|
Le trou noir supermassif de la Voie Lactée
Introduction (I) Que savait-on du coeur de la Voie Lactée dans les années 1970 à 2010 ? Le noyau de la Voie Lactée est situé à près de 27000 années-lumière du Soleil mais il est invisible au télescope car sur notre ligne de visée se trouvent des nuages de poussière qui nous bouchent la vision du noyau. Dans cette direction, l'extinction de la lumière atteint 25 magnitudes ! (cf. D.Osterbrock et G.Ferland, 2005). Pour percer ces nuages denses, il faut faire appel à la radioastronomie centimétrique et millimétrique et aux satellites sensibles aux rayonnements X. Parmi les premiers indices suggérant l'existence d'une puissante source compacte au centre de la Galaxie, dans les années 1960, grâce à la polarimétrie les radioastronomes découvrirent au coeur de la Voie Lactée une structure connue sous le nom d'Éperon galactique (cf. R.Wielebinski, 2012). Dans les années 1980, on découvrit qu'il s'étend tel un jet sur 4 kpc et est constitué de filaments magnétiques parallèles entourés de matière ionisée[1]. A l'époque on pensait qu'il s'agissait des résidus d'une supernova, un SNR. En 2021 encore, certains dictionnaires comme celui d'Oxford le mentionnait comme tel. Contact prit avec l'éditeur, il confirme que c'est l'explication qui fait consensus même si elle n'explique pas toutes les caractéristiques de l'objet. En effet, depuis les années 1980, la nature de l'Éperon galactique est controversée car elle s'avère plus complexe que prévu. En fait, l'hypothèse qu'il s'agit d'un SNR n'explique que certains filaments en forme de boucle ou de vague visibles dans la structure (cf. La Vague de Radcliffe ex-Ceinture de Gould). Il faudra attendre le tournant du XXIe siècle et notamment le lancement du satellite allemand ROSAT sensible aux rayons X qui fut opérationnel entre 1999 et 2011 pour affiner les mesures et qu'on suggère que l'Éperon galactique est le résultat d'une éruption survenue il y a longtemps au centre de la Galaxie (cf. J.Kataoka et al., 2021). Quant à prouver que la structure fut émise par un trou noir, bien que l'idée était dans l'air, il fallait d'abord la prouver en démontrant qu'un trou noir se trouvait effectivement au centre de la Voie Lactée. C'est à cette tâche que se sont attelés les radioastronomes.
Les radiostronomes ont ensuite découvert tout près du centre géométrique de la Voie Lactée une région couvrant 30 pc (100 a.l.) comprenant Sgr A faisant preuve d'une activité très exotique en termes dynamiques et énergétiques. La découvert de Bruce Balick et Robert L. Brown Au printemps 1974, trois ans après avoir obtenu son doctorat à l'Université de Cornell, Bruce Balick écrivit une lettre urgente à son partenaire de recherche Robert L. Brown (1943-2014) habitant de l'autre côté du pays. Balick craignait que d'autres radioastronomes ne soient sur leur piste dont un certain Fred Low : "Nous ferions mieux de publier rapidement si nous voulons le devancer à l'impression", écrivait Balick à son collaborateur. Le jeune Balick voulait absolument faire savoir au monde ce qu'il avait découvert au coeur de la Voie Lactée par une journée claire et sèche de février. Grâce aux trois radiotélescopes de la NRAO (des paraboles de 26 et 14 m de diamètre) travaillant à 2695 MHz (11 cm) et 8085 MHz (3.7cm), Balick alors à l'Observatoire de Lick et son collègue Brown du NRAO avaient analysé des signaux radios provenant d'objets situés à 27000 années-lumière, au centre de la Voie Lactée.
