurs, "L'existence de cette structure massive a des implications pour les théories de la formation des étoiles, ainsi que pour la structure, la composition et la masse totale du milieu interstellaire." DESI Legacy Imaging Survey DR9 : plus d'un milliard de galaxies La neuvième et dernière publication (DR9) des données de l'ambitieux sondage DESI Legacy Imaging Survey réalisé avec l'instrument DESI (Dark Energy Spectroscopic Instrument) a été publiée lors du meeting de janvier 2021 de l'American Astronomical Society. Le résultat est la création de la plus grande carte bidimensionnelle du ciel en termes de couverture du ciel, de sensibilité et du nombre total de galaxies cartographiées. La carte couvre la moitié du ciel et comprend plus de 1.6 milliard de galaxies et plusieurs millions de quasars. A voir : DESI Legacy Imaging Survey (DR9, jan 2021) (carte contenant plus d'un milliard de galaxies)
La nouvelle carte est le résultat d'un projet ambitieux qui dura 6 ans impliquant 1405 nuits d'observations au foyer de trois grands télescopes, des années de données enregistrées par les télescopes spatiaux et la collaboration de 150 observateurs et 50 autres chercheurs du monde entier. La carte totalise 4.3 millions d'images qui représentent 1 pétabyte de données (1015 octets) et 100 millions d'heures de processeur sur le superordinateur "Cori", un Cray XC-40 d'environ 30 PFLOPS exploité depuis 2017 par le Centre national de calcul scientifique de recherche énergétique (NERSC) du Berkeley Lab. La carte fut réalisée en compilant des images optiques prises par la caméra Mosaic3 du télescope Nicholas U. Mayall de 4 m de l'Observatoire National de Kitt Peak (KPNO) et par la caméra DECam du télescope Victor M. Blanco de 4 m de l'Observatoire Interaméricain de Cerro Tololo (CTIO), complétées par des images IR du télescope spatiale WISE (Wide-field Infrared Survey Explorer) de la NASA. La carte contient également les données du sondage BASS (Beijing-Arizona Sky Survey) réalisé avec la caméra 90Prime installée sur le télescope Bok de 2.3 m du KNPO de l'Université de l'Arizona. Les données ont été réduites au centre NERSC du Berkeley Lab. Le programme fut codirigé par Arjun Dey du projet DESI dans le cadre du programme NOIRLab (National Optical-Infrared Astronomy Research Laboratory) de la NSF. A présent les astronomes de la Collaboration DESI vont sélectionner 35 millions de galaxies et 2.4 millions de quasars jusqu'à 12 milliards d'années-lumière pour une étude plus approfondie avec DESI afin de construire la plus grande carte 3D jamais réalisée grâce au superordinateur du NERSC. DESI prendra également le spectre de chaque objet céleste. L'enregistrement de ces spectres est un autre défi pour lequel les spécialistes ont fait appel à un réseau de 5000 robots automatisés pivotants, chacun portant une fibre optique pointant sur une galaxies individuelle afin d'enregistrer en une seule exposition le spectre de 5000 galaxies. Le nouveau projet est dirigé par le KPNO et durera 5 ans. Les chercheurs espèrent que les résultats fourniront de nouvelles informations sur la mystérieuse énergie sombre qui semble à l'origine de l'expansion accélérée de l'Univers. Selon Adam Bolton, directeur du Community Science and Data Center de NOIRLab, "Pour résoudre certains des plus grands mystères de la physique fondamentale, aujourd'hui nous sommes poussés à créer d'énormes bases de données d'étoiles et de galaxies, qui à leur tour permettent une nouvelle approche de l'exploration de données et de faire de nouvelles découvertes astronomiques." Des pipelines de gaz froid alimentent la galaxie SMM J0913 Les simulations de l'évolution des galaxies dans l'univers primitif, quelques milliards d'années après la Big Bang, suggèrent qu'il existait de nombreuses galaxies massives. Pour grandir, elles devaient être alimentées par du gaz froid piégé dans des filaments de matière sombre (ou noire), des structures de la toile cosmique qui relient les galaxies entre elles (cf. le modèle ΛCDM). Ces filaments peuvent expliquer comment le gaz froid est littéralement pompé dans les galaxies sans être perturbé par l'environnement chaud du halo enveloppant ces galaxies. Mais la nature de ces flux ou courants de gaz est restée mystérieuse en l'absence d'observations directes. Dans une étude publiée dans "The Astrophysical Journal" en 2021 (en PDF sur arXiv), Hai Fu de l'Université d'Iowa et ses collègues ont découvert ce qu'ils décrivent comme un "pipeline" de gaz filamentaire alimentant une grande galaxie située à z = 2.67 soit plus de 11 milliards d'années-lumière, à une époque où l'univers avait 2.4 milliards d'années soit environ un cinquième de son âge actuel. Cette découverte confirme donc les simulations. Pour détecter ces filaments très pâles et très fins, les chercheurs ont fait appel à divers télescopes et radiotélescopes et dépouillé les données de 70000 galaxies pendant 5 ans avant de trouver celle qui correspondait exactement au type de galaxie conforme à leur modèle. Cette galaxie est GAMA J0913-0107 ou plus simplement la galaxie submillimétrique SMM J0913 (également surnommée "SMG" pour SubMillimeter Galaxy dans l'article).
