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Astrophysique et Cosmologie

Les découvertes récentes (IV)

Héraclès, une "galaxie fossile" au coeur de la Voie Lactée

Dans le cadre du sondage SDSS, des scientifiques travaillant sur les données galactiques du programme APOGEE de l'Observatoire d'Apache Point ont découvert une "galaxie fossile" cachée au coeur de la Voie Lactée. Ce vestige de galaxie présente une masse équivalent à ~500 millions de masses solaires soit approximativement le double de la masse des systèmes Gaia-Encélade et la "Saucisse" découverts par Gaia.

Les astronomes l'ont nommée Héraclès, du nom de l'ancien héros grec qui reçut le don de l'immortalité lors de la création de la Voie Lactée. Cette découverte fit l'objet d'un article publié dans les "MNRAS" en 2020 (en PDF sur arXiv).

Localisation de la galaxie fossile Héraclès au coeur de la Voie Lactée. Documents ESO/NASA/JPL-Caltech/D.Horta et al. (2020) adaptés par l'auteur.

 

Selon Ricardo Schiavon de l'Université John Moores de Liverpool (LJMU) et coauteur de cet article, "Pour trouver une galaxie fossile comme celle-ci, nous avons dû examiner la composition chimique détaillée et les mouvements de dizaines de milliers d'étoiles. C'est particulièrement difficile à faire pour les étoiles au centre de la Voie Lactée, car elles sont cachées au regard par des nuages de poussière interstellaire. APOGEE nous permet de percer cette poussière et de voir plus profondément que jamais le cœur de la Voie Lactée."

Le sondage du programme APOGEE a pour mission de réaliser des spectres stellaires dans le proche infrarouge. En dix ans, APOGEE a permis d'obtenir les spectres de plus d'un demi-million d'étoiles de la Voie Lactée, y compris son noyau auparavant inaccessible car caché derrière les nuages de poussière.

Pour séparer les étoiles appartenant à Héraclès de celles originaires de la Voie Lactée, les chercheurs ont mesuré avec APOGEE à la fois les compositions chimiques et les vitesses des étoiles, toute différence notable signifiant une anomalie, un groupe distinct peut-être d'origine extragalactique.

Du fait que les galaxies grandissent par fusions avec des galaxies plus petites, les restes de galaxies plus anciennes sont souvent repérés dans le halo externe de la Voie Lactée plus accessible à l'observation. Mais étant donné que la Voie Lactée s'est construite de l'intérieur vers l'extérieur, trouver les premières fusions nécessite d'examiner les parties les plus centrales du halo de la Voie Lactée, celles qui sont enfouies profondément dans le disque et le pseudo-bulbe central.

Selon les chercheurs, Héraclès aurait heurté la Voie Lactée il y a 10 milliards d'années, alors que notre Galaxie en était encore en formation. Les restes d'Héraclès représentent environ un tiers du halo sphérique de la Voie Lactée. C'est une très grande proportion. Le fait qu'il se cache au plus profond de la Voie Lactée explique qu'il n'ait pas été découvert auparavant.

Rappelons que la cinquième phase du sondage SDSS s'appuie sur les données d'APOGEE pour mesurer les spectres d'environ 5 millions d'étoiles distribuées dans toute la Voie Lactée, tant en infrarouge qu'en lumière visible. On espère que cela conduira à de nouvelles découvertes.

Le Kraken, la galaxie naine qui fusionna avec la Voie Lactée

Dans un article publié dans les "MNRAS" en 2020, Diederik Kruijssen de l'Université de Heidelberg et ses collègues ont analysé les propriétés des amas globulaires de la Voie Lactée et sont parvenus à reconstituer l'historique des collisions-fusions successives qui ont formé notre Galaxie. Au cours de ces simulations, ils ont découvert les traces d'une ancienne fusion avec une petite galaxie qu'ils ont nommée "Kraken".

Pour déterminer comment la Voie Lactée atteignit sa taille actuelle et sa forme spiralée avec un pseudo-bulbe en forme de X, les chercheurs ont développé une simulation de la Voie Lactée appelée "E-MOSAICS" ((MOdelling of Star cluster population Assembly In Cosmological Simulations within EAGLE) qu'il ont combinée à de l'intelligence artificielle. Les chercheurs ont créé un réseau neuronal pour analyser les amas globulaires de la Voie Lactée sachant qu'ils ont pu servir de blocs de construction aux galaxies dès l'aube de l'Univers.

Illustration des principales collisions et/ou fusions que connut la Voie Lactée depuis 11 milliards d'années. Document Dailymail adapté par l'auteur.

La Voie Lactée héberge quelque 180 amas globulaires, dont beaucoup se sont formés dans des petites galaxies qui ont fusionné avec la Voie Lactée.

Les chercheurs les ont donc utilisés pour déterminer le nombre d'étoiles contenues dans ces galaxies progénitrices. Cela a également permis aux chercheurs de mieux comprendre quand elles ont fusionné avec la Voie Lactée.

Les chercheurs ont pu relier les âges, les compositions chimiques et les mouvements orbitaux des amas globulaires aux galaxies primitives qui les ont créés. Grâce à cette cartographie dynamique, les chercheurs ont construit une image complexe des interactions que connut notre Galaxie jusqu'à aujourd'hui. Ils ont découvert qu'il y a environ 11 milliards d'années, la jeune et petite Voie Lactée qui était en formation connut sa plus grande collision jamais enregistrée.

Les collisions intergalactiques étaient courantes dans le passé, mais celle-ci fut spectaculaire. Selon Kruijssen, "La collision avec Kraken a dû être la fusion la plus importante que la Voie Lactée ait jamais connue. Auparavant, on pensait qu'une collision avec la galaxie Gaia-Encélade-Saucisse, qui eut lieu il y a environ neuf milliards d'années, était la plus grande collision. Cependant, la fusion avec Kraken eut lieu il y a 11 milliards d'années, lorsque la Voie Lactée était quatre fois moins massive. En conséquence, la collision avec Kraken a vraiment transformé l'apparence qu'avait la Voie Lactée à l'époque."

Selon les chercheurs, au cours de sa vie, notre Galaxie absorba au moins 5 galaxies naines possédant plus de 100 millions d'étoiles et environ 15 autres ayant au moins 10 millions d'étoiles. Les plus massives ont fusionné il y a entre 6 et 11 milliards d'années. Kraken était l'une d'entre elles et même la plus massive avec une masse équivalente à 460 millions de masses solaires (soit 20 fois inférieure à la masse actuelle du Grand Nuage de Magellan).

Parmi les autres collisions-fusions notables, il y eut le progéniteur des "Courants d'Helmi" il y a environ 10 milliards d'années, la petite collision-fusion de "Séquoia" survenue il y a environ 9 milliards d'années, "Gaia-Encélade" qui remonte entre 8 et 10 milliards d'années et "Sag DEG" (Sagittarius) qui effectua trois passages depuis 8 milliards d'années. On reviendra dans un autre article sur les découvertes de Gaia et notamment sur ces petites galaxies qui perturbèrent la Voie Lactée ou qu'elle absorba.

A1689B11, la galaxie spirale la plus ancienne

Dans un article publié en 2017, Tiantian Yuan de l'Université de Swinburne en Australie et ses collègues de l'Université Nationale Australienne (ANU) ont annoncé la découverte de la plus ancienne galaxie spirale nommée A1689B11. Elle se situe à 11 milliards d'années-lumière et existait donc déjà à peine 2.6 milliards d'années après le Big Bang, alors que l'Univers n'avait que 20% de son âge actuel.

La galaxie spirale A1689B11 est située à 11 milliards d'années-lumière. Sa détection a été facilitée par la présence dans notre ligne de visée d'un groupe massif de galaxies qui agit comme une lentille, produisant deux images amplifiées de la galaxie spirale dans deux positions différentes. Document James Josephides/SWIN.

Les chercheurs ont utilisé le spectromètre de champ proche infrarouge (NIFS) fixé sur le télescope Gemini North de 8.1 m de diamètre installé à Hawaï pour vérifier la distance de cette galaxie dont l'image fut amplifiée par l'effet de lentille gravitationnelle d'un amas de plusieurs milliers de galaxies mélangée à de la matière sombre situé dans la ligne de visée.

Grâce à cette technique, les astronomes ont pu étudier plusieurs galaxies très âgées en haute résolution avec des détails sans précédent.

Yuan et son équipe ont assisté à 11 milliards d'années-lumière de distance à la formation des premiers bras spiraux primitifs d'une galaxie. Selon Renyue Cen de l'Université de Princeton et coauteur de l'étude, "Étudier des spirales anciennes comme A1689B11 est une clé pour découvrir le mystère de l'émergence de la séquence de Hubble. Les galaxies spirales sont exceptionnellement rares dans l'Univers primordial et cette découverte ouvre la porte à l'étude de la manière dont les galaxies passent de disques turbulents hautement chaotiques à des disques minces et calmes comme celui de notre propre Galaxie."

Selon Yuan, "La galaxie A1689B11 présente quelques caractéristiques surprenantes. Elle forme des étoiles à un taux 20 fois plus élevé que les galaxies d'aujourd'hui (environ 22 M par an contre 1 M par an) et aussi rapidement que d'autres galaxies de masses similaires découvertes dans l'Univers primordial. Mais à l'inverse des autres galaxies formées à la même époque, A1689B11 présente un disque très froid et mince, en rotation lente et avec étonnamment peu de turbulence. Ce type de galaxie spirale n'a jamais été observé auparavant à cette époque de l'Univers."