Balick et Brown savaient qu'ils n'étaient pas les seuls radioastronomes à s'intéresser à cette région du ciel. En effet, D.Downes et A.Martin en 1971 ainsi que G.Rieke et F.Low en 1973 avaient déjà identifié au moins 5 sources quasi-ponctuelles dans une région de 20" de diamètre dont une appelée Sgr A West (Sgr A Ouest) et ils poursuivaient leurs recherches. Pressés par le temps mais certains de leur découverte, Balick et Brown ont finalement publié un article dans "The Astrophysical Journal" en décembre 1974 dans lesquel ils confirment la découverte dans une région de 1"x3" d'une structure inférieure à la seconde d'arc, très lumineuse en radio (flux > 100 fu) et d'une température de brillance élevée, donc d'un objet très petit et très chaud. Mais ils regrettaient de ne pouvoir l'identifier à partir de son spectre radio. Aussi, ils proposaient à la communauté des astronomes d'étudier cet objet grâce au futur VLA (la première des 28 paraboles du VLA de la NRAO sera installée en 1975), en infrarouge et en rayons X. Ce n'est que quelques années plus tard que Brown nommera cette source Sagittarius A* et que les deux auteurs seront crédités de sa découverte (voir plus bas). A l'époque, on ne parlait pas encore de trou noir (bien que le néologisme fut inventé en 1964), encore moins supermassif, car on n'imaginait pas que les galaxies puissent abriter ce genre d'objet. Les auteurs évoquent seulement une "source", une "structure" sans définir sa nature. 48 ans plus tard, Balick eut la chance de pouvoir observer l'image de ce qu'il avait découvert (cf page suivante). Sgr A fut ensuite étudié grâce au réseau VLA (renommé plus tard Karl Jansky) et d'autres radiotélescopes, principalement situés dans l'hémisphère sud (les astronomes de l'hémisphère nord ne peuvent accéder à cette région du ciel que 6 mois par an). Des radioastronomes proposèrent que le rayonnement émis par Sgr A ressemblait à celui d'un groupe de pulsars voire d'un quasar BL Lac[2] (cf. Les Lacertides à propos des quasars). Mais il fallut d'autres études pour affiner les données et proposer un modèle convaincant. Il faudra des dizaines d'années pour que les astronomes se rendent compte que la majorité des galaxies abrite un trou noir supermassif et qu'ils établissent des corrélation entre leur masse et les propriétés optiques des galaxies comme la dispersion des vitesses ou la masse du bulbe (cf. L.Ferrarese et al., 2000; N.Häring et al., 2004). Entre-temps, dans les années 1980 on comprit également que les radiogalaxies et autres quasars (AGN) étaient alimentés par des trous noirs supermassifs actifs, rendant leur existence beaucoup plus concrète. Si à la fin des 1970 début 1980 on avait bien localisé la principale source de rayonnements près de Sgr A, les moyens techniques de l'époque ne permettaient pas aux chercheurs de situer l'emplacement exact des émissions X et gamma, l'erreur sur sa position atteignant plusieurs dizaines de secondes d'arc soit quelques années-lumière. La cartographie du parsec central La cartographie du coeur de la Voie Lactée en infrarouge (à 2.2 et 10 microns soit 2200 et 10000 nm), en radio et en rayons X a permis d'y déceler une vingtaine de sources d'émissions dont certaines éjectent des filaments longs d'une centaine d'années-lumière. Cet environnement est vraiment très suspect et suscita la curiosité de nombreux chercheurs. La source IRS16 Dans
le parsec central de la Voie Lactée se trouvent 3 sources très intenses, IRS7, IRS11
et IRS16 qui couvrent une surface de moins de 20" d'arc (0.8 pc ou 2.6 a.l.). L'une
d'elles, IRS16 considérée un temps comme le centre de la Voie Lactée, se trouve à
environ 1" (0.04 pc ou 0.13 a.l.) à l'est de Sgr A* et couvre 3 années-lumière. Elle
représente une masse d'environ 10 millions M Dans un espace de 4" d'arc (0.16 pc ou 0.52 a.l.), le complexe stellaire IRS16 est seul responsable de l’ionisation de la matière sur environ 1 parsec. Si les sources qu’il contient sont constituées d’étoiles bleues de magnitude 8 approchant 35000 K riches en HeI, il dispose de la luminosité requise et on crut un temps qu'il pouvait correspondre à l'objet que nous cherchions. A
voir : Zooming into Sagittarius A*,
ESO, 2018
IRS16
fut résolue en une vingtaine de composantes compactes. Il s'agirait d'un jeune groupe
d'étoiles contenant soit des étoiles superbleues géantes soit des étoiles proches du stade Wolf-Rayet en train
de perdre leur masse (jusqu'à 10-4 M D'autres indices relevés à partir des analyses du satellite ISO révèlent que cette région présente une métallicité deux fois supérieure à celle du Soleil. Conclusion, si elle est si peu excitée mais brille comme au moins 10 millions de soleils, il faut trouver le mécanisme qui la rend aussi brillante. S'il ne s'agit pas d'un processus thermique, alors une interaction avec un trou noir situé au sein de la source IRS16 est une hypothèse plausible. Si le champ gravitationnel d'IRS16 ne correspond pas exactement aux effets de marée constatés, pas plus qu'avec la densité des nuages protostellaires présents autour de lui, il ne semble accepter aucune autre alternative que le trou noir. Le traitement informatique des images infrarouges du satellite IRAS a permis aux astronomes de découvrir que la source IRS16 était en réalité un groupe d'étoiles comobiles constitué de 24 sources distinctes, la plupart des étoiles brillantes de type spectral B0; IRS5 est un nuage protostellaire et la source IRS7 éloignée de quelques centaines d'années-lumière est une étoile supergéante. Le centre de notre Galaxie n'est donc pas uniquement constitué de vieilles étoiles et de poussière. Il continue à produire de nouvelles étoiles. En moyenne,