Comme on le voit ci-dessus, visuellement SMM J0913 est située devant deux quasars dont la lumière permet de distinguer en silouhette des détails dans le courant de gaz qui l'alimente et lui permet de former de nouvelles étoiles et de grandir. Des études précédentes ont bien détecté d'éventuels filaments, mais elles n'ont pas été en mesure d'enregistrer des informations chimiques détaillées prouvant qu'il s'agit de flux de gaz entrant. En revanche, à l'aide d'informations spectrales enregistrées par l'installation radiointerférométrique ALMA (Atacama Large Millimeter/submillimeter Array) installée dans le désert d'Atacama au Chili, Fu et ses collègues ont pu mesurer l'abondance des éléments chimiques dans le filament de gaz accrété par SMM J0913. Les résultats ont montré que le courant manquait d'éléments lourds tels que l'aluminium, le carbone, le fer et le magnésium. Étant donné que l'environnement à l'intérieur des galaxies massives est constamment enrichi en éléments lourds formés par les supernovae, cet indice révélateur démontrait que le gaz était acheminé de l'extérieur de la galaxie, à partir d'un environnement appauvri. Selon Fu, "C'est de loin la meilleure preuve que nous ayons" de l'existence de ces courants de gaz. Des mesures complémentaires montrent que le gaz froid riche en hydrogène est accrété par la galaxie SMM J0913 à la vitesse de 300 km/s. Cette galaxie classée parmi les starbursts présente un taux de formation stellaire de 1200 M par an (contre ~3 M par an pour la Voie Lactée de nos jours) et une quantité de gaz équivalente à 1.3 x 1011 M. Les chercheurs estiment le taux d'accrétion total de gaz à environ 100 M/an, ce qui est inférieur au taux de formation stellaire, mais conforme aux simulations. À ce rythme, il faut environ un milliard d'années pour que cette galaxie forme son réservoir de gaz moléculaire. Bien que la nouvelle étude représente une avancée dans notre compréhension de la formation des galaxies massives dans l'univers primitif, il reste encore beaucoup de questions ouvertes. L'équipe de Fu n'a examiné que deux points le long du courant de gaz et doit donc poursuivre cette étude pour avoir une vue générale du phénomène. Le suivi sera notamment assuré grâce au télescope Keck de 10 m de Mauna Kea. Selon Fu, "A long terme, nous aurions besoin de trouver plus de courants autour d’autres galaxies massives." Mais il ne sera pas facile de découvrir d'autres phénomènes similaires dans un univers lointain rempli de galaxies très pâles. Cependant le lancement du télescope spatial James Webb (JWST) le 25 décembre 2021 devrait faciliter les futures recherches. Un taux de formation stellaire de 3 M par an dans la Voie Lactée Selon un article publié par l'équipe de Kazufumi Torii de la NOAJ dans les "PASJ" en 2019, le taux de formation stellaire dans la Voie Lactée est en moyenne de 2.9% soit l'équivalent de ~3 M par an, soit trois fois plus élevé que le taux estimé jusqu'alors. Ce faible taux s'explique du fait que les nuages interstellaires denses où peuvent se former des étoiles ne représentent que 3% de la masse de gaz de notre Galaxie. Ce résultat fournit des informations essentielles pour comprendre l'évolution du taux de production des étoiles (SFR ou Stellar Formation Rate).
