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L'origine et l'avenir de l'Homme

L'Homo sapiens dit de Cro-Magnon peignant la grotte de Lascaux il y a 17000 ans. Document Smithsonian.

L'homme de Cro-Magnon : 54000 - 8000 ans (XIII)

Nous savons que les Homo sapiens sont venus directement d'Afrique il y a plus de 50000 ans pour peupler l'Eurasie (cf. S.Benazzi et al., 2011; J-J. Hublin et al., 2020). Ils se distinguent notamment des Néandertaliens par leur morphologie, leur culture et leur patrimoine génétique.

Le fait qu'ils possèdent quelques pourcents d'ADN néandertalien situe leur métissage quelque part entre 50000 et 60000 ans BP, probablement au Moyen-Orient. En Europe, les enregistrements fossiles montrent que l'expansion des Homo sapiens précéda la disparition des Néandertaliens de 3000 à 5000 ans.

Cependant, la composition génétique des premiers Homo sapiens d'Europe, les hommes de Cro-Magnon, d'il y a plus de 40000 ans reste mal connue car on a découvert peu de spécimens aussi âgés et peu d'entre eux ont été étudiés. Cette lacune a été comblée ces dernières années.

L'holotype

L'holotype de l'homme de Cro-Magnon fut découvert en 1868 à Les Eyzies de Tayac, en Dordogne, dans le sud-ouest de la France au cours de travaux de construction de la ligne de chemin de fer Périgueux-Agen. Sur base de la datation des restes trouvés dans la sépulture où gisait le squelette, l'individu date de ~27680 ans BP.

Entre 1872 et 1902 une dizaine d’individus de la même espèce furent découverts en France dans les grottes de Grimaldi situées près de Menton, non loin de la frontière italienne.

Dès 1868, le chirurgien Paul Broca, fondateur de l'anthropologie physique, et le préhistorien Louis Lartet évoquent la découverte d'une nouvelle "race" humaine lors de congrès d'archéologie et dans les "Annales des sciences naturelles zoologie et paléontologie" (dont l'édition de 1874, p133-145). Toutefois, depuis cette époque la dénomination Cro-Magnon n'a jamais été validée scientifiquement et n'est mentionnée que dans la littérature populaire, les scientifiques s'en tenant à la seule appartenance à l'espèce Homo sapiens ou plus généralement à l'homme moderne. Quant au concept de race, il est souvent utilisé à tord et abusivement pour établir les bases d'une ségrégation. On y reviendra.

Les révélations de la grotte Mandrin (~54000 ans)

Une équipe internationale de 23 chercheurs dirigée par Ludovic Slimak, paléoanthropologue à l'Université de Toulouse Jean Jaurès et spécialiste des Néandertaliens annonça dans un article publié dans la revue "Science Advances" en 2022,  la découverte dans le sud de la France, dans la grotte Mandrin (ou les grottes de Mandrin) située au lieu dit La Bastille, sur les hauteurs de Grenoble dans la vallée du Rhône (Drôme), d'outils en pierre taillée datés entre 56800 et 51700 ans et d'une dent appartenant à un Homo sapiens qui vivait il y a environ 54000 ans, une époque où l'on pensait que les Néandertaliens étaient les seuls homoninés vivant en Europe. Cette découverte apporte également des éléments très instructifs sur la vie des premiers Cro-Magnons et de leurs voisins néandertaliens, suggérant qu'ils ont peut-être occupé alternativement cette grotte.

Vue générale de la grotte Mandrin située à 225 m au-dessus de la Vallée du Rhône (Drôme), sur les hauteurs de Grenoble, dans le sud de la France. Elle se situe à 25 km de la grotte Chauvet. Document L.Slimak et al. (2022).

La grotte Mandrin tire son nom du contrebandier français Louis Mandrin (1725-1755) qui vécut dans la région. La grotte se situe actuellement à 225 m au-dessus du Rhône.

La grotte Mandrin préhistorique n'avait pas du tout l'aspect actuel. En effet, la grotte fut intégrée dans un ensemble de fortifications entre 1824 et 1847 par le général Haxo qui supervisa la construction du Fort de la Bastille par le commandant Tournadre, chef du bataillon du Génie Militaire de Grenoble, qui en fit une forteresse inspirée du style Vauban pour défendre la vallée des attaques des Savoyards venant du nord. Les militaires abandonnèrent le site en 1932 qui devint un lieu touristique dès 1934.

Comme la plupart des grottes et sachant qu'elle se situe à 25 km de la grotte Chauvet, la grotte Mandrin a été fouillée par des scientifiques (paléoanthropologues, archéologues, géologues, etc) depuis 1990. Slimak a dirigé de nombreuses missions sur le site depuis 1998. A ce jour, 12 couches sédimentaires ont été mises à jour et sont datées entre 80000 et 35000 ans BP.

Depuis 1990, les chercheurs ont découvert près de 60000 objets lithiques et plus de 70000 restes de faune (des os de chevaux, de bisons et d'autres animaux). Ces artefacts sont très bien conservés car ils étaient ensevelis sous des dépôts de sable transportés régulièrement par le mistral.

Depuis 2006, Slimak et ses collègues ont découvert dans la couche E plus de 1500 pointes de silex miniatures (des microlithes mesurant entre 0.8 et 5 cm de longueur) et des os d'animaux taillés dont la finesse d'exécution tranche avec les pointes et lames, d'exécution plus classique, des couches supérieures et inférieures. En 2016, les chercheurs découvrirent une molaire cassée qui s'avéra être une dent de lait humaine, le couronnement des années de recherches. Au total, selon Slimak, "Nous avons passé 15 ans à fouiller cette couche. Nous y avons été lentement car c'est très riche et il y a beaucoup de très petits fragments".

A voir : Les grottes Mandrin

Bastille : un fort sauvage !

Vues générales de la grotte Mandrin amenagée par les militaires français au XIXe siècle. A droite, les fouilles sur le site en 2010. Documents G.Vellut/Flickr et L.Slimak.

Les os d'animaux présentant des marques de boucherie (voir plus bas) découverts dans la couche E furent datés au radiocarbone entre 56800 et 51700 ans cal. BP. La datation par luminescence optiquement simulée (OSL) du quartz contenu dans les sédiments indique la même plage de dates. La molaire cassée date donc d'environ 54000 ans, du Néronien. Elle repousse donc de près de 10000 ans la présence de l'homme moderne en Europe (dans la grotte de Bacho Kiro en Bulgarie, voir plus bas).

En 2018, soit trente ans après leur découverte, Slimak demanda au paléoanthropologue Clément Zanolli de l'Université de Bordeaux d'analyser la molaire de la couche E et huit autres dents en plus ou moins bon état trouvées dans d'autres couches. Bien que cassée, la molaire présente encore le talonide, l'excroissance caractéristique située sur la partie supérieure des molaires tricuspides des humains modernes et qui donne à nos dents un contour plus carré que celles des Néandertaliens. Selon Sanolli, elle appartenait à un jeune enfant humain moderne âgé de 2 à 6 ans, un ancien Homo sapiens. Les huit autres dents appartiennent à six individus et présentent des caractéristiques clairement néandertaliennes.

Les outils en pierre de la couche E du Néronien confirment l'identification de la dent : ils sont plus petits, plus précis et plus standardisés que les outils des couches portant les dents de Néandertal, qui ressemblent aux outils moustériens caractéristiques des Néandertaliens. Selon Slimak, "Avec les outils néandertaliens, chaque outil est une création. Si vous regardez 1000 outils, chacun sera complètement différent. Mais avec une industrie d'Homo sapiens… c'est super standardisé, super régulier".

A gauche, les chercheurs ont découvert neuf dents dans la grotte Mandrin. La dent de lait du niveau E provient d'un humain moderne, un enfant Cro-Magnon âgé de 2 à 6 ans ayant vécu il y a environ 54000 ans. Au centre, un gros-plan sur cette molaire cassée.  A ce jour, c'est le plus ancien fossile d'Homo sapiens (Cro-Magnon) découvert en Europe. A droite, quelques outils lithiques découverts dans la grotte Mandrin avec, à l'extrême droite, un silex taillé de moins de 30 mm trouvé dans la même state que la dent de lait datée de 54000 ansdaté de 56800 ans. Documents L.Slimak et al. (2022), photos Philippe Psaïla.

Selon les chercheurs, les outils et les dents découverts dans les couches situées au-dessus de la couche E suggèrent que les Néandertaliens ont réoccupé la grotte Mandrin. Puis, dans des couches datées d'il y a environ 42000 ans, les outils semblent à nouveau avoir été fabriqués par des humains modernes; ils ressemblent aux outils dits Proto-Aurignaciens trouvés dans d'autres gisements humains modernes de la même période, en particulier en Espagne et en Bulgarie.

Comme c'est souvent le cas dans les abris sous roche, les chercheurs ont constaté que de fines couches de dépôts minéraux se sont formés sur les parois de la grotte Mandrin, enregistrant le passage des saisons humides et sèches, un peu comme les cernes des arbres. Des couches de suie imprégnaient également les parois. En effet, comme un mur noircit sous la flamme d'une chandelle, ces couches minérales peuvent piéger la suie des incendies et des foyers brûlant à l'intérieur des grottes. Des traces d'anciens foyers chevauchaient aussi la couche E et la couche située juste au-dessus qui contenait des outils néandertaliens.

Pour les chercheurs, cela suggère qu'une brève période s'est écoulée entre la formation des couches et donc entre l'entrée des Néandertaliens et la sortie des Homos sapiens.

L'équipe analysa ces dépôts microscopiques au moyen d'une nouvelle technique appelée la fuliginochronologie développée en 2018 par une collègue de Slimak (cf. S.Vandevelde et al., 2018) qui permet d'analyser les couches de suie. Selon les chercheurs, l'étude des fragments des parois "tombés directement dans les couches montrent qu'Homo sapiens est revenu une fois par an dans la cavité, pendant 40 ans. [Sapiens et Néandertal] se sont probablement rencontrés à un moment donné, mais nous ne pouvons pas dire avec certitude qu'ils se sont rencontrés dans la grotte".

Selon les chercheurs, "nous sommes en mesure d'affirmer grâce à nos travaux que Sapiens est arrivé en Europe continentale, et plus précisément dans la vallée du Rhône, dès 54000 ans au moins, et qu'il occupa durant 40 ans environ un site colonisé par Néandertal à peine un an plus tôt".

Quelques artefacts excavés des différentes couches de la grotte Mandrin. A gauche, quelques pierres taillées des industries lithiques de la couche E et de la couche D. (A) Couche D post-Néronien I Moustérien. Ce sont des pointes pseudo-Levallois à dos tronqué en silex exotiques noirs provenant de ~70 à 90 km au nord-est du site. (B) Grotte de Mandrin couche E Néronien. des lames, lamelles et sous-produits de lamelles (N° 1 à 21: lamelles, 18: lamelle huppée, 22: lame). Au centre, des petites pointes de flèche en silex découvertes dans la couche E du Néronien (~50000 ans). A droite, d'autres artefacts du Néronien découverts dans la couche E. (A) De haut en bas : une pointe en os pointue avec des encoches latérales, une canine de cerf rouge travaillée, une serre d'aigle avec des stries et un galet avec une ligne gravée séparant la roche en deux parties inégales. (B) Détails de la pointe en os montrant des traces de boucherie par un outil en silex. (C) Détails canins de cerf montrant des traces de grattage par un outil lithique. Ces marques peuvent avoir été faites pour extraire délibérément la canine ou pour modifier sa morphologie. DocumentsL.Slimak et al. (2022).

Pour Slimak et ses collègues, il ne fait aucun doute que l'Homo sapiens était bien dans la région plus tôt qu'on ne le croyait. En effet, seuls les humains modernes sont parvenus à maîtriser l'industrie microlithique qui exige un savoir-faire que ne possédait pas Néandertal.

Selon Slimak, ces Homo sapiens sont probablement venus de l'est et ont remonté la vallée du Rhône depuis la côte méditerranéenne. Après leur première installation dans l'abri, Sapiens et Néandertaliens se sont relayés dans la grotte pendant 10000 ans.

