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Les séquelles de la Covid-19

Les séquelles organiques (II)

Si certains patients Covid ayant passé une semaine ou plus aux soins intensifs ne présentent pas de séquelles, certains convalescents présentent des séquelles organiques plus ou moins importantes et persistantes.

Selon une étude publiée dans le journal "BMJ Open" le 11 mars 2021, le cardiologue Amitava Banerjee, professeur d"études de données médicales à l'University College de Londres et des collègues ont constaté que ces effets secondaires pourraient avoir des conséquences à long terme. Les chercheurs ont suivi  201 patients Covid à faible risque présentant des symptômes persistants. L'âge moyen est de 44 ans pour 70% de femmes, 87% de blancs et 31% faisaient partie du personnel du secteur médical.

D'après les résultats préliminaires, "près de 70% des patients présentent des séquelles à un ou plusieurs organes 4 mois après les symptômes initiaux [...]. Les poumons (33%), le coeur (32%), le pancréas (17%), les reins (12%), le foie (10%) et la rate (6%) sont atteints". Selon les chercheurs, "La bonne nouvelle est que ces séquelles sont légères, mais cela reste des dégradations et chez un quart des gens, cela touche deux organes ou plus".

Selon Banerjee, "Cela tend à prouver que, bien qu'elle touche moins gravement certaines personnes, la maladie peut tout de même avoir des conséquences non négligeables chez tout le monde".

Comme le résume l'infographie présentée ci-dessous à gauche, les quatre principaux organes touchés sont le cerveau, le coeur, les poumons et les reins.

A gauche, résumé des principales séquelles organiques à long terme de la Covid-19. A droite, les 50 principaux symptômes décrits par 600 Covid longs dans le cadre d'un sondage réalisé par l'APHP en 2020. Documents L'Avenir.Net et APHP.

Le cerveau

Certains convalescents se plaignent d'une confusion mentale ou d'un trouble post-traumatique mais qui devrait être passager. Beaucoup de Covid longss présentent des troubles neurologiques (confusion, agitation, douleurs neuropathiques et musculo-squelettiques, crises convulsives, etc) pouvant aller jusqu'à l'AVC. Une étude portant sur l'EEG de 617 patients Covid a montré qu'un tiers d'entre eux présenteraient des anomalies cérébrales avec de potentiels effets à long terme (cf. Haneef et Antony, 2020). Pour l'instant on ignore combien de temps persistent ces troubles mais ils peuvent durer au moins 6 mois. On y reviendra.

Le coeur

Une lésion du muscle cardiaque est possible mais le risque est plus élevé chez les patients à risque, par exemple déjà atteints d'une maladie cardiaque ou présentant une athérosclérose (un excès de cholestérol LDL dans le sang). Les symtômes des Covid longs comprennent le syndrome coronarien aigu (l'apport sanguin est réduit ou bloqué), l'insuffisance cardiaque (l'incapacité du muscle cardiaque à assurer normalement son rôle) et les troubles du rythme cardiaque. Les patients présentant des lésions cardiaques ont également un taux de mortalité plus élevé (cf. CCDC, 2020; S.Shi et al., 2020; M.Madjid et al., 2020; Headline, 2020). Ces résultats furent confirmés et complétés dans une étude publiée deux ans après le début de la pandémie.

Dans un article publié dans la revue "Nature Medicine" le 7 février 2022, Ziyad Al-Aly et ses collègues du Centre d'Epidémiologie Clinique de St. Louis dans le Missouri ont réalisé une méta-analyse approfondie des dossiers médicaux anonymisés gérés par le Département américain des anciens combattants. Ils ont sélectionné 152760 personnes testées positives au Covid-19 entre le 1er mars 2020 et le 15 janvier 2021 et qui avaient survécu aux 30 premiers jours de la maladie. Très peu de personnes participant à l'étude avaient été vaccinées car les vaccins n'étaient pas encore largement disponibles à cette époque.