Trop d'étoiles massives dans les galaxies à sursauts d'étoiles (starbursts)

En étudiant quatre galaxies à sursauts d'étoiles ou starbursts riches en gaz et poussière dans l'univers très lointain au moyen du réseau submillimétrique ALMA installé en Atacama, l'astronome Zhi-Yu Zhang de l'Université d’Edimbourg et ses collègues ont constaté que ces jeunes galaxies produisaient trop d'étoiles massives (> 8 M) par rapport à ce que prédisent les modèles actuels.

En théorie, dans ces galaxies le taux moyen de formation stellaire est 30 fois supérieur à celui de notre Galaxie (100 contre ~3 étoiles par an dans la Voie Lactée). En mesurant le rapport d'abondance de différents isotopes dont 12CO/13CO et 18O/13C dont l'origine est distincte (les étoiles massives créent davantage de 18O alors que les étoiles de plus faible masse produisent davantage de 13C), les chercheurs ont pu utiliser ces données comme les archéologues utilisent le 14C pour dater les fossiles. En effet, en connaissant les proportions des différentes populations stellaires naissant dans une galaxie et leur composition chimique, ils ont découvert que dans ces galaxies le rapport 18O/13C est très élevé et se traduit par une production d'étoiles 3 à 10 fois plus élevée que dans les galaxies semblables à la Voie Lactée. Cela signifie que ces galaxies à sursauts d'étoiles contiennent proportionnellement beaucoup plus d'étoiles massives qu'on s'y attendait. Les résultats de cette étude furent publiés dans la revue "Nature" en 2018.

A gauche, rapport d'intensité des raies CO-13/CO-18 en fonction de la luminosité IR pour différents types des galaxies. Un faible rapport comparé à la Voie Lactée signifie qu'il y a beaucoup plus d'étoiles massives dans les galaxies ULIRGs et starbursts. A droite, isocontours du flux du champ intégré des vitesses dans la raie CO-13 de la galaxie SDP17B enregistrée par ALMA. Documents F.Schneider et al. (2018) adaptés par l'auteur.

Cette observation renforce une autre découverte faite par une équipe dirigée par Fabien Schneider de l'Université d'Oxford au moyen du VLT de l'ESO qui analysa par spectroscopie 800 étoiles du complexe 30 Doradus situé dans le Grand Nuage de Magellan (LMC) afin de cartographier la distribution de l'âge des étoiles en fontion de leur masse. Il s'avère que dans le LMC qui cette fois est une galaxie très proche, les étoiles de plus de 30 M sont 30% plus nombreuses que prévu tandis que les étoiles de plus de 60 M sont même 70% plus nombreuses que prévu. Selon Schneider, ces résultats indiqueraient que le seuil de 150 M considéré comme la valeur maximale d'une jeune étoile massive sur la Séquence principale pourrait être porté à 300 M !

Ces deux résultats concordant à travers les temps cosmiques remettent en question les modèles actuels d'évolution des galaxies ainsi que notre compréhension de l'évolution des étoiles et de la création des éléments chimiques.

MACS1149-JD1 à z = 9.1 et preuve de la formation d'étoiles 250 millions d'années après le Big Bang

Une équipe internationale d'astronomes dirigée par Takuya Hashimoto de l’Université Sangyo d’Osaka et de la NOAJ annonça en 2018 dans la revue "Nature" avoir détecté grâce au réseau radiointerférométrique ALMA installé en Atacama, une faible émission d'oxygène ionisé dans la galaxie MACS1149-JD1 située à z = 9.1 soit ~13.18 milliards d'années-lumière.

Comme le rappelle Hashimoto, "Habituellement, les galaxies lointaines sont très faibles, mais grâce à l'effet d'une lentille gravitationnelle, notre cible était brillante." En étudiant le spectre de cette galaxie très âgée et massive, les astronomes eurent l'opportunité d'observer beaucoup plus loin dans l'univers qu’ils n’auraient pu le faire sans cet amplificateur naturel de lumière.

On sait que le nombre de galaxies capable de former des étoiles diminue vers les redshifts d'environ 6 à 10, mais la question clé est de savoir jusqu'à quelle distance ou quand les premières étoiles se sont formées.

On sait que peu après le Big Bang, l'Univers est resté totalement dépourvu d’oxygène pendant des millions d'années. En effet, la création de cet élément n'a pu se produire qu'au cours d'un processus de nucléosynthèse au sein des premières étoiles et juste avant que cet élément ne soit dispersé par l'explosion des étoiles massives.

A gauche, image visible de la galaxie MACS1149-JD1 située à 13.18 milliards d'années-lumière obtenue par le HST avec, dans l'agrandissement, l'image radio de la distribution de l'oxygène ionisé (colorisé en vert) obtenue par ALMA. A droite, le spectre micro-ondes des ions d'oxygène détectés dans MACS1149-JD1 avec ALMA. A l'état stationnaire, la raie se trouve dans l'infrarouge à 88 microns. Or ALMA l'a détectée dans la bande des micro-ondes à 893 microns; son décalage Doppler ou redshift z = 9.1. Documents ALMA/NAOJ/ESA/NASA/T.Hashimoto et al. (2018).

La présence d’oxygène à cette époque primordiale est la preuve qu'une population d'étoiles d'âge avancé existait déjà à cette époque et libéra de l'oxygène 500 millions d'années après le Big Bang. La première génération d'étoiles s'est donc formée avant cette galaxie. Pour déterminer quand cela s'est produit, les astronomes ont analysé le décalage Doppler de la raie de l'oxygène et ont comparé les résultats avec les données des télescopes spatiaux Hubble et Spitzer ainsi qu'avec une modélisation. Les résultats ont montré que le rayonnement visible de l'oxygène provient d'une source stellaire qui s'est formée environ 250 millions d'années seulement après le Big Bang, ce qui correspond à un redshift z ~ 15.

Grâce au VLT de l'ESO, les astronomes ont également détecté une faible émission d’hydrogène qui a permis de confirmer la distance de la galaxie comme étant la plus lointaine observée à ce jour au moyen d'ALMA ou du VLT.

Selon Nicolas Laporte de l'University College de Londres (UCL) et coauteur de cet article, cette galaxie va permettre aux astrophysiciens d'étudier une époque primordiale encore totalement inexplorée du jeune Univers.

Reste une question ouverte : à quelle époque les galaxies ont-elles émergé de ce qu'on appelle "l'Aube Cosmique" ? D'ores et déjà, l’âge de MACS1149-JD1 a permis de démontrer que les galaxies existaient antérieurement à celles que nous détectons actuellement au moyen de méthodes directes. Mais l'âge de cette Aube Cosmique reste un défi vu les limites des technologies actuelles même si on se rapproche de la "première lumière".

L’équipe de Hashimoto n'a pas encore fini avec MACS1149-JD1. Les chercheurs recherchent à présent des signes d'activité au centre de la galaxie qui pourraient suggérer la présence d'un trou noir ou d'un jeune quasar. Cette découverte serait importante pour mieux comprendre l'évolution des galaxies. Selon Hashimoto, "Cela nous donnerait alors une idée sur l'époque de formation des premiers trous noirs supermassifs dans l'univers."

Pour conclure, Hashimoto confirma que la découverte d'étoiles à une époque aussi précoce a repoussé une nouvelle fois les limites de l’univers observable, un petit pas de plus vers l'aube des Temps.

De la poussière et de l'oxygène à z = 8.38 soit 600 millions d'années après le Big Bang

Une équipe internationale d'astronomes dirigée par Nicolas Laporte de l’University College de Londres observa en 2016 au moyen du réseau radiointerférométrique ALMA, une galaxie cataloguée A2744_YD4, la plus jeune et la plus lointaine détectée à ce jour par cet instrument. Les mesures spectrographiques réalisées avec l'instrument X-Shooter du VLT de l'ESO indiquent que cette galaxie se situe à z = 8.38 soit environ 13.11 milliards d'années-lumière et s'est donc formée 600 millions d'années seulement après le Big Bang.

La galaxie A2744_YD4 située à z = 8.38 observée par le VLT derrière l'amas de Pandore, Abell 2744. Document ESO.

Les observations de la galaxie A2744_YD4 ont été rendues possibles par l'exploitation de l'effet de lentille gravitationnelle généré par l'amas de galaxies de Pandore, alias Abell 2744 situé à l'avant-plan qui a magnifié l'image de la galaxie A2744_YD4 située 1.8 fois plus loin.

A la surprise des astronomes, A2744_YD4 contient déjà beaucoup de poussière. La détection de cette poussière est une prouesse technique sachant que ces particules ont une taille oscillant entre le nanomètre et une fraction de micron soit moins d'un millième de millimètre. De plus, elles sont froides (quelques dizaines de kelvins) et donc difficiles à détecter.

La présence d'une grande quantité de poussière à une époque si reculée signifie obligatoirement qu'un certain nombre d'étoiles ont dû exploser en supernovae pour la fabriquer. Les analyses ont révélé que cette poussière est principalement constituée de silicium, de carbone et d'aluminium, des ingrédients qu'on retrouve dans le système solaire. On en déduit que 600 millions d'années après le Big Bang, des supernovae de deuxième génération avaient déjà "pollué" l'environnement de cette galaxie, succédant aux explosions des premières étoiles supermassives (Population III).