Mais les scientifiques doivent rester prudents à propos des datations et leurs interprétations. En effet, de telles affirmations risquent d'avoir l'effet d'une bombe dans le petit monde de la paléoanthropologie.

Un débat en perspective

Si la dent de lait appartient bien à un Homo sapiens, la paléoanthropologue Sandrine Prat du CNRS et du Musée de l'Homme de Paris relève que la datation des couches ne présente pas une résolution temporelle suffisante pour affirmer que les habitants de la grotte l'ont occupée à moins d'un an d'écart. C'est une déduction qui n'est pas dans les données. Par conséquent, Prat estime que baser des conclusions sur une seule dent et des datations de couches très proches dans le temps entachées d'une incertitude, augmentent le risque d'erreur et nécessiteraient plus d'éléments de preuves (cf. France-Culture, 11 fév. 2022).

Rachel Wood, spécialiste en radiocarbone à l'Université Nationale Australienne, qualifie l'étude de "remarquable" mais n'est pas non plus convaincue que les chercheurs puissent déterminer l'âge des couches de suie d'il y a 54 000 ans à moins d'un an, compte tenu des preuves qu'ils ont présentées jusqu'à présent : "Compte tenu des incertitudes... je serais sceptique quant à cette prise en charge d'une courte transition entre les deux [couches]".

A gauche, le modèle bayésien de la grotte Mandrin. Le modèle comprend les vraisemblances radiocarbone et les âges OSL insérés dans une séquence d'âge relative basée sur la succession des niveaux archéologiques fouillés sur le site. Une stratigraphie composite est affichée à gauche illustrant ces horizons stratigraphiques. Les principales distributions de probabilité du modèle bayésien sont présentées à droite. Il s'agit soit de distributions de limites (les trois premières) représentant le début d'une phase, soit de plages de dates (les quatre inférieures) qui représentent les tranches d'âge d'une phase archéologique. On constate que la résolution temporelle est de l'ordre du millénaire et certainement pas de l'ordre de l'année. A droite, la chronostratigraphie et la datation des couches de la grotte Mandrin. Documents L.Slimak et al. (2022) et L.Slimak (2007).

Interrogé à ce sujet, le paléoanthropologue français Jean-Jacques Hublin, professeur au Collège de France et qui connait aussi bien les Néandertaliens que Ludovic Slimak n'est pas persuadé que la dent de lait est une preuve irréfutable : "Une dent de lait, ce n'est pas comme un squelette, un crâne ou un fémur. C’est tout petit, ça se balade, ça peut se promener dans la stratigraphie" (cf. "Le Monde", 9 fév. 2022).

Mais Slimak n'est pas de cet avis car il ne s'agit pas seulement une dent d'Homo sapiens de 54000 ans qui fut découverte mais de "tout un ensemble de données archéologiques solidement datées grâce aux technologies de pointe et à des experts du monde entier [...] nous avons des éléments diagnostics dans toutes les couches pour le prouver".

Comme souvent en paléontologie, face à des preuves fragmentaires voire même à un seule preuve, les conclusions des chercheurs annoncent sinon une controverse au moins un débat d'experts en perspective.

Selon Francesco d'Errico, archéologue à l'Université de Bordeaux, ces découvertes pourraient révolutionner notre compréhension de la transition entre les derniers Néandertaliens et les premiers hommes modernes en Europe. Mais il faudra plus de preuves : "Si le schéma proposé est confirmé par de futures découvertes, nous devrons certainement changer notre vision de cette transition. Un tel changement de paradigme est tout à fait possible mais nécessite... plus de sites et plus de preuves sans équivoque". Il faut donc découvrir d'autres objets et idéalement des fossiles humains datant de la même époque. Les fouilles se poursuivent.

La grotte de Bacho Kiro (~45000 ans)

Avant la découverte de la dent de lait et des artefacts dans la grotte Mandrin, les plus anciens fossiles d'hommes de Cro-Magnon avaient été découverts dans quatre gisements à travers l'Europe.

En 1982, des fossiles humains furent découverts dans le labyrinthe de galeries distribuées sur quatre étages de la grotte de Bacho Kiro située à 5 km à l'ouest de la ville de Dryanovo, en Bulgarie. Elle fut occupée par des Néandertaliens il y a plus de 50000 ans qui laissèrent parmi les stalagmites des outils en pierre Moustériens. Puis des Homo sapiens ont occupé la grotte au cours d'au moins deux vagues; un premier groupe qui laissa derrière lui des perles et des lames en pierre tachées d'ocre, occupa les lieux il y a environ 45000 ans. Une second groupe s'y installa il y a environ 36000 ans avec des artefacts plus sophistiqués (cf. S.Pääbo et al., 2021).

En 1988, des fossiles humains furent découverts dans la grotte de Fumane, à Molina, dans les Préalpes de la Vénétie, en Italie. La grotte fut occupée par des Néandertaliens du Moustérien jusqu'il y a ~40150 ans puis par des Homo sapiens il y a au moins 35500 ans (cf. A.Broglio et al., 2009; A.Falcucci et al., 2017).

A gauche, localisations des plus anciens sites d'Homo sapiens en Europe, des Cro-Magnons, hors découverte faite dans la grotte Mandrin. A droite, une partie de la grotte de Bacho Kiro en Bulgarie où l'on découvrit des traces d'occupation humaine datant de plusieurs époques comprises entre plus de 50000 et ~36000 ans. Document J.Krause et al. (2021) et Monodon/Dreamstime.

En 2002, le maxillaire d'un jeune homme fut découvert dans la grotte de Pestera cu Oase située dans le sud-ouest de la Roumanie datant entre 37000 et 42000 ans. Particularité, cet homme a hérité de 6.4% d'ADN de Néandertalien alors qu'il vécut au moins 5000 ans après l'arrivée des premiers Homo sapiens en Europe.

En 2008, on retrouva le fémur gauche d'un homme moderne à Ust-Ishim, dans la province d'Omsk, en Sibérie. Daté au carbone-14, le fossile à 45000 ans. C'est le plus ancien et donc le premier Homo sapiens ayant foulé le sol de Sibérie (cf. Science, 2014).

Un peu plus à l'ouest, dans la grotte karstique de Koněprusy située à Zlatý kůň en République Tchèque, des chercheurs découvrirent dans les années 1950 le crâne incomplet d'un homo sapiens. Il n'avait pas pu être daté car la colle bovine utilisée pour le réparer avait contaminé les os. Une première analyse morphométrique suggéra qu'il s'agit probablement (à 98%) du crâne d'une femme (cf. R.Rmoutilová et al., 2018).

En 2021, Johannes Krause du MPI et ses collègues décidèrent de dater ce crâne en utlisant une méthode de datation génétique originale basée sur le métissage ancestral avec des Néandertaliens comme marqueur temporel (cf. J.Krause et al., 2021).

Selon Krause, les fragments d'ADN néandertalien découverts dans le génome du crâne de Zlatý kůň suggèrent que la femme est née 60 à 80 générations soit environ 2000 ans après le métissage de ses ancêtres avec des Néandertaliens. L'homme découvert en Sibérie de 45000 ans a hérité de fragments d'ADN de Néandertaliens plus courts remontant à environ 85 à 100 générations après sa rencontre avec des Néandertaliens. Cela suggère que la femme tchèque a vécu avant l'homme de Sibérie et pourrait avoir jusqu'à 47000 ans. C'est à ce jour le plus ancien Homo sapiens d'Europe.

A lire : Les fossiles de Cro-Magnon (Les Eyzies-de-Tayac, Dordogne)

Bulletin et mémoires de la Société d'Anthropologie de Paris, D. Henry-Gambier, 2002

A gauche, portrait de l'homme de Cro-Magnon peint par Zdeněk Burian (1905-1981), un artiste tchèque qui illustra de nombreuses expositions et ouvrages consacrés aux hommes préhistoriques. Au centre, le crâne de l'holotype de l'homme de Cro-Magnon, dit "le vieillard" découvert en 1868 à Les Eyzies de Tayac, en Dordogne. Cet Homo sapiens vécut à l'époque de l'Aurignacien il y a 28000 à 30000 ans. Notez les lésions frontale (coup porté par une fronde ?) et maxillaire (carie osseuse et rachitisme). Voici une analyse détaillée du gisement et du crâne.  Documents du Musée de l'Homme. A droite, carte des gisements de la culture de l'Aurignacien mais limités à la période 47000-41000 ans avant le présent. Elle est caractérisée par des populations descendant des Homo sapiens installés en Europe ayant développé une industrie lithique de complexité moyenne (lame, grattoirs, burin...) et un art pariétal figuratif très artistique. Notez l'extension des calottes polaires qui s'étendent de la Manche à la vallée du Don en Russie en passant par la Pologne. A cette époque le climat européen était marqué par une alternance de périodes froides et de redoux. Carte adaptée de "The Complete World of Human Evolution" de C.Stringer et P.Andrews (2011).

Les cultures associées aux Homo sapiens européens

Les différentes cultures associées aux hommes de Cro-Magnon sont le Néronien (~55000-46000 ans BP), l'Aurignacien (~43000-29000 ans BP), le Gravettien (~31000-23000 ans BP), le Solutréen (22000-17000 ans BP), le Badegoulien (17000-15000 ans BP) et le Magdalénien (17000-11700 ans BP).

Notons que le Périgordien (35000 ans BP) et l'Azilien (12000-8000 ans BP) ne sont pas considérés comme des périodes paléolithiques. Le premier est une erreur taxonomique qui n'est officiellement plus documentée depuis 1970 (cf. Paléo, 2018) et le second est un faciès culturel.

La culture de l'homme de Cro-Magnon se développa entre environ 55000 et 14000 ans. Il est possible que sa culture ait survécu sporadiquement jusqu'il y a 8000 ans, durant l'Holocène. Sa vie fut créative et spirituelle. La plupart des vestiges ont été retrouvés dans des grottes et des abris sous roche.

Pendant cette période les cultures et les industries paléolithiques ont rapidement progressé par rapport aux traditions ancestrales, présentant une plus grande diversification et un art plus raffiné. Les outils fabriqués par l'homme de Cro-Magnon comprenaient des pics, des lames, des pointes de flèche à pédoncule, des lances, des couteaux, des grattoirs, des burins, des percoirs, des alènes, des aiguilles, etc., et un plus grand nombre d'outils fabriqués en os, en ivoire et en bois ainsi que des lampes-brûloirs (pour éclairer les grottes), des objets décoratifs et des sculptures destinées notamment au culte de la déesse mère. Parmi ces sculptures, les archéologues ont découvert ~200 figurines de femmes rondes aux fesses hypertrophiées marquées par une stéatopygie (hypertrophie graisseuse) et même souvent enceintes, dont la fameuse "Vénus de Willendorf" de 11 cm de hauteur sculptée dans du calcaire il y a 24000 à 26000 ans dans l'actuelle Autriche. Citons également la célèbre tête sculptée de la "Vénus de Brassempouy" (la Dame à la capuche) de 3.65 cm découverte en France datant d'environ 25000 ans.

A voir : La Dame à la capuche et la salle Piette

Ci-dessus à gauche, la Vénus de Willendorf en oolithe (calcaire) de 11 cm de hauteur datant de ~26000 ans découverte en Basse-Autriche en 1908 et exposée au MHN de Vienne. A l'origine elle était peinte à l'ocre rouge. A droite, la Vénus de Lespugue en ivoire de mammouth de 14.4 cm de hauteur découverte en 1922 dans une grotte de Haute-Garonne et datant de 25 à 30000 ans. Elle est exposée au Museo civico de Vicence en Italie. Ci-dessous à gauche, la figurine dite "Le losange" en stéatite de 6.1 cm de hauteur découverte dans la grotte de Baoussé-Roussé (F) lors des fouilles de 1883-1895. Elle est exposée au Musée d'Archéologie Nationale (MAN) à Saint-Germain-en-Laye. Document RMN/Collection Piette. Au centre la "Vénus" stéatopygie en stéatite brune translucide de 47 mm de hauteur découverte à la Barma Grande (F) et datant de ~25000 ans. Elle est exposée au MAN. A droite, la Vénus de Brassempouy (F) ou "Dame à la capuche" en ivoire de 3.65 cm de hauteur datant de ~25000 ans exposée au MAN.