Pour la modélisation statistique, les chercheurs ont comparé les résultats cardiovasculaires de la cohorte avec ceux deux autres groupes de personnes non contaminées par le coronavirus : un groupe témoin de plus de 5.6 millions de patients non atteints par la Covid-19 au cours de la même période et un groupe témoin de plus de 5.8 millions de patients non-Covid malades entre mars 2018 et janvier 2019. L'étude n'inclut pas de données concernant les variants Delta et Omicron apparus plus tard (second semestre 2021).

Les patients Covid de l'étude étaient pour la plupart des hommes blancs âgés; cependant, les chercheurs ont également analysé des données incluant des femmes et des adultes de tous âges et de toutes origines. Les chercheurs ont analysé les conditions cardiaques sur une période d'un an.

Risques et impact sur 12 mois des effets cardiovasculaires (gauche) et cardiovasculaires composites (droite) présentés par les Covid longs par rapport à la cohorte témoin non contaminée de 2020-201. Documents Z.Al-Aly et al. (2022).

Les chercheurs confirment que les patients Covid courent un risque accru de développer des complications cardiovasculaires entre le premier mois et un an après l'infection. Ces complications comprennent des troubles du rythme cardiaque, une péricardite (inflammation du péricarde qui enveloppe le cœur), des thrombus (caillots sanguins), un AVC, une maladie coronarienne, une crise cardiaque, une insuffisance cardiaque ou même la mort (cf. Z.Al-Aly et al., 2022).

Par rapport aux personnes non infectées par le Covid-19, les maladies cardiaques, y compris l'insuffisance cardiaque et la mort, sont survenues chez 4% des patients Covid et des Covi longs. 4% peuvent sembler peu mais selon les chercheurs, "Cela se traduit par environ 3 millions de personnes aux États-Unis qui ont souffert de complications cardiovasculaires dues au Covid-19".

Par rapport aux groupes témoins, les patients Covid étaient 72% plus susceptibles de souffrir d'une maladie coronarienne, 63% plus susceptibles d'avoir une crise cardiaque et 52% plus susceptibles de subir un AVC. Dans l'ensemble, les patients Covid étaient 55% plus susceptibles que les non-contaminés de subir un évènement cardiovasculaire indésirable majeur (crise cardiaque, AVC ou de mourir).

Risques et impact sur 12 mois des effets cardiovasculaires (gauche) et cardiovasculaires composites (droite) présentés par les Covid longs par rapport à la cohorte témoin non contaminée de 2020-201. Documents Z.Al-Aly et al. (2022).

Selon Al-Aly et ses collègues, "De tels problèmes surviennent même chez des individus auparavant en bonne santé ou qui n'ont jamais eu de problèmes cardiaques et qui étaient considérées comme à faible risque. Nos données ont montré un risque accru de lésions cardiaques chez les jeunes et les personnes âgées ; les hommes et les femmes ; les Noirs, les Blancs et toutes les races ; les personnes obèses et les personnes sans obésité ; les personnes atteintes de diabète et celles qui n'en ont pas ; les personnes ayant des antécédents de maladie cardiaque et sans antécédent les maladies cardiaques ; les personnes atteintes d'infections Covid légères et celles atteintes de Covid plus graves qui ont dû être hospitalisées pour cela".

Les chercheurs concluent  : "Nos résultats mettent en évidence les graves conséquences cardiovasculaires à long terme d'une infection par le Covid-19 et soulignent l'importance de se faire vacciner contre le Covid-19 comme moyen de prévenir les lésions cardiaques ; cela souligne également l'importance d'accroître l'accessibilité aux vaccins dans les pays ayant des ressources limitées".

Les poumons

Les patients gravement touchés par la Covid-19 (en détresse respiratoire suite à l'inflammation cytokinique) présentent une atteinte pulmonaire (angiogenèse, fibrose) qui peut entraîner des séquelles respiratoires (difficultés à respirer et essoufflement). Une vidéo sur YouTube décrit les dégâts irréversibles (des cicatrices) provoqués par la Covid-19 sur les poumons.