Selon les chercheurs, la galaxie A2744_YD4 contient une quantité de poussière estimée à 6 millions de masses solaires pour une masse stellaire estimée à 2 milliards de masses solaires. Tout en étant une très petite galaxie en terme de masse, son taux de formation stellaire atteint 20 masses solaires par an (contre environ 3 masses solaires par an au sein de la Voie Lactée, cf. K.Torii et al., 2019), ce qui représente un rythme soutenu de formation stellaire et de poussière.

Grâce à ALMA, les astronomes ont par ailleurs détecté dans l'infrarouge lointain à 88 μm soit 3406.7 GHz l'émission d’oxygène ionisé [O III] au sein de la galaxie A2744_YD4. Cet élément lourd s'est formé au cours de la nucléosynthèse au coeur des étoiles et s'est ensuite dispersé dans l'espace lors de l'explosion des supernovae. Il s'agit de la détection la plus lointaine et la plus ancienne de cet élément dans l’Univers, battant le précédent record établi en 2016 (cf. SXDF-NB1006-2 plus bas).

Ces observations ouvrent donc une fenêtre sur cette période primordiale où les premières étoiles et galaxies se sont "allumées", la plus ancienne époque observée à ce jour.

La détermination de la période à laquelle l’Univers baignait dans la lumière issue des toutes premières étoiles chaudes (Population III) appelée l'Aube Cosmique constitue l’un des premiers objectifs de l'astrophysique moderne. L'étude de la poussière interstellaire générée par l'explosion des premières supernovae en est une source indirecte.

De la poussière et de l'oxygène dans la galaxie MACS0416_Y1 à z = 8.312

Grâce au réseau radiointerférométrique ALMA, des chercheurs ont détecté une autre galaxie très distante contenant également une grande quantité de poussière interstellaire, MACS0416_Y1 située à z = 8.312 soit ~13.10 milliards d'années-lumière dans la constellation d'Éridan. Elle se situe derrière l'amas de galaxies MACS J0416.1-2403 déjà décrit à propos des galaxies bleues. Le signal fut détecté dans la raie [O III] à 88 μm soit 3406.7 GHz. Seule difficulté, comme dans le cas de la galaxie A2744_YD4 précitée, les modèles actuels ne peuvent pas expliquer l'existence d'autant de poussière dans une galaxie aussi jeune, ce qui oblige les astronome à réviser l'histoire de la formation des étoiles.

A gauche, image continue prise par ALMA à 850 µm de la galaxie MACS0416 Y1 (contours) superposée sur une image en proche infrarouge prise par le HST (caméra WFC3) en pseudo-couleur dans la bande F160W. Les contours sont dessinés à -2σ, 2σ, 3σ, ..., 7σ, où σ = 10,9 µJy par beam. Le contour négatif est indiqué par la ligne pointillée. La taille du faisceau synthétisé est indiquée dans le coin inférieur gauche. Au centre, image reconstruite par ALMA dans la raie [O III] à 88 µm (contours) superposée à l'image prise par le HST dans la bande F160W. Les contours sont dessinés comme dans l'image précédente mais σ = 55 mJy par beam par km/s. A droite, image prise par le HST (WFC3) en fausse couleur dans les bandes F160W (rouge), F140W (vert) et F125W (bleu). Les lettres E, C et W désignent les positions des régions est, centrale et ouest étudiées en UV.

Selon l'équipe de Yoichi Tamura de l'Université de Nagoya dont les résultats de l'étude furent publiés dans "The Astrophysical Journal" en 2019 (en PDF sur arXiv), MACS0416_Y1 contient des amas d'étoiles à la fois anciens et jeunes. Elle aurait connu une formation stellaire en deux phases, à 300 et 600 millions d'années après le Big Bang, avec une phase calme entre les deux.

La présence de poussière signifie que celle-ci fut formée dans le coeur d'une étoile d'une génération antérieure qui explosa et libéra ses constituants dans l'espace.

Grâce aux télescopes spatiaux Hubble (optique) et Spitzer (IR) ainsi qu'au VLT de l'ESO, les astronomes ont analysé la lumière des étoiles de cette galaxie et estimé son âge stellaire à 4 millions d'années. Selon Tamura, "La poussière est trop abondante pour avoir été formée en 4 millions d'années. Les étoiles plus anciennes peuvent se cacher dans la galaxie ou bien elles sont peut-être déjà éteintes et ont déjà disparu." Selon son collègue Ken Mawatari de l'Université de Tokyo, "Nous avons créé un nouveau modèle qui n'a besoin d’aucune hypothèse extrême, loin de notre connaissance de la vie des étoiles dans l’univers actuel. Le modèle explique à la fois la couleur de la galaxie et la quantité de poussière." Dans ce modèle, la première formation stellaire débuta à 300 millions d'années et dura 100 millions d'années. Après cela, l'activité de formation stellaire cessa pendant un certain temps, puis redémarra à 600 millions d'années. Les chercheurs estiment que cette galaxie est au début de sa deuxième génération de formation stellaire (bien sûr tout ceci s'est produit il y a 13.1 milliards d'années).

A gauche, composite optique (HST en bleu) montrant les étoiles et radio IR (ALMA en rouge et vert) révélant la distribution de la poussière et de l'oxygène dans la galaxie MACS0416_Y1 située à 13.2 milliards d'années-lumière. A droite, illustration artistique de cette galaxie basée sur les données d'ALMA révélant l'existence d'amas stellaires âgés et jeunes ainsi que de nuages de gaz et de poussière illuminés par les étoiles. Documents ALMA/NASA/ESA/Tamura et al. et NAOJ.

Tamura souligne que "La poussière est un matériau crucial pour des planètes comme la Terre. Notre résultat est un pas en avant important pour comprendre l'histoire des débuts de l'Univers et l'origine de la poussière."

De l'oxygène à 13 milliards d'années-lumière

Une équipe d'astronomes japonais dirigée par Akio K. Inoue de l'Université d'Osaka-Sandai a publié une étude en 2016 à propos de la galaxie à haut redshift SXDF-NB1006-2 découverte en 2012 grâce au télescope Subaru de 8.2 m et située dans la constellation de la Baleine (Cetus) à 13 ±1 milliards d'années-lumière (z = 7.213).

En exploitant les données du réseau radiointerférométrique ALMA, les chercheurs ont découvert dans le spectre de cette galaxie primordiale la raie Lyman α (raie X-UV à 121.5668 nm au repos correspondant à la recombinaison de l'hydrogène ionisé) indiquant que cette galaxie est enveloppée dans un halo d'hydrogène ionisé, le signe que les étoiles dont elle est constituée ont déjà suffisamment d'énergie pour arracher les électrons des atomes dans cette région reculée de l'univers.

Des nouvelles observations réalisées dans l'infrarouge lointain à 88 μm ont permis de découvrir dans le spectre de SXDF-NB1006-2 la raie interdite de l'oxygène ionisé [O III]. L'abondance de l'oxygène dans cette galaxie est estimée à 10% de celle du Soleil et correspond aux valeurs prédites par les simulations. Cette découverte indique donc qu'à cette époque cette galaxie était déjà suffisamment âgée pour qu'une première génération d'étoiles naissent, évoluent et meurent. Etant donné que l'oxygène est ionisé, les astronomes pensent que cette galaxie abrite un certain nombre de jeunes étoiles géantes plusieurs dizaines de fois plus massives que le Soleil. Ces jeunes étoiles géantes et chaudes seraient à l'origine de l'intense rayonnement UV enregistré par le télescope UKIRT.

A gauche, le champ de la galaxie SXDF-NB1006-2 située à 13.1 milliards d'années-lumière dans la constellation de la Baleine. Il s'agit d'un composite couleur obtenu au cours du sondage Subaru XMM-Newton Deep Survey (SXDS). Au centre, le profil des raies d'émission [O III] et Ly-α. La densité de flux F est normalisée par une unité de 10-18 erg/s/cm2/Å. L'émetteur de la raie Lyman alpha qui correspond à la recombinaison de l'hydrogène ionisé se déplace à +110 km/s par rapport au halo d'oxygène ionisé. A droite, illustration artistique du halo d'oxygène ionisé (en vert) observé par le réseau ALMA superposé à l'hydrogène ionisé (en bleu) observé par le télescope Subaru et à la lumière UV détectée par le télescope UKIRT (en rouge). Documents ALMA (ESO/NOAJ/NRAO), NOAJ.

En revanche, les astronomes ont été surpris par la faible abondance de poussière. En effet, SXDF-NB1006-2 contient deux à trois fois moins de poussière que prévu. L'absence de halo infrarouge dans un large spectre de fréquences autour de cette galaxie suggère que cette région contient trop peu de poussière pour absorber et réemettre le rayonnement des étoiles (comme on le voit généralement dans les régions stellaires riches en nébuleuses ou en nuages moléculaires).

Pour expliquer ce manque de poussière, certains astronomes évoquent les ondes de choc des explosions des supernovae qui pourraient avoir pulvérisé les grains en leurs constituants élémentaires. Une autre hypothèse serait liée à la température, au fait qu'il y aurait peu de grains de poussière interstellaire dans les nuages denses et froid constituant cette galaxie car ces grains grandissent par coalescence et aggrégation (un peu comme les grains de glace forment les flocons de neige dans les nuages froids sur Terre; sans grains de glace servant de noyau de condensation, point de flocons).