Les plus anciennes peintures rupestres réalisées par l'homme de Cro-Magnon remontent à 36000 ans et furent découvertes en Ardèche, dans la grotte Chauvet (ex-grotte ornée de la Combe d'Arc, également appelée grotte Chauvet-Pont d'Arc)[6]. C'est au Magdalénien, entre 20000 et 12000 ans BP qu'il laissa dernière lui une étonnante collection de pierres taillées (racloir, feuille-de-laurier, aiguille, etc.) et de magnifiques peintures rupestres dans les grottes de France (grottes de Lascaux en Dordogne, Niaux dans l'Ariège, etc), d'Espagne (grotte d’Altamira en Cantabrie) et d'Italie (Valcamonica en Lombardie).

Rappelons que les plus anciennes peintures rupestres furent découvertes dans la grotte de La Pasiega en Espagne et furent réalisées par l'homme de Néandertal il y a 64000 ans et les peintures rupestres les plus anciennes réalisées par des Homo sapiens remontent à plus de 45500 ans et furent découvertes aux Célèbes (Sulawesi), en Indonésie.

A voir : La grotte Chauvet en immersion virtuelle, Google

A gauche, vue extérieure de la grotte de Lascaux en Dordogne. A droite, vue extérieure de la grotte Chauvet-Pont-d'Arc en Ardèche. On reconnaît au-dessus du centre le fameux Pont d'Arc. Comme c'est souvent le cas, ces abris sous roche sont situés au bas d'une falaise, près d'une rivière. Voici une simulation du site de Lascaux à l'âge glaciaire. Il ne faut pas oublier qu'il y a 25-30000 ans le paysage de Lascaux était beaucoup moins arboré, plus humide et rocailleux en raison du climat glaciaire, assez proche du nord de l'Écosse actuelle.

Les peintures rupestres du paléolithique supérieur sont exceptionnelles et plusieurs sites à travers le monde furent classés au patrimoine de l'humanité par l'UNESCO. Parfois les détails du sujet sont tellement précis qu'un éthologue peut facilement différencier sur les peintures ou les sculptures non seulement l'espèce mais également le sexe de l'animal. On peut par exemple différencier un lion d'une lionne car non seulement l'artiste a tracé le scrotum du lion mais à cette époque les lions n'avaient pas de crinière et les hommes de Cro-Magnon les ont bien reproduits comme tels, ce qui démontre un sens de l'observation très aiguisé.

Notons au passage qu'il s'agissait de lions des cavernes, une espèce adaptée au froid, 20% plus grande que le lion actuel et plus velue dont on a retrouvé des fossiles jusqu'au nord du cercle Arctique, dans la région de Belaya Gora située au nord de la province de Yakoutie en Sibérie (en même temps que des fossiles de mamouths laineux, de rhinocéros laineux, de boeufs musqués, d'ours, de chevaux, de rennes, de lionceaux, d'un loup des steppes et autres grands mammifères quelquefois en excellent état de conservation, avec leurs dents, leurs chairs, leur fourrure, et parfois même avec de l'ADN exploitable. Même une alouette de 46000 ans fut découverte dans le permafrost décongelé).

A lire : Des gravures rupestres de 37000 ans trouvées en France (sur le blog, 2012)

Les hommes préhistoriques souffraient de caries (sur le blog, 2014)

A gauche, des lionnes des cavernes en chasse en position statique identifiées parmi le millier de peintures rupestres et de gravures de la grotte Chauvet-Pont-d'Arc. A droite, un des deux lionceaux des cavernes nommé Uyan (le second s'appelle Dina) de 46500 ans découvert en 2015 quasiment intact dans le permafrost décongelé près de la rivière Uyandina en Yakoutie, en Sibérie. Le jeune animal mesure 42 cm. C'est le quatrième lionceau découvert à ce jour dans cette région. Documents Ministère de la Culture et Semen Androsov.

Les lions des cavernes sont apparus en Eurasie et en Amérique du Nord il y a 500000 ans et disparurent il y a ~13000 ans BP. Les Néandertaliens et les Homo sapiens les ont donc cotoyés et chassés. On dénombre quelque 150 représentations de lions des cavernes, en particulier 120 peintures très réalistes dans les grottes Chauvet, Roucadour et de Lascaux et 30 peintures ou gravures plus sommaires dans les grottes d'Arcu-sur-Cure, la Baume Latrone, Compbell Pech merle, Labastide, des Combarelles et de Font-de-Gaume. Le lion des cavernes figure également sur ces statuettes en ivoire et en os.

Plus étonnant, à partir des années 1980 le paléoanthropologue Marc Azéma découvrit que certaines peintures rupestres ou des os plats sculptés présentaient des mouvements décomposés d'animaux. Rien que dans la grotte de Lascaux, Azéma a dénombré 20 animaux, principalement des chevaux ayant des têtes, des pattes ou des queues surnuméraires. Aujourd'hui grâce à des algorithmes de reconnaissance de formes, les géomaticiens peuvent clairement distinguer les différentes formes superposées dans une peinture ou une gravure rupestre. Ici on découvre une tête de bison en position haute superposée à une tête horizontale puis abaissée, ailleurs on découvre un aurochs ou un bison ayant les pattes antérieures relevées puis fléchies (cf. le blog d'Eric Le Brun pour quelques exemples d'animations).

Des représentations d'animaux en mouvements (un bison de la grotte Chauvet-Pont-d'Arc et trois lions de la grotte aux Vaches). Documents Ministère de la Culture.

En 1868, on découvrit à Laugerie-Basse en Dordogne, un petit disque d'environ 5 cm de diamètre percé d'un trou central extrait d'une omoplate sur lequel est gravé sur une face une gazelle ayant les pattes en extension et au revers la même gazelle ayant les pattes repliées. Le préhistorien Florent Rivere a fabriqué une copie de l'objet à partir d'une omoplate de renne et constaté qu'il s'agissait probablement d'un thaumatrope préhistorique, un jouet optique tirant profit de la persistance rétinienne. En effet, comme on le voit ci-dessous, en faisant pivoter la médaille autour de l'axe du diamètre, on crée le mouvement donnant l'impression que l'animal a été abattu en plein saut. Les archéologues ont également découvert deux fragments d'os allongés reproduisant côte-à-côte trois positions différentes d'un même lion, donnant l'impression qu'il court (ci-dessus à droite).

Ces découvertes renforcent l'idée qu'à côté des peintures et sculptures statiques classiques, les artistes ont peint ou sculpté des scènes volontairement décomposées avec l'intention que l'observateur puisse imaginer le mouvement de l'animal, donnant naissance à la technique de l'animation du mouvement, l'ancêtre du cinéma au sens éthymologique du terme. En fait, à travers ces exemples les artistes de la préhistoire ont exploité au mieux les techniques de leur temps, nous démontrant qu'avec des moyens rudimentaires ils étaient parvenus à une maîtrise totale de l'art de l'image et de l'animation.

Thaumatrope fabriqué dans une omoplate de renne par Florent Rivere

sur base d'un artefact découvert au XIXe siècle en Dordogne.

La grotte Lascaux est également l'un des rares sites préhistoriques (avec la grotte de Leang Bulu Sipong 4 aux Célèbes) comprenant des peintures rupestres de thérianthropes, des créatures mythiques mi-humaines mi-animales. Mais celles-ci sont 27000 ans plus récentes.

Enfin, parfois l'homme de Cro-Magnon n'a pas hésité à exploiter la troisième dimension en tirant profit des reliefs des parois d'une grotte par exemple et du jeu des ombres et des lumières. Ainsi dans la grotte d'El Castillo en Espagne (Cantabrie), une stalagmite a été taillée de telle manière que la silhouette d'un chaman-bison se projette sur la paroi située à l'arrière-plan comme on le voit ci-dessous à droite. Des oeuvres aussi sophistiquées en disent long sur le génie inventif de nos ancêtres jugés un peu vite de "primitifs" par certains.

C'est également à cette époque que fut fabriquée la première flûte façonnée dans un os. Certains musicologues ont même évoqué la qualité de la réverbération des sons à certains endroits des grottes pour avancer l'idée que certaines peintures rupestres avaient été dessinées tout spécialement à ces endroits en raison de l'écho particulier des parois. Sans preuve du contraire, on peut supposer beaucoup de choses.

A gauche, les 32 signes qu'on retrouve dans les grottes du Paléolithique (entre 2.5 millions d'années et ~11700 ans BP). A droite, distribution temporelles des grottes les plus connues de France et les cultures concernées. Document adapté de Geneviève von Petzinger/U.Victoria et UNCG.

On explique cette évolution culturelle par le fait que l'homme de Cro-Magnon vivait à une époque où la nourriture était en suffisance, ce qui lui donna le temps de réfléchir. Son intelligence lui permit d'être un habile technicien, un artisan et un artiste. Même si on ne pourra jamais savoir qu'elle fut la destination exacte de ces grottes, il paraît clair que ces premiers hommes essayèrent de comprendre quel était le sens de la vie et de la mort, évoquant leur vie quotidienne à la chasse et invoquant les puissances surnaturelles lors des cérémonies consacrées au culte des esprits. Leur langage devait probablement être proche de celui des aborigènes ou des chants indiens.

De manière générale, on constate que de l'homme de Cro-Magnon, Homo sapiens d'il y a environ 30000 ans jusqu'à celui du Moyen-Âge, le corps des hommes a progressivement gagné en gracilité. En revanche sa taille a toujours été très variable depuis l'Homo erectus tout en étant directement influencée par la qualité de sa nourriture et ses prédispositions génétiques. Notre morphologie moderne émergea il y a environ 20000 ans.

Quelques objets fabriqués par les Homo sapiens d'Europe à partir d'autres matières que le silex. A gauche, une lampe-brûloir de 22.4 cm de longueur en grès rose découverte dans la grotte de Lascaux datant d'environ 18000 ans. Document Panorama de l'art. A sa droite, des aiguilles à perforation en os datant entre 30000-12000 ans. Document MAN. Au centre, un harpon en bois de 8.1 cm découvert à Le Mas-d'Azil en Ariège (F) datant entre 12000-9500 ans. A droite, une tête d'auroch rayonnante gravée sur une plaque de schiste de 13 cm de longueur (un second auroch est gravé sur l'autre face) découverte près de Plougastel-Daoulas en Bretagne datant de 14000 ans (cf. son analyse dans la revue "PLoS One" en 2017).

Au fil du temps, les Homo sapiens et quelques autres espèces humaines contemporaines émigrèrent sur d'autres continents, la progression se faisant de proche en proche pour finalement atteindre les antipodes. On retrouve les traces des Homo sapiens et même d'autres espèces jusqu'en Sibérie et en Océanie, dans l'archipel de la Sonde (Timor) et à Florès. Mais finalement, l'Homo sapiens fut la seule espèce humaine qui survécut. Elle peupla finalement l'Asie puis atteignit l'Australie et la Nouvelle-Zélande. On la retrouve dans le détroit de Béring et finalement en Amérique du Nord (Denver) et du Sud (Chili) il y a environ 14000 ans.

Ce peuplement de la Terre entière provoqua un accroissement numérique des populations qui se chiffraient à plusieurs dizaines de millions d'individus, ce qui finit par diviser l'espèce en plusieurs groupes distincts. Nous reviendrons un plus loin sur l'impact de cette population.

La culture Magdalénienne : 17000 - 12000 ans

Sur le plan culturel, nous sommes à l'apogée de la culture Magdaléniennne et au début de l'Epipaléolithique, la fin de l'Âge de la pierre. Contrairement à ce qu'on pourrait penser, les chasseurs-cueilleurs du Paléolithique sont loin d'être des personnes écervellées, fragiles et bohêmes. D'un point de vue industriel, nous ne sommes plus du temps du biface mais on travaillait encore les éclats de silex pour fabriquer des lames, des lamelles, des burins, des perçoirs, des grattoirs et des pointes de flèche ou de lance.