Les reins

20% des convalescents qui ont subi une réanimation ont développé une insuffisance rénale. Heureusement, on peut traiter la maladie (même stopper l'insuffisance rénale chronique) y compris ses éventuels facteurs de risque comme le diabète ou l'hypertension (cf. S.Lavaud, 2020). Toutefois, certains médicaments comme le remdesivir est connu pour sa néphrotoxicité (il entraîne un dysfonctionnement des reins). Le lopinavir/ritonavir et l'hydroxychloroquine ont également des effets néfastes sur les reins. On reviendra sur l'affaire de l'hydroxychloroquine, les remèdes et les vaccins contre le Covid-19.

Séquelles respiratoires et musculaires

Parmi les séquelles de la maladie et de l'hospitalisation, un essoufflement persistant affecte de nombreux convalescents post-Covid car leurs poumons ont été fort endommagés par le virus. Une minorité d'entre eux peuvent garder des séquelles de la maladie pendant plusieurs mois dont une fatigue chronique et des difficultés respiratoires. Bien que "guéris" du Covid, ils devront être suivis par des spécialistes aussi longtemps que les séquelles subsistent. Au début de la pandémie, les médecins craignaient que le Covid ne cause des dommages irréversibles conduisant à une fibrose pulmonaire - des cicatrices progressives dans lesquelles le tissu pulmonaire continue de mourir même après la disparition de l'infection.

A lire : Science of detraining

Les effets de l'arrêt d'un entraînement musculaire sur le corps

Mike Schultz est un infirmier américain de 43 ans qui contracta le Covid-19 le 11 mars 2020 lors d'un festival à San Francisco. Pratiquant le culturisme 5 à 6 fois par semaine, il déclara qu’il pesait environ 86 kg et n’avait aucun problème de santé avant de contracter le virus. Il passa 57 jours à l’hôpital et en sorti guéri mais ne pesa plus que 63 kg comme le montrent ces photos postées sur son compte Instagram. Sa perte de poids (surtout musculaire) atteignit 27%. Après être rentré chez lui, il a dû réapprendre à marcher et à manger. "J’ai pris ce selfie la semaine dernière pour montrer à quel point le déconditionnement à l’hôpital a affecté mon corps après avoir été sous sédation pendant six semaines, intubé et sous ventilateur", a écrit Schultz. "J’espère que cela ouvrira les yeux à ceux qui pensent qu’ils ne courent aucun risque".

Déjà après une semaine d'immobilisation et de traitement en soins intensifs, certains patients peuvent perdre jusqu'à 20% de masse musculaire ainsi qu'une perte d'endurance qui exigent une rééducation, présenter une fibrose pulmonaire et d'autres séquelles.

Selon les témoignages, durant cette période des patients sportifs de moins de 50 ans avaient l'impression d'être des vieillards presque impotents tellement ils éprouvaient de difficultés pour accouplir le moindre geste et notamment pour marcher. S'ils ont été intubés, ils peuvent temporairement avoir perdu la voix et ne plus être capables de parler pendant plusieurs semaines.

Patients Covid longs effectuant des exercices de rééducation à la clinique Dieulefit Santé dans la Drôme (F). Document Yara Al Chikhanie.

D'autres patients hospitalisés aux soins intensifs et "guéris" ont pu rentrer chez eux mais étaient incapables de se lever de leur chaise le premier jour sans l'aide de deux personnes. Une autre patiente âgée de 78 ans faisant partie des 5% sévèrement atteints vainquit la maladie. Elle fut envoyée dans une clinique de réadaptation pulmonaire où une kinésithérapeute (ou physiothérapeute) lui apprit des exercices de respiration pour l'aider à restaurer sa fonction pulmonaire et rééduquer les muscles respiratoires. Lorsqu'elle est rentrée chez elle trois semaines plus tard, cette patiente pouvait marcher près de 300 mètres, mais avec un déambulatoire. En continuant à faire des exercices à la maison, elle est devenue plus forte et put finalement marcher plus de 500 mètres et monter les escaliers (cf. New York Times).