On sait que les étoiles naissent dans des nuages de gaz très denses. Cependant, les observations des galaxies lointaines ont détecté des taux de production stellaire 1000 fois plus faibles que la valeur prédite tenant compte de la quantité totale de gaz de faible densité. Pour interpréter cet écart, il était nécessaire de disposer d'observations permettant de détecter les nuages de gaz de haute densité et de faible densité avec une résolution spatiale élevée et une couverture étendue. Mais de telles observations sont difficiles car les structures gazeuses à haute densité sont des dizaines de fois plus petites que les structures à faible densité. Afin de surmonter ces difficultés, dans le cadre du projet "FUGIN", Kazufumi Torii de la NOAJ et son équipe ont utilisé le récepteur multifaisceaux FOREST du radiotélescope de 45 m de l'Observatoire Radio de Nobeyama (NRO) pour sonder le gaz présent dans le plan galactique de la Voie Lactée (l=10-50°) dans la raie du CO (transitions J=1-0 du 12CO, 13CO et C18O) avec une résolution angulaire de ~18'. C'est le sondage galactique le plus précis de ce type réalisé à ce jour. Des observations récentes des nuages moléculaires galactiques proches indiquent que le gaz dense formant les étoiles présente des propriétés quasi universelles. Des mesures faites sur des galaxies extérieures ont montré une corrélation à l'échelle galactique entre le taux de formation stellaire et la surface de densité du gaz moléculaire. Pour parvenir à une compréhension complète de ces deux propriétés, il est important de quantifier la masse fractionnelle de gaz dense dans les nuages moléculaires, fDG. En particulier, pour la Voie Lactée, aucune étude précédente ne résolvait le disque fDG sur une échelle de plusieurs kpc. Pour cette étude, les chercheurs ont quantifié les masses exactes de gaz de faible et de haute densité et mesuré la fDG sur 5 kpc soit 16300 années-lumière dans le premier quadrant de la Voie Lactée. La masse moléculaire totale fut mesurée dans la raie du 12CO et la masse de gaz dense dans la raie du C18O. Un taux de formation stellaire moyen de 2.9% fut obtenu pour l'ensemble de la région cible.
Selon les chercheurs, cette faible valeur suggère que la formation de gaz dense est le principal facteur limitant la formation d'étoiles dans la Galaxie. Ils ont également constaté que fDG présentait de grandes variations en fonction des structures du disque de la Voie Lactée. Dans les bras galactiques, fDG varie entre 4 et 5% tandis que dans les régions de la barre nucléaire et entre les bras, fDG varie entre 0.1 et 0.4% seulement. Ces résultats indiquent que les processus de formation/destruction du gaz dense et leurs échelles de temps sont différents pour différentes régions de la Voie Lactée, entraînant des différences dans l'efficacité du processus de formation stellaire. J1124+4535, une étoile venue de l'extérieur de la Voie Lactée Qian-Fan Xing de l'Académie des Sciences Chinoise et ses collègues ont découvert une étoile chimiquement particulière démontrant qu'elle provient d’une galaxie naine ayant été en interaction avec la Voie Lactée. Cette découverte fut publiée dans la revue "Nature Astronomy" en 2019.