D'un point de vue culturel, les Magdaléniens sont des Homo sapiens qui présentent des talents artistiques évidents, les peintures pariétales ornant les grottes de Lascaux et de Niaux parmi d'autres ainsi que les outils de chasse (harpons, sagaies et propulseurs sculptés, etc.) et les objets décoratifs (sculptures en ivoire ou sur bois, parures, pendentifs, lampes, etc.) attestant de leur savoir-faire.

Ce sont également des hommes costaux et des chasseurs aguerris, maniant habilement la lance, le propulseur et l'arc à flèche, capables de tendre des pièges et de tuer à distance des animaux aussi massifs et dangereux que des mammouths.

A gauche, reconstruction d'une femme Homo sapiens du Magdalénien d'il y a 17000 ans coiffée de sa parure réalisée à partir d'un squelette découvert à Cap Blanc (Marquay) en Dordogne. Au centre, carte des gisements européens datant de la culture du Magdalénien durant laquelle l'industrie et l'art préhistoriques atteignirent leur paroxysme. A droite, un propulseur en bois de renne dit du faon à l'oiseau de 8.2 cm découvert dans la grotte de Bédeilhac en Ariège (F). Il date entre 16000-15000 ans. Documents Atelier DaynèsSémhur/Wikimédia Commons et RMN.

A quoi ressemblaient la faune et la flore de cette époque ? Des fossiles de rennes remontant à 12300 ans ont été découverts à l'est de Paris notamment, et un peu partout en Europe on a retrouvé des fossiles de mammouths, d'aurochs, de bisons, de rhinocéros laineux, de chevaux, d'antilopes saigas, etc.

A cette époque, la toundra avait envahi toute l'Europe. Les Magdaléniens vivaient au rythme des migrations des rennes qui constituaient leur alimentation de base. Comme les nomades des régions nordiques d'aujourd'hui, ils établissaient des campements de quelques jours avant de poursuivre leur vie de nomade au cours de laquelle ils croisèrent également des loups qu'ils avaient déjà domestiqués, donnant les premières races de chiens.

Il y a 12000 ans, le climat se réchauffa brutalement d'environ 15° pour atteindre le niveau actuel en l'espace d'un siècle. Les rennes ainsi que les animaux habitués au froid remontèrent vers le nord. Ainsi, 4000 ans plus tard, les rennes s'installèrent sur les côtes de Norvège, en Finlande et tout autour du cercle Arctique où les ancêtres des Samis, des Inuits, des Tchoukotkas et des Nénètses notamment développèrent leur élevage.

En Europe, la végétation s'adapta graduellement au changement de climat. Il y a 12000 ans, le bouleau domina les pins sylvestres puis leur distribution s'inversa mille ans plus tard, lorsque le froid se réinstalla. Les animaux subirent ce changement plus brutalement. Les espèces des régions froides furent remplacées par des espèces forestières locales comme le cerf. L'homme chassa l'aurochs, le bison, le cheval mais dont le nombre régressa ensuite, et cotoya l'ours et le renard. Le chamois remonta vers les altitudes, de même que le bouquetin, la marmotte et le lièvre variable.

A gauche, extension maximale de la calotte polaire boréale durant le dernier maximum glaciaire de Würm il y a ~22000 ans. Document adapté par Ittiz de Thomas J. Crowley, "Global Biogeochemical Cycles" (vol. 9, 1995, pp.377-389). La couverture des Alpes a été corrigée ainsi que l'étendue des zones sylvestres et des lacs d'Afrique par T.Lombry. La dernière période glaciaire commença il y a ~2.6 millions d'années et se termina il y a ~11700 ans, la période de Würm s'étendant entre ~70000 et 11700 ans. Au centre, les limites de l'extension de la calotte polaire boréale en Europe entre 70000-20000 ans. En moyenne, une couche de glace de 1000 m d'épaisseur (et jusqu'à 2500 m en Finlande) recouvrait le nord de l'Europe, sa limite sud passant par l'Irlande, le milieu de l'Angleterre (Sheffield), la mer du Nord, le Danemark, la Pologne et la vallée du Don en Russie et recouvrait également l'Amérique du Nord, localement jusqu'à 40° de latitude à hauteur des Grands Lacs (cf. cette carte de l'Amérique du Nord entre 18000-5000 ans préparée par TKostolan). A droite, extension maximale des grands lacs et marais en Afrique du Nord il y a ~7000 ans. Voici une autre illustration. On reconnaît le lac Méga-Tchad dans le Sahara qui était plus vaste que la mer Caspienne de nos jours, et le lac Congo aujourd'hui réduit à un fleuve. Lire aussi l'article sur l'évolution du climat. Documents T.Lombry.

La population de Magdaléniens commença à régresser il y a 12000 ans, au plus fort de la glaciation du Dryas et donna naisance aux Aziliens en France, aux Creswelliens en Angleterre et à la culture de Federmesser dans l'est de la France et en Allemagne.

Le froid se réinstalla en Europe entre 11000-10000 ans et marqua la fin du Tardiglaciaire et le début de l'Holocène, l'âge interglaciaire. Le paysage européen s'éclaircit, les forêts de pins sylvestres et de bouleaux reculèrent et la steppe réapparut. Les glaciers descendirent de nouveau dans les vallées et les plaines.

Finalement, ce n'est qu'il a 11000 ans, durant l'Holocène, que le climat commença à se radoucir pour rejoindre les températures actuelles.

Sur le plan culturel, cette époque marqua la rupture entre le Paléolithique et le Mésolithique.

Les civilisations du Renne et de l'Aurochs : 12300 - 7500 ans

La fin de la dernière glaciation survint il y a environ 13000 ans. Cette phase terminale appelée le Tardiglaciaire marque le début d'un important changement climatique. Une fois de plus, la pression de l'environnement modifia la façon dont l'homme allait survivre dans les régions situées au-delà de 40° de latitude.

Selon les études des climatologues et des glaciologues (par ex. du LCSE en France ou du NSIDC américain), à l'époque nous étions encore dans une période de grands froids avec une température moyenne 2° inférieure aux températures actuelles. C'est déjà bien plus chaud qu'il y a 25000 ou 50000 ans où la température moyenne chuta entre 6 et 8° et même de 14° dans les régions tempérées des latitudes moyennes (cf. le projet CLIMAP).

Avec la fonte des glaces, la remontée progressive du niveau des océans et le recul des glaciers, l'Europe apparaît sous un nouveau visage. Ainsi, il y a plus de 27000 ans BP, les artistes de la grotte Cosquer aujourd'hui en partie immergée dans les Calanques de Marseille, peignirent des pingouins, preuve de la froidure du climat. Les grottes de Lascaux et Chauvet-Pont-d'Arc se situaient au niveau de la rivière (respectivement de la Vézère et de l'Ardèche) qu'elles surplombent aujourd'hui de plusieurs dizaines de mètres. Il y a 7500 ans, les peintures rupestres découvertes en Norvège se trouvaient au niveau de la mer. La fonte des calottes polaires provoqua une hausse du sol d'au moins 40 mètres.

A voir : La grotte Chauvet-Pont-d'Arc en 3D VR, ARTE

Visite virtuelle de la grotte Chauvet-Pont-d'Arc

Ci-dessus à gauche, les peintures rupestres de la grotte de Lascaux et ses fameux aurochs. A droite et ci-dessous à gauche, les peintures rupestres de la grotte Chauvet-Pont-d'Arc (deux chevaux dans la chambre Hillaire et ci-dessous des rhinocéros). A droite, une stalagmite sculptée dans la grotte d'El Castillo en Espagne projette l'ombre d'un chaman-bison sur la paroi. Documents Webexhibits, Ministère de la Culture et Association Lithos .

Avec le réchauffement qui suivit, les glaciers furent remplacés par d'immenses étendues de steppe herbacée où la forêt reprit doucement sa place. Dans les régions montagneuses tempérées et nordiques, les glaciers reculèrent jusqu'à 2000 m d'altitude, laissant derrière eux d'immenses vallées glaciaires, localement envahies par l'eau douce ou l'eau de mer.

Ayant profité de la baisse du niveau des mers et de l'extension des glaciers, c'était la première fois dans l'histoire de l'humanité que l'homme était présent sur tous les continents y compris dans les régions polaires.

En raison du changement climatique, les populations ont été contraintes de s'adapter face à la disparition de leur gibier habituel et la transformation du paysage, ce qui modifia profondément leur organisation sociale.

A voir : Restitution de la grotte Cosquer

Les peintures rupestres d'aurochs et de trois pingouins dans la grotte immergée de Cosquer dans les Calanques de Marseille réalisées entre 33000 et 18500 ans BP. Au centre, Henri Cosquer qui découvrit la grotte en 1991. Elle abrite plus de 500 peintures rupestres mais elle menacée par la montée des eaux. Depuis 2022 il existe une réplique. Documents Ministère de la Culture, Grotte Cosquer et Luc Vanrell/CNRS.

La civilisation mésolithique de l'Azilien : 12000 - 9000 ans

Entre 10000 et 9000 ans, durant la période Préboréale, la température remonta rapidement et la végétation s'adapta. Les forêts devinrent plus épaisses, des bouleaux réapparurent dans les pinèdes, auxquelles succédèrent des forêts mixtes abritant de nombreuses espèces de chênes.

A la fin de l'époque Préboréale, vers la fin de l'Azilien, le climat se radoucit et devint tempéré. C'est durant cette période que les hommes firent preuve d'innovations techniques et fabriquèrent des armatures d'armes de très petites tailles, dites microlithes, géométriques ou non, en bois, en corne ou en silex ne mesurant que quelques centimètres, typiques de la civilisation mésolithique. Ces outils et accessoires comprennent des pointes de flèches à double aileron, des harpons, des faucilles, des aiguilles, des petits racloirs, des petites pointes triangulaires, des segments de cercle, etc.

Sur le plan climatique, entre 9000-8000 ans, des forêts mixtes de chênes, d'ormes et de noisetiers apparurent en Europe.

Ensuite, entre 8000-5000 ans, durant l'optimum Holocène, les populations devinrent sédentaires, c'est la néolithisation, durant laquelle nous assistons au développement de l'agriculture et de l'élevage. On y reviendra (page 15).

Peuplement de l'Amérique et Culture Clovis : 26500-14000 ans

Les spécialistes en paléontologie, environnement et paléogénétique notamment ont longtemps débattu pour savoir si les humains sont arrivés en Amérique par la route du nord depuis la Sibérie avant ou après le Dernier Maximum Glaciaire.

Nous avons évoqué précédemment (page 10) l'hypothèse d'une migration des hommes en Amérique de Nord il y a 130000 ans, théorie controversée faute de preuve. Selon une autre étude publiée dans la revue "Nature" en 2020, Ciprian F. Ardelean de l'Université Autonome de Zacatecas au Mexique et ses collègues ont découvert des indices dans la grotte de Chiquihuite au Mexique suggérant que cette région fut habitée par des hommes il y a plus de 26500 ans.

La grotte de Chiquihuite au Mexique. Document D.A. Gandy.

Selon les chercheurs, analysées au radiocarbone et par luminescence optiquement simulée (OSL), une couche datait d'il y a 16600 à 12200 ans et contenait environ 88% d'outils en pierre, et une couche datait d'environ 16600 à 33000 ans et contenait environ 12% d'outils en pierre.

Toutefois, la recherche de matériel génétique dans la grotte n'a donné que de l'ADN végétal et animal (genévriers, sapins, pins, chauves-souris, ours, campagnols, souris de chasse et marmottes), mais pas d'ADN humain. L'équipe a également trouvé des traces de soufre, de potassium et de zinc, des éléments qui pourraient être des signes d'activités humaines, telles que l'abattage d'animaux ou la miction, bien qu'il soit également possible que ces éléments aient été laissés par des carnivores utilisant la grotte.

