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Le trou noir

Un trou noir actif. Document T.Lombry.

Les trous noirs existent-ils ? (VIII)

Jusqu'en 2017, la question était encore pertinente car nous n'avions aucune image optique ou radio d'un trou noir. Ce n'est qu'à cette date que la Collaboration de l'Event Horizon Telescope (EHT) réussit à obtenir la première image du trou noir supermassif de Virgo A (M87*) et ensuite de celui de la Voie Lactée. On y reviendra page suivante.

Mais à ce jour, il s'agit des deux seuls trous noirs supermassifs validés par l'observation directe. Pour tous les autres trous noirs y compris stellaires, il faut parler au conditionnel, même si aucune autre explication ne remplace l'hypothèse du trou noir.

Avant l'imagerie de M87* et de Sgr A*, il était encore possible de prétendre qu'il s'agissait d'une histoire fantastique ou d'une pure spéculation. Mais à partir des années 1970, les observations gamma, X, optiques et radioélectriques du centre des galaxies et de certains systèmes binaires tels Cygnus X-1 confirmaient l'existence d'objets compacts très massifs, supportant les prédictions des modèles théoriques et l'idée que les trous noirs existaient bel et bien.

On sait aujourd'hui que des trous noirs stellaires existent dans des systèmes binaires et des trous noirs supermassifs au centre des galaxies et même dans les amas globulaires compacts. La masse des trous noirs supermassifs s'échelonne entre quelques milliers et plusieurs milliards de masses solaires. On y reviendra.

Les propriétés du trou noir permettent d'imaginer un scénario d'évolution pour les galaxies présentant un noyau actif, les fameux AGN. Statistiquement, comme nous l'avons évoqué (cf. page 2), il existerait plus de 100 millions de trous noirs stellaires rien que dans notre Galaxie ! Il est donc envisageable que les AGN contiennent également un grand nombre de trous noirs dont certains ont pu acquérir une masse colossale en l’espace de 10 milliards d’années.

Voyons comment une galaxie ordinaire peut se transformer en AGN. Il existe deux cas : soit le trou noir préexistait et s'est formé à l'époque de l'univers primitif à peu près en même temps que la galaxie, soit le trou noir s'est formé tardivement et résulte de l'effondrement d'une étoile massive. Dans le premier cas, le trou noir est devenu supermassif tandis que dans le second cas, le trou noir d'origine stellaire a dut accréter beaucoup de matière pour devenir supermassif.

Imaginons le cas d'un trou noir stellaire qui se forme à partir de l'effondrement d'une étoile massive (50-100 M) qui termine sa vie sous la forme d'un trou noir de quelques kilomètres de diamètre dans le noyau d'une galaxie encore calme.

La densité de matière étant très élevée dans le noyau d'une galaxie, une grande quantité de gaz et de poussière est rapidement attirée par l'intense champ gravitationnel qui règne dans son voisinage. Par effet d'accrétion, le trou noir grossit démesurément, jusqu'à devenir massif. Au bout de plusieurs centaines de millions d'années, sa masse se chiffre en centaines de millions de masses solaires pour une température proche du zéro absolu.

Malgré sa masse et sa force gravitationnelle, ses dimensions sont inférieures à un milliard de kilomètres, un peu plus grand que l'orbite de Jupiter, ce qui représente à peine une heure-lumière. A quelques dizaines d’années-lumière un tel trou noir sous-tendrait un angle de 0.00000001" d’arc; il serait invisible, même placé devant une nébuleuse brillante.

A voir : L'origine des trous noirs (2017)

Les trous noirs, Les Deschiens (2009)

A gauche, superposition des images optique et radio de la radiosource NGC 4261 alias 3C270 située dans la Vierge. Les jets s'étendent sur environ 100000 années-lumière ! Au centre, l'image agrandie du disque d'accrétion couvrant 6" ou 2400 années-lumière ! Le trou noir se situe à 20 années-lumière du centre géométrique de cet AGN. A droite, illustration de l'étreinte fatale d'une étoile qui franchit la limite de Roche d'un trou noir supermassif en générant un TDE jusqu'à ce qu'elle déclenche une explosion thermonucléaire et soit absorbée sous l'horizon des évènements. Tel fut le cas de SN 2015L alias ASASSN-15lh qui fut la supernova superlumineuse (SLSNe) - en fait une supernova maréale - la plus énergétique observée à ce jour. Ces trois exemples sont des preuves observationnelles supportant l'existence des trous noirs. Documents STScI et Science (voir aussi la vidéo sur YouTube).