Rappelons que les étoiles conservent les informations chimiques de leur lieu de naissance. On peut distinguer les étoiles formées dans la Voie Lactée des étoiles formées dans les galaxies naines en fonction de leur abondance chimique. Selon les résultats obtenus avec le télescope LAMOST (Large Sky Area Multi-Object Fiber Spectroscopic Telescope) et le télescope Subaru, l'étoile J1124+4535 située dans la constellation de la Grande Ourse contient une quantité inhabituellement faible de magnésium, qui est le huitième élément le plus abondant dans l'univers. En même temps, elle présente une quantité très importante d'éléments lourds tels que l'europium, l'or et l'uranium. Sa composition ne correspond à aucune étoile connue de la Voie Lactée, ce qui indique qu'elle s'est vraisemblablement formée ailleurs. Jusqu'à présent, LAMOST a enregistré plus de 8 millions de spectres stellaires dans le but de conduire des recherches sur la formation de la Voie Lactée. Cet ensemble de spectres offre aux astronomes une excellente occasion de trouver des étoiles chimiquement particulières. Selon Xing, "Cette étoile récemment découverte avec de grands excès d’éléments lourds fournit une fenêtre pour explorer l’évolution chimique des galaxies naines perturbées. La formation d’étoiles dans les galaxies naines est relativement lente comparée aux grandes galaxies, ce qui entraîne des différences chimiques entre leurs populations stellaires. Par exemple, les rapports d'abondance Mg/Fe dans les étoiles des galaxies naines qui se trouvent actuellement autour de la Voie lactée sont beaucoup plus petits que ceux de la majorité des étoiles de la Voie lactée." Dans l'étoile J1124+4535, le rapport d'abondance de l'europium par rapport au fer est supérieur d'un ordre de grandeur au Soleil et présente 1/20e de la métallicité du Soleil. Selon Li Hai-Ning, coauteur de cette étude, "C'est la première fois qu'on découvre une étoile ayant une très faible quantité de magnésium et une quantité excessive d'éléments lourds." L'augmentation extrême des éléments lourds de cette étoile suggère que les étoiles de cette galaxie naine étaient dans une phase de nucléosynthèse dominée par la capture de neutrons rapides et très denses par des noyaux atomiques à haute température, le fameux "processus r", au cours duquel se forment des éléments plus lourds que le fer. Un tel processus a pu se produire lors de la fusion d'étoiles à neutrons binaires dans la galaxie naine dans laquelle naquit par la suite cette étoile. Selon Gang Zhao, également coauteur de cette étude, "La découverte de cette étoile chimiquement particulière est un bon début pour l'identification chimique des étoiles capturées par les galaxies naines. De telles étoiles seront de bons traceurs pour explorer l'histoire de la Voie lactée." Découverte d'une corrélation universelle qui unifie l'étude de la formation stellaire La formation des étoiles est l'un des domaines de recherche les plus importants en astrophysique. Ce processus dans lequel les instabilités gravitationnelles provoquent l'effondrement du gaz conduisant à la formation de structures plus compactes et finalement d'étoiles, englobe une grande variété d'échelles physiques. On y trouve à petite échelle les jeunes protoétoiles individuelles entourées d'enveloppes gazeuses ou de disques circumstellaires, les nuages moléculaires géants et les noyaux protostellaires aux échelles intermédiaires, et à grande échelle notamment les galaxies formant de nouvelles générations d'étoiles. A la fin du XXe siècle, les astronomes ont établi une relation bien connue de formation stellaire s'appliquant aux moyennes et grandes échelles appelée la loi de Kennicutt-Schmidt ou KS. Des versions plus récentes de cette loi établissent que le taux de formation stellaire (Stellar Formation Rate ou SFR) qui mesure le taux de formation stellaire dans une galaxie ou un nuage moléculaire est proportionnel à la quantité de gaz dense présente dans cette galaxie ou ce nuage moléculaire. D'une part, la relation KS confirme que le taux de formation stellaire mesuré dans les galaxies dépend de la masse de gaz transformée en étoiles au sein des nuages moléculaires qu'elles abritent car c'est dans ces régions très massives que se trouve la matière première qui formera les étoiles. D'autre part, à petite échelle on sait également qu'il existe une corrélation entre le taux d'accrétion de matière qui mesure le rythme auquel le gaz circumstellaire tombe sur une étoile en formation et la masse du disque protoplanétaire entourant les jeunes étoiles. Ce n'est que récemment que cette seconde corrélation a été confirmée par l'observation, du moins dans les régions de formation stellaire où les deux paramètres ont été mesurés avec précision.