Selon les chercheurs, les outils sont d'un style inconnu des archéologues, mais qui n'a pas beaucoup changé au fil des millénaires. Mais il n'y avait pas beaucoup d'outils compte tenu de la durée d'utilisation de la grotte, qui semble avoir été peu utilisée. D'autres preuves d'activité humaine peuvent se trouver plus près de l'entrée de la grotte, mais cette zone est difficile à fouiller en raison de l'effondrement de l'entrée.

Bref, mis part des os d'animaux et du charbon, malheureusement aucun foyer ou squelette humain n'a été découvert sur le site. Des pierres taillées furent excavées mais la datation indirecte ne prouve pas que le site fut occupé par des humains à cette époque. En effet, selon Matthew R. Bennett de l'Université de Bournemouth au Royaume-Uni, la datation de ces éventuelles ruines d'habitations humaines et des outils lithiques a priori associés fut contestée car les preuves s'appuyaient sur ce qui ressemblait à des outils de pierre qui auraient pu se former naturellement ou sur des artefacts qui auraient pu se déplacer de leurs couches stratigraphiques d'origine. C'est en raison de cette difficulté de datation que Bennett a recherché des empreintes de pas qui sont des données sans équivoques, qui de plus donnent une plus grande crédibilité à d'autres preuves de la présence d'humains en Amérique du Nord il y a plus de 20000 ans (voir plus bas).

Dans une autre étude également publiée dans le même numéro de la revue "Nature" en 2020, les archéologues Lorena Becerra-Valdivia et Thomas Higham de l'Université d'Oxford ont pris en compte des dates connues de 42 sites archéologiques en Amérique du Nord et en Béringie (la région qui reliait historiquement la Russie et l'Amérique) et les ont injectées dans un modèle analysant la dispersion humaine. Ce modèle leur indiqua une présence humaine précoce en Amérique du Nord datant d'au moins 26000 ans.

Les deux études vont à l'encontre du modèle de la "Culture Clovis", une hypothèse proposée dans les années 1920-1930 selon laquelle les premiers humains sont arrivés sur le continent américain via la Béringie durant la Fin de l'Âge Glaciaire, il y a environ 13000 ans. Le terme Clovis tire son nom de la faune du Pléistocène découverte à Blackwater Draw, près de Clovis, au Nouveau Mexique. La Culture Clovis disparut il y a 11000 BP. Mais de nouvelles découvertes ont permis d'affirmer que le peuplement de l'Amérique débuta bien plus tôt.

La grotte de Chiquihuite est l'un des rares sites analysés indiquant que les humains auraient vécu en Amérique du Nord avant le début de la Fin de l'Âge Glaciaire. Si les auteurs ont raison, on peut allors se demander quels itinéraires physiques ces humains auraient empruntés pour se rendre aussi loin au sud à une date aussi précoce, en particulier pendant l'étendue maximale des calottes glaciaires. C'est ce dont nous allons examiner.

Des artefacts des cultures américaines. A gauche, une pierre taillée en calcaire découverte dans la grotte de Chiquihuite au Mexique. A droite, une pointe de flèche ayant appartenu au premier groupe de colons des Amériques de la culture Clovis. Documents C.Ardelean et Carolina Biological Supply Co/Visuals Unlimited/SPL.

En 2018 une équipe internationale de chercheurs dirigée par le généticien Eske Willerselv du Musée d'Histoire Naturelle du Danemark publia dans la revue "Nature" les résultats de la datation au carbone-14 d'un squelette de nourrisson catalogué USR1 découvert près de celui d'un foetus sur le site d'Upward Sun River en Alaska en 2011. L'analyse génétique de USR1 révéla qu'il datait de 13500 ans BP confirmant que le peuplement de l'Amérique s'est bien effectué par le détroit de Béring. Cette population de chasseurs-cueilleurs qui n'appartient pas aux groupes des Amérindiens natifs et jusqu'alors inconnue fut appelée les Anciens Béringiens.

Les modélisations démographiques montrent que les Anciens Béringiens (AB) et les ancêtres des autres Américains Natifs (AN) descendent d’une seule population qui quitta la Sibérie il y a 36000 ans. A cette époque nous étions en pleine glaciation du Wisconsin qui s'installa en Amérique du Nord entre -85000 et -7000 ans correspondant à peu près à la glaciation de Würn en Europe. Ces populations devaient donc littéralement se geler les pieds que ce soit en Sibérie orientale ou en Alaska avec des séracs et des congères de plusieurs dizaines de mètres de haut dans tout le pays totalement infranchissables. Ces murs de glace rendirent impossible la migration le long de la côte du Pacifique ou à travers l'ouest du Canada.

Il y a environ 24000 à 20000 ans BP, ces populations se sont séparées en deux branches : AB vers l'est et AN vers le sud du continent nord américain. Ensuite, le groupe des Américains Natifs s'est probablement scindé en deux lignées (AN Nord et AN Sud) il y a environ 17000 ans BP. Si les époques sont exactes, les chercheurs ignorent dans quelles régions d'Amérique du Nord ces populations se sont séparées.

Une autre étude également publiée sous la direction de Eske Willerslev dans la revue "Nature" en 2016 (dont voici le résumé du journaliste Ewen Callaway) suggère qu'à la même époque la voie côtière longeant le Pacifique aurait également été empruntée en parallèle par les premiers Homo sapiens. La "Highway 1" de Californie a donc une origine plutôt lointaine ! Toutefois, il faut insister que le couloir ou route migratoire le long de côte Pacifique est difficile à confirmer sur le terrain car depuis cette époque le niveau de l'océan s'éleva d'environ 66 mètres.

A gauche, des outils en pierre découverts à Copper's Ferry, en Idaho datant entre 16560 et 15280 ans BP. Au centre, les routes probables de peuplement de l'Amérique. A droite, les deux couloirs probablement empruntés par les humains (et les animaux) avant (jaune) et à partir (brun) du retrait partiel des glaces il y a 12600 ans. Mais le couloir le long du Pacifique est difficile à confirmer car depuis cette époque le niveau de l'océan s'éleva de ~66 mètres. Documents L.G. Davis (2019), Nature et M.W. Pedersen et al. (2016) adaptés par l'auteur.

L'hypothèse de la Culture Clovis fut remise en question lorsqu'on découvrit dans le complexe de Buttermilk Creek, sur le site de la terrasse de Debra L. Friedkin, au Texas, une industrie lithique remontant à 15500 ans. La présence d'humains à cette époque suggéra l'existence d'une culture pré-Clovis (cf. M.R. Waters et al., 20211).

Puis les découvertes se succédèrent. On découvrit des traces de présence humaine datant d'il y a environ 14300 ans dans les grottes de Paisley Caves en Orégon, sur la côte Ouest.

On découvrit également des traces d'occupation humaine à Anzick, dans le Montana remontant à 12600 ans. A cette époque, la steppe commença à se former. On a en effet retrouvé au Canada la première plante apparue il y a 12600 ans juste à l'époque où un corridor libre de glace se forma en Alberta, à l'ouest du Canada, facilitant la migration des animaux dont le bison, le mamouth laineux et le campagnol qui auparavant n'existaient pas en Amérique du Nord.

Des traces de pas de 23000 ans

Comme on le voit ci-dessous, en 2018 l'équipe de Matthew R. Bennett précitée découvrit affleurant du sol des traces de pas dans le Parc National de White Sands au Nouveau Mexique datant entre 13000 et 11500 ans BP (cf. M.R. Bennett et al., 2020). Des humains ont marché dans la boue des berges d'un ancien lac qui s'est asséché et s'est transformé en un désert de gypse blanc.

Puis en 2021, Bennett et ses collègues aidés par un radar à pénétration de sol (RPS) ou radar géologique, découvrirent de nouvelles traces de pas dans le Parc National de White Sands datant cette fois entre 23000 et 21000 ans BP (cf. M.R. Bennett et al., 2021). Selon les chercheurs, "de nombreuses traces semblent être celles d'adolescents et d'enfants. Les grandes empreintes de pas d'adultes sont moins fréquentes".

Cette découverte suggère que le peuplement de l'Amérique du Nord commença bien avant la Fin de l'Âge Glaciaire. Selon Bennett, ces empreintes suggèrent que les humains sont peut-être arrivés en Amérique du Nord il y a 30000 ans, des milliers d'années avant le Dernier Maximum Glaciaire.

Ci-dessus, des empreintes de pas datant entre 21000 et 23000 ans BP découvertes en 2021 dans la boue fossilisée dans le Parc National de White Sands au Nouveau Mexique. Une soixantaine de pas ont été excavés. Ci-dessous, des empreintes de pas datant entre 13000 et 11500 ans BP découvertes en 2018 également dans le Parc National de White Sands. A gauche, une section de piste à double voie; au centre, des empreintes d'enfants parmi celles d'adultes; au centre, l'empreinte d'un pied ayant légèrement glissé. Les chercheurs estiment qu'ils marchaient à plus de 1.7 m/s (en marchant à l'aise on parcourt 1.2 à 1.5 m/s sur une surface plane et sèche). Les traces sont assez petites et sont probablement celles d'une femme ou peut-être d'un adolescent. A droite, un paléoanthropologue en train d'excaver des empreintes sur base des relevés établis par un radar géologique. Documents M.R. Bennett et al. (2021) et M.R. Bennett et al. (2020).

Entre-temps, les hommes étaient déjà descendus jusqu'en Amérique du Sud. Les plus anciennes traces humaines furent découvertes en 1976 à Monte Verde, au Chili. Les os humains et les charbons de bois furent datés d'environ 14000 ans comme le confirma l'étude dirigée par Tom D. Dillehay de l'Université Vanderbilt publiée dans la revue "Science" en 2008.

Cueva de las Manos : 13000-1300 ans

Il existe un site préhistorique exceptionnel car unique au monde en Argentine, la "grotte aux Mains" ou Cueva de las Manos située dans le département de Santa Cruz près de la ville de Perito Moreno, au nord du célèbre glacier du même nom. Les peintures rupestres en très bon état furent classées au Patrimoine de l'UNESCO en 1999.

Située au pied d'une falaise en escalier surplombant le canyon du Rio Pinturas, on découvre sur les parois de la grotte différentes scènes de chasse de guanacos qui sont toujours présents dans la région, ainsi que des scènes de chasse montrant des animaux et des silhouettes humaines en pleine interaction. Mais il contient surtout de nombreuses mains réalisées au pochoir, comme cela se faisait antérieurement en Europe notamment.

Il y a cinq concentrations distinctes d'art pariétal, avec des figures et des motifs plus récents recouvrant souvent des pétroglyphes plus anciens. Les peintures ont été réalisées à base de pigments minéraux naturels tels que des oxydes de fer (rouge et violet), du kaolin (blanc), de la natrojarosite (jaune) et de l'oxyde de manganèse (noir), mélangés à un liant.

La grotte aux Mains ou Cueva de las Manos en Argentine datant de 13000 ans et une vue générale du Rio Pinturas.

Plusieurs sites archéologiques sont situés sur les deux rives du Rio Pinturas et témoignent d'une occupation de toute la zone par des chasseurs depuis plus de 13000 ans. La plupart des empreintes au pochoir furent ralisées entre ~13000 et 9000 ans BP. Les derniers pétroglyphes remontent à 1300 ans. Le site fut habité jusque vers 700 de notre ère par les ancêtres probables des premiers peuples Tehuelche de Patagonie. Notons que la région de Santa Cruz regorge de nombreux sites préhistoriques.

Selon l'archéologue Dean R. Snow de l'Université de Penn State, sur base de l'indice de Manning, les mains représentées sur les parois de la grotte sont celles de femmes, ce qui prouve qu'elles participaient activement à la vie culturelle et aux activités artistiques. Mais cette interprétation a été critiquée (cf. J.Bruzek et al., 2012).

Toutefois, l'indice de Manning s'est trouvé renforcé par d'autres études qui ont montré ce dimorphisme sexuel et que le rapport 2D:4D entre l'index et l'annulaire (les deux doigts qui entourent le majeur) est corrélé à l'exposition prénatale aux hormones sexuelles (cf. Science, 2009-2017; C.Han et al., 2016; F.Kilic et al., 2020).