Ceci confirme une fois de plus que les exercices de rééduction appris avec un kiné jouent un rôle important dans la restauration des fonctions motrices, de l'autonomie et la guérison des patients.

En Belgique, dans 49% des cas les convalescents post-Covid mettront entre 6 mois et 1 an pour se rétablir totalement et ne pourront reprendre le travail qu'au terme de ce délai. Ceci dit, 51% des patients se rétablissent dans le mois.

Une étude autrichienne publiée sur le site de l'European Respiratory Society le 7 septembre 2020 a également révélé que les lésions pulmonaires et cardiaques mettent plusieurs mois pour guérir. Sur deux cohortes de 150 et 919 convalescents, 88% avaient encore des lésions visibles sur le CT scan des poumons ou l'échocardiogramme 6 semaines après leur sortie de l'hôpital. A 12 semaines, ce nombre était encore de 56%. Ici également, les chercheurs confirment que des exercices de réhabiliation durant 3 semaines aident beaucoup au rétablissement des convalescents.

Le record d'hospitalisation est de 155 jours pour un patient belge nommé Emile qui finit par vaincre le Covid-19. Âgé de 73 ans et victime de complications (insuffisance rénale grave, foie et poumons touchés, problèmes cardiaques, escarre), il dut suivre une longue revalidation. L'homme s'en sort bien mais perdit 50 kg ! (cf. RTBF).

On sait à présent que les convalescents très âgés (d'au moins 80 ans) peuvent conserver des séquelles de la maladie très longtemps après la disparition du virus, en particulier dans leurs poumons. Dans un article publié dans la revue "Nature" le 14 septembre 2020, l'auteur explique que d'anciens convalescents de certains coronavirus ont dû vivre avec des symptômes pendant plusieurs années. On estime que les convalescents les plus âgés de la Covid-19 devront également être suivis durant plusieurs années.

Les lésions nerveuses

Fin 2020 on ignorait encore les causes de Covid long. Selon les chercheurs, "Les théories incluent l'activation immunitaire persistante après la phase aiguë; les dommages initiaux du virus, tels que les dommages aux voies nerveuses, qui sont lents à guérir; et la présence persistante de virus à de faibles niveaux".

De nouvelles études ont montré que des lésions nerveuses pouvaient expliquer certains cas de Covid longs.

Dans une étude publiée dans la revue "Science Translational Medicine" le 15 juin 2021, grâce à des études d'imagerie cérébrale, James F. Meschia du Département de Neurologie de la clinique Mayo de Jacksonville, aux Etats-Unis, et ses collègues ont identifié un marqueur de lésion nerveuse chez des patients Covid, certains sans symptômes neurologiques manifestes. Leur découverte pourrait expliquer pourquoi certains convalescents souffrent de Covid long.

Les chercheurs ont découvert sur les IRM cérébrales des patients Covid des signes de lésions macro- et micro-hémorragiques, d'hyperintensités multifocales de la substance blanche (démyélinisation) et de lésions compatibles avec une leucoencéphalopathie postérieure réversible (cf. PRES).

Grâce à la protéine du cytosquelette NFL (Neurofilament Light Chain ou protéine des neurofilaments sériques à chaîne légère) qui est un marqueur de lésion neuroaxonale, les chercheurs ont pu prédire l'étendue des dommages neuronaux chez 142 patients Covid hospitalisés.

 La NFL était élevée dans le sérum des patients Covid par rapport aux témoins sains. Des concentrations sériques plus élevées de NFL étaient associées à de moins bons résultats cliniques. Chez une centaine de patients Covid hospitalisés traités avec le remdesivir, une tendance à la baisse des concentrations sériques de NFL fut observée.