Dans un article publié dans la revue "Astronomy & Astrophysics" en 2018, Ignacio Mendigutía du Centre d'Astrobiologie CSIC-INTA d'Espagne et ses collègues ont compilé les données applicables au SFR dont les quantités de gaz denses d'un échantillon de galaxies et d'un groupe représentatif de nuages moléculaires de la Voie Lactée ainsi que les données disponibles sur les taux d'accrétion et les masses de disques circumstellaires d'un échantillon représentatif de jeunes étoiles de la Voie Lactée. Les chercheurs ont découvert une corrélation surprenante. Il existe une relation entre les données compilées, comprenant pas moins de 16 ordres de grandeur reliant des échelles physiques très différentes : individus, étoiles jeunes, nuages moléculaires et galaxies. Selon Mendigutíá, "[Il existe] une corrélation entre le rythme auquel le gaz se transforme en étoiles et la masse de gaz dense directement associée à la formation d'étoiles. C’est probablement l’une des relations stellaires empiriques les plus larges jamais observées, du fait qu’elle englobe une vaste gamme d’échelles : de centaines de milliers d'années-lumière dans les galaxies aux tailles comparables à notre système solaire." Les auteurs suggèrent une hypothèse "bottom-up" ou ascendante pour expliquer cette découverte et proposent des observations pour la tester. Selon leur hypothèse, la corrélation existant dans les galaxies et les nuages moléculaires résulterait de la relation existant à plus petite échelle entre les étoiles individuelles qu'elles abritent. Découverte de six candidates "galaxies sombres" Une équipe internationale d'astronomes dirigée par Raffaella Anna Marino et Sebastiano Cantalupo du Département de physique de l'ETH à Zurich a découvert six candidates de galaxies dites sombres (dark galaxies), c'est-à-dire pratiquement dépourvues d'étoiles. Les résultats de leur étude furent publiés dans "The Astrophysical Journal" en 2018 (en PDF sur arXiv). Malgré les progrès théoriques réalisés depuis plus d'un demi-siècle dans la compréhension de la formation des galaxies, d'importantes questions restent sans réponses concernant la manière dont le gaz diffus contenu dans le milieu intergalactique fut converti en étoiles. Des modèles galactiques récents suggèrent que pendant la phase initiale de la formation des galaxies, celles-ci étaient très riches en gaz mais aucune n'était capable de former des étoiles : c'est la phase de "galaxie sombre". Bien que ces galaxies contenaient des nuages d'hydrogène que l'on peut encore observer sur certaines raies spectrales, leur température et leur densité ne permettaient pas (encore) la formation d'étoiles et parfois leur quantité de gaz était insuffisante. Sachant que les galaxies ne se sont pas toutes formées en même temps mais à différents décalages spectraux ou distances, les astronomes s'attendaient à découvrir ces galaxies à n'importe quel décalage vers le rouge. Mais du fait que ces galaxies ne sont pas visibles à travers leur rayonnement stellaire, elles sont difficiles à détecter avec les instruments actuels. Pour surmonter cette difficulté, les chercheurs ont utilisé l'écran de lumière produit par les quasars situés à l'arrière-plan des sources suspectes (d'abord considérées comme des Émetteurs Lyman Alpha ou LAE avant d'affiner leur identité). En effet, les quasars émettent une lumière ultraviolette intense qui induit une émission fluorescente des atomes hydrogène connue sous le nom de raie Lyman α (Ly-α), une raie d'émission typique de l'hydrogène ionisé (sa recombinaison électronique des niveaux 2 à 1). Grâce à ce mécanisme, l'émission des galaxies sombres situées dans notre ligne de visée et dans le voisinage du quasar peut-être détectée jusqu'à de grandes distances (z ~ 9 ou 13.17 milliards d'années-lumière) comme l'a expliqué Kim Nilsson de l'ESO dans une étude publiée en 2007 (en PDF sur arXiv). C'est aussi la raison pour laquelle on les appelle des galaxies "sombres" et non pas "noires" puisqu'elles rayonnent en UV.
Pour découvrir ces galaxies sombres, les astronomes ont utilisé le spectrographe à champ intégral MUSE (Multi-Unit Spectroscopic Explorer) installé sur le télescope VLT UT4 de l'ESO et corrobé ses données avec des images monochromatiques prises dans la raie Ly-α. Au repos, cette raie d'émission se situe dans l'ultraviolet à 121.56 nm (X-UV). En raison de l'expansion de l'univers, dans l'une de ces galaxies sombres présentée ci-dessus, cette raie est décalée vers le rouge et se trouve à ~573 nm, en plein spectre visible (partie jaune). Cette galaxie se situe à z ~ 3.5 soit près de 11.9 milliards d'années-lumière et est plus éloignée que les précédentes candidates détectées à z ~ 2.4 ou 10.96 milliards d'années-lumière. Parmi plus de 150 Émetteurs Lyman Alpha étudiés par les astronomes, ils ont donc eu beaucoup de chances de détecter 6 galaxies sombres. La découverte de telles galaxies valide les modèles théoriques et comble donc une lacune importante dans notre compréhension de l'évolution des galaxies. Dernière partie Héraclès, une "galaxie fossile" au coeur de la Voie Lactée
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