Enfin, citons une autre étude publiée dans la revue "Archives of Sexual Behavior" en 2018, dans laquelle Tuesday M. Watts de l'Université d'Essex et ses collègues ont étudié les mains de 18 jumeaux féminins et de 14 jumeaux masculins. Les chercheurs ont constaté que chez les femmes, l'index et l'annulaire sont généralement de même longueur, tandis que chez les hommes, la différence entre ces deux doigts est plus grande. On observe clairement cette morphologie dans les pétroglyphes de mains de Cueva de las Manos.

Premières cultures domestiquées en Amazonie il y a plus de 10000 ans

On a longtemps cru que les tribus amazoniennes étaient exclusivement des chasseurs-cueilleurs. Or depuis que les hommes ont exploré le bassin amazonien, nous avons des preuves qu'ils ont façonné le paysage grâce à la culture de plantes domestiquées.

Dans un article publié dans la revue "Nature" en 2020, l'écologue Umberto Lombardo de l'Université de Berne et ses collègues ont découvert dans le Llanos de Moxos situé dans l'actuelle Bolivie, "des traces de culture de manioc datant de 10350 ans, de courges d'il y a 10250 ans et de maïs remontant à 6850 ans". Selon les chercheurs, la région sud-ouest du bassin amazonien fait ainsi partie "des premiers endroits du monde où des communautés humaines cultivèrent des plantes domestiquées. [...] Ces populations ont contribué à modifier la végétation en apportant de nouvelles espèces au coeur de la forêt".

La région de Beni en Amazonie. Depuis 2013, le Llanos de Moxos, également appelé la savane de Beni ou les plaines de Moxos, constitue la plus grande région humide protégée de la planète; elle couvre 145000 km2 soit la moitié de l'Italie. La région de Beni comprend également une réserve de biosphère.

Notons qu'on ne parle pas encore stricto sensus d'invention de l'agriculture. L'agriculture de pleine-terre dans le Moxos est seulement documentée vers 400 après notre ère, jusqu'à l'arrivée des Européens. En fait, l'agriculture a pour but non seulement de contrôler le cycle biologique d'espèces domestiquées (végétales, animales, voire champignons et microbes) utiles à l'humanité mais également d'améliorer les espèces comme par exemple pour obtenir des céréales ayant de plus grands grains, plus nombreux, plus résistants afin d'assurer un meilleur rendement. Il n'est pas certain que les premiers cultivateurs avaient cet objectif en tête (cf. C.P. Osborne et al., 2017). On y reviendra à propos de la culture néolithique (cf. page 15).

Le gène qui façonna le visage de l'humanité

Pourquoi notre corps est-il plus gracile et notre visage plus aplati que celui des humains archaïques comme les Néandertaliens ? Depuis Darwin, nous savons que l'évolution humaine est un processus dynamique capable notamment de répondre à la pression de l'environnement. Plus récemment nous avons découvert que toutes une série de gènes agissent sur la morphologie. Puis des spécialistes se sont penchés sur la socialisation de l'espèce humaine et ont étudié la relation entre le comportement et la morphologie et ce qui se passe lors de la domestication animale, allant jusqu'à suggérer que l'être humain s'est "auto-domestiqué".

Si de nombreux primates présentent au début de leur vie une apparence gracile, nous sommes les seuls à la conserver jusqu'à l'âge adulte. Cette conservation de traits morphologiques tout au long de la vie suggère que les humains ont conservé dans leur patrimoine génétique des éléments facilitant les interactions sociales. En effet, au cours de l'évolution les humains ont de plus en plus compté sur des interactions sociales pacifiques pour s'épanouir et progresser. Intuitivement, nos ancêtres ont sélectionné des partenaires présentant des traits moins agressifs notamment sur le visage. Mais jusqu'à présent les preuves génétiques liant les caractéristiques faciales à ce processus d'autodomestication restaient rares (cf. A.Adamo et al., 2014; G.A. Vega-López et al., 2017; M.R. Sánchez-Villagra et C.P. van Schaik, 2018).

Dans un article publié dans la revue "Science Advances" en 2019, Giuseppe Testa de l'Université de Milan en Italie et ses collègues ont découvert l'un de ces gènes. Ils ont découvert que les modifications de l’ADN liées au développement du visage diffèrent nettement entre les humains actuels et nos plus proches parents disparus, les Néandertaliens et les Dénisoviens.

Selon Richard Wrangham, professeur d'anthropologie biologique à l'Université Harvard, qui n'a pas participé à cette étude, on s'attendait à de telles différences si les humains modernes étaient une espèce autodomestiquée. Des études antérieures ont montré qu'il existe chez l'être humain des gènes potentiellement liés à la domestication, mais "l'avancée critique" de cette nouvelle étude est qu'elle a ciblé un gène candidat important et est parvenue à le relier à un résultat prédit de la domestication : des traits du visage plus fins.

Pour découvrir ce lien, Testa et ses collègues ont utilisé des cellules provenant de personnes atteintes d'une maladie génétique bien caractérisée appelée le syndrome de Williams-Beuren. Les traits du visage et les comportements des personnes atteintes de ce syndrome tendent fortement vers l'extrémité la plus amicale des sentiments humains. Les auteurs pensent que les changements génétiques qui sous-tendent ces traits pourraient aider à expliquer la génétique de l'évolution du visage humain. Concrètement, les gènes liés à Williams-Beuren guident la migration et l'action des cellules de la crête neurale, qui remplissent diverses fonctions au début du développement embryonnaire, dont l'une consiste à la construction des os du visage.

Pour passer de la morphologie archaïque d'une Néandertalienne de l'Altai sibérien à une gracile et séduisante Homo sapiens moderne, il fallut des dizaines de milliers d'années d'évolution à la fois génétique et morphologique. La génétique nous apprend que des gènes ont facilité nos interactions sociales. Autrement dit, l'être humain s'est auto-domestiqué et a retenu les traits les plus séduisants pour faciliter sa socialisation et être moins agressif. Documents Tom Björklund et T.Lombry.

Les auteurs ont étudié in vitro le gène associé à Williams-Beuren, BAZ1B, qui régule la migration des cellules souches de la crête neurale. En utilisant des cellules provenant de personnes atteintes ou non du syndrome de Williams-Beuren, et donc portant des variantes du nombre de copies du locus 7q11.23 (situé sur le chromosome 7), les chercheurs ont évalué l’impact de différentes "doses" de ce gène. Ils ont découvert que BAZ1B est un "contrôleur principal" des cellules de la crête neurale, avec des effets différents selon les doses.

Les auteurs ont ensuite comparé les séquences d'ADN qui interagissent avec BAZ1B chez les humains modernes avec les mêmes régions de l'ADN chez des humains archaïques et ont trouvé une différence. Les humains modernes présentent une légère perturbation de l'activité de la crête neurale par rapport à la pleine puissance de ses effets, libres de toute perturbation, chez les Néandertaliens et les Dénisoviens. Selon les auteurs, c'est "la première validation empirique de l'hypothèse et du positionnement de l'auto-domestication humaine." L'effet de cette perturbation génétique chez les humains modernes est la réduction de nos traits du visage. Les auteurs suggèrent que la version la plus délicate des caractéristiques faciales s'est largement répandue chez les humains à mesure qu'ils s'orientaient vers un mode de vie plus social et moins agressif.

Le paléobiologiste Marcelo Sánchez-Villagra de l'Université de Zurich qui n'a pas participé à cette étude confirme qu'utiliser une maladie génétique bien caractérisée telle que Williams-Beuren est un bon moyen d'étudier les gènes impliqués dans des processus de développement tels que celui du visage. De tels outils ouvrent la voie à la compréhension de ce qui s'est passé au cours d’une phase critique de l’évolution humaine.

Testa est ses collègues ont également identifié d'autres gènes sur le chromosome 7 ayant des liens possibles avec des comportements sociaux associés à l'autodomestication. L'un d'eux est le célèbre FOXP2 qui est impliqué dans le langage. Wrangham précité considère qu'il sera important d'examiner les gènes liés à une réduction de la taille du cerveau, dans lesquels les cellules de la crête neurale ne jouent aucun rôle (les Néandertaliens avaient un cerveau plus gros que celui des humains modernes).

Testa conclut que les études comparant l'ADN humain moderne et ancien représentent une formidable opportunité pour étudier notre évolution : "Nous avons vraiment commencé à ouvrir un champ de recherche qui s'appuie sur les épaules de nombreux géants et qui, nous l’espérons, attirera de nombreux géants."

Comment l'Homo sapiens évita la consanguinité

Raphaëlle Chaix est anthropogénéticienne au Muséum National d'Histoire Naturelle (MNHN) de Paris. Elle a étudié des sépultures anciennes pour comprendre les systèmes de parenté de nos ancêtres. Elle a présenté ses résultats dans différents articles sur la génétique des populations et lors d'un colloque qui s'est tenu en 2020 (cf. la vidéo). Ses découvertes ont été résumées dans un article de presse publié en 2021 par différents médias.

Selon Chaix, il est impossible de savoir à quoi aurait pu ressembler la photo de famille d'un clan d'Homo sapiens mais nous pouvons en dresser le portrait grâce à la génétique.

Des études génétiques suggèrent que les femmes quittaient leur clan d'origine pour fonder leur famille dans le clan de l'homme, ce qu'on appelle la patrilocalité, ce qui a permis d'éviter la consanguinité.

En 2005, des archéologues ont découvert une tombe près d'Eulau, en Allemagne, vieille de 4600 ans BP contenant les vestiges de quatre personnes. L'analyse ADN révéla qu'il s'agissait d'un couple et ses deux enfants, offrant la première preuve de l'existence d'une structure familiale nucléaire (cf. U.Mainz). Les trois autres tombes ont également révélé que les individus étaient liés entre eux par leur chromosome Y, transmis par le père. Il en était de même sur de nombreux autres sites funéraires.

La tombe d'une famille découverte à Eulau, en Allemagne, en 2005 datant de 4600 ans BP. Document ARCHLSA et Musée d'État de Halle (Saale).

Selon Chaix, "Il semblerait donc que la patrilocalité domine". L'archéologue Anne Augereau de l'Inrap de Paris confirme que "Le patrimoine génétique des femmes est beaucoup plus diffusé géographiquement".

Cette tendance est confortée par les études sur les rapports isotopiques du strontium qui renseignent sur l'environnement géologique dans lequel a grandi chaque sujet, via l'eau, les plantes et les animaux qu'il y a consommés. Selon Augereau, "Il y a plus souvent concordance entre les signatures chimiques locale et individuelle des hommes que des femmes. Ils sont donc plus nombreux qu'elles à être enterrés là où ils ont passé leur enfance".

Les gènes nous apprennent aussi que les chasseurs-cueilleurs d'il y a 34000 ans ne formaient pas de petits groupes marqués par la consanguinité. Selon Chaix, "Au contraire, les individus semblent peu apparentés génétiquement." Pour Augereau, "Il semblerait que patrilocalité et patrilinéarité - le fait que la filiation paternelle prime - s'appliquent au mésolithique [c'est-à-dire entre -9600 à -6000 ans en Europe]. Mais nous ne disposons que d'un échantillon de population restreint, sur une aire géographique limitée." Sans compter que les liens symboliques, comme l'adoption, ne laissent pas de trace.

Le puzzle est donc encore incomplet pour généraliser cette tendance. Pour avoir une vue plus générale il faut compléter cette étude en analysant plus d'ADN ancien afin d'en savoir plus sur les liens de parenté au sein même des clans, des tribus voire des ethnies. Mais cela reste un défi sachant qu'il existe peu de sépultures communes ou familiales datant de la préhistoire sans compter qu'il est assez difficile de trouver de l'ADN dans les régions humides comme en Europe où il se dégrade rapidement. Il faudra être patient et compter sur la chance.

Premier impact anthropique : la théorie du Blitzkrieg

Chute de la mégafaune à la fin du Pléistocène. Document Anthony D. Barnosky (2008).