la Voie Lactée produit l'équivalent d'environ 3 M Sagittarius A* En 1979, John H. Lacy qui venait d'obtenir son PhD de l'Université de Berkeley et ses collègues découvrirent des concentrations de gaz ionisé au centre de la Voie Lactée et des mouvements de matière autour d'une zone compacte dont ils évaluèrent la masse à l'équivalent de 8 millions de masses solaires (cf. J.H. Lacy et al., 1979). Ici non plus, les chercheurs n'évoquaient pas encore un trou noir mais une source compacte très massive. La source présentant le comportement le plus étrange est la source compacte Sgr A* située aux coordonnées équatoriales : 17h 45m 40.03599s d'ascension droite et -29°00' 28.1699" de déclinaison. Ne la cherchez pas avec un télescope amateur et n'essayez même pas de la photographier car cette région réduite à une dizaine de secondes d'arc n'est accessible qu'à des télescopes d'au moins 8 m de diamètre équipés d'une optique adaptative.
Les études ont montré que dans un espace réduit à 20' d'arc représentant une distance de ~16 pc ou ~53 années-lumière situé sur le disque incliné au coeur de la Voie Lactée se trouve cinq sources étendues de rayonnements intenses dont les sources IRS précitées et une appelée "Sagittarius A*", alias Sgr A* (qui se prononce sagittarius A star). L'astérisque est utilisée par les spécialistes pour signaler les états excités des atomes, une convention que reprit Robert L. Brown du NRAO en 1982 pour nommer cette source particulière entourée de gaz ionisé. La région de Sgr A* se trouve au coeur d'un complexe plus vaste divisé en deux composantes : Sgr A Est (ou East) et Sgr A Ouest (ou West). Sgr A Est s'étend sur 3' ou 8 pc et présente un spectre non thermique vraisemblablement entretenu par le rayonnement de supernovae; il s'agit d'un SNR. Sgr A Ouest est plus petite (2 pc). Au coeur du parsec central, les radioastronomes ont découvert une cavité contenant une structure spiralée, dont les trois bras semblent s'étendre à partir d'un nuage de gaz et de poussière. Le bras nord de la structure en spirale émet un rayonnement intense et continu entre 20 et 300 microns (submillimétrique). Ce rayonnement infrarouge moyen et lointain est induit par des grains de poussière portés entre 50 et 100 K. C'est au coeur du parsec central de Sgr A Ouest que se cache Sgr A* qui brille avec une luminosité estimée entre 10 et 20 millions de fois celle du Soleil ! Plus récemment, on a découvert que Sgr A Ouest se trouve sur un disque moléculaire incliné appelé l'anneau circumnucléaire (CNR). Le bras nord de la spirale serait un fragment du CNR qui est l'origine de la formation de Sgr A Est.
A l'intérieur du parsec central de Sgr A Ouest s'agglomèrent quelque 5 millions d'étoiles dont plus d'une centaine d'étoiles massives OB et Wolf-Rayet. Certaines subissent des effets gravitationnels spectaculaires. Dans cette région, les étoiles sont tellement proches les unes des autres que les collisions et les effets de marée gravitationnelles sont suffisamment fréquents pour éjecter dans le milieu interstellaire d'énormes quantités de gaz. Grâce au réseau VLA Karl Jansky de la NRAO, les radioastronomes ont découvert que Sgr A*, proche de IRS16 est tellement puissant que les vents stellaires soufflent à 1500 km/s, étirant l'atmosphère de l'une des étoiles sur plus de 0.5 année-lumière, créant un véritable cataclysme cosmique ! Non loin de là, sur une distance d'environ deux années-lumière, les vents stellaires sont accélérés, passant de 150 à plus de 700 km/s. A côté de cela, Sgr A* présente une remarquable stabilité; il n'a pas subi le moindre déplacement en sept ans d'observation. C'est en 1982 que John Lacy précité et ses collègues ainsi qu'Eric Becklin et ses collègues[3] parmi d'autres proposèrent pour la première fois que de tels effets ne pouvaient être provoqués que par un trou noir d'environ 3 millions de masses solaires. En effet, seul un trou noir supermassif pouvait à la fois expliquer ces intenses rayonnements, les effets gravitationnels ainsi que cette structure en spirale et sa persistance dans une région aussi chaotique. A consulter : Position de Sgr A*, Simbad
A l'époque, on pensait que ce trou noir se trouvait dans la source IRS16 et portait son influence sur environ 2 pc. Mais il s'avéra que le spectre[4] de Sgr A* ne coïncide pas avec celui de IRS16 et ni l'un ni l'autre ne présentent les fameuses émissions X et gamma caractéristiques de l'interaction du milieu avec un trou noir. Où se cachait donc ce trou noir supermassif ? Les mesures faites par ALMA indiquent que les bras spiralés de gaz ionisé tombant sur Sgr A* sont portés entre 5000 et 14000 K. Au centre de cette région, des filaments de plasma sont portés à 35000 K et le rayonnement devient non thermique, irradiant l’espace de rayons cosmiques sur lesquels se superpose un effet synchrotron provoqué par d’intenses champs magnétiques. Les astronomes savent aujourd'hui que la structure en spirale représente le disque d'accrétion externe de Sgr A*. Ce disque est très massif et contient des millions de masses solaires. La forme en Y représente le flot de gaz s'engouffrant en spirale vers l'objet massif et compact situé juste au nord de l'intersection des bras, ce qui provoque les effets dynamiques et relativistes que l'on constate.