L'absence de raie du carbone à 158 μm signifie également que cette galaxie contient des quantités anormalement faibles de gaz neutre. Ces caractéristiques pourraient permettre aux photons ionisants de s'échapper dans le milieu intergalactique. Ainsi, la faible abondance de poussière aurait facilité la réionisation en permettant à la lumière émise par cette galaxie d'ioniser les vastes nuages de gaz qui l'enveloppent. A ce titre, selon Inoue, "SXDF-NB1006-2 serait un prototype des sources lumineuses responsables de la réionisation cosmique."

Selon Yoichi Tamura de l'Université de Tokyo et coauteur de cette étude, "L'analyse de son spectre en haute résolution ainsi que de son rayonnement à d'autres longueurs d'ondes permettront de recueillir de précieuses informations pour mieux comprendre les propriétés de cette galaxie." Il est probable que de nombreuses autres galaxies du même âge présentent un halo d'oxygène ionisé. Leur étude permettra de préciser la manière dont les étoiles et les galaxies ont évolué dans l'univers primordial. Ce type d'étude devrait aussi aider les astronomes à identifier l'origine de la réionisation. En effet, selon Inoue "La source du processus de réionisation peut tout aussi bien être les étoiles massives que les trous noirs supermassifs. Cette galaxie ne semble pas abriter de trou noir supermassif mais un grand nombre d'étoiles massives. De telles étoiles pourraient avoir réionisé l'univers."

G09.83808, une nouvelle galaxie à z > 5

Après les galaxies SXDF-NB1006-2 et A2744_YD4 précitées, un nouveau membre rejoint le club fermé des galaxies les plus lointaines. En 2017, l'astronome Jorge A. Zavala de l’Université du Texas à Austin et son équipe ont annoncé dans les revues "Nature" et "MNRAS" la découverte de la galaxie G09.83808 à z = 6.027 soit environ 12.8 milliards d'années-lumière, en pleine époque de réionisation de l'Univers.

Cette galaxie fut découverte grâce au télescope William Herschel (WHT) anglo-australien de 4.2 m installé à La Palma en Espagne en profitant de l'effet d'une lentille gravitationnelle. Mais l'image n'était pas assez détaillée. Son étude fut reprise au moyen du radiotélescope millimétrique LMT de 50 m de diamètre installé au Mexique en collaboration avec les réseaux de radiotélescopes SMA (Smithsonian Submillimeter Array) d'Hawaï, ALMA au Chili et le projet NOEMA de l'IRAM dont les paraboles sont installées en Espagne.

Ci-dessus à gauche, image de la galaxie G09.83808 reconstruite à partir des données d'ALMA et de NOEMA/IRAM. A droite, image la plus détaillée de la galaxie (à gauche) et le modèle de lentille gravitationnelle (à droite). Ci-dessous, le spectre de la galaxie. Documents Y.Fudamoto et al/MNRAS et Jorge A. Zavala et al.

G09.83808 évolue dans un Univers âgé de quelque 900000 ans. A cette époque, les galaxies éruptives qu'on surnomme "extreme starburst galaxies" étaient extrêmement productives, présentant un taux de formation stellaire d'au moins 1000 M par an soit mille fois plus élevé que les galaxies actuelles. Mais elles ne représentaient pas la population générale des galaxies qui comprenait également des galaxies riches en poussières dont fait partie G09.83808. Cette galaxie présente un taux de formation stellaire d'environ 380 M par an et les propriétés de ses gaz comme des poussières sont similaires à celles qu'on mesure dans les galaxies ULIRG (galaxies infrarouges ultra lumineuses) plus proches, ce qui élargit leur présence jusqu'à l'Univers primordial.

Notons que les chercheurs ont pu identifier dans son spectre (aux fréquences comprises entre 80 et 110 GHz) les raies du 12CO et même de l'eau (H2O) comme on le voit ci-dessus. Précisons que le CO sert aussi à tracer les nuages d'hydrogène moléculaire.

La nature des Globules Lyman alpha

Les "Globules Lyman alpha" ou LAB (Lyman-alpha blob) sont des immenses nuages de gaz d'hydrogène qui se sont formés à l'époque primordiale, quelques milliards d'années après le Big Bang. Très rares, les astronomes en ont répertorié seulement 35 en 2011. Un exemple est "SSA22-Lyman-alpha blob 1" mieux connu sous l'acronyme LAB-1 présenté ci-dessous qui fut découvert en 2000 par C.Steidel et son équipe grâce au télescope Subaru de 10 m de Mauna Kea.

LAB-1 a l'aspect d'une structure filamentaire noyée dans un halo diffus mesurant environ 300 millions d'années-lumière. Elle s'est formée vers z = 3.1 soit à peine 2.3 milliards d'années après le Big Bang.

A gauche, le Globule Lyman alpha LAB-1 découvert en 2006 à 11.5 milliards d'années-lumière. Au centre, représentation artistique de sa structure filamentaire. A droite, schéma expliquant la structure et le fonctionnement de LAB-1. Documents ESO et J.Geach et al./ESO adapté par l'auteur.

Grâce à de puissants algorithmes d'imagerie appliqués aux données (sub)millimétriques d'ALMA et du Télescope Spatial Hubble, les astronomes on pu réaliser une cartographie détaillée des sources d'émissions Ly-α de LAB-1. Le résultat a montré que les étoiles naissent à un rythme environ 100 fois supérieur à celui de la Voie Lactée (qui produit de nos jours environ 3 M chaque année, même si certaines associations stellaires comme RCW 38 peuvent en produire des centaines de fois plus).

Selon les résultats d'une simulation publiés en 2016 par Jim Geach de l'Université de Hertforshire et ses collègues pour le compte de l'ESO, comme illustré ci-dessus à droite, on estime aujourd'hui que l'aspect de LAB-1 s'explique par la présence de plusieurs noyaux très lumineux de galaxies massives émettant des photons Ly-α entourés de galaxies compagnons de faible masse. C'est la dispersion du rayonnement Ly-α dans notre ligne de visée qui produit le nuage diffus étendu.

Selon Geach, "Longtemps, l’origine de l’émission Lyman alpha étendue est demeurée controversée. Mais la combinaison de nouvelles observations et de simulations de pointe nous a certainement permis de résoudre un mystère vieux de 15 ans : le globule LAB-1 constitue le site de formation d'une galaxie elliptique massive qui, un jour, occupera le centre d'un amas géant."

Comprendre les mécanismes de formation et d'évolution des galaxies est essentiel car on pense que ces LAB et autres LAE (Lyman-Alpha Emitters) auraient donné naissance aux galaxies les plus massives. L'étude du rayonnement Ly-α émis par les nuages étendus de gaz qui les enveloppe peut donc fournir des données cruciales pouvant renseigner les astronomes sur les processus à l'oeuvre au sein de ces jeunes entités explosant littéralement d'activité.

Dix fois plus de galaxies que prévu dans la sphère observable

Selon les résultats d'une étude publiée le 14 octobre 2016 dans "The Astrophysical Journal" (en PDF sur arXiv), Christopher J. Conselice de l'Université de Nottingham et son équipe ont estimé que "Le nombre de galaxies que l'on peut observer aujourd'hui grâce à la technologie HUDF (acronyme de Hubble Ultra-Deep Field) est de l'ordre de 2.47 ±0.4 x 1011 soit environ 250 milliards de galaxies, sans tenir compte du facteur d'amplification des lentilles gravitationnelles et de l'extinction par le gaz et la poussière." Cela comprend toutes les galaxies jusqu'à z ~ 8 soit environ 13 milliards d'années-lumière.

Une petite région du ciel profond de l'hémisphère sud photographiée par le Télescope Spatial Hubble. A gauche, une mosaïque d'images HD (le fichier de 18 mégapixels occupe 8 MB) prises avec la caméra ACS en 2004 et WFC3 en 2010 utilisées dans la cadre du sondage GOODS. Le champ s'étend sur 10' soit un tiers du diamètre de la Lune. L'image comprend environ 7500 galaxies identifiables dont les plus rouges se situent à environ 13 milliards d'années-lumière. A droite, une mosaïque de trois panneaux (la partie gauche est dans le tiers supérieur) publiée en 2016 (fichier de 16 MB). Documents NASA/ESA/STScI et al. et NASA/ESA/GOODS et al.

Toutefois, grâce au sondage GOODS, Conselice et ses collègues ont calculé "qu'il existe 2.0 ±0.6 x 1012 galaxies dans l'Univers jusqu'à z = 8 qu'on pourrait en principe observer." Cela représente 2 trillions de galaxies jusqu'à ~13 milliards d'années-lumière ! Cela signifie que la sphère observable contient 10 fois plus de galaxies que prévu mais elles sont trop pâles pour être visibles. Il faudra attendre de disposer de télescopes de plus grands diamètres pour les photographier. Cela implique que les astronomes n'ont détecté que 10% de la population réelle des galaxies, sans compter celles qui résident au-delà de l'horizon cosmologique.

Des étoiles de Population III et un trou noir par effondrement direct dans le quasar CR7

Cela fait des décennies que les astronomes ont supposé l'existence d'une première génération d'étoiles issue de la matière originelle créée lors du Big Bang. Tous les éléments lourds (c'est-à-dire plus lourds que l'hydrogène et l'hélium, tels l'oxygène, l'azote, le carbone, etc, jusqu'au fer) essentiels à la vie ont été créés à l'intérieur des étoiles. Cela signifie que les premières étoiles étaient constituées des seuls éléments précurseurs, à savoir l'hydrogène, l'hélium, et quelques traces de lithium.