Selon les chercheurs, "Ces données suggèrent que les patients Covid peuvent subir des lésions neuroaxonales et peuvent être à risque de séquelles neurologiques à long terme".

Perte de cellules nerveuses dans la cornée

 L'équipe du Dr Rayaz Malik, professeur de médecine et médecin consultant à la Weill Cornell Medicine-Qatar à Doha étudient la perte des petites fibres nerveuses chez les personnes atteintes de diabète et de maladies neurodégénératives comme la sclérose en plaques. Les chercheurs ont remarqué que les personnes atteintes de Covid long semblent partager des symptômes similaires avec ces patients et ont donc décidé d'enquêter sur ce lien potentiel.

À l'aide d'une technique appelée la microscopie confocale cornéenne (CCM), l'équipe a pris des instantanés de cellules nerveuses dans la cornée, la couche transparente de l'œil qui recouvre la pupille et l'iris. L'équipe a utilisé une procédure non invasive pour compter le nombre total de cellules nerveuses à petites fibres dans la cornée, tout en évaluant également la longueur et le degré de ramification de ces fibres. Ils ont découvert que lorsqu'il y a des dommages dans les nerfs à petites fibres de la cornée, cela indique souvent qu'il y a des dommages similaires ailleurs dans le corps.

Dans une étude publiée dans la revue "Pain" en 2020, l'équipe de Malik a découvert que des lésions nerveuses et une accumulation de cellules immunitaires dans la cornée peuvent être un signe de Covid long. Ces résultats préliminaires révèlent quelque chose que les scientifiques soupçonnaient déjà : certains symptômes de Covid long émergent en raison de lésions des nerfs périphériques.

Plus précisément, des preuves préliminaires suggèrent que le Covid long peut provoquer des dommages aux petites fibres nerveuses - de fins nerfs qui partent dans tout le corps à partir de cellules nerveuses spécifiques et transmettent des informations sensorielles sur la douleur, la température et les démangeaisons, entre autres sensations, au système nerveux central. Les cellules nerveuses à petites fibres aident également à contrôler les fonctions corporelles involontaires, telles que la fréquence cardiaque et les selles; par conséquent, les dommages causés à ces cellules peuvent provoquer un large éventail de symptômes. Une nouvelle étude va dans le même sens.

Dans une étude publiée dans la revue "British Journal of Ophthalmology" le 26 juillet 2021, Malik et ses collègues ont rapporté que des patients Covid qui développent des symptômes neurologiques présentent une perte importante de cellules nerveuses à petites fibres de la cornée, par rapport aux convalescents sans séquelles neurologiques. De plus, le degré de lésion de ces cellules était en corrélation avec la gravité des symptômes des patients, ce qui signifie que des lésions nerveuses plus importantes étaient liées à des symptômes plus prononcés.

Les chercheurs ont suivi 40 personnes qui s'étaient remises de la Covid-19 entre un et six mois avant leur évaluation. Sur les 40 participants, 22 présentaient des symptômes neurologiques persistants - notamment des maux de tête, des étourdissements et des engourdissements - quatre semaines après s'être remis de la maladie. 13 parmi les 29 personnes guéries depuis au moins trois mois ont déclaré avoir des symptômes neurologiques 12 semaines après avoir été contaminées. Selon Malik, "C'est très clair, si vous regardez les graphiques, les personnes qui ont des symptômes neurologiques ont certainement une réduction des petites fibres nerveuses", contrairement aux autres participants.

Les chercheurs ont également évalué 30 personnes en bonne santé sans antécédents Covid à des fins de comparaison. Ils ont constaté que par rapport à ces 30 participants témoins, tous les convalescents Covid présentaient sur leur cornée un grand nombre de cellules immunitaires; plus précisément, des cellules dendritiques qui informent le système immunitaire que des envahisseurs étrangers sont apparus en quantités inhabituellement élevées.