Bien que pratiquement aucune énergie ne puisse s'échapper d'un trou noir, drainant la matière ambiante, son environnement proche est entraîné dans un mouvement tourbillonnaire dans lequel le plasma devient brillant (lumineux ou détectable en rayons X) suite à la friction de la matière qui est portée à très haute température. Par transfert du moment angulaire, le trou noir signale sa présence par des émissions électromagnétiques intenses, des jets optiques et radio dirigés et des flash X et gamma qui signalent la disparition des étoiles.

Le coeur de cette galaxie qui au départ brillait normalement est devenu des milliards de fois plus lumineux. Si le trou noir devient supermassif (des millions ou des milliards de masses solaires), à travers son disque d'accrétion il peut porter son influence au-delà de 10 années-lumière et projeter un jet bipolaire sur des milliers d'années-lumière (5000 années-lumière dans le cas de Cygnus A) avec une énergie de l'ordre de 1011 GeV et même atteindre 100000 années-lumière dans le cas des lobes radioélectriques (voir NGC 4261 ci-dessus). Les trous noirs seraient ainsi à l'origine des phénomènes les plus intenses de l'univers, du rayonnement des quasars aux jets de matière à des vitesses relativistes.

Quand un trou noir investit le coeur d'une galaxie

De gauche à droite, le rayonnement d'un quasar (AVI de 4.4 MB), un trou noir se nourrissant des gaz issus des étoiles déchiquetées (MOV de 4.8 MB), le trou noir situé au centre de Centaurus A (MOV de 13.2 MB) et un gros-plan sur un trou noir en action (MOV de 3.9 MB). Document CTIO, NASA, Chandra.

Notons que malgré le fait que Roy Kerr avait prédit en 1963 que les trous noirs étaient en rotation, jusqu'en 2003 aucun scientifique ne pouvait affirmer qu'un trou noir tournait réellement sur lui-même faute d'en avoir observé. Ce que nous observons en fait, c'est le disque d'accrétion de gaz et de poussière entourant les trous noirs qui est parfois aussi brillant qu'une étoile à n'importe quelle longueur d'onde.

Les recherches se sont donc portées sur la matière circulant dans le voisinage immédiat des trous noirs pour essayer d'y détecter un mouvement tourbillonnaire ou d'autres indices allant dans ce sens. Todd Strohmayer de la NASA a ainsi détecté en 2003 l'existence d'un mouvement de rotation dans le rayonnement X émis par le trous noir situé au coeur de la galaxie NGC 3783.

Les immenses jets qui s'en échappent par les pôles indiquent également qu'ils résulteraient d'un mouvement de rotation entretenu par un mécanisme magnétohydrodynamique similaire à celui des disques circumstellaires qui générerait la force nécessaire à ces émissions gigantesques. Il ne s'agit bien sûr que d'indices indirects supportés par des simulations, mais les astronomes estiment aujourd'hui que les trous noirs sont en rotation sur eux-mêmes, comme la plupart des étoiles.

Phénomènes associés aux trous noirs

Selon les modèles actuels, les propriétés des trous noirs pourraient expliquer plusieurs types de phénomènes :

- Le disque d'accrétion. Comme tous les objets massifs et compacts, l'une des principales caractéristiques d'un trou noir est sa capacité d'attirer la matière. Par l'effet de l'accrétion gravitationnelle, un trou noir s'entoure d'un disque d'accrétion composé de gaz et de poussière capturés dans un rayon de l'ordre de 1 UA pour un trou noir de 2.5 à 3 M mais qui peut atteindre plusieurs dizaines voire exceptionnellement plus de 1000 années-lumière de rayon pour un trou noir supermassif (de quelques centaines de millions à plusieurs dizaines de milliards de masses solaires).

Illustration du jet bipolaire de plasma et du disque d'accrétion très proche du rayon limite (ISCO) du trou noir supermassif situé au centre de la galaxie NGC 1365 de l'amas du Fourneau. Document NASA/JPL-Caltech.

Les forces antagonistes (attraction et force centrifuge) se développant dans le disque génèrent la viscosité nécessaire au transport du moment angulaire ce qui permet au trou noir d'accumuler de la matière et de grossir.

La matière transitant par ce disque obéit aux mêmes lois que le disque d'accrétion entourant les jeunes étoiles en formation à la différente qu'elle n'est pas chauffée par le rayonnement stellaire. En revanche, comme dans le disque entourant les protoétoiles, les mouvements de plus en plus accélérés de la matière attirée vers le centre liés aux effets de la turbulence dans un milieu présentant une certaine viscosité engendre une friction entre les particules qui chauffe le disque interne. En fonction de la quantité de chaleur dissipée et de la masse du trou noir, ce disque rayonne soit en infrarouge soit à de plus courtes longueurs d'ondes, notamment en visible ou en UV chez le trous noirs supermassifs, jusqu'à émettre un rayonnement X au niveau de l'horizon du trou noir et même un rayonnement gamma par effet Compton inverse dans une zone appelée la couronne qui se forme au-dessus du disque d'accrétion.