Ces étoiles de Population III auraient été gigantesques, des centaines, voire des milliers de fois plus massives que le Soleil, elles étaient excessivement chaudes et éphémères. En raison de leur masse, elles ont explosé en supernovae après seulement deux millions d'années d'existence. Mais jusqu'à présent, aucune réelle preuve matérielle n'était venue étayer l'hypothèse de leur existence.

Illustration artistique du quasar CR7. Document ESO.

L'astrophysicien David Sobral de l'Institut d'Astrophysique et des Sciences Spatiales de l'Université de Leyde (Leiden) aux Pays-Bas et ses collègues ont utilisé le télescope VLT de 8.20 m pour sonder l'Univers primordial et remonter à l'époque de la réionisation, soit quelque 800 millions d'années après le Big Bang.

Plutôt que d'étudier une infime partie du ciel profond, les chercheurs ont étendu leur champ d'observation et produit le sondage galactique le plus vaste jamais réalisé. Cette étude fit appel à toute la puissance des télescopes Keck, Subaru et au Télescope Spatial Hubble.

C'est au cours de cette étude que l'équipe a découvert le quasar CR7 (COSMOS Redshift 7) situé à 12.9 milliards d'années-lumière (z = 7), un objet trois fois plus brillant que la galaxie primitive la plus lumineuse connue à l'époque.

Grâce aux instrumentations scientifiques équipant le VLT, les astronomes ont détecté une forte émission de la raie de l'hydrogène alpha et surtout la raie d'émission inattendue de l'hélium ionisé He II à 164 nm au coeur de cet objet et, curieusement mais très révélateur, aucun signe de la présence d'éléments plus lourds. Or cette raie He II ne peut être émise que par un gaz porté à environ 100000 K irradié par un intense rayonnement UV. Autrement dit, selon Sobral et ses collègues, ils auraient découvert le premier véritable indice de l'existence d'amas d'étoiles de Population III responsables de l'ionisation du gaz contenu dans ce jeune quasar primitif. Cette découverte fut publiée le 17 juin 2015 sur le site de l'ESO.

Sobral et ses collègues ont également observé au sein de CR7 des amas d'étoiles de couleur plus bleue, parfois plus rouge, suggérant que les étoiles de Population III sont apparues par vagues successives – comme cela avait été prédit.

L'équipe a également observé la toute dernière vague d'étoiles de Population III. Ces étoiles massives et brillantes étaient encore récemment considérées comme des astres théoriques sont à l'origine de la création des tous premiers éléments lourds qui entrent dans la composition des étoiles de 2e et 3e générations qui peuplent aujourd'hui l'univers ainsi que de leurs cortèges planétaires et de la vie telle que nous la connaissons.

Ces étoiles seraient donc plus faciles à détecter qu'on le pensait jusqu'ici : elles résident parmi les étoiles ordinaires, au sein de galaxies brillantes, et pas seulement au cœur des galaxies primordiales de tailles réduites et de luminosités plus faibles, si faibles que leur étude s'avérait a priori extrêmement compliquée.

Mais comme nous l'avons expliqué à propos des différents types de trous noirs, une autre théorie a été proposée par Volker Bromm et ses collègues. Dans une étude publiée dans les "MNRAS" en 2016, ils proposent que CR7 serait le premier objet dans lequel un trou noir supermassif se formerait par effondrement direct (une théorie que les mêmes auteurs avaient déjà proposée en 2003 sur base de simulations de CR7). Depuis cette annonce, d'autres candidats au titre de trous noirs par effondrement direct ont été annoncés dans les "MNRAS". Dans ce cas, il s'agirait d'une nouveau type de trou noir supermassif mais qui ne se serait formé que dans l'univers primordial.

Modèle d'ionisation de l'hydrogène des galaxies primordiales

Dans deux études publiées en septembre 2016 (cf. art.1 et art.2) Naveen A. Reddy de l'Université de Californie à Riverside (UCR) et ses collègues ont développé un modèle permettant de prédire le degré d'ionisation de l'hydrogène des galaxies primordiales (vers z = 3 ou 2 milliards d'années après le Big Bang) sur base de leur rougissement spectral. Indirectement, ce modèle peut être utilisé pour fixer une contrainte sur le taux de production des photons ionisés à l'époque de la réionisation cosmique et mieux estimer la quantité de rayonnement qui s'est échappée durant les Âges Sombres. Il est important de le savoir car rappelons que c'est durant les Âges Sombres que se sont formées les galaxies.

Localisation de l'étoile 2MASS J18082002–5104378. Doc ESO.

Une nouvelle étoile UMP de la Vieille Population II

Début 2016, une équipe d’astronomes brésiliens et américains conduite par Jorge Melendez de l’Université de São Paulo a utilisé deux télescopes VLT de l'ESO pour découvrir une nouvelle étoile pauve en métaux cataloguée 2MASS J18082002–5104378. Il s'agit de l'une des rares reliques de l’époque de la formation de la Voie Lactée.

Cette étoile serait âgée entre 12 et 13 milliards d'années. Elle présente une température effective de 5440 K et brille à la magnitude de 11.9.

Comme BPS CS22892-0052 (l'étoile de Sneden), cet astre appartient à la famille des étoiles UMP (Ultra-Metal Poor), très pauvres en métaux. Elle présente une métallicité [Fe/H] = -4.1 dex soit 12589 fois moins de métaux que le Soleil (où [Fe/H] = 0), voisin de celui des étoiles de Population III où [Fe/H]  ~ -5. Très rares aujourd'hui, elles permettent aux astrophysiciens d'en savoir plus sur leur formation et indirectement comment était l’Univers durant sa phase primordiale.

Les galaxies DOGs

Une équipe internationale d'astronomes dirigée par Yoshiki Toba de l'Université Ehime du Japon annonça le 16 août 2015 avoir découvert 48 nouvelles Galaxies Obscurcies par la Poussière ou DOGs.

Ces observations ont été réalisées en lumière blanche et infrarouge grâce au télescope Subaru de 8.2 m (équipé de la caméra HSC de 870 Mpixels) de la NOAJ, du télescope VISTA de 4.1 m de l'ESO (sondage VIKING ou Vista Kilo-degree Infrared Galaxy survey) et du télescope orbital WISE de 0.4 m (Wide-field Infrared Survey Explorer) de la NASA en orbite depuis 2009.

Les DOGs sont très pâles en lumière visible car une grande quantité de poussière obscurcit leur silhouette. En revanche, elles sont très brillantes en infrarouge et on suspecte les plus lumineuses d'abriter un trou noir supermassif en croissance rapide dont la masse atteindrait des centaines de milliers et même des milliards de fois celle du Soleil (cf. l'article sur les trous noirs).

La plupart des DOGs apparaissent telles qu'elles étaient à une époque où le taux de formation stellaire atteignait son pic, il y a 8 à 10 milliards d'années. De ce fait, les DOGs et leur trou noir ont rapidement grossi dès la première phase de leur co-évolution. Toutefois, du fait que les DOGs sont rares et cachées derrière d'importants halos de poussière, la plupart sont restées invisibles dans les sondages effectués en lumière blanche.

A gauche, images de 3 DOGs. Les images de gauche, du centre et de droite ont respectivement été enregistrées en lumière blanche par le télescope Subaru équipé de la caméra Hyper Suprime (HSC) de 870 Mpixels, proche infrarouge par le télescope VISTA (sondage VIKING) et en infrarouge moyen par WISE. L'image couvre un champ de 20" carrés. A droite, illustration d'une DOG. Documents U.Ehime/NAOJ/NASA/ESO et Aurore Simonnet/NASA/U.Sonoma.

Les recherche des DOGs a réellement débuté en 2012, lorsque le télescope japonais Subaru de 8.2 m fut équipé de la caméra Hyper Suprime-Cam (HSC) de 870 Mpixels capable d'enregistrer en une seule prise de vue un champ de 1.5° de diamètre.

Jusqu'à présent les astronomes avaient découvert une poignée de DOGs dont la luminosité en infrarouge oscille entre 10 et 10000 milliards de soleils.

En mars 2014, un ambitieux programme de recherche des DOGs débuta s'étendant sur 300 nuits réparties sur 5 ans grâce auquel 48 DOGs ont été découvertes. Cela permit pour la première fois d'estimer le nombre de densité à environ 300 DOGs par gigaparsec cube pour les individus les plus lumineux (~1014 L), sachant qu'il pourrait en exister quelques dizaines brillant en infrarouge comme 100000 milliards de soleils. Les modèles prédisent qu'il devrait exister plus de 500000 DOGs mille fois plus pâles (1011 L) par gigaparsec cube et donc probablement autant de trous noirs supermassifs.

Ces découvertes devraient aider les astrophysiciens à comprendre la co-évolution des galaxies et des trous noirs supermassifs qu'elles abritent dès leur formation.

WISE J224607.57-052635.0, la galaxie la plus brillante de l'Univers

En mai 2015, une équipe internationale d'astronomes dirigée par Tsai Chao-Wei du JPL annonça dans "The Astrophysical Journal" la découverte de la galaxie la plus lumineuse de l'Univers. La galaxie WISE J224607.57-052635.0 brille comme 330000 milliards de Soleil soit 3.3x1014 L ou environ 400 fois plus que la Voie Lactée.