Les Covid longs présentant des symptômes neurologiques persistants ont montré une augmentation 5 fois plus élevée des cellules dendritiques par rapport aux témoins sains tandis que les personnes n'ayant pas de symptômes neurologiques ont montré un doublement du nombre de cellules dendritiques.

Selon Malik, "Il y a donc clairement quelque chose, il y a un processus immunitaire qui est toujours en cours", même après la disparition de l'infection initiale par le Covid-19. "Un déclencheur immunitaire a peut être été activé et il aut en quelque sorte du temps pour qu'il s'installe". Pendant ce temps, la réponse immunitaire incontrôlée endommage les cellules nerveuses.

Malik et ses collègues ne peuvent pas prouver qu'une réponse immunitaire est à l'origine des lésions nerveuses observées. Cependant, l'idée s'aligne sur des preuves existantes. Selon un commentaire publié dans la revue "Pain" en 2020, la plupart des dommages neurologiques causés par le Covid-19 sont provoqués par l'inflammation et non par le virus infectant directement les cellules nerveuses.

Comme nous l'avons expliqué à propos du choc cytokinique, ce n'est pas l'infection en soi qui provoque les lésions nerveuses mais la réponse immunitaire qu'elle provoque. L'infection accélère le développement des cellules immunitaires pour qu'elles combattent l'agent infectieux, mais cela entraîne des dommages collatéraux. Dans ce cas ci, les petites fibres nerveuses peuvent être victimes du système immunitaire.

Cette étude doit encore être répliquée dans de plus grands groupes de patients pour valider les résultats. Mais si cette étude confirme les lésions nerveuses des petites fibres chez les patients victimes de Covid long, elle n'apporte pas nécessairement de solutions aux patients.

Dans leur article, Malik et ses collègues suggèrent que la microscopie confocale cornéenne pourrait être utilisée comme outil de diagnostic pour identifier plus rapidement les personnes atteintes de Covid long, en particulier celles présentant des symptômes neurologiques. Cependant, actuellement la technique est principalement utilisée pour la recherche et n'est pas largement disponible dans les milieux cliniques.

Selon Malik, cette étude peut fournir des indications utiles sur la façon dont les médecins peuvent traiter les patients Covid longs. Les traitements pour les neuropathies post-infectieuses existent, il faut à présent vérifier s'ils fonctionneraient pour les patients Covid longs dont les petites fibres nerveuses sont touchées, et dans l'affirmative, comment ils peuvent être appliqués au mieux.

Séquelles cognitives et troubles mentaux

Des infections comme la grippe et d'autres maladies respiratoires peuvent occasionner des troubles cognitifs et mentaux. Grâce aux traitements et aux vaccins, les malades s'en sortent généralement sans séquelles. Mais dans le cas de la Covid-19, à défaut de remèdes et de vaccins 100% efficaces, la maladie peut laisser des séquelles, heureusement temporaires mais pouvant persister plusieurs mois après la sortie de l'hôpital.

Dans l'étude précitée de Nehme et ses collègues, les auteurs déclarent : "Outre la pénibilité physique de leurs symptômes, beaucoup étaient très inquiets de savoir combien de temps allaient durer leurs symptômes. Certaines séquelles demeurent d’ailleurs sans réponse médicale claire. Dans l’état actuel des connaissances, il est important d’accompagner les personnes concernées et de les écouter".

Une autre étude publiée par l'Université de Cambridge le 17 mars 2022 montre que plus des deux tiers des Covid longs présentent au moins 2 symptômes cognitifs pendant au moins 6 mois. Sur 181 patients suivis, 78% ne plaignaient de difficultés de concentration et 69% de confusion mentale ou "brouillard cérébral". Bien que leurs symptômes furent rapportés par les malades eux-mêmes et donc subjectifs par nature, leur ressenti correspondait aux résultats qu'ils présentaient lors des tests cognitifs.