C'est à l'époque de l'Homo sapiens, entre la fin du Pléistocène supérieur et l'Holocène (100000-12000 ans voire bien plus tard dans certaines régions du monde), qu'on assista un peu partout sur la planète à l'extinction de nombreux grands mammifères : les rhinocéros laineux, les mammouths, les saigas, l'ours des cavernes et le lion des cavernes disparaissent de l'Eurasie, les mastodontes, le grand paresseux, le tigre à dents de sabres, le lion, le guépard, l'antilope, le castor géant et le tatou géant disparaissent de l'Amérique du Nord tandis que les grands marsupiaux (lion marsupial, diprotodon, etc.) disparaissent en Australie.

Selon une étude publiée par Anthony D. Barnosky dans les "PNAS" en 2008, au total sur plus de 350 espèces de grands mammifères de plus de 44 kg vivant avant l'arrivée de l'Homo sapiens, 183 espèces soit à peine la moitié vivaient encore 8000 ans avant notre ère. Sur la même période, la population humaine passa de quelques millions à plus de 140 millions d'individus, augmentant de manière exponentielle il y a environ 10000 ans.

Sans en avoir la preuve formelle, selon la "théorie du Blitzkrieg" on estime que pour la première fois dans son histoire, l'homme serait le seul responsable de ces extinctions en raison de la pression qu'il provoqua sur l'environnement à force de chasser, piéger et d'empoisonner les animaux ainsi que de modifier ou détruire les biotopes pour satisfaire les besoins d'une population de plus en plus nombreuse, de plus en plus exigeante et de moins en moins à l'écoute de la nature.

Depuis cette époque, la survie de la nature est en sursis et ne dépend que de la bonne volonté des hommes. Mais c'est surtout depuis le XIXe siècle que nous avons délibérément massacré la nature sans discernement, sans même nous rendre compte que nous sommes en train de scier toutes les branches de la biodiversité, celles indispensables à notre survie. Nous y reviendrons dans les articles consacrés à l'extinction des espèces et au développement durable.

L'homme de Cheddar : 9150 ans

Si la morphologie est une réponse au climat, les premiers européens semblent avoir quitté les pays chauds très récemment. Des études sur la morphologie des Néandertaliens entreprises en 1991 par Trenton Holliday aujoud'hui à l'Université de Tulane et Erik Trinkhaus indiquent que les premières populations européennes ont conservé plus de traits "africains" que les populations contemporaines. Cela appuye la thèse évoquée précédemment selon laquelle l'Homo sapiens est le descendant direct de l'Homo rhodesiensis qui émigra directement d'Afrique vers l'Europe il y a environ 60000 ans. Nous avons des preuves attestant cet héritage génétique.

Nous avons expliqué précédemment (cf. page 8) que l'apparition des gènes de la peau claire remontent à plus de 900000 ans. Bien que ces gènes étaient donc présents chez nos ancêtres africains, ils se sont exprimés de manière très variées selon les endroits et les métissages de populations.

Ainsi en 1903, les fossiles d'un humain furent découverts dans les gorges de Cheddar (Gough's Cave), dans le Somerset en Angleterre. Surnommé "Cheddar Man", le squelette est âgé d'environ 9150 ans. C'est le plus ancien squelette humain découvert en Grande-Bretagne. L'homme est décédé dans la vingtaine. Son crâne dont voici un gros-plan porte une large lésion au-dessus de l'orbite droit suggérant qu'il est mort d'une infection osseuse. L'homme mesurait environ 1.50 m et était bien nourri.

L'analyse de son génome fut réalisée par l'équipe de Chris Stringer du Musée d'Histoire Naturelle de Londres (NHM) qui étudie l'homme de Cheddar depuis les années 1970, par Mark Thomas de l'University College de Londres (UCL) et Brian Sykes professeur émérite de l'Université d'Oxford qui avait étudié le fameux Ötzi découvert dans un glacier en Autriche et identifié sept lignées génétiques dans la population européenne continentale. Leurs résultats furent publiés en 2018 dans un article intitulé "Population Replacement in Early Neolithic Britain" disponible sur le serveur "BioRxiv".

Selon les chercheurs, l'homme de Cheddar "avait une peau sombre ou noire, les yeux bleu-vert et probablement les cheveux noirs" (page 4). Il va sans dire que c'est une combinaison génétique qu'on ne retrouve plus nulle part en Europe. Notons qu'un article sur l'histoire génomique des Européens méridionaux fut également publié en 2017 sur "bioRxiv".

Toutefois, depuis que l'analyse a été faite (en 2017), la science a progressé et beaucoup plus de gènes affectant la couleur de la peau ont été découverts, ce que ne mentionnent pas la plupart des médias ni le documentaire diffusé sur la chaîne anglaise Channel 4. Conclusion, avec le temps les généticiens sont moins affirmatifs sur le fait que l'homme de Cheddar avait la peau sombre. Quant à la couleur de ses yeux, il avait une probabilité de 76% d'avoir les yeux bleus, une mutation qui rappelons-le est apparue chez l'Homo sapiens il y a seulement 18000 ans. L'homme de Cheddar pouvait donc très bien avoir la peau claire et les yeux foncés comme sur cette illustration de l'auteur.

A gauche, les gorges de Cheddar dans le Somerset. A droite, une réplique du squelette de l'homme de Cheddar posée à l'endroit où il fut découvert. Ci-dessous, la reconstruction de l'homme de Cheddar. L'analyse de son génome montre qu'il avait probablement la peau sombre (mais plusieurs gènes affectant la pigmentation cutanée, on ne peut pas le certifier) et une probabilité de 76% d'avoir les yeux bleus. Mais il pouvait très bien avoir la peau claire et les yeux foncés comme sur cette illustration de l'auteur. Documents Visit Bristol, NHM et Kennis & Kennis.

En admettant que l'homme de Cheddar avait la peau sombre, comment expliquer qu'une telle pigmentation ait subsisté en Angleterre jusqu'à cette époque et a-t-on découvert d'autres cas similaires ailleurs en Europe ?

Il existe effectivement quelques groupes humains qui vécurent en Europe présentant une peau sombre. Le génome de l'homme de Cheddar révèle qu'il est proche des autres populations du Mésolithique appelées les Chasseurs-Cueilleurs Occidentaux qui furent découvertes en Espagne, au Luxembourg et en Hongrie qui présentaient une peau sombre il y a environ 8500 ans comme le confirma une étude génomique publiée en 2015 dans la revue "Science". Dans leur ADN il manque deux versions de deux gènes - SLC24A5 et SLC45A2 (ou MATP) - qui conduisent à une dépigmentation et donc à une peau claire, comme celle des Européens actuels.

Dans sa "Biographie d'Agricola", l'auteur romain Tacite évoque également la peau "basanée et les cheveux crépus" (XI.1) des Silures, un peuple Celte qui habitait dans le Pays de Galles.

Mais dans le nord de l'Europe, là où la quantité de lumière est faible et favorise une peau claire, les chercheurs ont découvert un profil différent chez les chasseurs-cueilleurs. Sept individus découverts sur le site archéologique de Motala, dans le sud de la Suède, et datés de 7700 ans présentent des variantes des deux gènes de la peau claire ainsi qu'un troisième gène, HERC2/OCA2, qui exprime les yeux bleus et peut contribuer à la peau claire et aux cheveux blonds. On en déduit que les anciens chasseurs-cueilleurs qui ont migré vers le Grand Nord notamment par la bande de terre reliant le Danemark (par l'actuelle île de Seeland où se trouve Copenhague) à la Suède avaient déjà la peau claire et les yeux bleus à cette époque, alors que ceux d'Europe centrale et méridionale avaient la peau sombre. On reviendra sur les gènes à l'origine de la couleur des yeux.

Venus à pied du continent par l'actuelle Allemagne et l'est du Danemark à la fin de la dernière glaciation il y a 11000 ans, les ancêtres des populations scandinaves avaient probablement la peau sombre et les yeux bleus. Mais il y a 7700 ans, leurs descendants avaient déjà la peau claire. Quant à imaginer que les Vikings avaient la peau sombre, c'est méconnaître leur histoire car ce peuple est apparu au Danemark vers le VIe.s. à une époque où les gènes de la peau claire prédominaient dans les populations locales. De plus ils ne portaient pas de casque à cornes qui est une invention née de l'opéra de Richard Wagner "Der Ring des Nibelungen" composée vers la fin du XIXe.s... Documents SVT dont voici une critique en anglais.

Grâce à ces découvertes, on peut retracer le flux migratoire des premières populations européennes. Comme l'illustre la carte ci-dessous, des Homo sapiens à la peau sombre ont quitté le nord-est de l'Afrique il y a 40000 ans et ont rejoint l'Europe via la Turquie et l'Europe centrale. Aujourd'hui 10% des Britanniques blancs descendent d'un groupe de migrants ayant transité par la Turquie méridionale. Il y a 15000 ans, des chasseurs-cueilleurs à la peau sombre vivant en Espagne, dans la région du Luxembourg et en Hongrie ont migré par petits groupes vers les îles britanniques à travers la bande de terre qui recouvrait alors la Manche mise à sec par la derrière glaciation.

Entre 15000 et 10000 ans d'ici, de petits groupes de colons se sont installés au centre de l'Angleterre mais moururent avant d'établir des populations permanentes. Enfin, il y a moins de 10000 ans, l'homme de Cheddar est décédé dans le Somerset mais la population qu'il représentait continua à peupler l'île, devenant les Britons (ou Britons celtiques). Cette population se développa durant l'Âge de la pierre en conservant probablement (la probabilité est faible mais pas nulle) sa peau sombre et ses yeux clairs jusqu'à l'Âge du fer (à partir de 800 avant notre ère pour cette région du monde) puis fut romanisée et disparu avec l'émergence du christianisme vers la fin du premier siècle de notre ère.

Flux migratoires des H.sapiens d'Afrique vers l'Europe centrale et l'Angleterre. Document MailOnline/Jonny Reading adapté par l'auteur.

Les analyses génomiques réalisées en 2015 suggèrent également que l'homme de Cheddar était intolérant au lait à l'âge adulte. Cette tolérance ne s'est répandue que plus tard, durant l'Âge du bronze (3000-1000 avant notre ère) bien qu'aujourd'hui certains individus sont toujours intolérants au lait dont une proportion significative de femmes.

Aujourd'hui, on estime qu'environ 10% des Européens descendent de chasseurs du mésolithique semblables à l'homme de Cheddar.

Si aujourd'hui les Anglais de souche ont tous la peau claire c'est parce qu'il y a environ 6000 ans des groupes de migrants à la peau claire et aux yeux bruns originaires de la péninsule ibérique sont parvenus en Angleterre et ont absorbé les populations dont celles à laquelle appartenait l'homme de Cheddar.

On ignore précisément pourquoi la peau claire se développa parmi ces populations mais on constate l'émergence de deux phénomènes : l'un lié à la génétique, l'autre à une adaptation au climat. Lorsque les premiers agriculteurs du Proche-Orient sont arrivés en Europe, ils portaient les deux gènes précités de la peau claire. En se métissant avec les chasseurs-cueilleurs indigènes, l'un de leurs gènes de la peau claire, SLC24A5, s'est propagé à travers les populations européennes, de sorte que les populations d'Europe centrale et du sud ont progressivement présenté une peau plus claire. L'autre variante du gène, SLC45A2, ne s'exprima presque plus jusqu'il y a environ 5800 ans où elle s'exprima de nouveau avec une fréquence très élevée.

Ensuite, le régime à base de céréales étant déficient en vitamine D, cela aurait contraint les premiers agriculteurs à synthétiser cet élément essentiel à travers la peau grâce à l'action du rayonnement UVB solaire sur un dérivé du cholestérol (cholécalciférol qui synthétise la vitamine D3) comme toutes les peaux claires le font en s'exposant au Soleil, ce qui permet au corps (aux intestins) d'absorber le calcium et le phosphore. Selon Mark Thomas, au cours des 10000 dernières années, il est possible que d'autres facteurs aient provoqué une diminution de la pigmentation de la peau, mais c'est la principale explication faisant consensus.