On a également découvert que le disque d'accrétion produisait des étoiles massives. Or tous les astronomes considèrent généralement qu'un disque protostellaire ne peut pas résister aux forces de marée engendrées par un trou noir et devrait se disperser au lieu de s'effondrer sur lui-même. C'est pourtant ce qu'on observe autour de Sgr A*. Il semblerait que la gravité régnant dans le disque d'accrétion soit suffisante pour vaincre les forces de marée du trou noir. En fait ce n'est possible qu'en présence d'un puissant champ magnétique dont le champ de force canalise l'écoulement de la matière. On y reviendra. Les sources de rayonnement X et gamma Venons-en à présent à l'identification des différentes sources de rayonnement X et gamma afin de déterminer si elles sont ou non en relation avec Sgr A*. La plupart des objets que les astronomes ont observé dans la région de 10' d'arc (8 pc ou ~26 a.l.) autour de Sgr A* émettent très peu de rayonnements thermiques alors que le disque d'accrétion d'un trou noir devrait fortement émettre dans l'infrarouge. L'explosion des étoiles ou des corps rocheux devrait également produire des sursauts d'éclats bien visibles. En revanche, comme on le voit sur les photos en rayons X présentées ci-dessous, des zones précises plus ou ou moins compactes ou étendues sont plongées dans un important rayonnement X. Si certaines correspondent à des étoiles, d'autres zones brillantes représentent les effets d'une interaction avec Sgr A*. A voir : Zoom into the Center of our Galaxy with Keck Observatory, Leo Meyer
Selon l'astrophysicien Andrea Goldwurm[5] et ses collègues du CEA de Saclay, les émissions X détectées à proximité de Sgr A* sont émise par un autre astre que le trou noir car Sgr A* n'émet pas fortement, et rarement au-dessus de 30 keV. En effet, la luminosité des rayons X durs de Sgr A* est 40 millions de fois plus faible que la valeur estimée du disque d'accrétion d'un trou noir d'un million de masses solaires. Les astronomes ont donc essayé d'identifier toutes les sources X aux alentours de Sgr A* et de mesurer leur intensité.[6]. Parmi les 60 sources de rayonnements X identifiées par le satellite SIGMA entre 1990 et 1993, seule GRS 1716-249 a été détectée[7] à 175.8 ±3.3 keV et présente un spectre similaire à celui de Cygnus X-1, le candidat au titre de trou noir le plus populaire. Les autres sources atteignant 35 keV sont probablement associées à des étoiles neutrons binaires et des pulsars X. Enfin,
la source GRS 1915+105 alias V1487 Aquila resta longtemps un candidat galactique très sérieux.