La galaxie située à 12.5 milliards d'années-lumière a été observée en infrarouge lointain grâce au télescope spatial WISE (Wide-field Infrared Survey Explorer), en particulier à 12 et 22 μm (12000 et 22000 nm) où elle brille le plus fort. Elle appartient à la catégorie des Galaxies Infrarouges Extrêmement Lumineuses ou ELIRG.

Illustrations artistiques de la galaxie WISE J224607.57-052635.0. Documents T.Lombry.

Selon les astronomes, ce type de galaxie est probablement alimenté par un noyau galactique actif (AGN) mais caché, autrement dit par un trou noir supermassif. Celui-ci n'émet pas de jet et ne génère pas d'effet de lentille gravitationnel.

On présume que ce trou noir hypermassif avait une masse équivalente à plusieurs milliards de fois celle du Soleil à une époque où l'Univers avait 10% de son âge actuel.

Ceci confirme une fois de plus qu'au-delà 8 milliards d'années dans le passé, les galaxies étaient au moins 20 fois plus brillantes qu'aujourd'hui et que pratiquement toutes abritaient déjà un trou noir supermassif.

De nouvelles galaxies naines autour de la Voie Lactée

En 1995, plus de 35 galaxies naines avaient été découvertes gravitant autour de la Voie Lactée en comptant les deux Nuages de Magellan. 17 galaxies sont situées dans l'hémisphère nord. En 2020, on dénombrait environ 40 galaxies naines et une cinquantaine en 2024 (cf. le Groupe Local). Des études indiquent que la Voie Lactée serait escortée par environ 150 galaxies supplémentaires qui restent à découvrir (cf. E.O. Nadler et al., 2020). Voici quelques galaxies satellites remarquables.

Ursa Major III/UNIONS 1 : alias UMa3/U1 ou simplement Ursa Major III fut découverte dans la constellation de la Grande Ourse dans le cadre du sondage UNIONS (Ultraviolet Near Infrared Optical Northern Survey) auquel participent les observatoires du CFHT, Pan-STARRS et Keck installés à Hawaï (cf. S.Smith et al., 2024). Elle se situe à seulement 32600 années-lumière du noyau de la Voie Lactée et son périapse (ou péricentre, la distance minimale de l'orbite par rapport à son foyer) se trouve à 41700 années-lumière du Soleil.

Caché dans cette image du ciel profond (à gauche) se trouve le plus petit amas ou la plus petite galaxie naine connue satellite de la Voie lactée (à droite) dont les étoiles sont liées entre elles par leur propre gravité (et sans doute engluées dans de la matière sombre). Cet amas ou cette galaxie naine s'appelle Ursa Major III/UNIONS 1. Documents S.Smith et al. (2024) et CFHT/S.Gwyn.

Comme illustré ci-dessus, UMa3/U1 est tellement petite et anémiée qu'elle n'apparaît pas comme tel sur les photographies. Cette structure fut identifiée indirectement grâce à la direction du déplacement de ses étoiles et de leurs vitesses de dispersion. Il s'agirait soit d'un amas stellaire soit d'une micro-galaxie naine ultra-compacte comprenant seulement 50 à 60 étoiles. 11 étoiles sont cataloguées dont 8 ont des données astrométriques dans le catalogue de Gaia. Mais deux des onze étoiles pourraient être étrangères au système.

UMa3/U1 présente un rayon d'environ 3 ±1 pc soit ~10 années-lumière (et de 20 années-lumière en comptant l'espace qui regroupe 50% de sa luminosité totale) pour une masse totale estimée à seulement ~16 M et une luminosité totale d'environ 11.4 L. Avec des valeurs aussi faibles, sa magnitude absolue est de +2.2 pour une magnitude apparente de +17.2.

Les étoiles d'UMa3/U1 appartiennent à une population stellaire pauvre en métaux ([Fe/H] ~ -2.2) et seraient âgées d'au moins 11 milliards d'années. En moyenne, il s'agit de petites étoiles de 0.3 M chacune.

Selon Simon E.T. Smith de l'Université de Victoria et co-découvreur de ce système, "Il s'agit soit de l'amas de vieilles étoiles le plus faible connu à ce jour, soit de la galaxie naine la plus faible et la plus proche jamais découverte." En effet, avec si peu d'étoiles, les auteurs hésitent malgré tout à qualifier UMa3/U1 de galaxie naine car il pourrait également s'agir d'un amas stellaire.

A gauche, le champ stellaire de 12'x12' centré sur Ursa Major III/UNIONS 1. A droite, comparaison dans un diagramme magnitude absolue-rayon entre les galaxies naines de la Voie Lactée (bleu), les amas globulaires (rouge), les objets pâles satellités ambigus et UMa3/U1 (orange) qui est l'un des systèmes les plus proches du noyau et le plus pâle. Documents S.Smith et al. (2024).

Sur le plan cinématique, selon les auteurs l'orbite d'UMa3/U1 le fait traverser les régions internes de la Voie Lactée, où les forces gravitationnelles de marée sont les plus fortes. Sans l'effet gravitationnel de grandes quantités de matière sombre pour lier les étoiles, UMa3/U1 ne serait pas en mesure de survivre sur son orbite actuelle, même pendant une petite fraction de sa durée de vie estimée. Mais malgré les incertitudes entourant les mesures d'un système aussi clairsemé, sa vitesse de dispersion moyenne serait de l'ordre de 1 km/s et donc très faible. Dans ces conditions, un tel système serait capable de survivre au champ de marée de la Voie Lactée, ce qui explique pourquoi UMa3/U1 n'a pas été disloqué jusqu'à présent.

La présence d'anciennes galaxies satellites, faibles et dominées par la matière sombre est une prédiction fondamentale du modèle cosmologique ΛCDM qui décrit l'origine de la structure de l'Univers. Il prédit notamment que des galaxies comme la Voie Lactée ont absorbé par accrétion-fusion des centaines de galaxies satellites au cours de leur évolution.

Confirmer la présence de matière sombre dans UMa3/U1 est donc essentiel pour déterminer son origine. La confirmation directe nécessite des spectres stellaires d'une qualité parfaite pris au fil du temps, qui ne sont pas encore disponibles sur aucun des plus grands télescopes (VLT, Keck, Subaru ou JWST). Peut être que le futur ELT de 39 m de l'ESO y contribuera. Mais selon une étude complémentaire anglo-saxonne, la présence de matière sombre est très probable.

Des données supplémentaires sur la vitesse de dispersion des étoiles notamment sont donc nécessaires pour préciser la nature d'UMa3/U1 (comme d'autres amas stellaires ont changé de catégorie et sont devenus des galaxies naines).

Dwingeloo 1 : cette galaxie fut détectée par un radiotélescope néerlandais en 1994. Il s'agit d’une galaxie spirale barrée naine (SBcd) de magnitude 17.7 située à 3 Mpc (9.8 millions d'a.l.) dans la constellation de Cassiopée (A.D.: 02h56.9m, Décl.: +58°55’), derrière la Voie Lactée et donc quasiment invisible. Elle est un peu plus brillante que le fond stellaire. Elle présente un diamètre apparent de 4.2' soit d'environ 4 kpc (13000 a.l.). Dwingeloo 1 s'éloigne de la Voie Lactée à environ 256 km/s.

Comme on le voit ci-dessous à gauche, Dwingeloo 1 se présente comme une tache oblonge dont le disque est incliné de 50° par rapport à l'observateur. Elle est escortée par 2 petites galaxies satellites : Dwingeloo 2 et MB 3 et fait partie du groupe IC342/Maffei contenant à ce jour 24 membres dont une bonne moitié de petites galaxies irrégulières, la plupart découvertes par R.Kraan-Korteweg. Les deux bras spiraux de Dwingeloo 1 s'étendent sur 180° à partir des extrémités de la barre, la galaxie tournant dans le sens anti-horloger.

A gauche, Dwingeloo 1 cachée derrière la Voie Lactée. Au centre, la galaxie naine du Fourneau (dE0). A droite, la galaxie naine du Sculpteur. Ces deux galaxies furent découverte en 1938 par Harlow Shapley. Documents IoA/U.Cambridge, ESO et ESO.

De l'hydrogène neutre a été détecté jusqu'à 7.5' soit 6 kpc (20000 a.l.) du centre et sa distribution est typique des galaxies barrées, relativement plate avec un minimum au centre ou le long de la barre. La masse totale d'hydrogène neutre est estimée à 370-450 millions de masses solaires. Sa masse totale estimée jusqu'à 6 kpc est d'environ 31 milliards de masses solaires, équivalente à celle de la galaxie M33 et 25% de celle de la Voie Lactée.

Dwingeloo 1 est pauvre en gaz moléculaire, la quantité totale d'hydrogène moléculaire ne dépassant pas 10% de celle de l'hydrogène neutre. Enfin, des observations optiques ont permis de détecter environ 15 régions HII principalement le long des bras spiraux.

SagDEG : C'est en étudiant les étoiles carbonées du halo et en analysant les magnitudes, couleurs et mouvements propres obtenus par de grands sondages stellaires que le doctorant Rodrigo Ibata de l'Université de Cambridge et ses collègues découvrirent en 1994 une concentration d'étoiles dans le Sagittaire. Une analyse spectrale et radioélectrique permirent de conclure qu'il s'agissait d'une galaxie naine membre de l'Amas Local.