Enfin, le généticien Brian Sykes de l'Université d'Oxford analysa l'ADN mitochondrien - l'ADNmt, celui qui est uniquement transmis par la mère - de l'homme de Cheddar dans les années 1990 et le compara à celui de 20 personnes résidents alors dans le village de Cheddar. Il trouva deux correspondances génétiques, dont celle du professeur d'histoire retraité Adrian Targett (qui a la peau claire et les yeux bleus, cf. ce portrait) qui devient ainsi le plus proche parent descendant directement de l'homme de Cheddar. Ce résultat est compatible avec la proportion de 10% des Européens partageant le même type d'ADN mitochondrien, celui appartenant à l'haplogroupe ADNmt U5. On reviendra plus bas sur la distribution des haplogroupes[7].

Évolution des populations eurasienne et européenne

Etant donné que nous avons hérité entre 1 et 4% d'ADN de Néandertal (et peut-être quelques pourcents d'Homo denisova pour ceux qui ont des origines asiatiques notamment), nous avons des preuves tangibles que dès l'époque de Néandertal et plus encore de Cro-Magnon tant les hommes des savanes africaines que ceux d'Asie et de Chine profitèrent de leur compatibilité génétique pour étendre leurs tribus, ce qui n'a fait qu'accélérer l'extension des populations et faciliter leur développement.

Pour comprendre de quelle manière les ancêtres des hommes modernes ont conquis le monde, nous avons la chance de disposer de l'ADN mitochondrial transmis par les femmes extrait de fossiles humains découverts en Afrique datant de plus de 150000 ans (ADNmt L, L0, L1, L2, etc) et d'ADN mitochondrial des premiers Eurasiens (ADNmt M, N, R, etc) remontant à environ 80000 ans. En comparant ces signatures génétiques aux haplogroupes actuels, les paléogénéticiens peuvent retracer les routes approximatives de migrations de nos ancêtres depuis l'époque où ils quittèrent l'Afrique et la scission de la première lignée maternelle, ce qu'on appelle le Plus Récent Ancêtre Matrilinéaire Commun ou Ève Mitonchondriale, ADNmt-Eve en abrégé ou mt-MRCA (matrilineal-Most Recent Common Ancestor). Le même principe s'applique au chromosome Y transmit par les hommes (Y-MRCA ou Adam Y chromosomique). En analysant leur distribution, on peut tracer des cartes de migrations phylogéographiques similaires à celles présentées ci-dessous. Notons qu'une étude de datation phylogénique de mt-MRCA et Y-MRCA fut publiée dans la revue "Science" en 2014.

Que sait-on précisément de la colonisation de l'Eurasie et de l'Europe par les premiers hommes anatomiquement modernes d'un point de vue phylogéographique ? Selon une étude publiée dans la revue "BMC Genetics" en 2004 par l'équipe de Mait Metspalu de l'Université de Tartu en Estonie, la plupart des populations vivant aujourd'hui en Inde, en Asie du Sud-Ouest et certains groupes d'Australie ont vraisemblablement des ancêtres qui ont initialement colonisé l'Eurasie en venant directement d'Afrique il y a 60000 à 80000 ans comme l'indiquent les carte présentées ci-dessous.

A voir : University of Oxford researchers create largest ever human family tree, U.Oxford, 2022

Cartes des premières migrations des hommes modernes il y a 60000 à 80000 ans basées sur l'analyse génétique de l'ADN mitochondrial des populations actuelles avec indication des différents haplogroupes. Les flèches indiquent les routes probables de migrations. A gauche, les sphères représentent des zones d'expansion où, après le peuplement initial (côtier) du continent, des lignées locales de l'ADNmt sont apparues il y a environ 40000 à 60000 ans, d'où elles ont migré vers l'intérieur du continent. A droite, les haplogroupes originaires d'Afrique sont : L0, L1, L2, L3, L4, L5, L6. Ceux originaires d'Eurasie occidentales sont : R0, H, V, J, T, U, I, W, X. Ceux originaire d'Asie de l'Est sont : A, B, C, D, E, F, G, Y, Z. Ceux originaires d'Australie sont : S, P, Q, O. Ceux originaires d'Amérique sont A, B, C, D, et X. Notons que l'haplogroupe M existait en Europe, en Inde et en Asie mais disparut d'Europe après la dernière période glaciaire il y a ~19500 ans. Aujourd'hui, on le trouve encore (avec le N) chez les Asiatiques, les Australiens et les Amérindiens de souche. Voici une carte similaire basée sur le chromosome Y (constitué de 104 gènes chez l'homme moderne il comprend plus de 30600 variations des nucléotides). Documents Mait Metspalu et al. (2004) et Mauricio Lucioni Maristany adapté par l'auteur.

L'analyse des haplogroupes d'ADNmt indiens et iraniens montrent que les deux populations n'en formaient qu'une au début du Paléolithique supérieur, il y a environ 45000 ans mais qu'il existait déjà des sous-lignées indiennes spécifiques dérivant des lignées M, N et R. Bien que ces sous-lignées sont rares en dehors du sous-continent indien, on trouve malgré leurs descendants jusqu'en Asie et même en Australie.

Selon la phylogéographie déduite de l'haplogroupe ADNmt M, la "Route côtière du Sud" représentée en gras sur la carte ci-dessus à gauche fut empruntée il y a environ 60000 à 80000 ans Son absence virtuelle au Proche-Orient et en Asie du Sud-Ouest implique qu'il n'a probablement pas colonisé initialement l'Eurasie. Par conséquent, les chercheurs estiment que la répartition initiale entre les ADNmt de l'ouest et de l'est de l'Eurasie eut lieu entre la vallée de l'Indus et l'Asie du Sud-Ouest comme le montre la carte ci-dessus à gauche. Selon les auteurs, "il n'y a aucun besoin évident d'introduire la «route du nord» - du Sinaï au Proche-Orient - pour expliquer la colonisation initiale de l'Eurasie, la propagation de certains ADNmt et haplogroupes Y chromosomiques implique que cette route pourrait avoir été utilisée dans une période ultérieure".

Disparition de l'haplogroupe M d'Europe il y a ~19500 ans

Dans une nouvelle étude publiée en 2018 dans la revue "Current Biology" par l'équipe de Cosimo Posth de l'Institut Max Planck, les chercheurs confirment que la population européenne a drastiquement évolué à la fin de la dernière période glaciaire. L'analyse génétique de 35 fossiles provenant de six pays européens démontre également que l’homme moderne est arrivé directement d’Afrique en Europe, sans détour par l’Asie comme on le pensait jusqu’à présent.

Localisation des haplogroupes de l'ADNmt dans les sites paléontologiques européens datant entre 45000 et 7000 ans. (A) Dispersion avant la fin du Maximum Glaciaire (LGM) des populations non-africaines des haplogroupes M et N. (B) Récolonisation du territoire après le recul des glaces. Entre-temps, la lignée M a disparu. (C) Décalage glaciaire tardif dans la fréquence de l'ADNmt. (D) Les chasseurs-cueilleurs de l'Holocène appartiennent principalement à un nouveau haplogroupe, U5. Document Cosimo Posth et al. (2018).

Les chercheurs ont analysé l’ADNmt de 35 chasseurs-cueilleurs datant entre 35000 et 7000 ans excavés en Allemagne, en Belgique, en France, en Italie, en Roumanie et en République Tchèque comme indiqué sur les cartes présentées à droite afin de mieux comprendre comment la population européenne évolua durant la dernière glaciation. Les scientifiques ont également pris en compte dans leurs analyses 20 autres génomes mitochondriaux déjà connus.

Soulignons que le site paléontologique de Goyet près de Namur (B) dont l'IRSNB détient les ossements est le seul site en Europe à avoir livré des fossiles humains appartenant aux différentes populations du peuplement européen.

Certains résultats se sont révélés surprenants : deux individus de Goyet respectivement datés de 35000 et 34000 ans et un individu de la grotte française de La Rochette daté de 28000 ans appartiennent à l'haplogroupe ADNmt M. Or, cette lignée majeure est aujourd’hui totalement absente dans la population européenne, mais est encore fréquente chez les Asiatiques, les Australiens et les Amérindiens de souche. La question est de savoir pour quelle raison cette lignée a disparu d'Europe et à quelle époque ?

Selon la paléoanthropologue Mietje Germonpré de l’IRSNB et coauteure de l'article, cette première trace de l’haplogroupe M dans nos régions prouve que l’homme moderne, en quittant l’Afrique, ne s'est pas uniquement dirigé vers l’Asie mais aussi vers l’Europe.

À partir des analyses du taux de mutation de l’ADNmt des haplogroupes M et N, les scientifiques ont également déduit que la migration de l’Afrique vers l’Eurasie eut lieu il y a 50000 à 60000 ans. Cette période est à la limite inférieure voire plus récente de 10000 ans que la datation de la "Route côtière du Sud" calculée par l'équipe de Mait Metspalu en 2004. Mais l'imprécision sur cette époque étant également du même ordre, on peut admettre que les premiers colons d'Afrique ont foulé le sol Eurasien il y a environ 60000 ans à l'imprécision près, ce qui est compatible avec l'apparition de l'Homo desinova dans l'Altaï il y a 48000 ans (voir page suivante).

Cette analyse montre aussi qu'au cours du dernier Maximum Glaciaire qui s'étendit entre 25000-19500 ans, les chasseurs-cueilleurs ont migré vers le sud de l’Europe - aucun fossile humain n'a été découvert dans le nord -. La taille de leur population s'est alors fortement réduite; c’est probablement à cette époque que l’haplogroupe M disparut d'Europe. Par la suite, quand le climat s’est réchauffé et la glace s'est retirée, la population qui ne comptait plus d'haplogroupe M s'est redéployée à travers l’Europe.

Enfin, dernière surprise, il semble que les chasseurs-cueilleurs européens aient été largement remplacés par une population d’un haplogroupe maternel différent - ADNmt U5 précité - il y a 14500 ans, au début du Tardiglaciaire, une période de réchauffement climatique suivie par un brusque refroidissement. Toutefois l’ADN nucléaire de ces fossiles préhistoriques n'a pas encore été analysé mais il devrait nous en dire plus sur son peuplement.

Dans un autre article nous expliquerons le sens qu'il faut donner à la division originelle des populations d'Homo sapiens et sur la définition de l'espèce humaine qui mérite peut-être d'être révisée.

A lire : Origine et évolution de l'Homo sapiens

Les concepts d'espèce, sous-espèce, race et polytype

Évolution des espèces humaines

Alors que les chercheurs ont longtemps cru que deux espèces humaines seulement avaient foulé notre planète à partir de la fin de l'âge glaciaire - l'homme de Néandertal et l'Homo sapiens - nous avons vu qu'une troisième espèce, l'Homo floresiensis, était parvenue jusqu'à l'île de Florès à la même époque.

Mais comme on dit, "une découverte n'arrive jamais seule". Cinq ans après la découverte de "Flo", des chercheurs découvrirent l'Homo luzonensis en Asie du Sud-Est, découverte qui ne fut annoncée qu'en 2019. Et cérise sur le gâteau, en 2008 des chercheurs russes annoncèrent la découverte d'une 4e espèce humaine ayant foulé la terre à la même époque que les premiers Homo sapiens : l'Homo denisova. La découverte a surpris les archéologues et fut d'autant plus révélatrice qu'elle bénéficia des dernières avancées dans l'analyse de l'ADN. C'est l'objet du prochain chapitre.

Prochain chapitre

L'Homo denisova

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[6] Consulter l’ouvrage richement illustré, “La grotte de la Combe d’Arc. La vie de nos ancêtres il y a 20000 ans”, Edition spéciale Science & Vie / Paris Match, 1995 - P.Picq et O.-M. Nadel, “Au commencement était l'homme : De Toumaï à Cro-Magnon”, Odile Jacob, 2003 - Lire aussi le roman très bien documenté de G. et S. Aubriot, “L'homme de la Combe d'Arc, ou, Le peintre de la Grotte Chauvet”, La Mirandole, 2000.

[7] L'haplogroupe caractérise une population homogène ayant les mêmes allènes sur la même série de loci des chromosomes.


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