Mais il s'agit en fait d'un microquasar situé à 36000
années-lumière formant un système bianire avec un trou noir stellaire de 14 M
Jusqu'aux années 2000, malgré le regard aiguisé des télescopes spatiaux, la position des sources gamma était connue avec une incertitude qui restait supérieure à 0.3" d'arc pour Sgr A*. Cela représente une distance linéaire de 0.012 pc ou 0.039 a.l. ou encore de 2466 UA soit 369 milliards de kilomètres. Il a donc fallu mettre en oeuvre les plus grands télescopes équipé de leurs optiques adaptatives qui permettent d'atteindre une résolution 3 fois supérieure pour préciser la position de ce trou noir tant recherché. Ensuite, il fallut faire appel à l'interférométrie proche infrarouge et aux techniques radioastronomiques VLBI pour affiner la cartographie des lieux. Finalement, après des dizaines d'années de recherches, le travail des astronomes porta ses fruits. Les orbites des étoiles C'est en 2012 que les astronomes ont apporté la preuve de l'existence du trou noir supermassif caché au coeur de la Voie Lactée et sont parvenus à le situer avec une précision de quelques heures-lumière grâce aux différentes étoiles de l'amas S qui gravitent autour de lui. En attendant d'observer un phénomène spectaculaire dans la région toute proche de Sgr A*, c'est-à-dire à moins de quelques jours-lumière ou même idéalement à quelques heures-lumière, quelques équipes d'astronomes ont recherché des étoiles se déplaçant très rapidement ou des effets de microlentilles gravitationnelles qui trahiraient l'influence du trou noir galactique et permettraient de le localiser. Pour identifier ce trou noir supermassif, les astronomes ont utilisé toute la puissance des télescopes Keck de 10 m de diamètre. Comme on le voit ci-dessous à gauche, ils ont découvert sept étoiles situées dans l'amas S, une minuscule région de 50 jours-lumière de rayon soit 1300 milliards de kilomètres. Cela correspond à un rayon de 8657 UA soit le tiers de la distance qui sépare le Soleil de la banlieue du Nuage de Oort. Dans un rayon de 10 jours-lumière soit 1731 UA autour de Sgr A*, ils ont découvert plusieurs étoiles (S1, S2, S8, etc) gravitant sur des orbites très excentriques et de toute évidence qui sont pertubées par un même objet compact et très massif dont elles sont prisonnières. A
voir : Simulation
des trajectoires des étoiles en orbite autour de Sgr A*,
ESO Pourquoi l'Optique Adaptative (vidéo de l'ESPCI)
Les astrophysiciens Andrea Ghez de l'UCLA et Reinhard Genzel du MPE (qui travaille sur le sujet depuis au moins 1985) ont démontré indépendamment l'un de l'autre que c'est au centre de ces orbites que se situe le fameux trou noir supermassif Sgr A* tant recherché. Pour avoir prouvé l'existence de ce trou noir galactique, les deux astrophysiciens furent récompensés par le prix Crafoord en 2012 et le très prestigieux prix Nobel de Physique en 2020, en même temps que Roger Penrose alors âgé de 89 ans. Selon Ghez, en raison de la forte attraction que génère le trou noir, ces étoiles se déplacent à des vitesses oscillant généralement entre 1000 et 4500 km/s, soit 16 millions de km/h ! Si leurs déplacements sont relativement lents lorsqu'elles sont à l'apoapse (ou apoapside, le point le plus éloigné du foyer de l'orbite), on constate qu'à mesure qu'elles s'approchent d'une zone bien précise de Sgr A*, leur course s'accélère pour atteindre un maximum au périapse (périapside, le point le plus proche du foyer de l'orbite), comme si un corps massif mais invisible les attirait puis les catapultait au loin dans un mouvement orbital incessant. Voilà où se trouve le trou noir supermassif de la Voie Lactée ! Parmi les étoiles les plus véloces de l'amas S, en 2020 des astronomes ont découvert l'étoile S4714 qui se déplace à... 24000 km/s soit 8% de la vitesse de la lumière. Un record ! Voici son orbite. Il s'agit d'une étoile de type B8/9 V qui boucle son orbite autour de Sgr A* en ~7.6 ans. Parmi les autres étoiles, S62 se déplace à ~20000 km/s (6.7% de c) et S4711 à ~6700 km/s (2.2% de c). La tâche actuelle des plus grands instruments (Gemini de 8.10 m, Subaru de 8.2 m, Keck de 10 m, GBT de 10.4 m, VLTI de 130 m, Karl Jansky ex-VLA de 27 antennes, ASKAP de 36 antennes, VLBI, ALMA, Chandra, etc.) consiste à localiser les sursauts d'éclats qui témoigneraient de l'éclatement d'une étoile lorsqu'elle franchit le seuil de ce trou noir. Aucun phénomène de ce genre ne fut détecté jusque fin 2011, renforçant l'idée que le noyau de la Voie Lactée est peu énergétique. Sgr A* semble s'être assoupi depuis au moins 3.5 millions d'années, époque à laquelle la Voie Lactée connut une éruption de Seyfert provenant vraisemblablement de Sgr A*. Rappelons que quelques millions d'années plus tôt notre Galaxie était un quasar qui émit un jet puissant à l'origine des immense bulles de Fermi. Prochain chapitre
|