A gauche, la galaxie naine sphéroïdale du Sagittaire, alias SDG ou SagDEG découverte en 1994 par Rodrigo Ibata et ses collègues. A droite, SagDEG en incrustation sur une photographie de la Voie Lactée. Documents NOT et IoA/U.Cambridge.

Brillant à la magnitude 4.5 pour une magnitude absolue de -12.7, cette galaxie présentée ci-dessus s'étend sur 3°10' x 8°10' aux coordonnées équatoriales A.D.: 18h55.1m, Décl.: -30°29'. Elle se situe à environ 81000 années-lumière du Soleil et 50000 années-lumière du centre de la Galaxie et présente un diamètre de 10000 années-lumière. Il s'agit d'une galaxie naine de forme sphéroïde de classe dSph. Son nom officiel est SDG ou SagDEG (Sagittarius Dwarf Elliptical Galaxy), à ne pas confondre avec SagDIG (Sagittarius Dwarf Irregular Galaxy), un autre membre de l'Amas Local.

La masse de SagDEG est estimée à 180 millions de masses solaires et contient moins de 10000 masses solaires d'hydrogène atomique. Elle abrite 4 amas globulaires et 2 nébuleuses planétaires.

SagDEG présente une vitesse radiale de +142.1 km/s et un indice de couleur B-V = 0.7. Elle paraît dont un peu plus jaune que le Soleil (~G5 contre G2 et B-V = 0.63).

L'abondance de l'oxygène [(12+log(O/H)] est de 8.35, voisine de celle relevée dans le voisinage du Soleil (~8.75) et sa métallicité [Fe/H] = -1.1, donc moins riche en éléments lourds que la Voie Lactée (+0.06). Ce manque de métaux - 20 fois moins que la Voie Lactée - s'explique probablement du fait qu'elle s'est formée il y a très longtemps, à une époque où les étoiles contenaient peu de métaux comparées aux étoiles qui se sont formées plus récemment et qui furent enrichies par les supernovae.

Selon des analyses conduites en 1998 par Rosemary Wyse de l'Université Johns Hopkins, cette petite galaxie est en train d'être absorbée par la Voie Lactée, se disloquant sous l'effet des puissantes forces gravitationnelles de notre Galaxie. Mais selon les simulations, SagDEG devrait déjà avoir disparue car elle serait déjà passée au moins 10 fois par la région centrale de la Voie Lactée au cours du dernier milliard d'années. On ne comprend pas comment elle a subsisté à ces perturbations, à moins de tenir compte de la présence de matière sombre qui maintiendrait les étoiles ensemble par l'effet de la gravité.

La situation relativement proche de cette galaxie permet non seulement d'étudier sa composition mais également d'identifier les étoiles issues de SagDEG et s'étendant dans notre proche banlieue (à hauteur du bras extérieur à 3 kpc). Son étude apporte aussi des précisions sur la forme du potentiel galactique, c'est-à-dire le potentiel gravitationnel qui traduit la répartition de la densité de masse totale. On reviendra sur SagDEG à propos des découvertes de Gaia.

Distribution des galaxies naines (jaunes) et des nouveaux objets orbitant autour de la Voie Lactée. A droite, cette photographie du ciel austral prise à l'Observatoire du Mt Paranal au Chili présente 6 des 9 objets extragalactiques découverts en 2015. Documents IaO/Carnegie Observatories.

IC342 : il s'agit d'une belle petite galaxie spirale Sc bleutée de magnitude 9.2 qui donna son nom au groupe. Elle mesure 23 kpc (75000 a.l.) pour un diamètre apparent de 36.3'.

On pense que IC342 s'est formée à la même époque que la Voie Lactée à partir d'un immense nuage d'hydrogène. Cette protogalaxie s'est effondrée sous les forces gravitationnelles et donna naissance à plusieurs amas de matière; l'un formant la Voie Lactée, un autre M31 et quelques autres les membres du groupe Maffei dont IC342 ainsi que nos deux galaxies naines compagnes, le Petit et le Grand Nuage de Magellan.

Il y a 5 ou 10 milliards d'années, le groupe IC342/Maffei se situait tout près de la galaxie d'Andromède alors que celle-ci venait d'absorber une galaxie naine. Pour retrouver son équilibre, M31 éjecta le groupe IC342 qui est aujourd'hui à la dérive dans l'Amas Local.

Eridanus 1, Horologium 1, Segue 1, Reticulum 2 et consorts : en étudiant la distribution de l'énergie sombre dans l'univers dans le cadre du sondage DES (Dark Energy Survey) qui porte sur l'étude de 300 millions de galaxies dans un espace de 5000 degrés carrés de l'hémisphère sud, en 2015 une équipe d'astronomes de l'Université de Cambridge a découvert 11 nouveaux objets orbitant autour de la Voie Lactée.

Ces objets sont des milliards de fois plus pâles que la Voie Lactée et un million de fois moins massifs. Le plus proche se situe à environ 95000 années-lumière (Horologium 1), tandis que le plus éloigné se situe à 1.2 million d'années-lumière (Eridanus 1).

Trois parmi ces objets sont des galaxies naines contenant à peine 5000 étoiles, les huit autres pouvant être soit des galaxies naines soit des amas globulaires. Les plus grands objets couvrent une surface de 13'x13' dans le ciel, soit à peine le quart de la Lune.

Fait intéressant, Reticulum 2 est un émetteur gamma, ce qui suggère qu'il abrite autre chose que quelques milliers d'étoiles ordinaires. C'est un bon candidat pour la recherche de matière sombre.

La matière sombre et l'alignement des galaxies naines

En vertu de la gravité, en principe les galaxies satellites doivent se répartir de façon sphérique autour de la galaxie centrale. Ce principe est valable pour la Voie Lactée comme pour les amas de galaxies. Cette distribution peut-être simulée sur ordinateur sur de très longues périodes de temps.

Confrontant les observations aux modèles, dans les années 1930 Fritz Zwicky constata que ce modèle n'expliquait pas la distribution des galaxies satellites dans l'amas de Coma (Chevelure de Berenice) et évoqua pour la première fois l'influence d'une matière sombre (ou noire), invisible et indétectable qui solidariserait l'ensemble et influencerait les déplacements de la matière. Cette matière sombre serait omniprésente dans l'Univers et pourrait a priori également avoir un effet local sur la distribution des galaxies naines et même des étoiles au sein des galaxies.

Cette théorie fut révolutionnaire en son temps et même si elle explique plutôt bien la dynamique des galaxies et de leurs satellites, elle fait encore l'objet de débats très controversés. Et pour cause, le modèle Standard n'a pas usurpé son nom et tous les astronomes n'acceptent pas une théorie sans preuve, encore moins une théorie exotique, même si elle peut expliquer les observations.

Ces représentations illustrent le courant de galaxies, le flux galactique le long de la "super-autoroute" cosmique et sur le "pont de Virgo", dans la région entourant la Voie Lactée (MW), celle d'Andromède et de Centaurus A. Ces courants s'expliqueraient par l'alignement des galaxies le long de filaments de matière sombre (ou noire). Documents N.Libesking/AIP.

Les astronomes ont longtemps pensé que l'arrangement des galaxies dans les amas et des galaxies naines autour de la Voie Lactée résultait d'une distribution sphérique de la matière sombre autour de la galaxie centrale. Cette substance hypothétique dont on ignore encore la composition et la structure n'interagit avec la matière ordinaire que par l'interaction gravitationnelle. Etant donné que cette force porte son influence à longues distances, la matière sombre jouerait un rôle clé dans la formation des galaxies, l'expansion de l'univers, bref dans l'évolution du cosmos.

En 2014, l'astrophysicien Noam Libeskind et ses collègues de l'Institut Leibniz d'astrophysique de Potsdam, en Allemagne, ont découvert que les galaxies naines satellites de la Voie Lactée s'alignaient de façon particulière. Les résultats des recherches de Libesking publiés dans les "MNRAS" en 2015 ont montré que ces galaxies seraient entraînées par des structures cosmiques de matière sombre qui s'étendraient bien au-delà de la Voie Lactée. En effet, il existerait un réseau d'énormes filaments de matière sombre le long desquels les galaxies naines s'aligneraient comme on le voit ci-dessus.

Mais reste la question qui fâche : où se trouve cette matière sombre dont on parle ? L'a-t-on détectée ? Nous verrons en cosmologie qu'on a bien détecté certaines émissions X de gaz chaud (cf. l'amas NGC 2300 alias Arp 114) ainsi que des corps sombres mais quant à dire qu'il s'agit de la matière sombre qu'on recherche, ce n'est pas tout à fait pareil. C'est l'une des raisons pour laquelle Pavel Kroupa parmi d'autres réfute cette théorie sous prétexte qu'il s'agit de spéculations non corroborées par l'observation. Or, les travaux de Libesking prouvent aujourd'hui que Kroupa se trompe et que ce modèle explique mieux les observations que n'importe quelle autre théorie classique.

Mais les faits sont là pour chagriner les physiciens comme les astrophysiciens : près d'un siècle après les travaux de Zwicky, cette éventuelle matière sombre manque toujours à l'appel. Espérons que l'avenir apportera un peu de lumière sur cette substance insaisissable.

Le halo géant de la galaxie d'Andromède

Grâce au Télescope Spatial Hubble, en 2015 les scientifiques ont découvert que la galaxie d'Andromède M31 est entourée d'un gigantesque halo. Comme la plupart des galaxies, ce halo est constitué de gaz invisible. Si nous savions déjà que la plupart des galaxies sont entourées d'un halo, celui-ci est beaucoup plus vaste qu'on l'imaginait.