Selon Muzaffer Kaser, chercheur-psychiatre et coauteur de cette étude, "C'est une preuve importante que lorsque les gens disent avoir des difficultés cognitives post-Covid, celles-ci ne sont pas nécessairement le résultat d'anxiété ou de dépression. Les effets sont mesurables - quelque chose d'inquiétant est en train de se produire".

Selon le communiqué de l'université, la moitié des patients ont signalé des difficultés à prendre leurs symptômes au sérieux, suggérant que la communauté médicale ne prend pas les problèmes cognitifs aussi sérieusement que les problèmes pulmonaires, la fatigue ou d'autres symptômes.

Dans une autre étude publiée dans la revue "EClinical Medicine" le 22 juillet 2021, Adam Hampshire de l'Imperial College de Londres et ses collègues ont suivi 84285 personnes auxquelles ils ont demandés de réaliser des tests cognitifs pour mesurer la façon dont le cerveau exécute des tâches, comme se souvenir de mots ou joindre des points sur un puzzle. Ces tests sont largement utilisés pour évaluer les performances cérébrales dans des maladies telles que la maladie d'Alzheimer et peuvent également aider les médecins à évaluer les déficiences cérébrales temporaires.

Les chercheurs sont arrivés à la conclusion que dans certains cas, les convalescents post-Covid qui étaient gravement atteints présentent des déficits cognitifs importants pendant des mois. Selon les chercheurs, "Nos analyses [...] s'alignent sur le point de vue selon lequel le Covid-19 a des conséquences cognitives chroniques. Les personnes qui s'étaient rétablies, y compris celles qui ne signalaient plus de symptômes, présentaient des déficits cognitifs importants", les pires cas montrant des impacts "équivalents à un déclin moyen sur 10 ans de la performance mondiale entre 20 et 70 ans".

Ces résultats qui mirent 9 mois pour être validés doivent cependant être pris avec prudence. Selon Joanna Wardlaw, professeur de neuroimagerie appliquée à l'Université d'Édimbourg qui n'a pas participé à cette étude, "La fonction cognitive des participants n'était pas connue avant la Covid-19, et les résultats ne reflètent pas non plus la récupération à long terme - donc tout effet sur la cognition peut être à court terme".

Derek Hill, professeur de science de l'imagerie médicale à l'University College de Londres a également noté que les résultats de l'étude ne pouvaient pas être entièrement fiables car ils ne comparaient pas les scores avant et après, et impliquaient un grand nombre de personnes ayant déclaré avoir eu le Covid-19 mais sans test positif. Selon Hill, "Dans l'ensemble (c'est) une étude intrigante mais peu concluante sur l'effet du Covid sur le cerveau. Alors que les scientifiques cherchent à mieux comprendre l'impact à long terme du Covid, il sera important d'étudier plus en détails dans quelle mesure la cognition est affectée dans les semaines et les mois suivant l'infection, et si des dommages permanents à la fonction cérébrale se produisent chez certaines personnes".

Courbes de survie (Kaplan-Meier) pour tous les diagnostics psychiatriques (premier ou récurrent) de Covid-19 par rapport à la grippe et d'autres infections des voies respiratoires. Document P.J. Harrison et al. (2020).

Wardlaw et Hill confirment ce qu'a déjà dit Richard Horton, rédacteur en chef du "Lancet" qui déclara que "peut-être la moitié des articles publiés [dans sa revue] sont faux" car incomplets, non significatifs, etc. On reviendra sur ce sujet sensible à propos de la fraude en science.

Dans une autre méta-analyse publiée dans la revue "The Lancet Psychiatry" le 9 novembre 2020, le psychiatre Paul J. Harrison de l'Université d'Oxford et ses collègues ont analysé les données cliniques d'un pool de 69 millions de citoyens américains dont 62354 patients Covid ou souffrant d'autres maladies enregistrées dans la base fédérale TriNetX. Ils ont mesuré l'incidence des désordes psychiatriques, de démence et d'insomnie durant les 3 mois suivant le diagnostic de Covid-19.