Bien que le trou noir tire sa luminosité de la quantité d'énergie disponible dans le disque, la plupart d'entre eux sont invisibles car nous les observons de biais ou de profil. De ce fait, ils sont cachés derrière un tore épais et opaque de poussière qui absorbe la lumière émise par le disque d'accrétion, rendant leur détection très difficile en lumière blanche, IR ou UV. En revanche, la partie interne émettant fortement en X, sa détection est possible par satellite, à condition que sa résolution soit suffisante.

- Champ magnétique. Le champ magnétique est généré par l'interaction du trou noir avec le disque d'accrétion chargé électriquement d'électrons et de protons. Il peut être détecté par la polarisation du rayonnement visible ou radioélectrique dont l'intensité dépend de la force du champ électrique et du taux de rotation du trou noir.

- Extraction de l'énergie. Selon Roger Penrose (1970), l'énergie de rotation peut s'extraire d'un trou noir à partir du champ électromagnétique. Selon Thibaut Damour et Remo Ruffini (1975), cette énergie électromagnétique peut également s'extraire grâce à la polarisation du vide, phénomène permettant de créer dans un lapse de temps extrêmement court des paires de particules (électron-positrons) à condition que le champ soit intense. Ce phénomène donnerait naissance aux jets et aux sursauts gamma.

- Rayonnement X et gamma. Les étoiles les plus proches de l'horizon du trou noir se heurtent à des forces gravitationnelles qui déchirent leur enveloppe, formant un anneau d'accrétion incandescent qui tombe vers lui. Dans la partie interne du disque, la matière fortement turbulente est portée à une température infernale et émet de puissants rayonnements X ainsi que des rayons gamma. À plusieurs millions de degrés l'énergie potentielle gravitationnelle est convertie en rayonnement. Vu leur orientation, ces émissions sont surtout visibles dans les quasars vus de face, tels les blazars.

Selon l'intensité des interactions magnétiques (ou magnétohydrodynamiques), l'énergie libérée par le disque interne ressemble à une impulsion électromagnétique (EMP) mais elle est beaucoup plus puissante et serait composée de paire de plasma (électrons-positrons) capables de produire des sursauts gamma d'une intensité de 1054 ergs tels ceux qu'on peut observer dans les sources GRB et autres sources TeV.

Les abords du trou noir émettent sur un spectre continu que nous pouvons détecter, présentant en ondes radio une brillance si intense qu'aucun masque ne peut la réduire. L'évaporation des mini-trous noirs devrait également se traduire par des émissions gamma, mais à ce jour aucune observation n'a pu confirmer les prédictions de Hawking.

- Emissions X oscillantes. Le disque d’accrétion subit des mouvements turbulents qui créent des oscillations dans le plasma tombant sur le trou noir. Ces flashes ne durent que quelques centièmes à quelques dix millièmes de seconde. Ces émissions ne ressemblent pas aux émissions pulsées des pulsars.

A consulter : Gamma-Ray Burst Real-Time Monitoring

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A gauche, quelques-uns des rayonnements émis par le jet bipolaire d'un trou noir supermassif (dans ce cas-ci celui caché dans le blazar TXS 0506+056). A droite, les différents types d'émissions associées à un trou noir. Documents IceCube/NASA et NASA/GSFC adapté par l'auteur.

- Raies d'émission. Les nuages de gaz qui entourent le trou noir sont ionisés par le rayonnement intense en provenance du disque d'accrétion. Les particules deviennent instables, subissent une intense agitation électronique et des perturbations magnétiques qui produisent des raies larges ou dédoublent les raies fines (effet Zeeman). Lorsque les particules sont relativement stables, loin de la fournaise du disque interne, les raies restent fines. Cet élargissement des raies indique que le plasma est animé de mouvements rapides, entraîné par la zone d'influence du trou noir. Il s'agit d'un effet Doppler d'origine gravitationnel.