En effet, composé de gaz chaud (entre 10000-100000 K) principalement constitué d'hydrogène ionisé (des protons et des électrons flottant dans le vide intergalactique), il est si ténu que l'émission de l'hydrogène n'a pas pu être détectée.

Illustration du halo géant découvert en 2015 autour de la galaxie d'Andromède, M31. Ce halo 6 fois plus étendu et 1000 fois plus massif qu'on l'imaginait fut détecté grâce au Télescope Spatial Hubble et l'analyse spectrale des quasars proches de la galaxie. Documents Hubble Site adaptés par l'auteur.

Sachant que la plus grande partie de l'univers (83%) est constituée de matière sombre, en se basant sur les masses visible et sombre de M31, les astronomes s'attendaient à découvrir un tel halo autour de M31 mais il était indétectable.

Les astronomes ont étudié 18 quasars situés dans un rayon d'environ 30° autour de M31 et découvert dans la partie UV de leur spectre des raies d'absorption typiques du halo de M31, ce qui leur permit de déterminer son étendue et sa masse.

Ce halo s'étend dans un rayon d'un million d'années-lumière; il est dix fois plus étendu qu'un halo classique. L'astrophysicien Nicolas Lehner de l'Université Notre Dame d'Indiana et ses collègues ont calculé que ce halo géant contient l'équivalent de 3 milliards de masses solaires dans un rayon de 200000 années-lumière et environ 10 milliards de masses solaires dans un rayon d'un million d'années-lumière, ce qui représente une masse 1000 fois supérieure à ce qu'on imaginait.

La galaxie naine Andromède XIV

Une nouvelle galaxie naine baptisée Andromède XIV, de forme légèrement elliptique, fut découverte en novembre 2007 en périphérie de la galaxie d'Andromède M31 par Steven Majewski de l'Université de Virginie et une équipe de chercheurs de l'UCLA. La galaxie se situe entre 630 et 850 kpc de distance, soit un peu plus de 2 millions d'années-lumière.

Cette découverte pourrait éclairer sous un nouveau jour la nature des galaxies naines et leur rôle potentiel dans la formation des galaxies.

La galaxie naine Andromède XIV indique que M31 est beaucoup plus massive que prévu. La plupart des galaxies naines résidant dans l'Amas Local sont de toute évidence des satellites maintenus par la gravité en orbite autour de plus grandes galaxies. Mais Andromède XIV semble se déplacer trop rapidement (-206 km/s par rapport à M31) pour être liée gravitationnellement à M31.

Selon Majewski, pour qu'une nouvelle galaxie naine soit capturée par M31, cette dernière doit présenter une masse plus élevée et exercer une force gravitationnelle plus intense que les valeurs prédites par les modèles actuels. Un élément de la théorie ou notre interprétation n'est donc pas correcte. En effet, il est également possible qu'Andromède XIV soit juste arrivée - à l'échelle des temps cosmiques - dans les parages de M31, venant d'une région reculée de l'espace. Dans ce cas explique Majewski, "si Andromède XIV n'est pas liée à M31 et est tombée dans son puits gravitationnel pour la première fois, cela démontre que nous n'avons pas encore identifié tous les membres de l'Amas Local."

Un nouveau membre comme celui-ci est une chance pour les astronomes. Andromède XIV représente pour les astrophysiciens une image unique, celle d'une galaxie naine dans un état relativement "pur", qui n'a subi aucune influence gravitationnelle de la part d'un corps plus massif au cours des derniers milliards d'années.

Le gauchissement des galaxies

Les astronomes ont découvert que le noyau de M31 présente une légère diffusion stellaire asymétrique dans un secteur bien précis, un phénomène de gauchissement (warping) provoqué par une perturbation gravitationnelle, vraisemblablement par le passage de la galaxie M32. Le fait était soupçonné mais non démontré jusqu'à présent. Ce sont des photographies à longues poses prises à partir de l'Observatoire de Lick qui ont révélé le phénomène. Des simulations par interpolation numérique (SPH) ont également permis de démontrer que ce gauchissement était également présent dans le noyau de la Voie Lactée où il est provoqué par le passage de la galaxie naine SagDEG.

Le gauchissement gravitationnel

A gauche, cette image surexposée du noyau de M31 montre clairement son gauchissement provoqué par une perturbation gravitationnelle. A droite, une simulation du gauchissement du noyau de la Voie Lactée provoqué par le passage de la galaxie naine SagDEG. Documents UCO/Lick Observatory et Université de Strasbourg.

En fait, près de 90% des galaxies présentent un gauchissement plus ou moins développé. Dans le cas de M31 par exemple, même si M32 a accentué le warp, selon les astronomes il existait déjà sans doute auparavant.

Dans la plupart des cas, ce gauchissement est lié à des contraintes internes, structurelles. Ainsi la galaxie spirale barrée ESO 510-13 de l'Hydre présentée ci-dessous, affiche une bande de poussière gauchie qui s'est formée récemment. Pour les astrophysiciens de l'ESO, cette bande de poussière qui a peut-être été gauchie suite à la fusion avec une galaxie elliptique représente en fait les bras extérieurs de la galaxie. Ce disque est en train de se stabiliser et deviendra plat à l'image de la forme caractéristique du disque de poussière qui entoure la galaxie M104 "Sombrero".

Le gauchissement structurel

A gauche, la galaxie spirale barrée ESO-510-13 dont la bande de poussière gauchie est en train de se stabiliser. D'ici quelques millions d'années cette galaxie ressemblera à M104 (à droite). Documents ESA/HST et NASA/ESA/STScI traité par Diaz Bobillo.

Origine du gauchissement de M31

La galaxie d'Andromède a fait l'objet de très nombreuses études. Beaucoup de simulations de l'interaction entre M31 et M32 (une galaxie elliptique E2 de 8000 années-lumière de diamètre) ont été effectuées.

En 1976, Gene G. Byrd (ApJ 208, p688) avait déjà exploré la cinématique des forces de marée d'une rencontre, en simulant M31 avec des particles-test sans auto-gravité, pour essayer de compendre comment le gauchissement apparaissait. Il existe une infinité de possibilités. Parmi les études plus récentes, en 2006 Karl D. Gordon et son équipe (ApJ 638, L87) ont proposé que M32 aurait juste fait le "trou" situé au sud-ouest de M31.

Grâce au télescope spatial Spitzer, des chercheurs du CfA et du CNRS ont découvert en 2006 une nouvelle onde de densité mesurant 1 kpc x 1.5 kpc à 0.5 kpc du centre de la galaxie d'Andromède. La simulation proposée par Françoise Combes et ses collègues du CNRS reproduit l'ensemble de la morphologie de M31 et relie les deux anneaux, l'anneau interne qui n'avait pas encore été découvert, l'anneau externe situé à 10 kpc du centre ainsi que le gauchissement.

A gauche, zoom sur M32, la galaxie elliptique (E2) et satellite de M31 située près des bras extérieurs de la galaxie et dont voici une magnifique vue générale et un gros-plan. A droite, simulation de la collision et du passage de M32. Les dates sont exprimées en millions d'années. Notez la formation de deux ondes de densité dans l'image c. La position de M32 dans l'image d est compatible avec son emplacement actuel. Documents Robert Gendler et IPAC/2Mass.

Selon les simulations de Françoise Combes et son équipe, la petite galaxie M32 aurait plongé dans le disque de M31 le long de son axe polaire il y a environ 210 millions d'années. L'existence du grand anneau externe et du petit anneau interne incliné est compatible avec le passage de M32 et le gauchissement du disque comme on le voit ci-dessus. Cette découverte fut publiée dans la revue "Nature" en 2006 (en PDF sur arXiv).

Le fait que M31 ait été peu affectée par cette perturbation s'explique par le fait qu'au moment de la collision M32 était beaucoup plus compacte et 10 fois moins massive (13 fois en excluant la matière sombre soit environ 30 milliards de masses solaires) que la galaxie d'Andromède. Les chercheurs ont comparé cet évènement à la collision entre un semi-remorque de 18 roues (M31) et une voiture (M32); le camion présenterait relativement peu de dégâts alors que la voiture serait sinistrée. Un phénomène analogue est arrivé à M32 qui sous l'effet du choc et de la réorganisation de la matière a perdu la moitié de sa masse et s'est transformée en galaxie naine sans se disloquer. On reviendra sur la fusion majeure de M31 avec le progéniteur de M32 (cf. les fusions de galaxies).

Image infrarouge de M31 prise par le télescope spatial Spitzer révélant l'anneau externe à 10 kpc du centre et un nouvel anneau interne d'environ 1x1.5 kpc à 0.5 kpc du centre. Ces deux ondes de densité sont compatibles avec une collision quasi frontale correspondant au passage de M32. Document CNRS/CfA.

Les astronomes restent toutefois prudents et proposent que M32 n'est qu'un responsable possible de cette déformation. En effet, il y a beaucoup d'autres compagnons autour de M31, et qui sait, M31 a peut-être subi une fusion mineure récente, comme en témoignent beaucoup de déformations, queues de marée, boucles d'étoiles à grande distance du centre (cf. notamment les travaux de Rodrigo A. Ibata et son équipe publiés dans "The Astrophysical Journal" en 2005).

Pour plus d'informations

Les galaxies les plus lointaines

La structure de l'Univers (les superamas).

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