Ils ont découvert que de nombreux convalescents post-Covid risquent de développer une maladie mentale : "Chez les patients sans antécédents psychiatriques, un diagnostic de Covid-19 était associé à une incidence accrue d'un premier diagnostic psychiatrique dans les 14 à 90 jours suivants [...] Cela concerne 18.1% des patients". Les autres troubles ou maladies mentales sont des désordres de l'humeur et de l'anxiété dont la probabilité est similaire et presque deux fois plus fréquente que dans le cas de la grippe ou d'autres infections respiratoires (~20% contre ~13% après 90 jours) comme le montrent les graphiques ci-joints.

L'étude a également révélé que les personnes atteintes d'une maladie mentale préexistante avaient 65% de plus de probabilité d''être diagnostiquées pour une Covid que celles ne présentant aucun antécédant.

On peut en déduire que des facteurs de stress psychologiques associés à cette crise sanitaire combinés aux effets physiques de la maladie sont à l'origine de ces troubles.

Selon le psychiatre Simon Wessely, professeur de médecine psychologique au King's College de Londres contacté à ce sujet, "Le Covid-19 affecte le système nerveux central et pourrait donc augmenter directement les troubles ultérieurs. Mais cette étude confirme que ce n'est pas toute l'histoire et que ce risque est augmenté en raison d'une mauvaise santé antérieure".

Enfin, après plus d'un an de recul, selon une étude publiée dans la revue "The Lancet Psychiatry" le 6 avril 2021, sur 236379 convalescents de la Covid-19 enregistrés dans la base fédérale TriNetX, 34% présentaient des troubles neurologiques ou psychiatriques dans les six mois suivant la contamination.

Les principaux symptômes neurologiques observés sont la désorientation, des maux de tête, la confusion, des problèmes de mémoire et d'engourdissements.

Les diagnostics les plus fréquents furent :

- Les troubles de l'anxiété (17% des patients)

- Les troubles de l'humeur (14%)

- Les troubles liés à l'abus de substances (7%)

- L'insomnie (5%).

Les chercheurs ont également observés :

- Des accidents ischémiques cérébraux (type d'AVC, 2.1%)

- Des démences (0.7%)

- Des hémorragies cérébrales (0.6%).

Le risque est d'autant plus important que la maladie fut grave (la personne hospitalisée).

Les chercheurs confirment que le virus infecte le cerveau, et plus précisément les neurones, parfois jusqu'à provoquer un déclin cognitif, voire une démence ou une baisse de QI.

Dans une étude publiée dans la revue "Nature" le 7 mars 2022, Gwenaëlle Douand du Centre FMRIB et du Centre Wellcome pour la neuroimagerie intégrative (WIN) de l'Université d'Oxford et ses collègues, ont analysé les pathologies cérébrales de 785 participants britanniques âgé de 51 à 81 ans dont 401 cas étaient porteurs du SARS-CoV-2. Ils ont effectué deux scanners à 141 jours d'intervalle. Les résultats montrent des changements structurels dans le cerveau, y compris une diminution globale du volume chez les patients Covid. L'épaisseur de la matière grise a été affectée dans le cortex orbitofrontal et le gyrus parahippocampique, qui traitent notamment les émotions et la mémoire. Il y avait également des lésions tissulaires dans les régions fonctionnellement connectées au cortex olfactif primaire, celui traitant les odeurs.

Les chercheurs ne peuvent pas encore établir un lien définitif entre ces changements et le Covid long, mais les experts appellent à une étude plus approfondie, surtout qu'il s'est écoulé suffisamment de temps depuis l'apparition du variant Omicron.

On reviendra sur les pathologies cérébrales de la Covid-19, notament sur la matière grise, sur les impacts psychologiques de la crise sanitaire sur la population et le personnel de la santé ainsi que sur les dommages collatéraux, indirects de la Covid-19 car ils sont aussi nombreux, variés et de ce fait peu rassurants.

Prochain chapitre

Origine des syndromes infectieux post-aigus

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