- Jets de matière. Le plasma contenu dans le disque interne d'accrétion est entraîné à grande vitesse vers l'horizon du trou noir. En s'effondrant, une certaine quantité de matière reste confinée dans la région de l'ergosphère. Sous l'emprise d'un intense champ magnétique, cette matière subit un effet accélérateur qui lui donne suffisamment d'énergie pour s'échapper à une vitesse relativiste de la sphère d'influence du trou noir. Etant donné que le disque d'accrétion l'empêche de se dissiper dans le plan du disque, à l'image de l'effet dynamo (cf. la cavité centrale du disque des étoiles T Tauri) les seules échappatoires sont les régions polaires du trou noir qui éjectent un important flux de matière et de rayonnement à grande distance sous forme de jets très directifs composés de condensations brillantes. Dans le cas des trous noirs supermassifs, les jets bipolaires peuvent éjecter l'équivalent de plusieurs dizaines de masses solaires par jour jusqu'à plusieurs milliers d'années-lumière de distance.

- Lobes radios symétriques. Le phénomène de transfert d'énergie s'accompagne de l'éjection de plasma. Excité par la friction électronique dans un milieu raréfié, il est porté à plusieurs millions de degrés. Il est éjecté sous forme de jets bipolaires formant une onde de choc qui perturbe le milieu ambiant, ce que nous captons comme des points chauds d'émissions très intenses jusqu'à plusieurs milliers d'années-lumière quelques fois, soit jusqu'à quelques degrés de distance.

- Rayonnement synchrotron. Le disque interne d'accrétion qui se forme autour du trou noir émet un rayonnement intense, d'origine non stellaire et variable, fonction de la masse du trou noir et de la quantité de matière qui tombe dans le puits gravitationnel. Ces particules sont sous l'emprise d'un champ magnétique intense qui peut engendrer des vitesses relativistes et des émissions sporadiques polarisées. Ce rayonnement synchrotron ne contribue pas ou peu aux émissions infrarouges qui ne sont pas polarisées.

- TDE. Les perturbations par effet de marée prédites par Jean-Pierre Luminet et Brandon Carter en 1983 on été validées par les observations dans les années 1990. Ils renforcent également l'idée que c'est l'activité des trous noirs supermassifs qui explique l'intense rayonnement des AGN ainsi que certaines explosions extragalactiques comme celle de la (fausse) supernova superlumineuse SN 2015L.

A gauche, représentation artistique du noyau d'une galaxie active (sous-entendant abritant un trou noir supermassif à l'origine du jet bipolaire). A droite, Arp 331 alias 3C31. L'image radio réalisée à 3.6 et 21 cm (en rouge) a été superposée sur une image optique (en bleu). Selon toute probabilité les jets sont émis par un trou noir hébergé au centre de l'astre. Documents Don Dixon et VLA/NRAO/Alan Bridle.

- Etoiles en mouvements. Les étoiles plus éloignées sont entraînées vers ce gouffre, accélérant leur course jusqu'à acquérir une vitesse de 10000 km/s qui éjecterait n'importe quel autre étoile de sa trajectoire; les étoiles multiples peuvent voir leur compagnon éjecter de la zone d'influence du trou noir avec une vitesse de libération de l'ordre de 1000 à 4000 km/s, traversant la galaxie à des vitesses 100 fois plus élevées que les étoiles ordinaires. Mais leur taille ponctuelle ne permettrait pas de les détecter à partir de la Terre. Elles peuvent toutefois être décelées si elles traversent un environnement plus dense qui permet la formation d'un front de choc.

Les modèles prédisent que si de gigantesques trous noirs se situent au centre des galaxies, 200 étoiles super-rapides pourraient ainsi quitter les noyaux galactiques. Si ne fut-ce qu'une seule étoile super-rapide était détectée, ce serait un indice supplémentaire qui confirmerait l'existence des trous noirs au centre des galaxies.

- Rayonnement des quasars et autres AGN. Dans les années 1970, les physiciens américains Brandford et Znajeh ont démontré que si on plaçait un trou noir en rotation dans un champ magnétique extérieur, il générait un puissant champ électrique. C’est l’effet dynamo à l'image de celui entretenu par le noyau de la Terre ou la zone convective du Soleil. Dans le voisinage d’un trou noir, le champ magnétique est transporté par le gaz interstellaire qui tombe vers la singularité suite au mouvement d’accrétion. Lorsque ce circuit externe est installé, la dynamo peut produire du courant, elle génère des particules qui se chargent près du trou noir suite à l’interaction du rayonnement avec les particules déjà présentes alentour. Un quasar peut ainsi se former dans le noyau des galaxies actives (AGN).

- Rayons cosmiques intenses. Les rayons cosmiques les plus intenses détectés sur Terre (>5.7x1018 eV soit 5700 PeV, cf. "Science", 2007) ont été tracés jusqu'au coeur des galaxies actives et sont émis par des trous noirs supermassifs, les seuls astres capables de produire une énergie d'une telle intensité par leur disque d'accrétion et le phénomène dynamo. Des neutrinos cosmiques de ~290 TeV ainsi que des rayons X, gamma et tout un spectre de rayonnements furent également émis par un blazar abritant un trou noir supermassif (TXS 0506+056, cf. NASA, NRAO et "Science", 2018).

- Condensation du gaz froid. Le jet bipolaire émis par un trou noir supemassif forme à grandes distances de vastes lobes creusant des cavités dans le plasma chaud composant les galaxies. Généralement, ces bulles très énergétiques en expansion rapide empêchent le gaz chaud de se refroidir et la formation d'étoiles. Grâce au réseau de radiotélescopes ALMA, en 2017 Helen R. Russell de l'Institut d'Astronomie de l'Université de Cambridge (AST/CAM) et son équipe ont étudié un AGN situé au centre de l'amas du Phoenix SPT-CLJ2344-4243 situé à 5.7 milliards d'années-lumière contenant environ 1000 galaxies. Comme on le voit ci-dessous, ils ont découvert qu'il présentait un immense jet bipolaire. Cette émission est produite par un trou noir supermassif d'environ 20 milliards de M.

A voir : Phoenix Cluster AGN

A gauche, image composite du jet bipolaire du trou noir supermassif situé au centre d'un AGN de l'amas de Phoenix. Le halo bleu clair représente le rayonnement X, les deux cavités de gaz chaud sont en bleu foncé, le gaz froid formant des étoiles est en rouge et l'arrière-plan est l'image visible. Au centre, le gaz moléculaire froid cartographié par ALMA. Les filaments sont créés par les jets émis par le trou noir supermassif. A droite, la représentation schématique. Voir également la vidéo ci-dessus. Documents CXC/ALMA/ESO/MIT.

Comme on le voit sur le schéma ci-dessus à droite, les pourtours inférieurs de la cavité sont formés de filaments de gaz moléculaire froid de monoxyde de carbone (CO) s'étirant jusqu'à 82000 années-lumière. Autrement dit, un effet secondaire de ce jet est de condenser le gaz autour de la cavité au point de former des milliards d'étoiles. Ce réservoir de gaz est tellement productif qu'il donne actuellement naissance entre 500 et 800 étoiles par an. Plus étonnant, ce gaz froid "retombe" sur le trou noir, réalimentant le réservoir de gaz jusqu'à épuisement. On estime qu'il pourrait produire environ 10 milliards d'étoiles !

- Formations d'étoiles dans le disque d'accrétion. Depuis le début des années 2000 environ, les astronomes ont découvert que des étoiles massives se formaient dans le disque d'accrétion entourant notamment Sgr A*, situé au centre de la Voie Lactée. Deux modèles ont été proposés pour tenter d'expliquer ce phénomène.

Selon le modèle standard de formation stellaire à partir d'un disque, c'est la forte gravité régnant dans le disque dense de gaz et de poussière qui résiste aux forces de marée du trou noir, permettant aux étoiles de se former et de briller durant quelques centaines de millions à quelques milliards d'années tout au plus. Selon le modèle dit de la migration, environ un million d'étoiles de masses comparables à celle du Soleil seraient présentes à l'intérieur et autour du disque d'accrétion, alors que dans le modèle du disque, la quantité d'étoiles de faible masse est beaucoup plus faible. Or, selon des observations de Sgr A* faites par Nayakshin et Rashid Sunyaev de l'Institut Max Planck, comparé aux émissions X de la nébuleuse d'Orion, celles émises par les amas stellaires de Sgr A* correspondraient à environ 10000 étoiles solaires. La théorie de la migration n'est donc pas valable.

Selon Sunyaev, les étoiles présentes aujourd'hui autour de Sgr A* n'ont pas été emmenées à cet endroit par un amas ouvert passant dans la région, mais elles sont bien nées sur place, ce qui étonna les astronomes. Cette découverte d'une progéniture d'étoiles en formation autour d'un trou noir supermassif bouleverse la proportion d'étoiles qu'on estimait en formation dans de telles régions. Nous reviendrons en détails sur Sgr A* à propos du trou noir supermassif de la Voie Lactée.

Aujourd'hui il semble évident que beaucoup plus d'étoiles massives se forment dans les disques d'accrétion entourant les trous noirs supermassifs. Finalement, lorsque ces étoiles exploseront en supernova, elles viendront "fertiliser" la région en éléments lourds. Cela pourrait expliquer les grandes quantités de métaux qu'on observe dans les disques entourant les jeunes trous noirs supermassifs.

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Les candidats au titre de trou noir

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